Chemin de Croix au Colisée
Le Pape François a présidé ce vendredi 25 mars 2016, pour la 4e fois de son pontificat, le Chemin de Croix au Colisée. Cette tradition de la méditation des 14 stations de la Via Crucis au Colisée, dans un lieu symbolique du martyre des chrétiens au temps des persécutions de l’Empire romain, a été instaurée par le bienheureux Paul VI en 1970. Le Saint-Père a prononcé une prière d’une grande force à la fin, mettant en évidence la présence de la Croix dans les souffrances du monde d’aujourd’hui.
Il a notamment évoqué la situation des minorités persécutées en Orient («nos sœurs et nos frères tués, brûlés vifs, égorgés et décapités avec des épées barbares et dans le silence lâche»), des victimes des guerres («les visages des enfants, des femmes et des personnes, épuisés et apeurés qui fuient les guerres et les violences et ne trouvent souvent que la mort et tant de Pilate aux mains lavées»), ou encore la question douloureuse des abus sexuels dans le clergé («les ministres infidèles qui au lieu de se dépouiller de leurs vaines ambitions dépouillent même les innocents de leur dignité»).
Dans cette prière aux accents dramatiques et d’une actualité brûlante, le Saint-Père a aussi évoqué a aussi évoqué le drame des migrants morts en mer : «nous te voyons encore aujourd’hui dans notre Méditerranée et dans la Mer Égée devenues un cimetière insatiable, image de notre conscience insensible et droguée», ou encore le terrorisme islamiste : «les fondamentalismes et dans le terrorisme des adeptes de certaines religions qui profanent le nom de Dieu et l’utilisent pour justifier leurs violences inouïes».
Dans un autre registre, il a aussi évoqué les dérives laïcistes de l’Europe, évoquant, tout en s’adressant à la Croix, «ceux qui veulent t’enlever des lieux publics et t’exclure de la vie publique, au nom de quelque paganisme laïc ou même au nom de l’égalité que tu nous as toi-même enseignée».
Mais il a aussi demandé à la Croix du Christ de montrer aux hommes d’aujourd’hui que «l’apparente victoire du mal se dissipe devant le tombeau vide et face à la certitude de la Résurrection et de l’amour de Dieu que rien ne peut vaincre ou obscurcir ou affaiblir».
La prière du Pape : «Ô Croix du Christ»
«Ô Croix du Christ, symbole de l’amour divin et de l’injustice humaine, icône du sacrifice suprême par amour et de l’égoïsme extrême par stupidité, instrument de mort et chemin de résurrection, signe de l’obéissance et emblème de la trahison, échafaud de la persécution et étendard de la victoire.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dressée en nos sœurs et nos frères tués, brûlés vifs, égorgés et décapités avec des épées barbares et dans le silence lâche.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les visages des enfants, des femmes et des personnes, épuisés et apeurés qui fuient les guerres et les violences et ne trouvent souvent que la mort et tant de Pilate aux mains lavées.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les docteurs de la lettre et non de l’esprit, de la mort et non de la vie, qui au lieu d’enseigner la miséricorde et la vie, menacent de punition et de mort et condamnent le juste.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les ministres infidèles qui au lieu de se dépouiller de leurs vaines ambitions dépouillent même les innocents de leur dignité.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les cœurs endurcis de ceux qui jugent facilement les autres, cœurs prêts à les condamner même à la lapidation, sans jamais s’apercevoir de leurs propres péchés et de leurs fautes.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les fondamentalismes et dans le terrorisme des adeptes de certaines religions qui profanent le nom de Dieu et l’utilisent pour justifier leurs violences inouïes.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui en ceux qui veulent t’enlever des lieux publics et t’exclure de la vie publique, au nom de quelque paganisme laïc ou même au nom de l’égalité que tu nous as toi-même enseignée.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les puissants et dans les vendeurs d’armes qui alimentent le four des guerres avec le sang innocent des frères.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les traitres qui, pour trente deniers, livrent n’importe qui à la mort.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les voleurs et les corrompus qui au lieu de sauvegarder le bien commun et l’éthique se vendent dans le misérable marché de l’immoralité.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les sots qui construisent des entrepôts pour conserver des trésors qui périssent, laissant Lazare mourir de faim à leurs portes.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les destructeurs de notre “maison commune” qui par leur égoïsme ruinent l’avenir des générations futures.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les personnes âgées abandonnées de leurs proches, dans les personnes avec un handicap et dans les enfants sous-alimentés et écartés par notre société hypocrite et égoïste.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans notre Méditerranée et dans la Mer Égée devenues un cimetière insatiable, image de notre conscience insensible et droguée.
Ô Croix du Christ, image de l’amour sans fin et chemin de la Résurrection, nous te voyons encore aujourd’hui dans les personnes bonnes et justes qui font le bien sans chercher les applaudissements ou l’admiration des autres.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les ministres fidèles et humbles qui éclairent l’obscurité de notre vie comme des bougies qui se consument gratuitement pour éclairer la vie de ceux qui sont les derniers.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les visages des sœurs et des personnes consacrées – les bons samaritains – qui abandonnent tout pour panser dans le silence évangélique, les blessures de la pauvreté et de l’injustice.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les miséricordieux qui trouvent dans la miséricorde l’expression la plus haute de la justice et de la foi.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les personnes simples qui vivent joyeusement leur foi dans le quotidien et dans l’observance filiale des commandements.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les repentis qui savent, de la profondeur de la misère de leurs péchés, crier : Seigneur, souviens-toi de moi dans ton Royaume !
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les bienheureux et dans les saints qui savent traverser l’obscurité de la nuit de la foi sans perdre la confiance en toi et sans prétendre comprendre ton silence mystérieux.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les familles qui vivent leur vocation au mariage avec fidélité et fécondité.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les bénévoles qui secourent généreusement les personnes dans le besoin et celles qui sont battues.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les persécutés pour leur foi qui dans la souffrance continuent à rendre un témoignage authentique à Jésus et à l’Évangile.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les rêveurs qui vivent avec un cœur d’enfant et qui travaillent chaque jour pour rendre le monde un peu meilleur, plus humain et plus juste.
Dans ta sainte Croix, nous voyons Dieu qui aime jusqu’au bout, et nous voyons la haine qui fait la loi et assèche les cœurs et les esprits de ceux qui préfèrent les ténèbres à la lumière.
Ô Croix du Christ, Arche de Noé qui a sauvé l’humanité du déluge du péché, sauve-nous du mal et du malin ! Ô Trône de David et sceau de l’alliance divine et éternelle, réveille-nous des séductions de la vanité ! Ô cri d’amour, suscite en nous le désir de Dieu, du bien et de la lumière.
Ô Croix du Christ, enseigne-nous que l’aube du soleil est plus forte que l’obscurité de la nuit. Ô Croix du Christ, enseigne-nous que l’apparente victoire du mal se dissipe devant le tombeau vide et face à la certitude de la Résurrection et de l’amour de Dieu que rien ne peut vaincre ou obscurcir ou affaiblir. Amen !»
14 stations qui font écho aux souffrances contemporaines
Auparavant, les réfugiés, les chrétiens persécutés, la famille et spécialement les personnes âgées, les femmes et les enfants victimes d’abus, ont été également au cœur des méditations des 14 stations du Chemin de Croix, préparées par le cardinal Gualtiero Bassetti, archevêque de Pérouse.
Face à la «peur de celui qui est différent, de l’étranger, du migrant», il a appelé à «essuyer les larmes et le sang des vaincus, de ceux que la société riche et insouciante écarte sans scrupule». Il a prié aussi «pour les chrétiens tués en haine de la foi» et pour «les victimes de toute persécution». Il est aussi revenu sur les blessures de la famille, évoquant les «mariages ratés», des «familles brisées», la détresse des hommes et des femmes «qui pensent n’avoir plus de dignité parce qu’ils n’ont pas de travail».
Dénonçant aussi la banalisation du mal, il a mis l’accent sur l’esclavage des enfants et l’une des plaies «les plus douloureuses» de l’humanité, à savoir la pédophilie : «les plaies des enfants profanés dans leur intimité». Il a aussi appelé à protéger les femmes qui sont «objet d’exploitation et de violence» et à respecter «la faiblesse et la sacralité du corps qui vieillit et meurt».