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La construction de la cathédrale Notre-Dame de Paris

La construction de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Voilà aujourd’hui cinq ans que la cathédrale Notre-Dame de Paris a été en partie détruite par un incendie. En attendant l’achèvement de sa remise en état, il est bon de revenir près de huit siècles en arrière pour rappeler sa  construction.

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Maurice de Sully - vitrail dans Notre-Dame de Paris
Maurice de Sully – vitrail dans Notre-Dame de Paris

Maurice de Sully ne fut pas plus tôt monté sur le siège épiscopal de Paris qu’il conçut le dessein de bâtir une église monumentale à Notre-Dame.

Dans le lieu où s’élève maintenant la basilique, il y avait alors deux modestes chapelles, l’église de Saint- Étienne et celle de Sainte-Marie, primitivement séparées, puis réunies, ou plutôt bizarrement accolées dans un seul édifice de style hybride, sans harmonie et sans grandeur.

Près de là s’élevait aussi le baptistère de Saint-Jean, où l’on disait qu’avait prié sainte Geneviève; et l’oratoire, ainsi que le couvent de Saint-Christophe, où l’Hôtel-Dieu devait prendre naissance. Le cloître était auprès, attenant à Sainte-Marie, s’ouvrant aux écoliers par une porte située à gauche du parvis, que l’on voyait encore au XVIIIe siècle.

C’est là, dans ce foyer d’études et de prière, à l’extrémité orientale de l’île, que Maurice choisit remplacement d’un temple qui devait traduire dans la pierre la foi de cette brillante époque et les grandeurs antiques de la patrie.

Notre-Dame s’éleva sur les débris d’un ancien temple païen, sorte de Panthéon où l’on a retrouvé pêle-mêle les images des dieux de Rome et de la Gaule[1]. L’Olympe rentra sous terre, et là encore la Vierge promise dès le commencement du monde posa son pied vainqueur sur le serpent. Ce fut dans le courant de l’année 1163 qu’un pape illustre posa la première pierre de l’édifice.

D’autres grandes églises avaient précédé Notre-Dame à Paris ou près de Paris. On y voyait déjà les admirables nefs de Saint-Germain-des-Prés, les voûtes de Sainte-Geneviève, l’imposante façade de Saint-Denis. Maurice ne donna pas l’impulsion; il la suivit pour la dépasser. Sous son inspiration Notre-Dame naquit d’un jet, avec une unité de plan dont peu d’autres cathédrales peuvent se glorifier à titre égal.

S’il est vrai que la beauté est la grâce dans la force, nulle œuvre de main d’homme ne porte plus ce caractère que cette construction de géant, où la majesté de la masse revêt des formes si harmonieuses. Maurice a traduit là toute la pensée de son temps : puissance et poésie. N’était-ce pas aussi l’image de son âme ? Notre-Dame est à la fois une forteresse féodale et une maison de prière.

D’autres grandes églises prient mieux, montent davantage à Dieu. Notre-Dame est assise: c’est la reine de la terre autant que celle du ciel. Elle trône dans l’île prédestinée, d’où elle semble prendre possession de la France, pour étendre sur elle son sceptre maternel et lui donner des lois de miséricorde et d’amour.

On dit que le projet de cette grande basilique date du roi Robert, d’autres le font remonter jus­qu’à Charlemagne. Ce que trois siècles entiers et plus de quinze de nos rois n’avaient pu accomplir n’effraya pas le génie audacieux de Maurice. Notre-Dame fut son œuvre, ou plutôt l’œuvre de la France, dont le religieux amour paya ce riche tribut à sa céleste protectrice. Le secret de sa force et de ses ressources est là.

C’était le temps où le culte de la mère de Dieu recevait cet épanouissement qui est la bénédiction des époques croyantes. Mille légendes gracieuses popularisaient les merveilles de sa puissance; mille dévotions aimables appelaient ses suffrages.

Des confréries nouvelles lui enfantaient de toutes parts une famille virginale; des hymnes saints la chantaient dans ces rythmes naïfs, moitié vers, moitié prose, qui sont bien la poésie la plus véritablement inspirée de l’époque.

Saint Bernard venait de trouver, pour parler d’elle, une suavité d’accent dont aucun autre amour n’a surpassé jamais le chaste enthou­siasme. Marie couvrait le monde entier de son manteau. C’est dans ce temps que la croyance de l’immaculée Conception fut surtout mise en lu­mière dans les écoles de Paris.

L’année même où Maurice prit possession de son siège, on disait que saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste étaient apparus à deux jeunes étudiants, pour les tenir assurés que la Vierge était remontée au ciel avec son corps[2]. L’église de Notre-Dame devait être un monument de cet hommage de tout un siècle rendu à la Souveraine de ce monde et de l’autre.

Le peuple y mit son cœur, son bien, la fleur de son génie et les sueurs de son front. On vit là ce qu’on voyait partout où l’Église se bâtissait des temples : toute une ville s’empressant de mettre la main à l’œuvre; les prêtres, les clercs, les moines, les chevaliers, les barons, fiers d’être les ouvriers d’un ouvrage immortel qui serait la plus pure gloire de leur vie et la bénédiction de leurs vieux jours.

Les grandes dames elles-mêmes s’estimaient heu­reuses de pouvoir apporter dans un pan de leur robe une pierre destinée à la maison de Dieu. Une multitude sans nombre s’échelonnait, semblable à une volée d’oiseaux, sur les branches infinies de cette forêt d’arcs-boutants, de colonnes, d’aiguilles, de pyramides et de statues.

Les ouvriers venaient au travail en procession, et les murailles montaient au chant des hymnes pieux, comme ces villes antiques qui s’élevaient au son de la lyre.

S’il faut en croire le récit toujours un peu suspect du moine d’Heisterback, Maurice, préoccupé uniquement de son œuvre, eût été tenté de détourner au profit de Notre-Dame les aumônes de toute main, et de faire passer la charité par-dessus la justice. Un jour, un usurier du nom de Théobald ou Thibault, homme fort riche, ayant été touché de la grâce de Dieu, s’en vint trouver l’évêque, qu’il consulta sur l’usage qu’il devait faire de son bien mal acquis. Le prélat, tout entier à sa pieuse entreprise, dé­clara que le meilleur emploi de cet argent serait de contribuer à la construction de la nouvelle cathé­drale. L’usurier l’écouta; mais se doutant que ce conseil n’était pas complètement pur de tout pieux intérêt, il fut en référer à Maître Pierre le Chantre, qui lui dit : « Pour cette fois, l’évêque ne vous a pas donné un bon avis. Faites mieux : faites crier par la ville que vous êtes disposé à satisfaire tous ceux que vous avez frustrés par vos prêts usuraires, et rendez à chacun ce que vous lui avez pris au-delà du taux permis. » L’usurier obéit, restitua ce qu’il devait, puis revint en rendre compte à Maître Pierre, qui lui dit : « Allez, maintenant vous êtes le maître de faire l’aumône comme vous l’entendrez [3]. »

Cependant la basilique s’élevait, grandiose, aux yeux étonnés des contemporains. L’un d’eux, Robert du Mont, nous a dit quelque chose de cette admiration universelle, mêlée de fierté nationale : « Il y a longtemps, écrit-il, que Maurice, évêque de Paris, travaille à bâtir son église. Le chœur est achevé, et il n’y manque que le toit. Si jamais cette œuvre est finie, il n’y aura pas en deçà des monts d’édifice qui puisse lui être comparé[4]. »

Malgré le rare bonheur d’un épiscopat de plus de trente-cinq ans, Maurice de Sully n’eut pas la joie de voir le couronnement de son œuvre. Toutefois, ses yeux près de se fermer purent contempler l’ensemble de l’édifice immense.

Le grand autel fut béni le jour de la Pentecôte 1182, et l’évêque célébra le premier dans ce lieu, qui depuis fui le théâtre de tous nos triomphes, et parfois, hélas! de nos souillures. Le chœur était achevé; les lourds piliers romans des nefs se dressaient debout, prêts à recevoir le plein-cintre, quand il fut supplanté par l’ogive naissante.

En effet, à l’époque où nous sommes parvenus, l’architecture gothique allait atteindre son apogée. Elle entrait dans cette saison de beauté sévère et pure où rien de mortel ne peut rester ici-bas. L’évêque avait pourvu à l’achèvement de l’édifice.

Le testament de Maurice léguait cinq mille livres pour la grande voûte et le toit, qu’on n’éleva que plus tard. L’aile méridionale, avec son portail, fut bâtie en l’année 1257, sous Odon de Sully, par Maître Jehan de Chelles. Les tours montèrent len­tement. Œuvre de patience et de foi, cette cons­truction usa sept ou huit générations d’hommes, et dans le cours du XIVe siècle on y travaillait encore.

Afin qu’aucune grandeur ne manquât à l’origine de Notre-Dame de Paris, ce fut un pape illustre, Alexandre III, qui bénit ses fondements. Ce grand homme, comme tous les papes du moyen âge, … avait sacrifié sa vie à l’émancipation sérieuse de l’Italie. La proscription en avait été le prix.

Chassé de Rome par la faction des Gibelins et les violences de l’empereur Frédéric II, il était venu en France, à travers mille périls, chercher une patrie dans la patrie commune de tous les oppri­més. Louis VII régnait alors, maintenant son royaume dans l’obédience du pape Alexandre III, contre son compétiteur l’antipape Octavien, qui prit le nom de Victor.

Maurice de Sully entrait dans ses conseils. Nous le voyons employé comme négociateur, en 1172, dans la conférence de Saint-Jean-de-Losne, où il soutint dignement les droits du grand pontife reconnu par la France. C’est peu de jours après qu’il eut l’honneur de recevoir dans sa ville épiscopale l’intrépide champion de l’Italie et du Saint-Siège.

La capitale entière se porta à sa rencontre; le roi lui fit escorte à la tête de son peuple, et les chroniques remarquent que le di­manche où l’Église chante le Laetare, le pape porta la rose d’or, suivant le rite usité dans l’Église romaine[5].

D’après Mgr Baunard, Reliques d’Histoire – Notices et portraits, (pp. 85-92) 1899

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[1] Dans le courant de l’année 1712, des fouilles pratiquées sous le chœur de Notre-Dame mirent à découvert des pierres cubiques ayant servi d’autels, et portant les figures de Jupiter, de Vulcain, d’Esus, de Castor et du vieux Cernunos, avec leurs attributs. Singulier mélange des dieux de la Gaule et de Rome, des vaincus et des vainqueurs! Une inscription portait : Nautæ Parisiaci publice posuerunt.

[2] Thomas Cantipratanus, lib. II, cap. XXIX, cit. apud Du Boulai, Hist. Univ. Paris., IV sec., t. II, p. 418.

[3]  Cæsarius Heislerbackensis, apud Dubois, Hist. Eccl. Paris., t. II, p. 124.

[4]   Robertus de Monte, apud Dubois, Hist. Eccl. Paris., loc. cit., p. 123.

[5]   Chronique de Véselai, apud Hist. Eccl. Paris., t. II,128.

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

PRIÈRE DU SOIR

PRIÈRE DU SOIR

Seigneur, dans le silence de la nuit,
tu continues de poser ton regard
sur chacun de tes enfants.

Vois tous ceux qui te cherchent encore
sur une rive où tu n’es pas,
mangeant un pain qui ne rassasie pas.

Toi la vraie nourriture,
attire-nous dans les profondeurs
de l’amour.

Vois aussi ceux qui déjà
travaillent pour toi
sans le savoir.

Alors ceux qui sont loin
avec ceux qui sont proches
se réjouiront ensemble.

Ils te loueront d’avoir traversé
l’épaisseur de leur nuit
pour les entraîner dans le cœur du Père
par ta puissance de Ressuscité.

d’après Éphata

LA MÈRE DE L’ÉGLISE

LA MÈRE DE L’ÉGLISE

Vierge Marie - chapelle du Ré Profond 49 St Sigismond
Vierge Marie – chapelle du Ré Profond 49 St Sigismond

On voit Marie revenant du Calvaire avec Jean dans un tragique silence. Une statue ambulante pourrait servir à figurer cette Reine des martyrs. Mais ayant tout goûté de la souffrance, la Mère douloureuse aura ce qu’il faut pour devenir la Mère des consolations.

Les trois jours passent, et voici que s’inaugure, après la Résurrection, la brève survie terrestre à laquelle l’Ascension viendra mettre un terme.

Durant ce temps de vie entre terre et ciel, Jésus apparut-il à sa Mère ? Notre cœur penche à le croire; nous aimons contempler celle que la douleur n’a pu abattre, enfin prosternée par cette immense joie. Mais le fait n’est pas sûr. L’Évangile ne dit rien de tel. Les manifestations de Jésus entrent dans le plan que révèle toute sa vie : elles sont utilitaires.

Il s’agit du salut. Il s’agit de nous, et nous serions mal venus de nous en plaindre, fût-ce par sensibilité filiale. On vous oublie, Marie, dès que votre consolation ne confère point à l’œuvre. Ici, les apparitions sont des témoignages ; elles visent les Apôtres troublés et le monde incrédule; elles n’ont point affaire à vous, ô céleste.

Jésus dira à Thomas : « Bienheureux ceux qui ont cru sans avoir vu » : de l’avoir cru ressuscité sans l’avoir vu, vous, humble fidèle unie à tous les fidèles, n’est-ce pas une des raisons pour lesquelles « toutes les générations vous appelleront bienheureuse » ?

*

Ce souci exclusif de l’œuvre, qui peut-être a privé Marie d’une consolation, lui a demandé en tout cas un incomparable sacrifice : celui de survivre. Que fera-t-elle en ce monde, sans Jésus? N’est-il pas tout pour elle, et peut-il se concevoir, entre ce monde et son cœur, d’autre attache?

Cela est vrai. Pourtant l’œuvre subsiste, et le divin Ouvrier ne survit-il pas avec elle ? Marie n’est plus de ce monde; mais l’Église que Jésus a fondée n’en est pas davantage. « Notre fréquentation est au ciel », dit l’Apôtre. Si le chrétien vit au ciel dans la mesure de sa foi et de son amour, la Vierge peut tout ensemble garder l’intimité de Jésus et une proximité bienfaisante à l’égard de son œuvre.

Ainsi le devez-vous, Mère, à qui le corps mystique de votre Fils n’appartient pas moins que l’autre. A son berceau vous avez veillé : vous n’abandonnerez pas le berceau de son Église. Elle a besoin de vous pour conserver l’inspiration de son départ, diriger ses premières démarches, fixer l’esprit de son Christ, traverser sans faiblir les premières épreuves.

S’il y a une jeune humanité qui console Dieu et qui, au retour des gibets où le suspend l’inconscience pécheresse, garde le culte saint et prépare les lendemains réparateurs, ne devez-vous pas en être?

Du reste, l’attestation est là. On lit dans les Actes des Apôtres : « Ils persévéraient tous dans un même esprit, dans la prière, avec quelques femmes et Marie, Mère de Jésus, et ses frères. » (Actes, i, ili.) C’est la première vision de l’Église autour de la Vierge-Mère.

A la Pentecôte, quand l’Église naît définitivement par la grâce de sa Confirmation, Marie est là qui d’une certaine manière l’engendre, en raison de ses rapports solidaires avec Celui qui en est la tête et Celui qui en est l’âme. Du Christ et de l’Esprit, elle-même reçoit sans doute alors sa Confirmation. Ses dons de sagesse et d’amour se précisent, en vue de son rôle qui prend en cet instant une forme sociale.

Voilà sa Vie Publique à elle. Cette vie s’inaugure, comme celle de son Fils, par une manifestation de l’Esprit.

*

Quelle grâce, pour notre Église au berceau, que cette maternelle présence I C’est comme un Évangile vivant, en attendant que s’écrive l’autre. Marie atteste les mystères de la Naissance et de la Vie cachée ; elle communique de la vie prêcheresse la moelle vivifiante et l’esprit secret.

Par elle, Jésus peut dire, même après son départ vers son Père : « Encore un peu de temps et vous me reverrez. » Bienheureuse concession, dont on ne peut mesurer le prix par l’intelligence, mais que pèse le cœur.

L’Eucharistie, le Paraclet, Marie; la « Présence réelle », la présence en l’esprit, et la présence du Christ en une douce effigie qu’on peut bien appeler son autre moi humain, son double : quoi de plus précieux et quoi de plus délicat comme trésor spirituel accordé à l’institution naissante?

Ce ne sera qu’un commencement. L’Église déployée, la place unique de Marie au cœur de cette société des âmes, moins visible et moins sensible à nos cœurs de chair, n’en est que plus marquée et plus solennelle.

Jésus est le Chef; les apôtres et leurs successeurs sont ses représentants; les fidèles sont les membres; Marie, associée au Chef, Mère du Chef non pas seulement selon la chair, mais par vocation spirituelle, se trouve être, par lui, Mère de la troupe qu’il préside, Mère de sa fraternelle Assemblée.

*

N’oublions pas que c’est elle, la première, lorsque Dieu voulut se donner, qui voulut librement le recevoir, et que le ciel attendit d’elle, en quelque sorte, l’agrément de sa créature. Par son Fiat, fut inaugurée cette diffusion du divin dont l’Église est l’organe.

Elle a donc à l’égard de l’Église un caractère de source, de principe; elle en est vraiment la Mère, et ce qui nous fait voir en elle comme le côté humain du salut, c’est précisément cette proximité spirituelle avec l’institution qui sauve.

Marie, unie au Cœur humano-divin qui anime l’Église, est, conjointement avec lui, le cœur de l’Église. Tous les hommes sont un en elle comme ils sont un en lui, et ils vont, sous cette double influence inégale et cette double conduite, à la vie éternelle.

La liturgie en fait foi. Marie est toujours associée à Jésus dans les invocations rituelles. Au cœur même du Saint-Sacrifice, dans le Canon, son nom revient par deux fois. Tout au long de l’office canonial, on l’invoque. Elle est toujours en tête du cortège des saints, quand on les fait défiler devant nous.

Marie est la « Reine du clergé ». La vie sociale de l’Église lui fait une place assez apparente, et des monuments de toute espèce, nous l’avons rappelé, en fournissent l’attestation.

*

Enfin, la douce présidence de Marie est doublée, en faveur de l’Église, d’un rôle de défense inattendu au premier abord, mais tout simple. On s’étonnerait à tort de l’entendre qualifier, à l’instar de l’Épouse du Cantique, « terrible comme une armée rangée en bataille ».

L’Épouse était redoutable aux ennemis de l’amour en considération de son charme ; Marie, pour la même raison, est redoutable au mal. Son charme spirituel est sa force. Sa beauté, l’attirance de ses vertus et de son cœur, la féminité de son accueil jointe à la majesté de sa personne et à l’éminence d’un rang qui la fait toute-puissante pour l’intercession : voilà les armes dont elle dispose.

Le bruit de son nom clément ferme la gueule des bêtes méchantes et criardes; l’eurythmie de sa démarche, quand elle s’avance dans les domaines que visite l’esprit de foi, rassure la cité des âmes plus que la tour flanquée de boucliers qui faisait la sécurité de la Sion antique.

« Tour de David », elle l’est, cette fille du psalmiste guerrier et mystique. L’Église, audacieusement, et en dépit de ce que certains croient des évidences, chante à cette puissance pacifique : « Seule, tu as détruit toutes les hérésies dans l’univers entier. »

Et c’est vrai. Les hérésies, ces divisions entre hommes et ces coupures entre l’homme et Dieu, trouvent leur ruine dans les vertus que Marie représente, dans le nœud de vérités que son cas personnel manifeste au centre de la foi, dans la sainteté dont elle est le plus parfait modèle uniquement humain.

Et comme cette sainteté, ces vertus et ces vérités essentielles sont garanties en perpétuelle possession par elle et par son Fils, solidairement, à l’Église dont ils sont à eux deux le cœur, les hérésies n’y peuvent prévaloir; leur attaque est brisée d’avance; ces « portes de l’enfer » ne résistent pas à la candeur de la Vierge très pure et très prudente.

*

« Secours des chrétiens », comme on l’appelle encore, elle vient en aide aux chrétiens dans toutes les crises qui les secouent, dans tous les périls qui les menacent, à l’encontre de tous les ennemis qui sont les siens mêmes. Elle écarte, elle calme, au besoin elle jugule, de sa paisible main.

A coup sûr, on ne peut demander que Marie soit victorieuse sans nous là où il s’agit d’une libre victoire pour nous; il faut que le chrétien coopère; mais si le salut individuel dépend de chacun, le salut de l’Église ne dépend que de ses hautes sauvegardes. Marie, portant son Fils, porte avec lui la vérité, la paix et la béatitude; elle chasse toute erreur et dissipe toute crainte.

Elle n’abandonne pas plus l’Église qu’elle n’abandonne son Fils; elle ne laissera pas choir l’édifice plus que l’Enfant. Elle est l’Arche de l’Alliance, et cette arche est ferme.

Reste à prendre sa part, encore une fois, de ce que Marie procure à l’Église par sa maternité agissante. Mais ce n’est pas sans elle que nous est réclamé ce concours. La « Reine de tous les saints » est aussi la Reine des aspirants à la sainteté, voire de ceux qui attendent la sanctification la plus nécessaire.

Le « Refuge des pécheurs » est à nous. Marie admet que nous lui disions : Mère de l’Église qui par Jésus et par vous est la « Sainte Église », faites que cette sainteté où nous fûmes plongés par le baptême nous imprègne et nous transfigure, qu’au besoin elle nous ressuscite.

Priez pour nous « Sainte Mère de Dieu » ; veillez sur nous, soyez-nous un canal de grâce, « Mère de la divine grâce » ; dirigez nos vœux, nos pas, nos cœurs là où vous êtes vous-même, Mère des saints du ciel.

P. Sertillanges

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse