1 L’ANNONCE
Introduction
En cette année de la Parole de Dieu, au moment du synode des évêques, il est bon de faire le point et de comprendre la relation qui existe entre la Médaille et cette Parole de Dieu. Un angle d’approche se trouve tout naturellement, bien sûr, dans le rosaire, dans le chapelet, mais plus humblement il est bon de l’envisager dans l’Angélus.
La Médaille Miraculeuse nous parle de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie. Sa présence est évoquée sur l’avers de la Médaille avec la personne même de Marie, comblée de grâces qu’elle diffuse. Cette face de la Médaille nous prépare implicitement à comprendre la grâce suprême, ce à quoi était destinée la Vierge : devenir la mère du Christ Jésus, la Mère du Verbe de Dieu, de la Parole de Dieu, la personne de Jésus-Christ. Et c’est le mystère de l’Incarnation.
Nous sommes à même de comprendre la prière qui s’est développée depuis plusieurs siècles. Je veux parler de l’Angélus Domini. Cette prière nous présente les protagonistes et nous fait contempler effectivement le mystère du Seigneur Jésus, une incarnation, nous le verrons, rédemptrice. C’est ce qui est bien évoqué dans la prière finale de l’Angélus.
Le rôle de Marie
En regardant la Médaille, nous comprenons combien Marie a un rôle si important dans notre vie spirituelle et combien nous devons avoir à son égard une grande dévotion. Ce mot veut dire dévouement, et le dévouement c’est le don de soi. Nous serons donc dévoués à Marie, si nous nous donnons complètement à elle et, par elle, à Dieu.
En cela nous ne ferons qu’imiter Dieu lui-même qui se donne à nous et nous donne son Fils par son intermédiaire, comme cela est présent sur l’envers de la Médaille. Nous donnerons notre intelligence par la vénération la plus profonde, notre volonté par une confiance absolue, notre cœur par l’amour le plus filial, notre être tout entier par une imitation aussi parfaite que possible de ses vertus.
Cette vénération est basée sur la dignité de mère de Dieu et les conséquences qui en découlent. Nous ne pourrons en effet jamais trop estimer celle que le Verbe Incarné révère comme sa mère, que le Père contemple avec amour comme sa fille bien-aimée et que le Saint Esprit regarde comme son temple de prédilection.
Le Père la traite avec le plus grand respect en lui envoyant un Ange qui la salue comme pleine de grâce, et lui demande son consentement à l’œuvre de l’Incarnation pour laquelle il veut se l’associer si intimement ; le Fils la vénère, l’aime comme sa mère et lui obéit ; le Saint Esprit vient en elle. En vénérant Marie, nous ne faisons donc que nous associer aux trois personnes divines et estimer ce qu’elles estiment.
Il y a sans doute des excès à éviter, en particulier tout ce qui tendrait à l’égaler à Dieu, à en faire la source de la grâce. Mais tant que nous la considérons comme une personne, qui n’a de grandeur, de sainteté, de puissance qu’autant que Dieu lui en confère, il n’y a pas d’excès à craindre : c’est Dieu que nous vénérons en elle.
Réciter l’Angélus
C’est dans cet esprit que nous récitons les prières en l’honneur de Marie, l’Ave Maria et l’Angélus qui lui rappellent la scène de l’Annonciation, son titre de Mère de Dieu. En récitant ensemble la belle prière de l’Angélus, comme nous le dit Benoît XVI (Angélus JMJ Sydney 20 juillet 2008), « nous y réfléchirons sur Marie, jeune femme s’entretenant avec l’ange qui l’invite, au nom de Dieu, à un don particulier d’elle-même, de sa propre vie, de son avenir de femme et de mère. »
« Nous pouvons imaginer ce que Marie ressentit à ce moment-là : étant toute bouleversée, totalement dépassée par la proposition qui lui était faite. L’ange comprit son inquiétude et s’efforça aussitôt de la rassurer : « Sois sans crainte, Marie (…) l’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » (Lc 1, 30, 35). C’est l’Esprit Saint qui lui a donné la force et le courage de répondre à l’appel du Seigneur. C’est l’Esprit qui l’aide à comprendre le grand mystère qui est en train de s’accomplir à travers elle. C’est l’Esprit qui l’enveloppe de son amour et la rend capable de concevoir dans ses entrailles le Fils de Dieu. »
L’Angélus, c’est donc le moyen de méditer :
le message de Dieu à la Vierge, image du message de Dieu à chacun de nous pris individuellement ;
la réponse que lui donne la Vierge, son « oui », son Fiat, image de la réponse que chacun d’entre nous doit donner ;
la réponse de Dieu à la Vierge ;
la réalisation de son message, la venue du Christ sur la terre, prolongée par l’Eucharistie ;
nos recours fréquents aux sacrements de pénitence et d’eucharistie ;
nos actes concrets de foi ;
les signes qui font entrer en contact personnel avec le Christ, moteurs de victoire sur le mal moral et sources de conversion.
L’histoire de l’Angélus
Combien de fois, le matin, ai-je été éveillé dans mon enfance par le tintement de l’Angélus sonnant à l’église toute proche ? Maintenant que j’ai quitté le bourg où s’écoula mon enfance, ce tintement familier me manque en ville comme font défaut les autres sonneries qui me disaient qu’un enfant entrait dans la vie, qu’un couple allait être uni ou, au contraire, qu’un habitant le quittait pour toujours.
Pourtant, ce clair appel qui semble avoir toujours fait partie de la vie quotidienne, ne date guère que de l’an 1000 ou, plus exactement, de l’an 1097, où, au cours du Concile de Clermont, le Pape Urbain II demanda que les cloches des cathédrales et des églises de la Chrétienté soient tintées le matin et le soir. Il demanda cela afin que des prières soient faites à la Vierge Marie pour le succès de la Première Croisade.
Mais, la Croisade terminée, cette obligation qui n’avait, semblait-il, plus de raison d’être, se perdit et serait, peut-être, tombée dans l’oubli si une seule église au monde n’avait continué cette tradition : la cathédrale de Saintes. Simplement, jours après jours, les sonneries de ses cloches rappelaient matin et soir aux habitants des alentours que c’était l’heure de la prière; et chacun, dans les champs comme dans les maisons, se recueillait pendant quelques brèves minutes.
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Les origines de la prière de l’Angélus sont lointaines et complexes. Elle est le résultat d’une longue évolution et ce n’est que dans les temps modernes qu’elle atteignit sa forme actuelle.
On trouve les premiers éléments de la prière elle-même dès les XIIe et XIIIe siècles. C’est l’époque où se répand la pratique des trois Ave Maria. On dit que saint Antoine de Padoue (1195-1231) la recommandait vivement. Cette prière mariale, parmi les plus chères de la tradition occidentale, a vu le jour grâce à l’un des disciples de saint François d’Assise, le bienheureux Benoît Sinigardi (1192-1282), d’Arezzo.
Disciple de Saint François, professeur de théologie à la faculté de Paris de 1248 à 1257, ami de saint Thomas d’Aquin, devenu ministre général des Frères mineurs en 1257, saint Bonaventure a introduit dans leurs couvents la prière de l’Angélus, pour saluer l’Incarnation du Fils de Dieu. Réciter les trois Ave, le soir après complies, en méditant sur ce mystère : c’est ce qu’il aurait proposé au chapitre général de l’Ordre des Frères mineurs, à Assise, en 1269, les Franciscains demandant « qu’en l’honneur de la glorieuse Vierge, les Frères enseignent au peuple à saluer quelques fois la Bienheureuse Vierge lorsque retentit la cloche des complies ».
L’Ave Maria primitif devient ainsi, au cours du XIIIe siècle, d’un usage général dans la prière privée. A cette époque, l’usage s’introduisit dans les cloîtres d’accompagner de la sonnerie des cloches la salutation mariale du soir. Cette dévotion se répandit rapidement à Paris puis dans toute l’Église.
Le chapitre provincial de Padoue, en 1305, décrète pour la Province franciscaine de Venise « qu’on sonne dans tous les couvents, le soir, la cloche trois fois, lentement, en l’honneur de la Vierge glorieuse et qu’alors, tous les Frères s’agenouillent et disent trois fois ‘Je vous salue Marie pleine de grâce’. »
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En 1314, la prière se répand à Milan et ses environs. Cet usage se généralise rapidement sous Clément V. La même année, ce pape séjournant à Carpentras où était sa curie, demande que l’on sonne la cloche des Ave Maria après le chant des complies.
Son successeur, Jean XXII, originaire de Cahors, est touché par la constance de la cathédrale de Saintes, capitale de la Saintonge. Il approuve, par acte du 13 octobre 1318, la pratique de l’Angélus du soir, observée dans le diocèse de Saintes. Il l’introduit en Avignon et indulgencie les fidèles qui, entendant la cloche, réciteront à genoux trois Ave Maria.
Le 7 mai 1327, le même Jean XXII (alors âgé de 78 ans) écrit à son vicaire à Rome d’y introduire la même coutume, à laquelle il attache une indulgence. Transformant ainsi le vœu de son prédécesseur Urbain II en une institution, il stipule que cette pieuse coutume doit être étendue à l’Eglise toute entière. L’usage est déjà observé à Pavie dès 1330 et se répand dans toute la chrétienté au XIVe siècle.
Le Synode de Prague, en 1386, le recommande le vendredi pour honorer la Passion du Christ. En France, l’Angélus est d’usage sous le roi Louis XI pour implorer la paix du royaume. A Rome, il est prescrit par le Pape Calixte III (1456) pour demander la victoire de la chrétienté sur les Turcs musulmans.
Quelques décennies plus tard, la menace musulmane étant disparue, sous Sixte IV († 1484), l’unification des trois Angélus est achevée et les trois sonneries de cloche qu’accompagne la récitation de l’Ave ont seulement pour but d’honorer la Vierge Marie dans le mystère de l’Annonciation.
Les composantes de l’Angélus
Le texte du Je vous salue Marie
Déjà au Ve siècle, les liturgies grecques commencèrent à saluer la Sainte Vierge dans les termes de l’archange Gabriel et de Sainte Elisabeth, tels que le rapporte l’Evangile de saint Luc. Introduit dans la liturgie latine par Saint Grégoire le Grand, et, au VIIe siècle dans la liturgie mozarabe, l’Ave Maria primitif devint, au cours du XIIIe siècle, d’un usage général. Saint Thomas d’Aquin en donne un commentaire théologique.
Les versets et les répons
C’est au XVIe siècle qu’on introduisit l’usage de séparer les trois Ave par trois versets et leurs répons, sensiblement les mêmes que ceux en usage actuellement. L’oraison, dans sa forme définitive, est fixée en 1612. Enfin ce sera le rôle de Benoît XIII (14 sept. 1734), puis de Benoît XIV (20 avril 1742) et surtout de Léon XIII (3 avril 1884) d’avoir déterminé dans sa forme actuelle la pratique de l’Angélus et d’avoir enrichi de nombreuses indulgences cette dévotion qu’a illustrée le célèbre tableau de Millet.
Le sens de l’Angélus
C’est donc l’archange Gabriel qui fut envoyé à Marie pour lui annoncer qu’elle allait être Mère de Dieu. En mémoire de ce prodigieux événement, l’Église a consacré l’usage de saluer trois fois par jour la sainte Vierge avec les paroles mêmes de l’ange.
Saint Alphonse de Liguori dit qu’en offrant à Marie les trois Ave de l’Angélus, on renouvelle chaque fois dans son âme le tressaillement de bonheur qu’elle éprouva lorsque l’ange lui apparut et qu’elle se sentit Mère de Dieu. Quelles grâces ne laissera-t-elle pas tomber sur tous ceux qui lui procureront cette joie en lui rappelant cet heureux souvenir ?
Et quelle transformation de la société pourrions-nous espérer si tous les fidèles récitaient l’Angélus à l’appel des cloches du matin, du midi et du soir et sanctifiaient ainsi leurs journées ?
Et si la persévérance dans une pratique mariale peut nous obtenir l’assistance de la Vierge Marie à l’heure de notre mort, n’est-il pas une pratique plus simple et plus facile à observer que la récitation de l’Angélus à laquelle nous rappellent régulièrement les sonneries de l’église paroissiale ? Quand nous entendons sonner l’Angélus, disons l’Ave Maria et pensons au grand mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu.
La Trinité unit à la Personne du Verbe une nature humaine, formée de la chair et du sang très purs de la Vierge Marie et d’une âme raisonnable créée par Dieu : Dieu se fait homme ; il advient qu’un Homme est Dieu : tel est le Mystère de la très sainte Incarnation.
Un mot, dit saint Jean de Damas, résume tout le Mystère, le mot du Concile d’Éphèse : Marie est Mère d’un Dieu, Dei Genitrix, Theotókos. Sous l’action du Saint-Esprit, le Fils unique de Dieu a reçu notre chair humaine de la Vierge Marie et est devenu homme.
Le contenu théologique de l’Angélus
Dans son Exhortation apostolique « Marialis Cultus » sur le culte de la Vierge Marie, du 2 février 1974, le pape Paul VI (+1978), au numéro 41, a bien résumé le contenu théologique et spirituel de l’Angélus, lorsqu’il écrit:
« Cette prière n’a pas besoin d’être rénovée: sa structure simple, son caractère biblique, son origine historique qui la relie à la demande de sauvegarde dans la paix, son rythme quasi liturgique qui sanctifie divers moments de la journée, son ouverture au mystère pascal qui nous amène, tout en commémorant l’Incarnation du Fils de Dieu, à demander d’être conduits ‘par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection’, font que, à des siècles de distance, (cette prière) conserve inaltérable sa valeur et intacte sa fraîcheur. »
« La valeur de la contemplation du mystère de l’Incarnation du Verbe, de la salutation à la Vierge et du recours à sa miséricordieuse intercession reste inchangée ; et, malgré les conditions nouvelles des temps, ces moments caractéristiques de la journée – matin, midi et soir – qui délimitent les périodes d’activité et constituent une invite à s’arrêter pour prier, demeurent inchangés pour la majeure partie des hommes. »
La pratique de l’Angélus
C’est une excellente pratique et une admirable prière que celle de l’Angélus qui reprend la dévotion des Trois Ave et qui rappelle le plus grand des mystères : le Verbe se faisant homme afin de faire de nous des enfants de Dieu. L’homme constamment courbé vers la terre et absorbé par les soucis matériels doit souvent se rappeler qu’il ne vit pas seulement de pain. Rien de plus efficace que la sonnerie des cloches qui proclame trois fois par jour le salut éternel pour lequel il est créé et a été racheté.
D’une doctrine sûre et de piété solide, la voix des cloches donne à la prière de l’Angélus un caractère poétique qui, bien loin de contrarier l’essor de l’âme, la seconde au contraire. Existe-t-il un concert à la fois plus simple et plus beau que celui, – chaque jour répété matin, midi et soir, – qui se propage à travers les airs en ondes variées, des multiples clochers des villes ou des villages ? Quelle âme, si fruste soit-elle, qui n’y soit pas un jour sensible ?
Jadis, au son de l’Angélus, les jeux, les discussions, voire les disputes cessaient quelques instants. En Italie et surtout en Espagne, aux premiers tintements de la cloche, le marchand suspendait son commerce, les passants, riche ou pauvre, enfant ou vieillard, s’arrêtaient et se mettaient à genoux et récitaient les paroles de l’Ange Gabriel.
Saint Charles Borromée, évêque si distingué par sa piété et par sa science, n’hésitait pas à descendre de voiture ou de cheval pour réciter, en pleine rue, l’Angélus en l’honneur de Marie. En quelque lieu et en quelque société qu’il se trouvât, saint Vincent de Paul se recueillait et se mettait à genoux, aussitôt qu’il entendait l’Angélus, s’estimant trop heureux de pouvoir donner publiquement une preuve de son amour filial pour Marie.
L’Angélus se récite donc trois fois par jour, le matin, à midi et le soir. Il se récite, en principe, à genoux, sauf le samedi soir et le dimanche où on le récite debout. Il devrait être récité au son de la cloche, mais, lorsqu’on n’est pas à même de l’entendre, on gagne tout de même les Indulgences en le disant à un autre moment. Aujourd’hui, une coutume s’est introduite en ajoutant à la suite de l’oraison trois » Gloire au Père… »
Premiers éléments de cette prière.
C’est une prière que nous aimons redire à la route. Pourquoi s’arrêter trois fois par jour pour la réciter ? Et pourquoi cette prière, il en existe d’autres ! Nous nous posons sans doute ces questions. Cette prière traditionnelle de l’Église est à redécouvrir. Donnons-nous quelques pistes de réflexion, pour notre petite heure de route… Prenons le temps d’ouvrir la Bible pour y chercher les références qui sont indiquées.
L’Ange du Seigneur porta l’annonce à Marie…
Nous sommes invités à redécouvrir le Oui de la Vierge Marie, mais plus encore à nous émerveiller devant la gratuité et l’initiative de notre Dieu. Il a manifesté son alliance depuis la Création, en choisissant un peuple, des prophètes…
Aujourd’hui, notre Dieu envoie son ange (Lc 1,26-38) pour renouveler l’Alliance. Il choisit la Vierge Marie pour en faire une collaboratrice de son plan d’amour, de son dessein de salut, qui est de faire de tous les hommes ses enfants (Ga 4, 4-6).
Dieu nous devance toujours sur notre route, il nous précède. Il est le chemin, la vérité et la vie (Jn 14,6).
A quoi disons-nous « oui » ou « non » ?
Quels choix avons-nous fait dans notre vie ?
Croyons que nous sommes choisis par le Seigneur ?
Croyons-nous vraiment à cette Parole de Jésus :
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis. (Jn 15,16) ?
Comment comprenons-nous la gratuité de l’amour de Dieu ?
Quelle est notre place dans cette histoire de salut, dans ce dialogue que Dieu a avec nous?
Et elle conçut du Saint Esprit…
L’Angélus nous place au cœur de notre foi. Le jubilé de l’An 2000 était le Jubilé de l’Incarnation, Dieu vient vivre parmi les hommes. Jésus est conçu de l’Esprit saint, né de la Vierge Marie, affirme le Credo. Il est Seigneur, le Fils de Dieu. Il a pris notre humanité. Il est donc le seul médiateur, le seul capable de nous sauver. Le but de l’Incarnation, c’est de nous remodeler, de nous reformer à l’image du Christ Jésus, le Fils bien-aimé du Père.
L’Esprit saint vit en nous depuis notre baptême et notre confirmation. Il est Seigneur et il reçoit même adoration et même gloire (Credo de l’Eglise). Il donne la vie (Galates 5, 25).
Pensons-nous à le prier, à lui parler ?
Qu’est-ce qui a besoin d’être changé en nous, d’être sauvé par le Christ ?
Que sommes-nous prêts à abandonner pour que le Seigneur habite vraiment en nous, pour que nous devenions la maison de Dieu (musique, argent, mode, regard d’autrui…) ?
Le tableau de Millet
Le soleil baisse ; l’azur est plein de ses derniers rayons de pourpre et d’or. C’est dans un champ spacieux et uni. Au loin d’autres champs se succèdent, couverts de hautes gerbes dorées de blé mûr. Dans le lointain brille un point d’argent, un diamant. C’est le clocher de la petite église qui reflète les rayons mourants de l’astre du jour. Maintenant, un carillon clair vient éveiller l’écho qui dormait. C’est l’Angélus qu’on sonne au village de Chailly-en-Bière, près de Barbizon.
Les cloches joyeuses tintent, et la nuée de sons s’envole, comme un nuage d’ange, vers l’infini. Les tintements, voyageant dans le firmament en flammes, viennent frapper l’oreille de deux paysans qui travaillent la terre féconde. Ils déposent la bêche et la brouette. L’homme se découvre, la femme se recueille, et l’on sent que de deux cœurs s’élève un cantique fervent et sincère à la gloire du Tout-Puissant.
« Un homme et une femme récitent l’Angélus, prière qui rappelle la salutation de l’ange à Marie lors de l’Annonciation, nous dit le commentaire du musée d’Orsay. Ils ont interrompu leur récolte de pommes de terre et tous les outils, la fourche, le panier, les sacs et la brouette, sont représentés. Sur le fond qui s’efface dans le pâle lointain, les deux personnages, le centre, l’âme du tableau pourrait-on dire, se dégagent avec précision, et attirent à eux l’idée instantanément, sans que le regard s’attarde aux détails du paysage.
En 1865, Millet raconte : ‘L’Angélus est un tableau que j’ai fait en pensant comment, en travaillant autrefois dans les champs, ma grand-mère ne manquait pas, en entendant sonner la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l’angélus pour ces pauvres morts’. C’est donc un souvenir d’enfance qui est à l’origine du tableau. Dans une scène simple, il souhaite fixer les rythmes immuables des paysans. Ici, l’intérêt du peintre se porte sur le temps de la pause, du repos.
Isolé au premier plan, au milieu d’une plaine immense et déserte, le couple de paysans prend des allures monumentales, malgré les dimensions réduites de la toile. Leurs visages sont laissés dans l’ombre, tandis que la lumière souligne les gestes et les attitudes.
Voici à peu près l’impression que laisse ce magnifique tableau. Ce qui en fait la force et la beauté, c’est l’unité de l’objet qui attire l’attention et sa grâce douce. Voyez cette paysanne, pauvrement vêtue, la simplicité gracieuse de son attitude, la jolie ligne de son cou, de sa tête penchée. Le peintre a aussi su lui imprégner son sentiment.
La théorie de Millet est exprimée tout entière sur cette toile. Il a écrit, en parlant de son art : ‘Caractériser, voilà le but : mettre pleinement et fortement ce qui est nécessaire. Je professe la plus grande horreur pour les inutilités (si brillantes qu’elles soient) et les remplissages qui ne peuvent emmener que la distraction et l’affaiblissement.’ La toile exprime ainsi un profond sentiment de recueillement et Millet dépasse l’anecdote pour tendre vers l’archétype. »
C’est sans doute ce qui explique le destin extraordinaire de L’Angélus.
Conclusion
Qu’elle est touchante la piété du fidèle qui, trois fois par jour, associe un geste de génuflexion, le salut à la Vierge Mère, le rappel de l’Incarnation, prélude de la Rédemption et de la glorieuse Résurrection, au doux tintement de la cloche de nos églises ! Lorsque nous sommes menacés de perdre l’usage de nos cloches, nous éprouvons un chagrin intime à la pensée que le souvenir de l’Incarnation pourrait être mis en péril.
Saint Joseph a été le gardien de l’Incarnation, le protecteur attitré de l’Enfant-Dieu. Demandons-lui, avec une ardente confiance, de sauver la dévotion à l’Angélus dans notre pays. Oui, n’oublions jamais que par l’Incarnation Dieu, « l’Emmanuel », est devenu véritablement un des nôtres.
Je voudrais terminer par une réplique de Sœur Catherine Labouré, à la fin de sa vie :
– N’avez-vous pas un peu peur de mourir ? demanda une de ses compagnes.
Elle leva un regard plein de surprise.
– Peur ? Pourquoi donc aurais-je peur ? Je vais retrouver le Bon Dieu, la Sainte Vierge, Saint Vincent…
Elle n’eut pas d’agonie, celle qui avait tant de fois répété à la Sainte Vierge : « Priez pour nous maintenant et à l’heure de notre mort » ! Cette heure de la mort était douce comme un sommeil pour la Confidente de la Mère de Dieu. Une vraie mort du juste. Elle était aussi comme l’écho de la parole de Saint Vincent de Paul :
«Celui qui aura aimé les pauvres pendant sa vie n’aura rien à craindre à l’heure de sa mort ».
On s’aperçut à peine qu’elle avait rendu le dernier soupir. C’était l’heure de l’Angélus du soir. Elle allait à jamais contempler la Vierge « dans son plus beau »…