TESTAMENT DU PAPE PAUL VI
14 juillet 1973
Que l’Église veuille bien écouter quelques-unes de nos paroles que pour Elle nous prononçons avec gravité et avec amour.
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen.
1. Je fixe mon regard avec une humble et sereine confiance vers le mystère de la mort et de ce qui l’accompagne dans la lumière du Christ qui seul l’illumine. Je ressens la vérité de ce mystère, qui pour moi s’est toujours réfléchi sur ma vie présente, et je bénis le vainqueur de la mort qui en a chassé les ténèbres et révélé la lumière.
Donc en face de la mort et du total et définitif détachement de la vie présente, j’éprouve le devoir de célébrer le don, le bonheur, la beauté, la destinée de cette fugace existence elle-même : Seigneur, je Te remercie de m’avoir appelé à la vie, et encore plus de ce que, en me faisant chrétien, Tu m’as régénéré et destiné à la plénitude de la vie.
Je ressens également le devoir de remercier et de bénir ceux qui de Toi ô Seigneur m’ont transmis les dons de la vie : qui m’ont introduit dans la vie (oh! que soient bénis mes très dignes Parents !), ceux qui m’ont donné l’éducation, qui m’ont aimé, aidé, obligé, entouré de bons exemples, de soins, d’affection, de confiance, de bonté, de courtoisie, d’amitié, de fidélité, de respect.
Je considère avec reconnaissance les rapports naturels et spirituels qui ont donné naissance, soins, réconfort, sens à mon humble existence : que de dons, que de choses belles et élevées, combien d’espérances j’ai reçu en ce monde !
Maintenant que la journée est à son déclin, et que tout finit et se dissipe de cette merveilleuse et dramatique scène temporelle et terrestre, après le don de la vie naturelle, comment Te remercier encore ô Seigneur, de la faveur supérieure de la foi et de la grâce, en laquelle à la fin se réfugie uniquement ce qui de mon être survit ?
Comment célébrer dignement ta bonté ô Seigneur, d’avoir dès mon entrée en ce monde été introduit dans la vie ineffable de l’Église ? d’avoir été appelé et invité au sacerdoce du Christ ? d’avoir eu la joie et la mission de servir les âmes, les frères, les jeunes, les pauvres, le peuple de Dieu, et d’avoir eu l’honneur immérité d’être ministre de la Sainte Église, à Rome spécialement, près du Pape, puis à Milan comme archevêque, sur la chaire, trop haute pour moi et très vénérable des Saints Ambroise et Charles, et enfin sur celle de Saint Pierre, suprême, formidable et très sainte ? In aeternum Domini misericordias cantabo.
Que soient salués et bénis tous ceux que j’ai rencontrés au long de mon pèlerinage terrestre ; ceux qui furent mes collaborateurs, conseillers et amis, et ils furent nombreux, et si bons et généreux et chers ! bénis ceux qui accueillirent mon ministère et furent pour moi des fils et frères dans le Seigneur !
À vous, Lodovico et Francesco, frères de sang et d’esprit, et à vous tous très chers de ma maison, qui ne m’avez rien demandé, qui n’avez eu de moi aucune faveur terrestre, et qui m’avez toujours donné l’exemple des vertus humaines et chrétiennes, qui m’avez compris avec tant de discrétion et de cordialité et qui surtout m’avez aidé à chercher dans la vie présente, le chemin vers la vie future, à vous ma paix et ma bénédiction.
Ma pensée se tourne vers le passé et s’élargit aux alentours ; je sais très bien que cet adieu ne serait pas heureux si je ne me souvenais du pardon à demander à tous ceux que j’aurais offensé, que je n’aurais pas servis, pas assez aimés ; et du pardon également que certains pourraient désirer de moi. Que la paix du Seigneur soit avec nous.
Et je sens que l’Église m’entoure : ô sainte Église, une, catholique et apostolique, avec mon salut qui te bénit, reçois mon suprême acte d’amour.
À toi, Rome, diocèse de Saint Pierre et du Vicaire du Christ, très chère à ce dernier serviteur des serviteurs de Dieu, ma bénédiction la plus paternelle et plus pleine, afin que Toi, Ville Éternelle, tu te souviennes toujours de ta vocation mystérieuse et qu’avec humaine vertu et foi chrétienne tu saches répondre, tant que durera l’histoire du monde, à ta spirituelle et universelle mission.
Et à Vous tous, Frères vénérés dans l’Épiscopat, mon salut cordial et respectueux. Je suis avec vous dans l’unique foi, dans la même charité, dans le commun engagement apostolique, dans le solidaire service de l’Évangile pour l’édification de l’Église du Christ et pour le salut de l’humanité entière. À tous les prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux élèves de nos Séminaires, aux catholiques fidèles et militants, aux jeunes, aux malades, aux pauvres, à ceux qui cherchent la vérité et la justice, à tous la bénédiction du Pape qui meurt.
Et ainsi, avec une spéciale considération et reconnaissance à Messieurs les Cardinaux et à toute la Curie romaine : devant vous qui m’avez entouré de plus près, je professe solennellement notre Foi, je proclame notre Espérance, je célèbre la Charité qui ne meurt pas, j’accepte humblement de la divine volonté, la mort qui m’est destinée, j’invoque la grande miséricorde du Seigneur, j’implore la clémente intercession de la très Sainte Vierge Marie, des Anges et des Saints, et je recommande mon âme aux prières des bons.
2. Je nomme le Saint-Siège mon héritier universel ; la gratitude et l’amour m’obligent à ce devoir. Sauf les dispositions ci-dessous indiquées.
3. (Je désire) que mon Secrétaire privé soit l’exécuteur testamentaire. Il voudra bien se concerter avec la Secrétairerie d’État et se conformer aux normes juridiques en vigueur et aux bons usages ecclésiastiques.
4. En ce qui concerne les biens de ce monde : je me propose de mourir pauvre et de simplifier ainsi toute question à cet égard.
Quant aux biens mobiliers et immobiliers de ma propriété personnelle qui me seraient restés de provenance familiale, que mes frères Lodovico et Francesco en disposent librement : je les prie de faire célébrer quelques messes de Requiem pour mon âme et pour celles de nos Défunts. Qu’ils veuillent distribuer quelqu’aumône à des personnes dans le besoin et à de bonnes œuvres. Qu’ils conservent pour eux, et donnent à qui le mérite et désire quelque souvenir, des choses ou des objets religieux ou des livres m’appartenant, qu’ils détruisent mes notes, cahiers, correspondance et écrits personnels.
Pour les choses que l’on peut dire m’appartenant : qu’en dispose, comme exécuteur testamentaire, mon Secrétaire privé, gardant quelque souvenir pour lui-même et donnant aux personnes les plus amies quelque petit objet en souvenir. J’aimerais que soient détruits les manuscrits et les notes écrites de ma main ; et que, dans la correspondance reçue, de caractère spirituel et réservé, soit brûlé tout ce qui n’était pas destiné à la connaissance d’autrui.
Dans le cas où l’exécuteur testamentaire ne pourrait pourvoir à ceci, que la Secrétairerie d’État veuille bien assumer cette charge.
5. Je recommande vivement de disposer de tout ce qui est possible pour un nombre convenable de messes et de généreuses aumônes.
En ce qui concerne les funérailles : qu’elles soient pieuses et simples (qu’on supprime le catafalque qui a servi jusqu’ici pour les obsèques pontificales, pour y substituer un décor humble et digne).
La tombe : j’aimerais qu’elle soit dans de la vraie terre, avec une humble indication qui signale l’emplacement et invite à la piété chrétienne.
6. Et à propos de ce qui compte le plus, en prenant congé de la scène de ce monde, et allant au-devant du jugement et de la miséricorde de Dieu : j’aurais tant et tant de choses à dire. Sur l’état de l’Église : qu’elle donne quelqu’écoute aux paroles que, pour elle, nous avons prononcées avec gravité et avec amour. Sur le Concile : qu’on veille à le mener à bon terme et qu’on pourvoie à en exécuter fidèlement les prescriptions.
Sur l’œcuménisme : que l’on poursuive l’œuvre de rapprochement avec les Frères séparés, avec beaucoup de compréhension, beaucoup de patience ; avec un grand amour ; mais sans dévier de la vraie doctrine catholique. Sur le monde : que l’on ne pense pas lui être utile en assumant ses pensées, ses mœurs, ses goûts, mais bien en l’étudiant, en l’aimant, en le servant.
Je ferme les yeux sur cette terre douloureuse, dramatique et magnifique, en appelant encore une fois sur elle la Bonté divine. Et je donne à tous ma bénédiction, spécialement à Rome, à Milan et à Brescia. À la Terre Sainte, la Terre de Jésus où je fus pèlerin de foi et de paix, un salut particulier avec ma bénédiction.
Et à l’Église, à l’Église catholique bien-aimée, à l’humanité toute entière, ma bénédiction apostolique.
Puis : in manus Tuas, Domine, commando spiritum meum. Ego: Paulus PP. VI.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 30 juin 1965, an III de notre Pontificat.
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Notes complémentaires à mon testament
Magnificat anima mea Dominum. Maria ! Je crois. J’espère. J’aime. In Christo je remercie tous ceux qui m’ont fait du bien.
Je demande pardon à tous ceux auxquels j’aurais manqué de faire du bien. À tous, je donne la paix dans le Seigneur.
Je salue mon cher frère Lodovico, et toute ma famille, parents et amis, et tous ceux qui ont accueilli mon ministère. À tous mes collaborateurs, merci. Particulièrement à la Secrétairerie d’État.
Je bénis avec un amour spécial Brescia, Milan, Rome, l’Église entière. Quam dilecta tabernacula tua, Domine !
Que tout ce qui m’appartient soit du Saint-Siège.
Que mon Secrétaire particulier, le cher Don Pasquale Macchi, pourvoie à prendre des dispositions pour quelques messes de suffrage et quelque bienfaisance, et à assigner à lui-même et à des personnes chères quelque souvenir parmi les livres et objets qui m’ont appartenu.
Je ne désire aucune tombe spéciale.
Quelques prières afin que Dieu soit miséricordieux à mon égard.
In Te, Domine, speravi. Amen, alléluia.
À tous ma bénédiction, in nomine Domini.
PAULUS PP. VI
Castel Gandolfo, 16 septembre 1972, heure: 7h30.
Supplément à mes dispositions testamentaires
Je désire que mes funérailles soient très simples et ne désire ni tombe spéciale ni aucun monument. Quelques intentions (bienfaisance et prières).
PAULUS PP. VI 14 juillet 1973
Au cours de la réunion de la Congrégation générale des Cardinaux qui s’est déroulée le jeudi 10 août, le texte des dernières volontés de Paul VI a été lu ; avant d’être publié, sa famille en avait eu connaissance. Le testament comprend un texte écrit le 30 juin 1965 auquel on été ajoutés deux compléments, l’un de 1972 et l’autre de 1973. L’ensemble comprend quatorze pages manuscrites. Le premier texte ajouté fut écrit à Castel Gandolfo et outre la date : 16 septembre 1972, est aussi indiquée l’heure : 7h30 avec l’indication : « Notes complémentaires au testament ». Le second texte ajouté est intitulé : « supplément à mes dispositions testamentaires », il comprend quelques lignes écrites sur une unique feuille le 14 juillet 1973.
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