précieux rosaire
Il y eut au XIII siècle un fondateur d’ordre, un puissant réformateur, un homme de génie,— mieux que tout cela, un grand saint,— qu’une certaine école a représenté comme un farouche inquisiteur, avide de sang et de tortures : c’est saint Dominique.
Voulez-vous savoir quelle fut surtout la persécution qu’il exerça contre les Albigeois ? Il disait son chapelet pour leur conversion, voilà tout. Ce fut en effet dans ce but qu’il institua l’association du Rosaire, sainte et précieuse dévotion qui se répandit bientôt partout et opéra des fruits sans nombre.
Comment pourrait-il en être autrement ? le Rosaire n’est-il pas la synthèse de l’Évangile ? Ne nous enseigne-t-il pas tout ce qu’il faut croire et tout ce qu’il faut demander? Ne sait-il pas s’approprier aux besoins de toutes les hiérarchies d’intelligence ? C’était le livre de la pauvre femme du peuple, qui ne savait pas lire, comme c’était le livre où Bossuet puisait ses sublimes inspirations sur les mystères.
En méditant souvent sur les mystères de joie, [de lumière], de douleur et de gloire qui partagent la vie du Sauveur, on apprend à connaître Dieu et à se connaître soi-même ; on acquiert des droits incontestables à la protection spéciale de Marie. Le pécheur obtient sa conversion, le juste sa persévérance; la langueur de l’âme est réveillée, le désir de la perfection se ranime et la pratique des vertus devient plus facile.
Saint François de Sales a dit : « Dans l’association, il y a tout à gagner et rien à perdre. » II disait cela en parlant du Rosaire. En effet, dans cette association, l’ensemble des prières forme un trésor commun que chacun peut considérer comme son propre bien ; on recueille le mérite de ses propres actions et de celles d’autrui, et, sans s’appauvrir, on enrichit les autres. Voilà pourquoi cette précieuse dévotion se répandit avec une si merveilleuse rapidité.
Et ne croyez pas que ce fût seulement de la part du peuple : Louis IX, Édouard III, Louis XI, Charles le Téméraire, François Ier, Charles Quint, don Juan d’Autriche, Henri IV et Louis XIV récitaient le chapelet; ce qui n’empêche pas les rationalistes de dire que c’est là une dévotion futile. Laissons-les dire, laissons-les faire et prions pour eux : le dédain n’est peut-être que sur les lèvres et non pas dans le cœur. Quand viendra le moment du danger, l’heure de la mort, ils envisageront autrement les choses.
Laissez donc les incrédules honorer de leurs mépris la prétendue monotonie de cette dévotion qui, selon eux, consiste à murmurer la même parole : ils ne comprennent pas, ou ils feignent d’ignorer que « l’amour n’a qu’un mot, et qu’en le disant toujours on ne se répète jamais. »
D’après l’abbé C. Martin (1858)