LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXIIIe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXIIIe JOUR.

FLAGELLATION ET COURONNEMENT D’ÉPINES.

Tunc apprehendit Pilatus Jesum, et flagellavit. Et milites plectentes coronam de spinis, imposuerunt capiti ejus.

Alors Pilate prit Jésus et le fit fouetter. Et les soldats ayant formé une couronne d’épines, la lui mirent sur la tête. Jean. 19.

D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839

Ier POINT.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Si le peuple fût sorti tout-à-coup de son aveuglement, s’il eût reconnu l’innocence du Sauveur avant de lui faire endurer les tourments de la flagellation, ou que dès ce moment sa rage contre le Fils de Dieu eût été rendue impuissante, alors même il serait vrai de dire que l’homme est incapable de comprendre toute la grandeur des souffrances de Jésus.

En effet, que n’a-t-il point enduré, cet aimable Sauveur, depuis sa prise au jardin des Oliviers ? qui pourrait compter tous les outrages et toutes les humiliations dont il a été abreuvé? Cependant son amour lui prépare bien d’autres souffrances. Il faut que l’ouvrage de notre rédemption soit consommé, et que tout ce qui a été écrit touchant le Fils de l’homme, soit accompli.

Or le Saint-Esprit a annoncé par la bouche d’Isaïe, que le Christ endurerait des tourments qu’il ne paraît pas avoir éprouvés jusqu’ici, et il est visible que c’est de la flagellation que parle le Prophète, lorsqu’il dit :

« il a été couvert de plaies à cause de nos iniquités ; il a été brisé pour nos crimes. Le châtiment qui nous a mérité la paix est tombé sur lui, et nous avons été guéris par ses meurtrissures. Le Seigneur l’a voulu briser dans le temps de son infirmité. » (Isaïe 53.)

Tous les moyens employés par Pilate pour apaiser les Juifs, avaient été infructueux, et semblaient, au contraire, n’avoir servi qu’à augmenter leur fureur. Ils redoublaient leurs cris ; et comme des tigres altérés de sang, ils attendaient avec impatience qu’on leur abandonnât leur victime, afin de pouvoir décharger sur elle toute leur rage.

Pilate pensa qu’il réussirait à les calmer en accordant quelque chose à leurs instances, et il ordonna que Jésus fût fouetté, espérant que l’effusion de son sang étancherait au moins la soif féroce de ses ennemis. Il fallait que la flagellation fût un supplice bien cruel, pour que Pilate le regardât comme un moyen capable d’a-doucir des cœurs de rocher.

A peine cet ordre eut-il été donné, que les soldats se précipitèrent sur le Sauveur avec l’impétuosité et la fureur d’un lion qui se jette sur sa proie. Ils le dépouillèrent de ses vêtements, l’attachèrent à une colonne; et s’étant armés de fouets, ils déchargèrent sur son corps sacré une grêle de coups.

Ah ! qui peut se faire une idée des tourments du Fils de Dieu en cette occasion? Approche-toi, ô mon âme! approche-toi de cette colonne…. Mais quoi, tu frémis! tu n’oses lever les yeux pour contempler ton Sauveur ! Eh, ne sais-tu pas que c’est son amour pour toi qui lui fait endurer de si horribles traitements ? ne sais-tu pas qu’il n’est là que comme une victime d’expiation pour tes propres péchés ?

Approche-toi donc, ô mon âme! ne crains point de considérer Jésus dans ce triste état : l’humiliation qu’il éprouve doit t’élever ; le châtiment qui retombe sur lui te procurera la paix : tu seras guérie par ses meurtrissures. Viens donc, et pénètre-toi de la malice du péché, en contemplant les souffrances que son expiation coûte à ton Sauveur.

Vois cette chair sacrée qui vole en lambeaux sous les coups de fouets ; vois ce sang adorable qui ruisselle par torrents : les soldats en sont tout couverts, et cependant leur fureur ne se calme pas ! Ils raniment leurs forces ; ils appesantissent leurs bras ; ils regrettent de ne pouvoir décharger des coups encore plus violents!

Leur fureur, dit le Seigneur, par son Prophète, leur fureur est semblable à celle d’une bête farouche qui se jette sur sa proie. Ils sont pleins de haine contre moi. Ils grincent des dents en me voyant. Ils me regardent avec des yeux étincelants de colère. Ils ont ouvert leurs bouches contre moi ; et en me couvrant d’opprobres, ils m’ont frappé sur la joue, et ils se sont rassasiés de mes peines…

Leurs soldats m’ont environné ; ils ont déchiré mes reins et mon dos. lis ne m’ont point épargné, et ils ont répandu mes entrailles sur la terre. Ils m’ont fait plaies sur plaies : ils sont venus fondre sur moi comme un géant. (Job. lib. 5, cap. 16.)

Mais que va devenir l’adorable Jésus sous les coups meurtriers de ses bourreaux? Déjà il est tellement défiguré qu’il n’est plus possible de le reconnaître, lui qui était le plus beau des enfants des hommes ! Nous l’avons vu, dit le Prophète, et nous n’avons trouvé en lui ni forme ni beauté.

Ah ! si personne ne vient soustraire cet aimable Sauveur à la rage de ses ennemis, il va expirer sous leur coups ; il n’est pas possible que son humanité endure des tourments si affreux sans succomber. Barbares soldats, arrêtez enfin ! le triste état de votre victime a bien de quoi vous satisfaire ; il lui reste à peine un souffle de vie.

O mon âme ! adore encore une fois l’amour immense de Jésus : le supplice de la flagellation était plus que suffisant pour le faire mourir ; mais sa charité le soutient et lui conserve la vie, parce qu’il veut encore se soumettre à de nouvelles cruautés.

IIe POINT.

Pilate n’avait pas ordonné d’autre tourment que la flagellation : néanmoins les ennemis du Sauveur ne s’en tinrent point à cette exécution sanglante.

Ils emmenèrent Jésus dans la cour du prétoire ; et ayant rassemblé autour de lui toute la compagnie, ils lui ôtèrent de nouveau ses habits, le revêtirent d’un manteau d’écarlate, et firent ensuite une couronne d’épines entrelacées qu’ils lui mirent sur la tête, avec un roseau à la main droite.

Tout ce travestissement était une moquerie de la royauté de Jésus-Christ ; mais ce divin Sauveur qui a déjà déclaré que son royaume n’est pas de ce mon¬de, garde le silence au milieu de ces insultants outrages.

Les soldats lui frappent rudement la tête pour y enfoncer les épines, en sorte que sa face est bientôt tout arrosée de son sang ; et cependant Jésus ne laisse pas échapper le moindre murmure ; il n’adresse à ses bourreaux aucun reproche sur leur dureté : il se soumet, dit le Prophète, comme la brebis qu’on va immoler, ou com¬me l’agneau devant celui qui le tond.

Une telle patience, ajoute un pieux auteur, quand elle ne serait que patience, serait dans le Fils de Dieu un mystère incompréhensible. Mais quand on sait qu’elle couvrait une charité encore plus incompréhensible, toute admiration et toute reconnaissance sont épuisées ; car ces coups redoublés servent à expier notre orgueil.

C’est pour épargner le roseau que la tête du Roi immortel est frappée avec insulte. C’est pour l’affermir que la main du Tout-Puissant le retient. C’est pour rendre humbles, fermes, invincibles ceux qu’il représente, qu’il est tant de fois accepté, et qu’à chaque fois il reçoit de cette main un nouveau degré de force et une nouvelle solidité.

Pilate ne pouvait s’empêcher de reconnaître intérieurement l’innocence de Jésus, mais il n’avait pas assez de fermeté pour s’en déclarer ouvertement le protecteur. Toutes ses démarches en faveur du Fils de Dieu portaient l’empreinte d’une timidité extrême ; et au lieu de recourir aux voies rigoureuses que la justice lui prescrivait, il employait tous les ménagements d’un homme qui soutient une cause dont la bonté lui parait douteuse.

C’est par suite de ce coupable système qu’il tenta un nouveau moyen d’émouvoir le peuple juif et d’apaiser sa fureur. Jésus avait été tellement défiguré par les tourments de la flagellation et du couronnement d’épines, qu’il n’était plus reconnaissante. Pilate crut qu’en le montrant à ses ennemis dans ce triste état, leurs cœurs s’a-molliraient et deviendraient enfin accessibles à la compassion.

C’est pourquoi il le fit paraître devant eux avec sa couronne d’épines et le manteau d’écarlate que les soldats lui avaient mis ; puis il dit en le leur montrant : Voilà l’homme ! Mais que signifie ce témoignage qu’il rend à son innocence ? si Jésus est couvert de plaies, ne le doit-il pas aux ordres iniques et sanguinaires de ce lâche gouverneur ?

Comment donc Pilate prétend-il apaiser le peuple ? Comment peut-il croire que le spectacle de sa propre inhumanité excitera la compassion des Juifs, et que son crime arrêtera le leur ? Non, il n’y réussira pas.

Outre que Jésus n’a pas encore consommé le grand ouvrage qu’il est venu accomplir, Pilate est indigne d’obtenir un si glorieux succès, et l’innocence du Sauveur serait en quelque sorte humiliée, si son triomphe était procuré par un homme aussi méprisable.

Viens contempler, ô mon âme ! le nouveau spectacle qui t’est offert en ce moment. Vois ton Sauveur tout couvert de plaies et odieusement travesti. Le reconnais-tu sous cet extérieur ignominieux et pitoyable ? O quelle foule de réflexions cette vue doit t’inspirer ! Ecce homo ! voilà l’homme ! Oui, le voilà, ce Dieu-homme qui s’est livré par amour pour nous comme une victime de propitiation pour nos péchés !

Le voilà déchiré par la flagellation, couronné d’épines et rassasié d’opprobres ! Pouvons-nous le considérer dans cet état. et conserver encore quelque attache pour les plaisirs de la terre ? Coupables comme nous le sommes, pouvons-nous encore chercher l’élévation et la gloire, en voyant l’innocent par excellence soumis aux plus sanglantes humiliations ?

Ne devons-nous pas rougir, dit saint Bernard, d’être des membres délicats sous un chef couronné d’épines? Un bon soldat, ajoute ce même Père, ne sent pas ses blessures lorsqu’il regarde celles de son prince. À plus forte raison, le fidèle chrétien doit-il oublier tous les maux qu’il endure, en contemplant les plaies et les souffrances de son Dieu.

PRIÈRE.

Adorable Jésus ! blessé à cause de mes iniquités, puis-je vous considérer dans le triste état où les Juifs vous ont mis, et ne pas rougir de honte, moi qui recherche avec tant d’empressement toutes les aises, toutes les commodités de la vie ; moi qui regarde les souffrances comme le plus grand malheur qui puisse m’arriver ici-bas ?

O combien je devrais appréhender la justice de voire Père, en vous voyant, vous qui êtes son Fils unique et l’objet de ses complaisances, soumis aux plus affreux tourments, seulement parce que vous n’avez pas refusé de porter notre ressemblance dans votre chair mortelle, quoiqu’elle fût toute sainte ! Faites-moi comprendre enfin, ô mon Dieu, combien il m’est salutaire de souffrir quelque chose pour vous.

Dès ce moment je suis disposé à recevoir avec soumission, avec reconnaissance, toutes les épreuves auxquelles il vous plaira de me soumettre : aidé de votre grâce, je les supporterai avec courage, en vous disant souvent avec un de vos saints : je ne veux pas vivre, Seigneur, sans blessure, parce que je vous vois blessé pour mon amour.

RÉSOLUTIONS.

1,° Je vais travailler sérieusement à corriger en moi le funeste penchant que j’ai pour la vie molle et voluptueuse. Je ne laisserai passer aucun jour sans pratiquer une œuvre de mortification, quelque légère qu’elle soit, et je veillerai particulièrement à la garde de mes sens, pour leur interdire tous les plaisirs dangereux ou criminels.

2. » Dans la maladie, j’unirai mes souffrances à celles de Jésus-Christ, et j’éviterai de me laisser aller aux murmures ou à l’impatience, en me rappelant que Jésus a enduré les tourments les plus cruels sans proférer une seule plainte.