EUCHARISTIE MÉDITÉE 19
Les Brouillards.
Seigneur, faites que je voie. Mc 10, 51
19e ACTION DE GRÂCES.
Je vous ai près de moi, ô adorable Sauveur, et cependant la foi seule me révèle votre divine présence ; des ténèbres me cachent la lumière de votre visage, mon esprit est troublé, mon cœur sans sentiment, sans force, sans énergie, et mon âme, pleine de tristesses et d’angoisses, lutte avec peine contre le découragement et se sent prête à défaillir.
Où êtes-vous, Seigneur? Où vous cachez-vous donc? Où faut-il vous chercher, si je ne vous trouve plus là où si souvent vous vous êtes révélé à mon âme avide de vous avoir, où tant de fois vous l’avez enivrée des joies de votre amour et de l’abondance de vos divines consolations? Hélas ! je vous cherche, je vous appelle en vain, vous paraissez sourd à la voix de mon humble prière comme au cri de ma douleur.
M’avez-vous donc abandonnée, ô Jésus, avez-vous rejeté pour toujours cette âme qui n’aspire qu’à vous, qui ne veut que vous et qui ne trouve qu’en vous sa joie, sa force, son bonheur et sa vie! Oh! vous le voyez, Seigneur, malgré vos rigueurs, malgré cette soustraction de votre présence qui fait couler ses larmes, sa volonté est toujours à vous, et si elle ne peut plus sentir votre amour, elle veut toujours vous aimer.
Mais ce sont mes infidélités, ô Jésus, et mon ingratitude qui vous ont forcé à vous éloigner de moi. J’ai abusé de vos grâces, j’ai blessé votre cœur par ma lâcheté à me vaincre, et à vous offrir les légers sacrifices que votre amour semblait me demander. Peut-être même n’ai-je pas reculé devant des fautes volontaires, parce qu’elles me semblaient légères.
J’ai blessé ainsi la délicatesse de votre amour, j’ai abreuvé votre divin cœur d’amertume et de douleur, et je le reconnais en gémissant, c’est ma seule malice qui a élevé entre vous et moi le nuage qui me cache la splendeur de votre face.
Pardonnez-moi, ô adorable Sauveur. Vous avez promis de ne pas repousser le cœur contrit et humilié, ne repoussez donc pas le mien ; voyez la sincérité de son repentir, l’amertume de sa douleur et sa ferme résolution de vous servir désormais avec plus de fidélité et de générosité.
Rien ne vous est caché, Seigneur, votre œil pénètre les replis les plus secrets de notre conscience et de notre cœur, et vous voyez que ce qui fait couler mes larmes, ce qui remplit mon âme d’une douleur si vive et si profonde, c’est bien plus le regret de vous avoir déplu, qu’un châtiment que vous m’imposeriez.
Ô bien-aimé Sauveur, mes misères sont grandes, mais votre miséricorde est plus grande encore, et jusque dans les rigueurs de votre justice, j’entrevois la tendresse de votre miséricordieux amour.
Oui, Seigneur, je crois à votre amour, j’espère en lui, malgré mon indignité ; vous avez trop fait pour mon âme pour l’abandonner et pour la perdre, et vos miséricordes passées me sont un gage de vos miséricordes à venir. C’est vous que j’ai offensé, ô mon Sauveur, c’est à vous que j’ai eu le malheur de déplaire, et cependant c’est en vous seul que j’espère, c’est à vous seul que j’ai recours au jour de mon affliction.
Si j’avais blessé le cœur d’un ami, d’un frère, d’un père, d’une mère même, je pourrais craindre de ne pas obtenir mon pardon, mais votre amour, je le sais, est plus grand, plus indulgent, plus généreux que ne le sont tous les amours de la terre, et quelque coupable que je sois, je sais que vous êtes plus miséricordieux encore que je ne suis coupable, et que votre bonté surpasse ma malice.
Aussi, ô Jésus, j’espère en vous, je veux espérer, s’il le faut, contre toute espérance, et dussiez-vous me montrer toujours un visage sévère ou irrité, ma confiance n’en serait pas altéré; et rempli de la sainte audace qu’elle inspire, j’irais me cacher jusque dans les profondeurs de votre divin cœur.
Ah! laissez-moi, Seigneur, laissez-moi dès cet instant, chercher un refuge dans ce cœur adorable. N’est-il pas l’asile que vous avez ouvert et que vous offrez à tous, aux pécheurs comme aux justes? Je viens y chercher un refuge, y abriter mon âme triste et désolée ; laissez-moi m’abîmer dans cet océan d’amour et de miséricorde.
En vous donnant tout à moi, ô Jésus, vous me donnez tout ce que vous êtes, tout ce que vous possédez. Vous me donnez vos mérites, votre sang adorable, non pas seulement un peu de ce sang qui a payé la rançon de mon âme et celle de tous les pécheurs, mais vous me le donnez tout entier.
Je puis dire avec vérité en ce moment où je vous possède par la sainte communion : Il est pour moi le sang divin de Jésus, qui a jailli des plaies de son corps adorable, déchiré de verges dans le prétoire ; il est pour moi le sang qu’ont fait couler les épines de sa douloureuse couronne. Ils sont pour moi les ruisseaux de sang qui ont jailli de son divin cœur percé par la lance d’un soldat romain.
Ah ! puisque votre amour dans son infinie libéralité m’a mis en possession d’un trésor dont la valeur est plus que suffisante pour racheter le monde, souffrez que je l’offre à votre Père et que je lui dise en lui offrant ce trésor inestimable : De moi-même, ô mon Dieu, je suis insolvable, mais votre divin Fils m’a rendu riche, que cette divine offrande attire votre miséricorde sur moi, sur le monde entier, et en particulier sur les âmes que j’ai confiées à la tendre sollicitude du cœur de Jésus.
O Marie, ma sainte Mère, vous la plus pure et cependant la plus affligée des créatures, par la douleur dont fut percé votre cœur maternel lorsque vous avez perdu Jésus, par vos larmes et vos angoisses pendant les trois jours où vous l’avez cherché, je vous conjure maintenant d’avoir pitié de ma peine, de me venir en aide, de m’initier à vos sentiments d’humilité, de patience, de rendre ma volonté entièrement conforme à celle de Jésus. Ainsi soit-il.
D’après Léonie Guillebaut