Prier auprès de la croix
Méditation pour préparer à la neuvaine de l’exaltation de la Sainte Croix
Le jour où la croix se dresse entre terre et ciel et dessine le signe indélébile de l’amour de Dieu, le jour où l’Homme-Dieu donne sa vie pour tous et meurt seul et innocent, le jour où il nous faut entrer dans le silence et apprendre à prier auprès de la croix.
Comment notre prière peut-elle s’ouvrir à cet immense mystère de la mort du Fils de Dieu? Comment lever les yeux, comme Marie, vers le Crucifié souffrant et mourant? Comment prier au pied de la croix? Il nous faut ici déployer toutes les richesses de la prière pour essayer, humblement et dans la foi, d’accueillir en nous la profondeur de cet événement.
Parmi les nombreux chemins de prière qu’offre l’Église, saint Jean Eudes invite à déployer· notre prière en passant par quatre étapes, nous menant de l’adoration au don de nous-mêmes. (1)
Ainsi, au pied de la croix, portons à la fois un regard d’adoration et d’action de grâce envers le Christ qui se donne pour l’humanité, et un regard de contrition et d’espérance sur l’homme, à la fois pécheur, pardonné et sauvé. Adorer, rendre grâce, demander pardon et se donner, autant d’attitudes possibles pour façonner notre prière face à la grandeur de l’amour de Dieu révélé sur la croix.
Adorons et contemplons Jésus en croix. Sans la croix du Christ serait-il possible de croire en Dieu, face aux souffrances, aux injustices, aux malheurs de notre monde? La question du mal demeure et revient sans cesse dans le quotidien de nos rencontres avec des hommes et des femmes qui s’interrogent sur l’existence de Dieu.
La croix de Jésus n’apporte pas la réponse qui résout cette immense interrogation, mais elle révèle tout le poids de l’Incarnation: Dieu, en Christ, affronte le mal, l’injustice, le péché …
«Le problème du mal ne se résout pas dans un discours mais dans un combat. » (2) Tout au long de l’Évangile, nous voyons le Christ combattre ce qui déshumanise et avilit la personne humaine. Il mène ce combat jusqu’au bout, affrontant l’humiliation de la Passion et le supplice de la croix.
Adorer le Christ en croix, c’est contempler cet« incroyable » geste d’amour d’un Dieu qui vient partager notre condition humaine dans ce qu’elle a de plus abject et de plus dramatique, mais qui lui ouvre un chemin de libération et de salut.
Rendons grâce au Christ : « Ta croix, ô Christ, est la source de toutes les bénédictions, la cause de toute grâce. Par elle, les croyants tirent de leur faiblesse la force, du mépris . reçu la gloire, et de la mort la vie.» (3) Contempler la croix est source permanente d’action de grâce.
Écartant tout risque de mièvre piété ou de prière routinière, rendre grâce au Crucifié, c’est reconnaître Celui qui, humblement et avec force, nous manifeste pleinement ‘ce qu’est l’amour donné jusqu’au bout et l’offrande de soi aux autres.
En ce sens, notre prière d’action de grâce rejoint !’Eucharistie – lieu de «mémoire dangereuse» (J.B. Metz) – où la croix rappelle la victoire définitive du Christ sur les forces du mal en nous et dans le monde.
Chacun, jour après jour, peut trouver dans le sacrifice du Christ la force et le courage nécessaires pour affronter la rudesse de la vie mais aussi développer le don de soi. Demandons pardon d’avoir douté de l’amour du Christ à l’œuvre dans le monde et dans notre propre vie.
Demandons pardon d’avoir oublié les engagements de notre baptême où, pour la première fois, a été tracé sur nous le signe de la croix. Demandons pardon de nos refus d’accueillir la miséricorde révélée sur la croix par le Christ, « visage du Père, qui est le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation». (4)
Les derniers mots de Jésus sur la croix – «Père, pardonne- leur, ils ne savent pas ce qu’ils font» (Lc 23, 34) – rappellent le cœur de sa prédication et de sa mission: la conversion du pécheur et le pardon de Dieu offert à tous.
Il nous faut, simplement, oser nous reconnaître participant au péché du monde qui conduit à la croix, mais nous savoir aussi pécheurs pardonnés. Donnons-nous au Christ pour apprendre à nous donner. Au terme de ce chemin de prière, avant la mise au tombeau, regardons une dernière fois le Crucifié: accueillons l’amour qu’il offre à tout homme. La croix devient alors appel à nous laisser transformer, convertir, aimer.
Osons, avec Paul, vivre notre foi comme union au Christ:« Avec le Christ, je suis crucifié. Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. »(Gal 2,19-20)
Le don du Christ sur la croix nous invite à devenir des êtres de dons, capables d’aimer notre prochain et d’œuvrer à la construction d’une humanité plus heureuse.
Méditation du Vendredi saint La Croix-vendredi 25 mars 2016
(1) Luc Crépy et M.-F. Le Brizaut, Saint Jean Eudes, ouvrier de la nouvelle évangélisation au XVII• siècle, 2016, Fidélité, n°3l;p. 105 SS. (2) Adolphe Gesché, Le Mal, Paris, Éd. Cerf, 1996, p. 177. (3) Saint Léon le Grand, office des lectures du Vendredi saint. (4)Jean-Paul II, Dives in Misericordia, I.4.