La Médaille Miraculeuse et le Credo IX

Le mystère de la Rédemption du Christ et la rémission des péchés

« Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous, qui avons recours à vous ! »

(pour l’invocation seulement, voir § VI et VII)

INTRODUCTION

La guérison du paralytique (Basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf Ravenne) | DR

Un jour que Notre-Seigneur expliquait la loi dans une maison, quatre hommes qui s’intéressaient à un paralytique apportèrent ce malade aux pieds du Maître. La maison était pleine de monde : docteurs de la Loi, pharisiens et autres gens.

Jésus-Christ voyant la confiance des porteurs et du malade dit à celui-ci : Homme, tes péchés te sont remis. Les scribes et les pharisiens se dirent alors : quel est ce blasphémateur ? Et qui, sinon Dieu seul, a le pouvoir de remettre les péchés ? Mais Jésus, connaissant leur pensée répondit : « Que dites-vous dans vos cœurs ? Eh bien ! Pour vous apprendre que le Fils de l’Homme a sur terre le pouvoir de remettre les péchés : ‘paralytique, je te le dis : lève-toi, prends ton lit et va dans ta maison’. »

Aussitôt, se levant, le paralytique prit son lit où il était étendu et s’en alla chez lui, en louant le Seigneur. A cette vue, la foule glorifiait Dieu, émerveillée de voir qu’il eût donné un tel pouvoir aux hommes. (Matthieu 9, 2-7)

  • – La rémission des péchés dans le Credo
  • – La présence de l’Esprit-Saint
  • – L’Église peut remettre tous les péchés
  • – Douceur de ce pouvoir : le mystère de la Rédemption
  • – Obligation d’en user
  • – Ô Marie conçue sans péché
  • – Priez pour nous qui avons recours à vous !

I – LA RÉMISSION DES PÉCHÉS DANS LE CREDO

Immédiatement après avoir dit « Je crois à l’Église », le Credo ajoute : « et à la rémission des péchés ». La rémission des péchés, le pardon, nous le recevons dans l’Église et par elle. Pourtant cette Église est faite d’hommes et de femmes comme nous et périodiquement on nous rappelle avec insistance les limites de cette Église. Qu’il y ait de l’humain dans l’Église, nous le portons tous et parfois douloureusement.

L’Église est celle qui est capable de transformer les hommes, ses enfants, en êtres de sainteté et de propreté. Elle est l’endroit où la grâce de Dieu est capable de nous ressusciter et de faire, malgré nos chutes et nos infidélités, les membres du corps du Christ, avec une espérance inlassable.

C’est pourquoi la rémission des péchés suit immédiatement notre foi dans l’Église. Ainsi je crois l’Église quand elle me dit : « Je te pardonne ». Parce que le Christ, rassemblant son corps entier dans cette Église qu’il aime, nous dit à chacun : « Je te pardonne ». En lui, nous nous pardonnons les uns aux autres. Le pardon, psychologiquement impossible parfois, nous est donné par la parole du prêtre dans la personne même du Christ.

Rappelons que le texte primitif du Symbole des Apôtres se ramenait à ce noyau : « Je crois en l’Esprit Saint, dans la sainte Église catholique, pour la résurrection de la chair ».

Dans les siècles suivants, on jugea important de préciser comment agit l’Esprit « dans la sainte Église catholique » et dans l’univers : il réalise «la communion des saints» et «la rémission des péchés». C’est-à-dire que l’Esprit travaille à rassembler une communauté de personnes dans un profond partage de vie, humaine et divine, – et que, cette communauté, il l’étend et la renouvelle sans cesse grâce à « la rémission des péchés ».

Ces deux articles de notre Credo nous renvoient d’abord et directement chacun à un sacrement : aux sacrements de base qui précisément « font » l’Église :

– la communion des saints renvoie à la communion eucharistique qui rassemble les fidèles d’un lieu autour du même autel, – et qui, de part en part, rassemble les Églises particulières répandues à travers le monde en un seul Corps du Christ ;

– la rémission des péchés renvoie – non pas d’abord à la pénitence, à la « confession – absolution » – mais à l’autre sacrement qui rassemble et fonde l’Église : le baptême. Quand nous entendons parler de « pardon des péchés », nous pensons tout de suite au sacrement de pénitence. Cependant le sacrement de la conversion et de la rémission des péchés, c’est d’abord le baptême. C’est lui qui est évoqué ici. Il sera explicitement nommé par le Credo de Nicée Constantinople qui le précise bien : il nous fait proclamer chaque dimanche – non pas : « je reconnais la confession et l’absolution pour le pardon des péchés » – mais : « je reconnais un seul baptême pour la rémission des péchés »…

La rémission des péchés s’opère, dans l’Église, par la puissance de l’Esprit Saint. Car l’Église elle même est aussi bien la communauté qui ne cesse de s’édifier à partir de la rémission des péchés.

II – LA PRÉSENCE DE L’ESPRIT SAINT

Revenons toujours à l’Évangile. Le soir de Pâques, les Douze, ignorant encore la Résurrection de Jésus, sont claquemurés au Cénacle. Ils ont peur des Juifs. Soudain, le Seigneur, bien vivant, est au milieu d’eux !… Après un premier moment, intense, de saisissement devant l’incroyable, ils reçoivent leur mission, qui sera la mission de l’Église : « Comme le Père m’a envoyé, je vous envoie… »

A qui ? Au monde, à tous les hommes… Pour quelle mission ?

Jésus souffle alors solennellement sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint… »

Pour quoi cette solennelle effusion de l’Esprit ? Quel est ce don pascal du Ressuscité à son Église ? Cette grâce essentielle surgie de sa mort et de sa Gloire toutes fraîches ?… C’est la rémission des péchés :

« Recevez l’Esprit Saint ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez » (Jean 20, 21 ss).

Le don pascal de Jésus au monde, la mission essentielle de l’Église, c’est donc la rémission des péchés : une effusion de l’Esprit qui fait de la communauté des croyants le lieu et l’instrument de la rémission des péchés, de la vie nouvelle, de la Vie divine dans les hommes rachetés. Le berceau de la Nouvelle Naissance de l’Humanité et du monde.

Ce geste de Jésus ressuscité qui, le jour de Pâques, souffle sur ses Apôtres, c’est la reprise, sur la Nouvelle Création, de l’événement du début de la Genèse, quand le Souffle de Dieu planait sur les eaux pour y susciter la vie primitive. Le vendredi saint, sur sa croix, Jésus avait « rendu l’Esprit », puis, le Sang et l’Eau de son cœur transpercé. Ainsi était signifié qu’il devenait la Source du monde recréé, de l’homme renouvelé : le Souffle qui nous fait naître enfants de Dieu à cette Vie nouvelle, ce Souffle – l’Esprit Saint – vient de lui, des profondeurs de son être, de son corps ressuscité ; il nous communique sa propre Haleine de vie, celle qui l’a tiré de son tombeau. De son corps expiré, de son cœur transpercé jaillissent donc à la fois, pour nous, l’Esprit vivifiant, le Sang de l’Eucharistie et l’Eau du baptême.

C’est à cette Heure, c’est à ces Sources que s’enivre la grande Fête de la Rémission des péchés et de la Communion des Saints. A la Pentecôte, Pierre expliquera :

« Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié… Repentez-vous donc et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint Esprit » (Act 2, 36 ss).

C’est dire qu’il nous faut redécouvrir notre baptême. Comme sur les eaux primitives, l’Esprit Saint planait, sous la forme d’une colombe, sur les eaux du Jourdain où Jésus avait été baptisé par Jean, donnant ainsi à toutes les eaux du monde de devenir, dans la foi et le baptême, ablution divine pour la rémission des péchés ; c’est alors que la voix du Père retentit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé… »

Depuis, le même Esprit plane, invisible mais bien présent, sur tous les fonts baptismaux de la terre quand une sœur, un frère de Jésus « respire » à la Vie de Dieu : c’est lui, l’Esprit en personne, qui est désormais le Souffle vital de l’être nouveau qui est là ; et devant ce nouveau-né, le Père exulte en disant : « Celle-ci, celui-ci, c’est ma fille, c’est mon fils bien-aimé ».

Est-ce possible de déchoir de cette Famille, de cette qualité filiale, pour retourner aux péchés qu’on a vomis ? Cela paraissait impensable à la ferveur des disciples et des premiers chrétiens. En soulignant que l’on ne reçoit qu’ « un seul baptême », le Symbole de Nicée évoque le fait que, dans l’Église ancienne, le pardon des péchés n’était pas renouvelé. Il n’avait d’ailleurs pas à l’être, puisque le péché grave n’était pas renouvelé… Le baptême n’est jamais renouvelé, tant la mutation qu’il effectue est de celles sur lesquelles on ne revient pas. Saint Paul a cent textes de ce genre :

« Pour vous, il vous faut renoncer à votre vie passée et dépouiller le vieil homme qui va se corrompant au gré des convoitises trompeuses, pour vous renouveler par une transformation intime de votre pensée et revêtir l’homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté véritables » (Eph 4, 20 ss).

C’est le baptême qui est, et qui doit rester le point de départ de la conversion de toute la vie ; c’est lui qui demeure le signe fondamental de l’existence chrétienne ; c’est à lui que nous renvoie d’abord notre foi en « la rémission des péchés ». C’est dans cette grâce initiale qu’est toujours enraciné l’arbre que nous sommes et dont le Seigneur est en droit d’attendre de bons fruits.

III – L’ÉGLISE PEUT REMETTRE TOUS LES PÉCHÉS

Il n’y a pas d’homme sans péché, mais il n’y a pas de péché sans homme. Ce combat que nous menons contre nous-mêmes nous grandit et la conscience que nous avons de nos défaites nous honore. Étouffer cette conscience en nous est nous déshonorer. Le péché se pardonne, ou se remet, et qui saurait mieux que Dieu qu’il est là pour cela ! Mais son abolition par décret philosophique est un énorme attentat contre l’humanité, et la fausse innocence qu’il nous procure nous renvoie à la queue des êtres créés, qui eux ne mentent pas.

Pécheurs, nous sommes libres ; faux innocents, nous cessons d’être des personnes, pour n’être plus que la matière première de l’État. Il ne suffit pas d’avoir perdu le sentiment de son imperfection pour être parfait, mais il suffit de se croire parfait pour tomber sous l’implacable juridiction du déterminisme, dont Dieu seul peut nous sauver. Et l’homme qui se clôt sur lui-même pour tourner indéfiniment dans ses limites ressemble à l’écureuil dans sa cage, avec cette supériorité toutefois chez l’écureuil que celui-ci ne désespère pas de trouver la sortie, comme dit André Frossard.

Et ce n’est que dans l’Église que l’on trouve la rémission des péchés. Dieu accorde cette grâce à ceux qui deviennent ses enfants par le baptême. Pour nous, nous jouissons de cet avantage: nous avons déjà reçu dans le baptême la rémission du péché originel, dans lequel nous sommes tous conçus. Dieu n’a pas borné sa miséricorde à cette première grâce.

Le baptême qui remet les péchés n’enlève pas en même temps la capacité d’en commettre, mais il ouvre à notre faiblesse et à nos éventuelles rechutes ce royaume de Dieu dont l’Évangile nous dit que nul n’y peut entrer, « s’il ne renaît de l’eau et de l’esprit ».

De l’eau, c’est-à-dire par une immersion délibérée dans l’invisible limpidité de cette charité divine qui s’infiltre en nous par les failles du moi ou les craquelures de l’âge ; de l’esprit qui donne la vie, entendons : la vie éternelle, et qui nous révèle ces parages inconnus du monde où le rien s’échange couramment contre le tout, de l’esprit qui fait passer notre âme de la puissance à l’acte, et lui confère cette autre forme de présence réelle qui n’est la nôtre que devant Dieu.

Comme il n’arrive que trop souvent que l’on perd l’innocence baptismale, il a établi un sacrement qui remet les péchés commis après le baptême : c’est le sacrement de pénitence. Nous pouvons y avoir recours autant de fois que nous retombons dans le péché. Dieu est toujours disposé à nous pardonner, pourvu que nous recevions ce sacrement avec un regret sincère de nos fautes. Il n’y a point de péché qui ne puisse être effacé par ce moyen : quand nous aurions commis les plus grandes fautes nous pouvons en obtenir la rémission par le sacrement de pénitence. Ce n’est pas par nos propres mérites que le pardon nous est accordé, mais par ceux de Jésus-Christ notre Sauveur.

Les péchés sont donc remis essentiellement par les sacrements de Baptême et de Pénitence et exceptionnellement par l’Extrême-Onction. Les fautes moindres peuvent être remises par les sacramentaux, par la prière, le jeûne, l’aumône, par l’assistance à la Messe, la Sainte Communion et, en général, par toutes les bonnes œuvres, pourvu qu’elles soient réalisées dans l’esprit de réparation du Christ.

Ce sont les prêtres qui, usant du pouvoir que leur a donné Jésus-Christ, pardonnent les péchés et remettent en ce sens que Dieu les regarde comme anéantis. Tout le monde, en cas de nécessité, peut néanmoins, délivrer du péché originel en donnant le baptême, ce qui est déjà un pouvoir divin, mais il y a plus. Tous les prêtres, par l’Extrême-Onction, peuvent remettre les péchés à un moribond incapable de se confesser. Ainsi, l’Église est investie d’un pouvoir plus immédiat, le pouvoir des clefs. « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; et tout ce que tu auras délié sur la terre, sera délié dans les cieux, etc. »

La promesse que Dieu a faite de remettre nos péchés est un pur effet de sa miséricorde, et cette promesse est l’unique ressource des pécheurs et le motif de leur confiance. Nous sentons bien, qu’il n’y a que Dieu qui puisse remettre les péchés : quand les prêtres prononcent sur nous l’absolution, c’est Dieu qui efface vos péchés par leur ministère. Les prêtres ne sont que les instruments dont Dieu se sert pour produire cet effet admirable. Ils n’agissent qu’au nom de Dieu et en vertu du pouvoir qu’ils ont reçu de lui. « Nous sommes, dit saint Paul, les ministres de Dieu, et nous tenons sa place. »

Que Dieu ait accordé aux pasteurs de l’Église le pouvoir de remettre les péchés, nous ne pouvons en douter ; nous savons que Jésus-Christ a adressé ces paroles à ses apôtres et à leurs successeurs : « Recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » Il est donc certain que Notre-Seigneur a communiqué à ses apôtres le pouvoir qu’il avait de remettre toutes sortes de péchés, et qu’il a promis de ratifier et de confirmer dans le ciel ce qu’ils prononceraient sur la terre.

Des apôtres ce pouvoir a passé aux évêques et aux prêtres que les évêques députent pour remplir ce ministère. Vous comprendrez le prix de cette grâce, si vous voulez réfléchir un moment sur le malheureux état de ceux qui, après avoir offensé Dieu, n’auraient aucun moyen de se réconcilier avec lui.

Je vous rapporterai à ce sujet les paroles qu’un vieillard protestant adressait à un catholique à qui il ouvrait son cœur. Ce vieillard lui disait : « Que vous êtes heureux dans votre Église ! Quand on a eu le malheur d’offenser Dieu, l’on y trouve un moyen de tranquilliser sa conscience ; on se repent de ses fautes, on s’en confesse et l’on en obtient le pardon. Le calme et la paix renaissent dans le cœur ; mais chez nous l’on est privé de cet avantage inestimable : il faut rester toute sa vie chargé de ce poids qui accable. Je vous avoue que les péchés de ma jeunesse ne m’ont jamais laissé un instant de repos. Le souvenir de ces péchés, qui n’ont pas été effacés, me suit partout, et il a troublé tous les jours de ma vie, parce que je n’avais rien qui pût me rassurer. » Connaissez par là, combien il est avantageux de pouvoir rentrer en grâce avec Dieu. Quelle consolation pour quelqu’un de se dire à lui-même : « Il est vrai que j’ai péché et que j’ai mérité condamnation ; mais, par la miséricorde de Dieu, j’en ai reçu l’absolution et j’ai lieu d’espérer que mes péchés ont été remis. »

Prenons bien garde cependant d’abuser de la miséricorde de notre Dieu, et d’en prendre occasion de pécher plus librement. Nous l’offenserions parce qu’il est toujours disposé à nous pardonner ; nous serions méchant parce qu’il est infiniment bon ! Ne nous y trompons pas, cet abus de la miséricorde de Dieu est ce qui irrite le plus ; et Dieu, qui pardonne toujours à ceux qui s’approchent comme il faut du sacrement de la réconciliation, pourrait ne pas nous laisser le temps d’y recourir.

IV – DOUCEUR DE CE POUVOIR : LE MYSTÈRE DE LA RÉDEMPTION

Ce pouvoir ne peut être naturel qu’à Dieu, l’Être offensé. Mais Dieu nous aime tant qu’il veut nous pardonner et même nous assurer, dès maintenant, qu’il nous a pardonnés.

Dans l’ancienne Loi, nul homme n’a eu ce pouvoir. Nous le devons au Rédempteur. Combien grande doit être notre reconnaissance face au mystère de Notre-Seigneur Jésus-Christ mort sur la croix pour nous racheter, ressuscité pour notre justification (cf. Rm 4, 25), afin que « nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle » (Rm 6, 4).

L’humanité déchue avait ce problème à résoudre : trouver entre le ciel et la terre le médiateur, la victime sainte pour expier le péché d’Adam, notre premier père, et tous les péchés qui ont suivi. Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu : il a pris notre nature, afin d’assumer la responsabilité du genre humain. Égal en toutes choses à son Père, innocent, saint et infini comme lui, Dieu et homme tout ensemble, il nous a pris en charge, il a satisfait pour nous ; il a offert ses œuvres, sa prière, son travail, ses souffrances, sa mort ; et dès lors il nous a rachetés : c’est là ce qu’on nomme le mystère de la Rédemption.

La Rédemption offerte à Dieu pour nous, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, eut quatre qualités ou conditions principales :

Elle a été réelle, c’est-à-dire que Jésus-Christ s’est réellement offert pour nous ; il a véritablement souffert, et il a versé son sang. Dès lors il a satisfait à Dieu d’une manière adéquate ou complète ; et à cause des souffrances et des mérites infinis de son Fils Dieu nous a réellement pardonné. C’est ce que saint Paul exprime en disant :  » Nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, et nous serons sauvés par lui. » (Rm 5, 9-11)

Elle a été libre. Dieu n’était pas tenu, en justice, de nous racheter. C’est par un effet de sa pure bonté et de son immense charité que Notre-Seigneur est venu et s’est offert : d’où résulte pour nous le devoir d’une reconnaissance sans bornes.

Elle a été surabondante, en nous consacrant sa vie, ses peines, tout son sang, et en souffrant tous ses tourments, il a fait plus que le nécessaire ; en cela il a voulu mieux nous témoigner son amour et nous inspirer plus d’horreur pour le péché.

Enfin, elle a été universelle, c’est-à-dire que la mort de Jésus-Christ a été offerte pour tous les hommes en général et pour chacun de nous en particulier, aussi bien pour ceux qui ont précédé la réparation que pour ceux qui ont suivi, chrétiens et autres. Pour participer à la Rédemption, il suffit de le vouloir et de puiser à la source des grâces, c’est-à-dire de recourir aux sacrements et de nous unir à lui. « Je suis la vigne, dit-il, et vous êtes les branches. La branche ne peut pas par elle-même porter de fruits si elle n’est unie au cep. De même, vous ne pouvez rien faire pour votre salut si vous n’êtes unis à moi… Mais celui qui demeure en moi et en qui je demeure produira des fruits abondants. S’il n’y demeure pas, c’est un sarment inutile, il sera rejeté comme une branche stérile ; il séchera, et on le ramassera pour le feu, où il brûlera sans se consumer. » (Jean, 15, 1 et suiv.)

Qu’est-ce à dire, sinon que dans la personne de Jésus-Christ l’homme a été et demeure parfaitement réhabilité mais s’il ne participe pas personnellement à cette réhabilitation,  » le Christ ne lui servirait de rien  » ; au contraire, il a part à la grâce de la Rédemption s’il est uni à Jésus-Christ par la foi et les bonnes œuvres, et principalement par la réception des sacrements.

Quel esprit réfléchi pourrait vivre et surtout mourir en paix, s’il devait se dire : Qui sait si je suis pardonné ! Et notez-le, Jésus-Christ n’a fait aucune exception : tous les péchés, tous et chacun, quels qu’ils soient, sont remis à qui se confesse bien.

David s’écrie : « Bienheureux ceux à qui sont remis les iniquités ». Il avait tant pleuré son péché, sans avoir la certitude du pardon que nous donne l’absolution !

V – OBLIGATION D’USER DE CE DON

Nous avons vu que Dieu seul a le pouvoir de pardonner les péchés. Le Christ, en tant que seconde personne de la Sainte Trinité, a la même puissance que Dieu le Père ; et comme homme, il en jouit également puisque sa nature humaine était unie à sa personne divine. Or ce pouvoir, les Évangiles nous attestent que Notre-Seigneur l’a revendiqué pour lui-même et qu’il l’a communiqué à ses apôtres.

Il l’a revendiqué pour lui-même. Ainsi remit-il un jour, nous l’avons vu, les péchés d’un paralytique, et, pour prouver aux scribes qui murmuraient qu’il ne s’était pas arrogé un pouvoir usurpé, il lui ordonna aussitôt de se lever et de marcher, démontrant ainsi que, s’il avait la puissance de faire des miracles, il n’y avait pas lieu de s’étonner qu’il pût remettre les péchés. (Matthieu 9, 2-7 ; Marc 2, 1-12 ; Luc 5, 17-25). Jésus a pardonné à Madeleine, à la Samaritaine, au bon larron, etc.

Toutefois, la rémission des péchés aurait été un pouvoir bien éphémère s’il avait disparu avec le Christ. C’est pourquoi Notre-Seigneur a communiqué sa puissance à ses Apôtres et à leurs successeurs et c’est ce que nous témoignent les paroles suivantes qu’il leur adressa, après sa résurrection : «Recevez le Saint-Esprit ; ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » (Jean, 20, 22-23).

Les paroles de Notre-Seigneur ont-elles toujours été entendues dans le sens d’une délégation du pouvoir de remettre les péchés ? Selon l’enseignement des Apôtres, dès le jour de la Pentecôte, Pierre disait déjà aux Juifs : « Repentez-vous… et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés » (Actes, 2, 38), et dans un second discours il répétait à peu près les mêmes paroles : «Repentez-vous et convertissez-vous pour que vos péchés soient effacés » (Actes, 3, 19). La pratique de l’Église a inscrit cette vérité dans le Symbole des Apôtres et dans celui de Nicée, et elle l’a définie plus solennellement au Concile de Trente.

Si quelqu’un recevait un remède précieux, assuré, infaillible, dès qu’on l’emploie bien, s’en servirait-il de travers, au risque de le convertir en poison ? Et s’il commettait cet abus, ne serait-ce pas une ingratitude, voire une folie ? Ou enfin, si cet homme négligeait d’employer ce remède, serait-il moins coupable ? Voyez donc quelle malice il faut avoir pour refuser les sacrements, ou pour en abuser.

Examinons si nous ne péchons trop pas facilement. Voyons quel soin nous apportons à nous confesser et si nous usons assez fréquemment de ce sacrement réparateur. Que nos prétextes paraîtront vains, au jugement, faute d’avoir profité du pouvoir donné à l’Église de remettre les péchés !

Tous les péchés, quelque grands qu’ils soient, peuvent donc être remis. La miséricorde de Dieu ne connaît pas de limites. D’où vient alors que Notre-Seigneur a dit que le blasphème contre l’Esprit-Saint était irrémissible ? « Tout péché et tout blasphème sera remis aux hommes ; mais le blasphème contre l’Esprit-Saint ne leur sera pas remis ; à celui qui aura parlé contre l’Esprit-Saint on ne lui remettra ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir. » (Matthieu 12, 31-32).

Pour bien comprendre cette parole de Notre-Seigneur, il faut se rappeler les circonstances dans lesquelles il les prononça. C’était au moment où il venait de chasser le démon du corps d’un possédé. Les Pharisiens qui ne pouvaient pas nier le fait, prétendirent que ce prodige avait été opéré par la puissance de Belzébuth, chef des démons. C’est sans doute à cet endurcissement et à cette mauvaise foi que Notre-Seigneur donne le nom de « péché contre l’Esprit-Saint ». Il est irrémissible, parce que le pécheur ne veut pas se corriger et qu’il préfère l’erreur à la vérité. Ce n’est pas Dieu qui refuse le pardon ; c’est le pécheur qui ne le demande pas.

Remercions Dieu de nous avoir donné le moyen de nous relever après la chute et surtout recourons-y avec confiance, chaque fois que nous en avons besoin. « C’est pour animer notre confiance, dit saint François de Sales, que Dieu nous met tous les jours à la bouche cette parole : « Je crois la rémission des péchés ». »

VI – Ô MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ

Exempte de tout péché

De nos jours, comme depuis longtemps dans le monde chrétien, Marie est toujours vénérée affectueusement. L’Église Catholique enseigne que Marie a été « pleine de grâce » et exempte de tout péché dès sa conception, et qu’elle n’a pas commis le moindre péché pendant sa vie.

Le dogme de « L’Immaculée Conception » ne concerne pas la naissance virginale de Jésus-Christ, mais la conception de Marie elle-même dans le sein de sa propre mère. Ce dogme affirme qu’elle a été « pleine de grâce » et exempte du péché originel comme de tout péché personnel pendant sa vie entière. L’expression « pleine de grâce » se trouve dans Luc 1, 28. « Salut, toi à qui une faveur est accordée ! Le Seigneur est avec toi. » Le sens fondamental de cette expression scripturaire est que Marie est l’objet d’une faveur divine toute particulière. Marie est l’objet d’une « grande faveur », car elle bénéficie de la grâce de Dieu. Cette expression ne revient dans le Nouveau Testament qu’une seule fois (dans Éphésiens 1, 6), où elle est alors étendue à tous les membres du peuple de Dieu.

Il est parfaitement justifié de dire que Marie est « pleine de grâce », dans la mesure où elle dépend de la plénitude de la grâce qui est le privilège du Christ Lui-même. La grâce et l’amour salvateurs de Dieu sont manifestés dans l’œuvre du Souverain Sacrificateur, le Seigneur Jésus-Christ, et en lui essentiellement. C’est lui qui dans ce sens est « plein de grâce ». C’est précisément la marque distinctive de son ministère. « La Parole… a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ». (Jean 1, 14)

Se tourner vers « Marie, pleine de grâce » ne dépouille absolument pas le Christ Seigneur de son trait suprêmement distinctif. Dire que Marie est « pleine de grâce », c’est l’honorer elle-même, car elle se réjouissait d’avoir un Sauveur. Elle a proclamé : « Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit a de l’allégresse en Dieu, mon Sauveur. » (Luc 1, 46-47) La raison pour laquelle Dieu est appelé « Sauveur », c’est qu’Il sauve son peuple du péché.

Mère du Seigneur, elle a eu soin de ce Sauveur. Marie est bénie, car elle a bénéficié d’une manifestation particulière de la faveur de Dieu, qui l’a appelée à être justement la mère du Seigneur. De la part de Dieu, il s’agit d’un choix souverain. Marie, elle, a cru ; et conformément à la parole que Dieu lui avait adressée, elle a conçu alors qu’elle était vierge, et elle a donné naissance au Christ Jésus, le Seigneur. Plus tard, toujours obéissante à la Parole du Seigneur, elle a été l’épouse de Joseph, et ensemble ils ont élevé Jésus. La vérité toute simple, c’est que Marie de Bethléem a été sauvée par la grâce de Dieu qui l’a préservée du péché à sa naissance.

Marie est celle qui par excellence est « pleine de grâce ».

Le Catéchisme de l’Église Catholique déclare : « Dans la descendance d’Ève, Dieu a choisi la Vierge Marie pour être la Mère de son Fils. « Pleine de grâce », elle est « le fruit le plus excellent de la Rédemption » : dès le premier instant de sa conception, elle est totalement préservée de la tache du péché originel et elle est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie. » (Catéchisme, § 508)

Tout ce qui a précédé le Christ était seulement un type, une représentation de lui ; et tout ce qui est venu après lui ramène à lui. L’apôtre Jean proclame que « la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ », « et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce. » (Jean 1, 16) C’est à cause de sa grâce que les vrais croyants sont rendus acceptables aux yeux du Dieu Très Saint. « Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude. » (Colossiens 1, 19) La volonté du Père est que toute la plénitude soit en lui. La grâce abondante demeure exclusivement en celui qui est « la Parole faite chair ». Source de grâce pour tout Son peuple, Il possède en plénitude le mérite et la justice. La joie du Père est en lui seul, en lui le Sauveur, se trouve « la plénitude de celui qui remplit tout en tous ». (Éphésiens 1, 23) Lui seul donne en abondance à tous ceux qui lui appartiennent « grâce pour grâce ».

Dire que Marie est « pleine de grâce » ne peut être qu’en relation avec le Christ, sans manquer de respect envers l’Unique, envers celui qui est le Fils incarné de Dieu. Car « ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire et l’expression de son être, soutient toutes choses par sa parole puissante ; après avoir accompli la purification des péchés, il s’est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts. » (Hébreux 1, 3)

VII – PRIEZ POUR NOUS, QUI AVONS RECOURS A VOUS !

Marie participante au rôle du Sauveur

Le Christ Jésus Lui-même, avec le Père et avec le Saint-Esprit, est Dieu : Dieu seul est le Très Saint. Proclamer que Marie est aussi « Très Sainte » ne peut être qu’en relation avec lui. Ainsi peut-on dire qu’ « En demandant à Marie de prier pour nous, nous nous reconnaissons pauvres pécheurs et nous nous adressons à la ‘Mère de la Miséricorde’, à la Toute Sainte. » (Catéchisme, § 2677 ; 2827)

L’Église catholique affirme que celle qui est appelée « la Toute Sainte » est également cause de salut. Voici ce qu’exprime le Catéchisme : « Comme dit S. Irénée, ‘par son obéissance elle est devenue, pour elle-même et pour tout le genre humain, cause de salut’. » (Catéchisme, §494)

Cela a des incidences sur les personnes ordinaires qui recherchent le salut devant Dieu. Ça suppose que Marie peut influencer Dieu pour sauver des âmes. Certes le salut des âmes est une initiative divine, car « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. » (Jean 3, 16) Dieu est « Le Seigneur compatissant et qui fait grâce, lent à la colère, riche en bienveillance et en fidélité. » (Exode 34, 6) Orienter vers Marie comme « cause de salut », ce n’est pas trahir l’unique espérance qu’un être humain puisse avoir, l’espérance est toujours en Jésus Christ, fondée sur l’amour de Dieu, à laquelle nous participons et Marie plus que quiconque.

Conclusion

« L’Immaculée Conception », celle qui est « pleine de grâce », « la Toute Sainte », une « cause de salut » se tient comme à la Croix debout devant le Dieu Très Saint, le seul Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ. Tout cela est célébré le 8 décembre. Pour le salut éternel d’une multitude de gens dans le monde entier. Ce qui est essentiel certes, c’est de placer notre foi dans le Seigneur Jésus-Christ et en lui seul. « Celui qui croit en lui n’est pas jugé. » (Jean 3, 18) « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle » (Jean 3, 36) « Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui-même ; celui qui ne croit pas Dieu le fait menteur, puisqu’il ne croit pas au témoignage que Dieu a rendu à son Fils. » (1 Jean 5, 10) L’homme étant un être déchu, pour le sauver l’Écriture lui offre la foi selon l’Évangile, une foi personnelle en Jésus-Christ, en son Corps qu’est l’Église avec ses sacrements et la présence de sa Sainte Mère. Suivant l’Évangile, la foi en Marie ne peut que conduire au Christ, lui qui nous permet d’accéder au salut éternel.

« Au long des siècles l’Église a pris conscience que Marie, ‘comblée de grâce’ par Dieu, avait été rachetée dès sa conception. C’est ce que confesse le dogme de l’Immaculée Conception, » proclamé en 1854 par le Pape Pie IX : « La Bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel. » (Catéchisme, § 491) « Par la grâce de Dieu, Marie est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie. » (Catéchisme, § 493)