LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXIXe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXIXe JOUR.

SÉPULTURE DE JÉSUS-CHRIST.

Accepto corpore, Joseph involvit illud in sindone mundà, et posuit illud in monumento suo novo, quod exciderat in petrà.

Joseph ayant pris le corps, l’enveloppa dans un linceul blanc, et le mit dans un sépulcre tout neuf, qu’il avait fait tailler dans le roc. Matthieu. 27.

D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839

1er Point.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Jésus-Christ pouvait ressusciter immédiatement après sa mort ; mais, dans ce cas, ses ennemis n’auraient pas manqué de contester la certitude de sa mort, afin de pouvoir nier ensuite la vérité de sa résur­rection. Aussi ce divin Sauveur voulant ôter toute apparence d’excuse à leur incrédulité, permit que son corps fût descendu de la croix et subît les humiliations de la sépul­ture.

Mais qui rendra les derniers devoirs à ce corps sacré ? Sans doute que les disciples de Jésus vont se disputer cet honneur ? Non ; celui qui va se charger de ce soin est un homme qui n’a point encore fait paraître d’attachement pour le Sauveur : il est vrai que l’Esprit saint en fait, en deux mots, l’éloge le plus pompeux : c’était un hom­me bon et juste qui attendait le royaume de Dieu.

Il avait été disciple de Jésus en secret, parce qu’il craignait les Juifs, mais il n’a­vait pris aucune part à leur crime : il s’était conservé pur au milieu d’une nation corrom­pue, et quoiqu’il eût rang parmi les magis­trats de Jérusalem, il n’avait consenti à rien de ce qu’ils avaient fait contre le Fils de Dieu.

Aussitôt qu’il eut appris que Jésus avait rendu les derniers soupirs, il alla trouver Pilate et lui demanda la permission d’ense­velir lui-même le corps du Sauveur. Cette démarche, tout-à-fait opposée aux calculs de la prudence humaine, annonçait une grande foi dans Joseph.

Comme il était riche et élevé en dignité, puisqu’il était sénateur de Jérusalem, il pouvait craindre que son dévouement pour Jésus, qui venait d’être traité comme un criminel, lui fit perdre l’estime et le crédit dont il jouissait.

Mais il ne s’arrête point à ces considérations : pos­séder le corps de Jésus, est pour lui le pre­mier honneur, la souveraine richesse ; peu lui importe d’acheter cette faveur aux dé­pens de sa place et de sa fortune.

Il sait qu’avant la mort de Jésus-Christ le conseil dont il est membre avait exclus des synago­gues quiconque se déclarerait son disciple : mais il consent à être privé de tout, pourvu qu’il obtienne le riche trésor de Jésus-Christ, et qu’il partage avec lui ses ignominies dans un temps où la faiblesse et l’imperfection de sa foi lui cachent encore la gloire future de sa résurrection.

Aucun de nous ne refusera, sans doute, le tribut de son admiration à cette con­duite de Joseph ; mais où trouver des imi­tateurs de sa foi ? Ne les chercherions-nous pas inutilement dans ce siècle où les clas­ses les plus distinguées de la société se font gloire de désavouer les principes de la re­ligion ?

Dans ce siècle auquel il était ré­servé de faire entendre ce blasphème inouï : La religion est pour le peuple ; comme si le Dieu que le peuple adore n’était pas le Dieu qui élève les trônes et qui les abaisse, qui renverse, par son souffle, les cou­ronnes les plus brillantes, et qui brise les sceptres comme de fragiles roseaux ?

Mais ce n’est point ici le lieu de combattre ce dogme, ridicule à force d’impiété : con­tentons-nous de remarquer que Joseph s’est rendu beaucoup plus célèbre par la sépul­ture qu’il a donnée au Fils de Dieu, que par les dignités dont il a été revêtu; puis­que sa mémoire est arrivée jusqu’à nous, couverte de bénédictions de tous les siècles, tandis que les noms de ceux qui compo­saient avec lui le conseil des sénateurs, sont demeurés dans le plus profond oubli.

Ce n’est pas sans raison que l’Évangile nous rapporte que Joseph fit acheter un linceul pour ensevelir le Sauveur ; cette conduite est un exemple de la pureté que nous devons apporter à la réception de l’adorable Eucharistie. Il serait à souhaiter que tous les chrétiens pussent approcher de la table sainte avec cette robe d’inno­cence dont ils ont été revêtus au jour de leur baptême.

Mais puisque la fragilité de notre nature nous rend si difficile la con­servation de ce précieux trésor, au moins devons-nous recourir au baptême laborieux de la pénitence, et purifier notre cœur de toutes ses souillures, avant de recevoir le corps de Jésus-Christ.

Que l’exemple de Joseph nous serve donc de loi, dit saint Grégoire ; imitons ce qu’il a fait, et gar­dons-nous bien, lorsque nous recevons le don précieux du corps de Jésus-Christ, de l’envelopper dans un linge souillé, et de le placer dans un corps semblable à un sépulcre plein d’ossements de morts, et in­fecté d’une corruption insupportable.

Quant au tombeau dans lequel fut dé­posé le corps de Jésus, l’Évangile nous fait encore observer qu’il était neuf, et que personne n’y avait été mis. Il ne convenait pas, en effet, que le corps du Fils de Dieu fût mis dans un tombeau où d’autres morts l’auraient pré­cédé.

Le vainqueur de la mort, dit saint Ambroise, ne devait point avoir un sépulcre qui fût à lui ; mais il était encore plus in­digne du vainqueur de la mort d’être con­fondu avec ceux dont la mort avait triomphé. Il fallait que le sépulcre dans lequel Jésus-Christ devait renaître par sa résurrection, fût semblable au sanctuaire dans lequel il avait été conçu pour naître parmi nous.

Il fallait que Jésus-Christ conservât partout la qualité de Fils unique, comme premier-né entre tous les morts, aussi-bien que comme premier-né entre plusieurs frères ; il ne con­venait pas qu’étant seul libre entre les morts, seul maître de reprendre la vie, comme il avait été seul maître de l’exposer pour nous, il fût mêlé avec ceux qui n’é­taient morts que par nécessité, et sur qui le prince de la mort retenait encore un grand empire.

IIe Point.

Pourrais-tu, ô mon âme ! mettre aujourd’hui des bornes à ton admiration et à ton amour ? pendant trois jours, le Roi de gloire consent à habiter une sombre caverne ; pendant trois jours le vainqueur de la mort laisse croire aux hommes que c’est la mort qui l’a vaincu ; pendant trois jours enfin, l’auteur de la vie demeure enseveli dans un tombeau !

O vous, amateurs d’une vaine gloire, qui recherchez avec tant d’empressement les applaudissements et les éloges du monde ; vous qui êtes si sen­sible à des préférences injustes, à des plai­santeries humiliantes, venez au tombeau de Jésus, et à la vue de cet humble monument, demandez-vous à vous-mêmes si c’est là une demeure digne du Fils de Dieu !

Qui est-ce qui mérita d’être élevé si haut et qui est-ce  qui est descendu si bas ? Vit-on jamais tant de gloire s’envelopper de tant d’ignominies ? Oh ! qu’un pareil spectacle renferme d’ins­tructions pour nous ! Quel voix éloquente s’échappe de ce tombeau sacré ! Où trou­verons-nous un tombeau assez profond pour ensevelir nos vaines distinctions, nos avantages imaginaires ?

Après que le Verbe divin a voulu, pour expier notre orgueil, être séparé du commerce des hommes pendant plusieurs jours, être éloigné de leurs yeux comme un objet indigne de fixer leurs re­gards, et relégué parmi les morts dont la mémoire ne subsiste plus, de quelle pri­vation aurons-nous sujet de nous plaindre, et quelles liaisons pourrions-nous conserver encore avec le monde ?

Quel sacrifice nous paraîtra pénible, si nous considérons l’état où s’est réduit le Sauveur, sa demeure dans un lieu ténébreux, sans y avoir aucun usage des sens, et sans autre liaison% que celle qu’il conserve avec la Divinité dont sa chair n’avait pu être privée ?

Mais d’un autre côté, s’il est un exemple capable de ranimer et d’augmenter notre foi, n’est-ce pas surtout celui de Joseph? Oh ! combien son dévouement et son cou­rage sont richement récompensés !

C’est par ses mains que le corps de Jésus est déposé dans ce tombeau qui, suivant la pensée d’un Père, est le lieu où, par un double miracle, Jésus est conçu par sa mort, et enfanté ensuite par sa résurrection : dans ce tombeau qui sera, jusqu’à la fin des siè­cles, le lieu le plus auguste de la terre et l’objet de la vénération des chrétiens.

C’est surtout à ce moment, dit saint Ambroise, que le pieux Joseph mérite la qualité d’homme riche que lui donne l’Évan­gile, puisque le corps de Jésus-Christ est à lui. Il est devenu le maître de la victime, et de l’autel sur lequel elle s’est immolée. Tout est à lui, Jésus-Christ et sa croix. Le Père céleste l’a mis en possession de tout ; et que ne lui a-t-il point donné, en effet, en lui abandonnant son propre Fils?

Il avait confié ce Fils réduit aux faiblesses de l’en­fance à Joseph, l’époux de Marie ; et il confie à un autre Joseph ce même Fils réduit à une infirmité encore plus grande par la mort : il voulait que le premier cachât le mystère de son incarnation, il veut que le second commence à dévoiler le mystère de ses ignominies et de sa mort.

L’un est. pauvre et dans une condition obs­cure, quoique de la race de David ; l’autre, sénateur, est choisi pour lui rendre en public les honneurs de la sépulture :

heu­reux l’un et l’autre d’avoir été choisis entre tous les hommes pour recevoir Jésus-Christ dans sa naissance et à sa mort, lorsqu’il entrait dans le monde et qu’il en sortait !

heureux l’un et l’autre d’avoir été les dé­positaires du plus précieux de tous les dépôts, et d’en avoir connu le prix caché au reste du monde!

heureux l’un et l’autre d’avoir mérité le nom de juste, que le Saint-Esprit leur a donné, et d’être devenus les modèles de ceux qui s’approchent de Jésus-Christ, qui est encore plus caché sous les voiles eucharistiques que dans la crèche et dans le tombeau !

PRIÈRE.

Je vous adore, ô mon Jésus ! dans la so­litude de ce tombeau où vous reposez par amour pour moi : je tous y reconnais pour mon Sauveur ; et quoiqu’une pierre me dérobe la vue de votre corps sacré, je me sens plein de confiance en votre miséri­corde dont le tombeau ne saurait arrêter les effets. Nouveau Jonas, vous êtes vivant dans les entrailles du monstre qui vous a dévoré.

C’est la mort que vous avez en­gloutie, et non la mort qui vous a englouti. Donnez-moi part à votre victoire sur elle. Faites-moi sortir avec vous des entrailles, du dragon qui m’a dévoré, parce que j’ai mérité d’y être livré. Que votre innocence devienne la mienne ; que votre liberté m’af­franchisse. Tirez-moi de l’abîme où je suis enseveli, et menez-moi en triomphe avec les autres captifs que vous êtes venu délivrer.

RÉSOLUTIONS.

l.° Je vais descendre an dedans de moi-même, et étudier mes penchants corrom­pus, afin de pouvoir les immoler sur le tombeau de Jésus-Christ.

2.° Je regarderai les pauvres comme les membres vivants de Jésus-Christ, et j aug­menterai aujourd’hui la somme de mes au­mônes, puisque c’est là, d’après saint Jean Chrysostome, le véritable moyen d’imiter la charité de ceux qui ont enseveli le corps du Sauveur.