Rue du Bac et Lourdes
Il y a entre Lourdes et la Rue du Bac des liens intimes, des affinités mystérieuses qui font des deux grandes Visites de la Vierge à la France au XIXe siècle, un même acte d’amour prodigieux de son cœur pour notre pays.
A la première vue, elles échappent. Et l’on isole trop, semble-t-il, les deux grandes manifestations, le rocher pyrénéen et la chapelle parisienne, alors qu’elles s’harmonisent et se confondent, la seconde parachevant, illuminant la première.
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1830. La Vierge descend rue du Bac, en plein cœur du vieux Paris.
1858. Elle apparaît à la grotte de Lourdes, sur les bords du Gave.
Entre ces deux dates, une autre se détachant sur un fond de clarté :
1854 ! Le Pape proclame l’Immaculée Conception de Marie.
Vingt-quatre ans avant, la Vierge a disposé les esprits, préparé les voies, en apportant au monde une prière très courte, très simple, que les plus ignorants pourront apprendre, que les tout-petits sauront bégayer et les malades murmurer… Devant les yeux extasiés de Sœur Catherine Labouré, se déroule l’invocation gravée en lettres d’or sur la Médaille qu’elle a mission de répandre :
« Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous »
Et voici que quatre ans après la définition du dogme, sous le rocher de Massabielle, la Vierge vient confirmer la parole infaillible du Pape. A l’enfant qui lui demandait son nom depuis si longtemps, elle répond enfin avec une émotion indéfinissable : « Je suis l’Immaculée Conception. »
Or, regardons un instant les deux Voyantes.
Sans doute, Catherine Labouré, la robuste paysanne bourguignonne, qui apporte ses bras solides au service des pauvres n’a rien, en apparence, de la chétive petite Bernadette essoufflée par son asthme… Toutes deux cependant, sont ignorantes de science humaine, mais très riches de science divine. Et comme elles sont bien sœurs par l’âme transparente, la simplicité évangélique, l’héroïque fidélité.
A chacune, la Vierge confie une mission, la même au fond. Les désirs qu’elle exprime à la rue du Bac et à Massabielle s’harmonisent divinement.
La novice des Filles de la Charité devra faire frapper la médaille dont le modèle lui est montré au cours des apparitions et la répandre clans le monde. A Bernadette, la « Dame du rocher » demande d’appeler les foules et de lui faire construire une chapelle.
La médaille rappellera sa bonté, sa puissance ; grands et petits la suspendront à leur cou pour être protégés, guéris, consolés… Lourdes sera le témoin des plus déconcertantes merveilles, miracles de bonté, floraison de miracles…
Détail touchant : il y a entre les deux Voyantes un lien matériel et tangible. Bernadette dira : « J’ai vu la Sainte Vierge comme elle est sur la Médaille Miraculeuse ». Or, cette Médaille, elle la portait sur elle pendant les apparitions ; précieuse relique conservée aujourd’hui dans le trésor de la rue du Bac.
Rue du Bac, on vient surtout prier la Vierge dans un cœur à cœur intime. Elle a laissé Catherine Labouré joindre ses mains sur ses genoux, mettre son regard dans le sien… Cela invite à toutes les audaces. On s’approche tout près, on oublie les distances… Et l’âme se refait, se relève, se transfigure sous les mystérieux jaillissements des rayons de grâce…
A Lourdes, c’est la grande prière des foules qui processionnent, qui se plongent dans les eaux miraculeuses, qui lancent les acclamations sous la voûte azurée ou le ciel piqué d’étoiles. On ne préfère pas l’un à l’autre. On ne compare pas l’un avec l’autre.
C’est la même Vierge, l’IMMACULÉE, tour à tour grave et souriante, émue jusqu’aux larmes, tendre et compatissante, dont les lèvres murmurent des prières ou lancent des appels à la pénitence ou à la confiance…
C’est ELLE, à Paris comme à Lourdes, apparition immatérielle, prenant droit de cité chez nous, venant parler à la France de cette pureté qui repose, qui attire, qui réjouit et qui relève…
Il n’y a pas le message de la rue du Bac et le message de Lourdes. Il y a le message de l’IMMACULÉE.
Marie ALIX.
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Vie de Bernadette
par Karl Joris HUYSMANS – Les foules de LOURDES (introduction)
[Il faut] rappeler brièvement les apparitions de la Vierge dans la grotte de Massabieille, située sur les bords de la rivière du Gave, au couchant de Lourdes.
En l’an 1858, la Vierge apparut dix-huit fois — du jeudi 11 février au vendredi 16 juillet — dans cette grotte, à une petite fille de quatorze ans, l’aînée des six enfants du meunier François Soubirous, à Bernadette.
Bernadette la vit, en une sorte de buée lumineuse, debout, dans une crevasse, en forme d’ogive, ouverte dans le haut du roc ; elle avait l’apparence d’une jeune fille de seize ou dix-sept ans, de taille moyenne, plutôt petite, très jolie, avec une voix douce cl des yeux bleus.
Elle était vêtue d’une robe blanche serrée à la ceinture par une écharpe bleue de ciel qui tombait en deux pans jusqu’aux pieds nus, coupés à la naissance des doigts par le bas de la robe ; et ces doigts étaient fleuris d’une rose jaune, tout en feu.
La tête était couverte d’un voile et les mains tenaient un chapelet dont les grains blancs étaient enfilés dans une chaînette d’or. En ses diverses apparitions, Elle s’exprima dans le patois de Lourdes el dit à l’enfant :
— Voulez-vous me faire la grâce de venir, ici, pendant quinze jours ? Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans ce monde, mais dans l’autre ; je désire qu’il vienne du monde.
— Vous prierez Dieu pour les pécheurs.
— Pénitence, pénitence, pénitence !
— Vous irez dire aux prêtres de bâtir ici une chapelle.
— Je veux qu’on y vienne en procession.
— Allez boire à la fontaine et vous y laver. Allez manger de l’herbe que vous trouverez là.
— Je suis l’Immaculée Conception, je désire une chapelle, ici.
Elle révéla, en outre, à Bernadette, une formule spéciale de prière et trois secrets personnels qui ne furent jamais divulgués.
Ajoutons que la Vierge n’a pas créé, au moment où Elle parlait, celle source qui fuse de la grotte; elle existait depuis longtemps, mais était invisible et coulait, sans que personne le sût, sous les sables, avant que d’aller se perdre sans doute dans le cours du Gave. La Vierge s’est donc bornée à désigner l’endroit à la petite qui, sur ses indications, gratta le sol et l’en fit jaillir.
Cette source qui, lorsqu’elle s’élança’ de terre, n’était qu’un filet d’eau de la grosseur d’un doigt, débite actuellement, et sans jamais tarir, 122.000 litres par 24 heures. Elle est devenue célèbre par les guérisons auxquelles elle sert de véhicule.
Quanta Bernadette, après avoir subi les épreuves de toutes sortes que lui infligèrent les autorités ecclésiastiques et civiles, elle entra, une fois sa mission terminée, à l’âge de vingt-deux ans, au couvent de Saint-Gildard, chez les sœurs de la Charité à Nevers. Elle y prit le voile sous le nom de sœur Marie Bernard et y mourut, très pieusement, le 16 avril 1879, âgée de 35 ans-3 mois et 9 jours.