Nous qui aimons venir en pèlerinage, notamment au Sanctuaire de la rue du Bac près de la Vierge Marie, nous pouvons relire ce vieux texte qui ne peut que nous inspirer. Il s’agissait bien sûr de pèlerinages à pied : « N’oubliez pas que nous sommes partis le bâton à la main, le sac sur le dos, et que nous tenons, avant tout, à profiter de la joyeuse indépendance du piéton. »
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Nous voudrions demander aux autels, aux ruines, aux pieuses traditions, aux glorieux souvenirs de l’histoire, ces pensées consolantes. graves, salutaires, non moins profitables à la foi religieuse qu’aux sentiments de patriotisme du pèlerin. Et, quant à la poésie, nous la trouverons où elle est, dans les sentiments, les mœurs, les dévotions populaires surtout, parmi lesquelles le premier rang appartient aux pèlerinages.
Partir après avoir imploré le Dieu de Jacob, de Tobie et des Apôtres, afin qu’il nous garde de tout péril dans notre route; avoir pour guide l’espérance chrétienne, pour but un autel où des millions d’hommes ont trouvé avant nous les consolations, les secours qu’ils y étaient venus chercher ; quelle heureuse fortune pour le voyageur ! et combien, dans de telles conditions de sécurité, de pureté, de douce confiance, les lieux où l’on passe s’embellissent, les voyages deviennent féconds en impressions délicieuses et en utiles enseignements !
– On assure, dans nos campagnes, qu’il suffit d’une goutte d’eau lustrale pour rendre à leur première forme les trésors que les nains de la terre, les Poulpiquets, déguisent sous l’apparence de cailloux ou de feuilles sèches. Les nains sont les matérialistes; l’eau sainte, c’est l’idée de Dieu qui rompt l’enchantement funeste, et rend à la nature et aux arts tout leur éclat.
On trouve dans quelques vieux livres d’église une prière portant le nom d’Itinéraire, et que les pèlerins d’autrefois récitaient dans la chapelle de leur village avant le départ. On y rappelait Abraham préservé de tout danger dans ses longues pérégrinations, Moïse et son peuple traversant à pied sec la mer Rouge, l’ange Raphaël conduisant le fils de l’aveugle de Ninive, les trois Mages suivant la clarté de l’étoile jusqu’à l’étable de Bethléem; et, après ces exemples si rassurants pour la foi du pèlerin, le Seigneur était supplié de conduire lui-même les pas de ses serviteurs, de leur donner un temps favorable, de les assister dans tous leurs besoins.
l‘Itinéraire disait aussi :
« Servez-nous, Seigneur,
servez-nous de protecteur au départ,
de consolateur dans le chemin,
d’ombre pendant la chaleur,
de couvert pendant la pluie et le froid,
de chariot dans la lassitude,
d’asile dans l’adversité,
de bâton dans les passages glissants,
de port dans le naufrage,
afin qu’étant conduits par vous
nous arrivions heureusement où nous allons,
et qu’enfin nous retournions
en bonne santé dans nos familles. »
Cette prière, oubliée maintenant des voyageurs, et si éloquente dans sa simplicité, a été la mienne, à mon réveil, au moment où j’allais quitter pour quelques semaines ma femme, ma mère, ma sœur, triple bénédiction de mon foyer, protection et félicité de ma vie. J’ai supplié aussi cette douce Providence, qui n’abandonne pas celui qui reste en accompagnant celui qui part, de vous garder, de vous préserver de tout mal, de remplacer au milieu de vous ma tendresse absente. Comprenez-vous ce que serait l’absence sans la prière ? ce que seraient les sollicitudes toujours craintives de notre âme sans une confiance absolue dans l’amour puissant et la vigilance infaillible de Dieu ?
Hippolyte VIOLEAU – Pèlerinages de Bretagne (1855)