LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XVIIe JOUR.
JÉSUS INSTITUE L’EUCHARISTIE.
– Hoc est corpus meum quod pro vobis datur : hoc facite in meam commémorationem.
Ceci est mon corps qui doit être livré pour vous : faites ceci en mémoire de moi. Luc. 22.
D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839
ler Point.
Jésus voyait s’approcher de plus en plus le moment où il devait retourner à son Père. Déjà la veille du jour de son sacrifice était arrivée ; et comme il avait toujours aimé les siens pendant qu’il était dans le monde, il voulut les aimer jusqu’à la fin.
Quoique l’immolation de l’agneau pascal, que les Juifs pratiquaient, ne fût que la figure de l’immolation à laquelle il allait se soumettre, il voulut célébrer lui-même cette fête en la manière prescrite par la loi de Moïse ; et il envoya deux de ses apôtres pour préparer le repas et tout ce qui était nécessaire à cette cérémonie. Lorsqu’il se fut mis à table avec ses douze disciples, il leur dit qu’il avait désiré avec beaucoup d’ardeur de manger cette pâque avec eux, avant de souffrir.
Heureux disciples du Sauveur ! savez-vous pourquoi votre Maître désirait si ardemment de célébrer avec vous cette solennité ? C’est que son amour infini pour les hommes est au moment de se satisfaire en la manière la plus incompréhensible et la plus admirable : il voit l’heure de son sacrifice s’approcher, et sa charité semble s’accroître par la pensée de ses souffrances.
Il vous aima toujours, il vous aime encore, et il vous aimera jusqu’à la fin ; il craint que vous ne restiez sans appui lorsque ses ennemis le tiendront en leur puissance ; et il en coûterait tant à son cœur, s’il fallait qu’il eût l’air de vous abandonner !
Pendant le repas,Jésus se leva donc de table ; et, voulant nous apprendre avec quelle pureté nous devons approcher du sacrement qu’il va instituer, il se mit à laver les pieds de ses apôtres, et à les essuyer avec un linge qu’il avait pris autour de lui.
Pierre ne put souffrir un tel abaissement de la part de son Maître ; et lorsque Jésus fut venu à lui, il s’écria : Quoi, Seigneur, vous me laverez les pieds ! Si je ne vous lave, lui répondit Jésus, vous n’aurez point de part avec moi.
Admire, ô mon âme! ce nouvel exemple de l’humilité de ton Sauveur; représente-toi cette cérémonie où le Dieu du ciel et de la terre parait dans l’attitude d’un es* clave : semble-t-il que ce soit là le même Jésus que tu as contemplé naguère environné de gloire sur le Thabor ?
Prosterné aux pieds de ses apôtres, il remplit à leur égard les fonctions du dernier des serviteurs : encore si tous ceux auprès desquels il s’abaisse de la sorte lui étaient dévoués !
Mais non, il en est un qui mûrit dans son cœur des projets perfides, au moment même où son Maître s’humilie devant lui d’une manière si touchante ; et Jésus qui découvre tout ce qui se passe dans cette âme ingrate et insensible, ne fait point d’exception dans les témoignages de sa tendresse et de sa charité.
Enfin le moment est venu où le Fils de Dieu doit instituer le sacrement qui sera toujours pour l’Église l’abrégé de toutes les merveilles et le sceau de l’amour divin. Sois attentive, ô mon âme ! au grand prodige qui va s’opérer : Jésus s’est remis à table ; il y est de nouveau entouré de ses apôtres, qui tous, à l’exception de Judas, sont pénétrés de reconnaissance et d’attendrissement.
Sur la fin du souper, Jésus lève les yeux vers son Père, comme pour le prendre à témoin de son amour pour les hommes ; et rompant du pain en plusieurs morceaux, il en donne à chacun de ses apôtres, en leur disant : Prenez et mangez ; ceci est mon corps qui est livré pour vous : faites ceci en mémoire de moi.
Prenant ensuite le calice. il rend grâces à son Père, et le donne encore à ses apôtres, en disant : buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour vous et pour plusieurs en rémission des péchés.
Le voilà consommé, ô mon âme ! ce grand mystère d’amour, de puissance et d’anéantissement. Désormais le Fils de Dieu ne quittera plus la terre : il habitera au milieu des siens, même après être remonté triomphant dans le royaume de son Père, et jusqu’à la fin des siècles il sera dans le sacrement adorable de son corps et de son sang, la nourriture, la consolation et le soutien de ses serviteurs.
Que pouvait faire de plus la charité de Jésus Christ? pouvait-il nous donner quelque chose de plus précieux que lui-même ? O mon âme ! tu envies quelquefois le sort de ceux qui ont eu le bonheur d’approcher Jésus, et de converser avec lui pendant qu’il était sur la terre; tu appelles bienheureux le disciple qui reposa sur son sein pendant la cène.
Ne vois-tu pas maintenant que ce même Jésus a fixé son séjour parmi nous, et qu’à toutes les heures du jour nous pouvons nous approcher de lui, nous entretenir avec lui ? Ne vois-tu pas que tous ses enfants sont des enfants bien-aimés, puisque non-seulement il les admet à reposer sur son sein comme le disciple chéri, mais qu’il s’offre lui-même à reposer dans le leur ?
Car enfin il repose tout entier sous les espèces eucharistiques; et quiconque participe à ce sacrement, y reçoit véritablement son corps, son sang, son âme et sa divinité. C’est donc avec raison que ce sacrement est appelé Eucharistie, qui signifie grâce excellente, puisqu’elle contient le plus grand et le plus précieux de tous les dons, et qu’il est comme un trésor dans lequel Jésus a déployé toutes les richesses de son amour.
Aussi le saint concile de Trente n’a pas craint d’avancer que ce sacrement renferme en lui-même une vertu et une excellence qui l’élèvent au-dessus de tous les autres. Il est bien vrai, dit-il, que la très-sainte Eucharistie a cela de commun avec les autres sacrements, qu’elle est le symbole et la forme visible d’une chose sacrée.
Mais aussi elle a cela d’excellent et de singulier, que l’auteur de toute sainteté y est avant qu’on le reçoive, au lieu que les autres sacrements ont seulement la vertu de sanctifier lorsqu’on les reçoit. Car les apôtres n’avaient pas encore reçu l’Eucharistie de la main de Notre-Seigneur, lorsqu’il affirmait que ce qu’il donnait était son corps.
Et cette foi a toujours été dans l’Église de Dieu, qu’immédiatement après la consécration, le vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ sont sous les espèces du pain et du vin, avec son âme et sa divinité ; le corps sous l’espèce du pain, et le sang sous l’espèce du vin. (Sess. 13. cap. 2.)
IIe Point.
L’adorable Eucharistie étant par elle-même un sacrement si excellent, ne peut manquer de produire en nous les plus heureux effets, lorsque nous la recevons dans de saintes dispositions. Et d’abord, elle nous unit à Jésus-Christ : celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, dit ce divin Sauveur, demeure en moi et je demeure en lui.
Peux-tu comprendre, ô mon âme! tout ce que cette union a de précieux et d’honorable pour l’homme ? Nous sommes unis à Jésus-Christ ; c’est-à-dire, que la souveraine grandeur s’unit à la souveraine bassesse; c’est-à-dire, que Jésus-Christ, en se communiquant à nous, ne veut faire qu’un avec nous, et nous rend participants de sa nature divine ; en sorte que nous ne vivions plus que de sa vie.
Et cette union s’opère d’une manière si par^ faite, que les saints Pères ont dit que les fidèles sont incorporés à Jésus-Christ. La participation au corps et au sang du Sauveur, dit saint Léon, fait que nous sommes transformés en celui que nous recevons.
Un second effet de la sainte Eucharistie est de nous fortifier dans nos tentations, parce qu’elle produit en nous une augmentation et une abondance de grâces. En effet, la grâce étant donnée en vertu des mérites de la Passion de Notre-Seigneur, il s’ensuit que ce sacrement qui est une représentation de sa mort et de sa Passion, doit conférer la grâce avec une pleine abondance. L’Église nous l’enseigne expressément par ces paroles qu’elle chante .
Enfin l’Eucharistie est la nourriture spirituelle de notre âme : Celui qui mange de ce pain, dit encore le Sauveur, vivra éternellement. C’est pourquoi le concile de Trente enseigne que tous les avantages que le pain et le vin procurent au corps, l’Eucharistie les procure à l’âme d’une manière beaucoup plus parfaite.
Car, dit-il, le corps de Jésus-Christ ne se change pas en notre substance, comme le pain et le vin ; mais c’est nous, au contraire, qui sommes en quelque manière changés, et qui devenons comme une même chose avec Jésus-Christ.
O mon âme ! veux-tu donc entretenir en toi la santé et recueillir les forces dont tu as besoin pour achever ton pèlerinage ? viens t’asseoir à la table de l’Agneau sans tache, viens-y avec le sentiment de ta misère et de ton indignité; viens-y aussi avec le désir d’être unie à Jésus-Christ, pour être fortifiée dans la vie de la grâce, viens-y surtout le plus souvent que tu pourras.
Le festin des noces est toujours prêt ; le roi qui nous invite, attend avec impatience que nous nous présentions à sa table; il brûle de se prodiguer lui-même à ses sujets ; il fait ses délices d’habiter en eux, de s’entretenir avec eux, d’être leur soutien, leur consolateur, leur ami.
Écoute les paroles que lui suggère l’immensité de son amour. J’ai désiré avec ardeur, j’ai désiré dans toute l’étendue de mes désirs de manger cette pâque avec vous. Ah ! qui pourrait se refuser à de si tendres, à de si pressantes sollicitations ?
Il est vrai que l’Église n*impose à ses enfants l’obligation de recevoir l’Eucharistie qu’une fois dans l’année ; mais ne nous fait-elle pas assez connaître que son intention est de nous en voir approcher plus souvent ?
Le concile de Trente supplie tous les chrétiens par les entrailles de la miséricorde de Dieu, de croire et de vénérer les sacrés mystères du corps et du sang de Jésus-Christ avec une foi vive et une piété ardente qui les mettent en état de participer souvent à ce sacrement adorable. Il témoigne même le désir que les chrétiens vivent de manière à pouvoir communier tous les jours sacramentellement.
Aussi saint Ambroise s’écrie-t-il dans un de ses ouvrages : Si l’Eucharistie est un pain de tous les jours, pourquoi vous contentez-vous de le recevoir une fois dans l’année? (Lib. 5. de Sacram. cap. 4.) Recevez tous les jours ce qui peut tous les jours vous être profitable, et vivez en sorte que vous soyez digne de le recevoir tous les jours. (Ibid.)
Jésus-Christ est pour nous toutes choses dans la très sainte Eucharistie, dit ailleurs ce même Père : Si vous voulez guérir vos blessures, il est le médecin ; si vous êtes chargé de péchés, il est la justice ; si vous avez besoin d’assistance, il est la force : si vous craignez la mort, il est la vie ; si vous voulez aller au Ciel, il est la voie; si vous fuyez les ténèbres, il est la lumière ; si vous avez faim, il est la nourriture. Goûtez donc et voyez combien est doux Jésus-Christ notre Seigneur !
PRIÈRE.
O qu’il est vrai, mon doux Jésus ! que votre cœur est une fournaise d’amour, et que votre charité pour nous est infinie ! vous êtes à la veille d’être immolé pour les péchés du monde ; et comme si ce grand sacrifice ne contenait pas encore votre amour, vous voulez établir le sacrement ineffable dans lequel vous êtes notre nourriture, notre force, notre consolation et notre vie.
Que vous rendrai-je, ô Jésus ! pour un don si précieux? je prendrai le calice du salut, et j’invoquerai votre saint nom. J’userai du bienfait inestimable que vous m’avez accordé, et je me servirai de vos propres dons pour vous témoigner ma reconnaissance. Je purifierai mon cœur, pour qu’il vous présente une demeure digne de vous ; je m’estimerai toujours infiniment heureux de pouvoir participer à votre banquet céleste.
Mais avant d’entrer dans la salle du festin, j’aurai soin de me revêtir de la robe nuptiale, de cette robe d’innocence et de charité sans laquelle nous ne devons point paraître en votre présence. O le Dieu de mon cœur î que puis-je désirer sur la terre, si ce n’est de vous posséder? Et que sont toutes les voluptés du siècle auprès des chastes délices que vous préparez aux âmes qui vous reçoivent dignement ?
Aussi, mon divin Jésus, c’est à vous désormais que se rapporteront tous les désirs de mon âme, tous les soupirs de mon cœur ; désormais je m’entretiendrai dans une sainte impatience d’être uni à vous ; je verrai approcher avec joie les jours où je devrai vous recevoir ; et lorsque j’aurai le bonheur de vous posséder, je conserverai précieusement en moi le divin trésor dont mon cœur sera devenu le tabernacle.
résolutions.
l.° Dès ce moment, je veux faire profession d’une dévotion particulière au sacrement de l’autel : j assisterai le plus souvent qu’il me sera possible au saint sacrifice de la Messe, et je tâcherai de m’exciter à la ferveur en me persuadant que je suis témoin de la Cène où l’adorable Eucharistie fut instituée.
2.° Je ne laisserai jamais s’écouler plus, d’un mois sans m’approcher de la table sainte; je veillerai continuellement sur moi-même, afin d’être en état de communier plus souvent si mon directeur le juge à propos ; et lorsque j’aurai le bonheur de recevoir Jésus-Christ, je ranimerai en moi tous les sentiments d’amour et de reconnaissance dont je serai capable.