EUCHARISTIE MÉDITÉE 7

EUCHARISTIE MÉDITÉE 7

Quelques gouttes de miel dans notre coupe d’absinthe.

Venez à moi, vous tous qui êtes affligés, et je vous consolerai. (Matth., XI, 28.)

Eucharistie- Motif sculpté sur porte d'église - Bruxelles
Eucharistie- Motif sculpté sur porte d’église – Bruxelles

7e Action de grâces – Jésus a voulu souffrir pour adoucir nos souffrances.

Je vous ai appelé, ô mon Dieu, et vous êtes venu ; vous avez entendu le cri de mon cœur et la voix de mes larmes, et comme une mère qui a pitié de la détresse et des angoisses de l’enfant qu’elle a porté dans son sein, vous êtes accouru pour me consoler et me soutenir dans l’affliction qui me presse.

Votre présence, ô Jésus, est pour mon âme consumée par la douleur ce que la douce rosée de la nuit est à une plante brûlée par l’ardeur du soleil de l’été ; vous la ranimez et lui rendez un peu de vie comme la rosée en rend à la plante qui sans elle allait mourir.

Vous venez, ô divin consolateur, pour compatir à mes peines, pour les alléger et pour inviter mon cœur à se soulager en s’épanchant dans le vôtre. Si votre main ne veut pas arracher toutes les épines qui le blessent, vous voulez au moins adoucir les blessures qu’elles lui ont faites ; vous voulez, en transformant ma volonté dans la vôtre, me rendre plus léger le fardeau qui jusqu’ici m’a paru si lourd.

Je le sais, Seigneur, rien ne m’est arrivé que ce que vous avez voulu et ordonné pour moi de toute éternité. Vous avez compté le nombre des jours que j’ai déjà vécu et pesé dans la balance de votre sagesse les heures de douleur qui ont attristé ma vie. Vous comptez également le nombre des jours que vous me réservez encore, et vous pèserez de même, pour les proportionner à ma faiblesse, les épreuves que vous me destinez encore.

Soyez béni, mon Dieu, des peines passées et des peines futures ; pardonnez-moi la faiblesse et le peu de courage avec lesquels j’ai supporté les unes, donnez-moi du courage, de la résignation et même de la joie pour supporter les autres.

Vous le savez, Seigneur, depuis longtemps déjà mes yeux sont habitués à répandre des larmes. Si souvent la douleur a déchiré mon âme ! tant de fois elle a gémi, oppressée par la tristesse et les angoisses !…

Pour moi le bonheur n’a été qu’un rêve qui s’est évanoui au matin de la vie, avant l’heure où finit l’enfance. Les illusions de la jeunesse se sont envolées aussi vite que les pétales d’une fleur que le vent arrache et qui s’envolent au souffle de l’orage.

Dans tout cela, ô mon Dieu, je reconnais et j’adore votre miséricorde encore plus que votre justice ; vous vouliez de bonne heure m’attacher à vous en me détachant de la terre, et me forcer, par le sentiment de la souffrance, à ne chercher le bonheur qu’en vous seul, à élever mes pensées et mes espérances vers un monde meilleur.

Santé, fortune, jouissances du cœur, vous m’aviez tout donné, vous m’avez tout ôté, et mon cœur vous bénit dans les infirmités, dans l’indigence, dans les privations de toutes les joies de la vie.

Mais pardonnez, Seigneur, s’il est une douleur à laquelle mon faible cœur n’a pu encore entièrement se résigner, si la dernière goutte du calice m’a semblé trop amère, si la nature s’est révoltée contre elle. Je ne l’ai pas rejetée, cette goutte de fiel, vous le savez, mon Dieu, mais mon cœur saigne toujours ; il n’a pu encore consommer le sacrifice demandé par vous et accompli par moi.

Comme des épis mûrs tombent sous la faux du moissonneur au jour de la moisson, j’ai vu tomber autour de moi tous ces êtres chéris qui entourèrent mon enfance et ma jeunesse de sollicitude et d’amour. Tous ces cœurs sur lesquels s’appuyait mon cœur m’ont manqué tour à tour ; un seul me restait !…

Et maintenant, Seigneur, oh ! maintenant le vide, un vide affreux s’est fait autour de moi, il s’est fait en moi, et vous seul pouvez comprendre l’immensité de mon affliction, la profondeur et l’amertume de ma douleur, parce que seul vous comprenez et la sensibilité de mon cœur et la force de cette affection que vous-même commandiez et que votre amour sanctifiait.

Mais, au sein même de l’amertume et des larmes, je reconnais, ô mon Dieu, que vous ne m’avez pas délaissé. Votre miséricorde s’est souvenue de votre pauvre créature, et vous accomplissez pour elle la promesse que vous fîtes autrefois à vos apôtres et dans leur personne à tous ceux qui dans la suite des âges devaient embrasser votre service et porter votre croix : Je ne vous laisserai point orphelins.

Vous êtes en moi, ô Jésus ; vous y êtes venu pour essuyer mes larmes, pour me tenir lieu de père, de mère, de tout ce que j’ai perdu ; vous voulez être mon seul bien, mon unique héritage, mon seul amour.

Vous voulez que je puisse dire comme le séraphique François : Mon Dieu, mon tout. Remplissez donc, Seigneur, ce vide de mon cœur ; concentrez sur vous seul toutes mes affections, toutes mes facultés aimantes ; car si vous avez brisé tous ses liens, c’est pour que désormais il vous aime uniquement et s’attache à vous sans partage.

Et puis, vous donnez, ô mon Dieu, tout l’amour que nous donnons à ceux que nous pleurons ce que nous avons promis de leur garder toujours, n’est pas de le leur ôter, mais de vous en établir le gardien, de vous en confier le dépôt jusqu’au jour heureux de l’éternelle réunion où nous irons nous aimer éternellement en vous.

O Marie, vous que l’Église invoque sous le titre si doux de Consolatrice dos affligés, vous dont le nom signifie mer amère, et qui avez connu plus qu’aucun de nous toutes les tristesses de l’âme, tous les brisements du cœur, toutes les douleurs et les regrets de la séparation et de l’absence, jetez sur moi un regard de pitié et d’amour.

Soyez deux fois ma mère, puisque je n’en ai plus sur la terre ; veillez sur moi, aimez-moi, protégez-moi ; soyez ma consolation, mon appui, mon soutien, et obtenez à votre pauvre enfant la soumission et la résignation dont vous nous avez donné de si héroïques exemples, et la grâce de convertir en trésors pour l’éternité tes courtes et passagères afflictions du temps. Ainsi soit-il.

Léonie Guillebaut