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Ressentir vivement ce que le Christ a souffert pour nous

Ressentir vivement ce que le Christ a souffert pour nous

MERCREDI (de la Semaine sainte) Is 50,4-9a – Mt 26,14-25

Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces (1 P 2,21)

Sans un véritable amour pour le Christ, nous ne saurions être ses véritables disciples ; et nous ne saurions l’aimer si notre coeur n’est ému de gratitude envers lui ; et nous ne saurions ressentir dûment cette gratitude si nous ne res­sentons vivement ce qu’il a souffert pour nous.

En vérité, il nous semble impossible que quiconque puisse atteindre à l’amour du Christ s’il n’éprouve aucune détresse, aucune angoisse de cœur à la pensée des amères douleurs qu’il a souffertes, et ne ressent aucun remords d’y avoir contribué par ses péchés.

Je sais fort bien — et je souhaite, mes frères, de ne jamais l’oublier — que le sentiment, ici, ne suffit pas ; qu’il ne suffit pas de sentir, sans plus ; que d’éprouver de la douleur à la pensée des souffrances du Christ sans aller jusqu’à lui obéir, n’est pas véritable amour, mais moquerie.

Le véritable amour sent juste et agit juste ; mais de même que des sentiments chaleureux que n’accompagne point une conduite religieuse sont une sorte d’hypocrisie, de même une bonne conduite que n’accompagnent point de profonds sentiments est tout au plus une forme de religion très imparfaite…

Il est dit dans l’Apocalypse (1,7) : Voici qu’il vient sur les nuées ; et tout œil le verra, et ceux-là mêmes qui l’ont transpercé ; et tous les peuples de la terre se frapperont la poitrine à cause de lui. Un jour, mes frères, nous nous lèverons, chacun de nous se lèvera de sa tombe et verra Jésus Christ ; nous verrons celui qui fut suspendu à la croix, nous verrons ses blessures, nous verrons les plaies de ses mains, de ses pieds et de son côté.

Avons-nous le désir d’être de ceux qui gémiront et se lamenteront, ou de ceux qui se réjouiront ? Si nous ne voulons pas nous lamenter alors à sa vue, nous devons nous lamenter à pré­sent en pensant à lui.

Préparons-nous à rencontrer notre Dieu ; venons en sa présence aussi souvent qu’il se peut ; essayons de nous figurer que nous voyons sa croix, que nous le voyons sur cette croix ; alors approchons-nous de lui ; supplions-le de nous regarder comme il a regardé le bon larron et disons-lui : Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras en ton Royaume (Le 23,42)…

C’est-à-dire : « Souviens-toi de moi, Seigneur, avec miséricorde ; ne te souviens pas de mes péchés, mais de ta propre croix ; souviens-toi de tes propres souffrances, souviens-toi que tu as souffert pour moi, pécheur ; souviens-toi au dernier jour que j’ai, durant ma vie, ressenti tes souffrances, que j’ai souffert sur ma croix à tes côtés. Souviens-toi alors de moi et fais-moi à présent souvenir de toi ».

Cardinal Newman 12 sermons sur le Christ, Egloff, Paris 1943, p. 145-146, 156-157.

MOIS DE SAINT JOSEPH – XXVIIe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – XXVIIe JOUR

Humilité de saint Joseph.

SAINT FRANÇOIS DE SALES

humble saint Joseph église saint Joseph Angers 49
humble saint Joseph église saint Joseph Angers 49

« Il se fait une juste ressemblance et conformité entre saint Joseph et la palme  [palmier] en leur vertu ; vertu qui n’est autre que la très sainte humilité : car encore que la palme soit le prince des arbres, elle est néanmoins le plus humble; ce qu’elle témoigne en ce qu’elle cache ses fleurs au printemps, où tous les au­tres arbres les font voir, et ne les laisse pa­raître qu’au gros des chaleurs.

La palme tient ses fleurs resserrées dedans des bourses qui sont faites en forme de gaines ou étuis, qui nous représentent très-bien la différence des âmes qui tendent à la perfection d’avec les autres, la différence des justes d’avec ceux qui vivent selon le monde.

Car les mondains et les hommes terrestres qui vivent selon les lois de le terre, dès qu’ils ont quelque bonne pensée ou quelque cogitation qui leur semble être digne d’être estimée, ou s’ils ont quelque vertu, ils ne sont jamais en repos jusqu’à tant qu’ils l’aient manifestée et fait connaître à tous ceux qu’ils rencontrent; en quoi ils cou­rent le même risque que les arbres qui sont prompts au printemps de jeter leurs fleurs, comme sont les amandiers; car si d’aventure la gelée les surprend, ils périssent et ne por­tent point de fruit.

Ces hommes mondains, qui sont si légers à faire épanouir leurs fleurs au printemps de cette vie mortelle par un esprit d’orgueil et d’ambition, courent tou­jours fortune d’être pris par la gelée qui leur fait perdre les fruits de leurs actions.

Au contraire, les justes tiennent toujours toutes leurs fleurs resserrées dans l’étui de la très sainte humilité, et ne les font point paraître tant qu’ils peuvent, jusqu’aux grosses cha­leurs, lorsque Dieu, ce divin Soleil de jus­tice, viendra à réchauffer puissamment leur cœur en la vie éternelle, où ils porteront à jamais le doux fruit de la félicité et de l’im­mortalité.

La palme ne laisse point voir ses fleurs jusqu’à tant que l’ardeur véhémente du soleil vienne à faire fendre ses gaines, étuis ou bourses, dans lesquelles elles sont enclo­ses ; après quoi soudain elle fait voir son fruit : de même en fait l’Âme juste ; car elle tient cachées ses fleurs, c’est-à-dire ses vertus, sous le voile de la très-sainte humilité, jusqu’à la mort, en laquelle Notre-Seigneur les fait éclore, et les laisse paraître au dehors, d’au­tant que les fruits ne doivent pas tarder à paraître.

Ô combien ce grand saint dont nous parlons fut fidèle en ceci ! il ne se peut dire selon sa perfection ; car, nonobstant ce qu’il était, en quelle pauvreté et en quelle abjec­tion ne vécut-il pas tout le temps de sa vie ! pauvreté et abjection sous laquelle il tenait cachées et couvertes ses grandes vertus et di­gnités.

Mais quelles dignités, mon Dieu ! être gouverneur de Notre-Seigneur ! et non seule­ment cela, mais être encore son père putatif I mais être époux de sa très-sainte Mère ! O vraiment, je ne doute nullement que les anges, ravis d’admiration, ne vinssent troupes à trou­pes le considérer et admirer son humilité, lors­qu’il tenait ce cher enfant dans sa pauvre bou­tique, où il travaillait de son métier pour nourrir et le fils et la mère qui lui étaient commis.

Il n’y a point de doute, mes chères sœurs, que saint Joseph ne fût plus vaillant que David, et n’eût plus de sagesse que Salo­mon ; néanmoins le voyant réduit en l’exer­cice de la charpenterie, qui eût pu juger cela, s’il n’eût été éclairé de la lumière céleste, tant il tenait resserrés tous les dons signalés dont Dieu l’avait gratifié; mais quelle sagesse n’a­vait-il pas, puisque Dieu lui donnait en charge son Fils très-glorieux, et qu’il était choisi pour être son gouverneur ?

Si les princes de la terre ont tant de soin (comme étant une chose très importante) de donner un gouverneur qui soit des plus capables à leurs enfants, puisque Dieu pouvait faire que le gouverneur de son Fils fût le plus accompli homme du monde en toutes sortes de perfections, selon la dignité et excellence de la chose gouvernée, qui était son Fils très-glorieux, Prince universel du ciel et de la terre, comment se pourrait-il faire que l’ayant pu, il ne l’ait voulu et ne l’ait fait ?

Il n’y a donc nul doute que saint Joseph n’ait été doué de toutes les grâces et de tous les dons que méritait la charge que le Père éter­nel lui voulait donner de l’économie tempo­relle et domestique de Notre-Seigneur, et de la conduite de sa famille, qui n’était com­posée que de trois, qui nous représentent le mystère de la très-sainte et très adorable Trinité ; non qu’il y ait de la comparaison, si­non en ce qui regarde Notre-Seigneur, qui est l’une des personnes de la très-sainte Trinité.

Car quant aux autres, ce sont des créatures ; mais pourtant nous pouvons dire ainsi, que c’est une Trinité en terre, qui représente en quelque façon la très-sainte Trinité : Marie, Jésus et Joseph; Joseph, Jésus et Marie; Tri­nité merveilleusement recommandable et di­gne d’être honorée.

Vous entendes donc combien la dignité de saint Joseph était relevée, et comme il était rempli de toutes sortes de vertus : néan­moins vous voyez d’ailleurs combien il était rabaissé et humilié plus qu’il ne se peut dire ni imaginer.

Ce seul exemple suffit pour le bien entendre. Il s’en va en son pays et en sa ville de Bethléem, et nul n’est rejeté de tous les logis que lui (au moins que l’on sache) : si qu’il fut contraint de se retirer et conduire sa chaste épouse dans une étable, parmi les bœufs et les ânes.

Oh ! en quelle extrémité était réduite son abjection et son humilité I Son humilité fut la cause (ainsi que l’explique saint Bernard) qu’il voulut quitter Notre-Dame quand il la vil enceinte; car saint Bernard dit qu’il fit ce discours en soi-même : Et qu’est-ceci ? Je sais qu’elle est vierge; car nous avons fait un vœu par ensemble de garder notre virginité et pureté , à quoi elle ne vou­drait aucunement manquer ; d’ailleurs je vois qu’elle est enceinte et qu’elle est mère : com­ment se peut faire que la maternité se trouve en la virginité, et que la virginité n’empêche point la maternité?

O Dieu ! (dit-il en soi- même), ne serait-ce point peut-être celle glorieuse Vierge dont les prophètes assurent qu’elle concevra et sera mère du Messie? Oh ! si cela est, à Dieu ne plaise que je demeure avec elle, moi qui en suis si indigne ! Mieux vaut que je l’abandonne secrètement à cause de mon indignité, et que je n’habite point davantage en sa compagnie.

Sentiment d’une humilité admirable, et laquelle fit écrier saint Pierre, dans la nacelle où il était avec Notre- Seigneur, lorsqu’il vit sa toute-puissance manifestée en la grande prise qu’il fit des poissons, au seul commandement qu’il leur avait fait de jeter les filets dans la mer : O Seigneur ! (dit-il tout transporté d’un sem­blable sentiment d’humilité que saint Joseph), retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur (Luc, V, 3), et partant ne suis pas digne d’être avec toi!

Je sais bien, voulait-il dire, que si je me jette en la mer je périrai; mais toi, qui es tout-puissant, marcheras sur les eaux sans danger : c’est pourquoi je te sup­plie de te retirer de moi, et non pas que je me retire de toi.

Mais si saint Joseph était soigneux de tenir resserrées ses vertus sous l’abri de la très-sainte humilité, il avait un soin très-particulier de cacher la précieuse perle de sa virginité : c’est pourquoi il con­sentit d’être marié, afin que personne ne pût le connaître, et que dessous le saint voile du mariage il pût vivre plus à couvert.

Sur quoi les vierges et celles ou ceux qui veulent vivre chastement sont enseignés qu’il ne leur suffit pas d’être vierges, s’ils ne sont humbles et s’ils ne resserrent leur pureté dans la boîte précieuse de l’humilité ; car autrement il leur arrivera tout ainsi qu’aux folles vierges, les­quelles, faute d’humilité et de charité miséri­cordieuse, furent rechassées des noces de l’Époux.

Eet partant elles furent contraintes d’aller aux noces du monde, où l’on n’observe pas le conseil de l’Époux céleste, qui dit qu’il faut être humble pour entrer aux noces, je veux dire qu’il faut pratiquer l’humilité : car, dit-il, allant aux noces, ou étant invité aux noces, prenez la dernière place ((Luc XIV, 8 et 10).

En quoi nous voyons combien l’humilité est nécessaire pour la conservation de la virgi­nité , puisque indubitablement aucun ne sera du céleste banquet et du festin nuptial que Dieu prépare aux vierges en la céleste demeure, sinon en tant qu’il sera accompagné de celte vertu.

L’on ne tient pas les choses précieuses, surtout les onguents odoriférants, en l’air; car, outre que ces odeurs viendraient à s’exhaler, les mouches les gâteraient, et feraient perdre leur prix et leur valeur.

De même les âmes justes, craignant de perdre le prix et la valeur de leurs bonnes œuvres, les resserrent ordinairement dans une boite, mais non dans une boite commune, non plus que les onguents précieux, ainsi dans une boîte d’albâtre (telle que celle que sainte Madeleine répandit ou vida sur le chef [tête] sacré de Notre- Seigneur, lorsqu’il la rétablit en la virginité non essentielle, mais réparée, laquelle est quelquefois plus excellente, étant acquise et rétablie par la pénitence, que non pas celle qui, n’ayant point reçu de tare, est accompa­gnée de moins d’humilité).

Cette boite d’al­bâtre est donc l’humilité, dans laquelle nous devons, à l’imitation de Notre-Dame et de saint Joseph, resserrer nos vertus et tout ce qui nous peut faire estimer des hommes, nous contentant de plaire à Dieu, et demeu­rant sous le voile sacré, de l’abjection de nous-mêmes, attendant, (ainsi que nous avons dit), que Dieu, venant pour nous retirer au lieu de sûreté, qui est la gloire, fasse lui- même paraître nos vertus pour son honneur et gloire.

Mais quelle plus parfaite humilité se peut imaginer que celle de saint Joseph (je laisse à part celle de Notre-Dame; car nous avons déjà dit que saint Joseph recevait un grand accroissement en toutes les vertus par forme de réverbération que celles de la très-sainte Vierge faisaient en lui)?

Il a une très grande part en ce trésor divin qu’il avait chez lui, qui est Notre-Seigneur et notre Maître; et cependant il se tient si rabaissé et humilié, qu’il ne semble point qu’il y ait de part; et toutefois il lui appartient plus qu’à nul autre, après la très-sainte Vierge; et nul n’en peut douter, puisqu’il était de sa famille, et le fils de son épouse qui lui appartenait.

(Saint François de Sales, des Vertus de saint Joseph, entretien XIX)

MOIS DE SAINT JOSEPH – XXVIe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – XXVIe JOUR

Saint Joseph détaché de ses intérêts.

Saint Joseph détaché de ses intérêts
Saint Joseph détaché de ses intérêts

BOSSUET

« Plusieurs jugeront peut-être qu’étant si détaché de ses passions, c’est un discours superflu de vous dire qu’il l’est aussi de ses intérêts. Mais je ne sais pas, chrétiens, si cette conséquence est bien assurée.

Car cet attachement a notre intérêt est plutôt un vice qu’une passion; parce que les passions ont leur cours, et consistent dans une certaine ardeur, que les emplois changent, que l’âge modère, que le temps emporte, qui se consume enfin elle-même : au lieu que l’attachement à l’intérêt s’enracine de plus en plus par le temps, parce que, dit saint Thomas, venant de faiblesse, il se fortifie tous les jours, à mesure que tout le reste se débilite et s’épuise.

Mais, quoi qu’il en soit, chrétiens, il n’est rien de plus dégagé de cet intérêt que l’âme du juste Joseph.

« Représentez-vous un pauvre artisan qui n’a point d’héritage que ses mains, point de fonds que sa boutique, point de ressource que son travail; qui donne d’une main ce qu’il vient de recevoir de l’autre, et se voit tous les jours au bout de son fonds ; obligé néanmoins à de grands voyages, qui lui ôtent toutes ses pratiques (car il faut parler de la sorte du père de Jésus-Christ , sans que l’Ange qu’on lui envoie lui dise jamais un mot de sa subsistance.

Il n’a pas eu honte de souffrir ce que nous avons honte de dire : humiliez-vous, ô grandeurs humaines ! Il va néanmoins, sans s’inquiéter, toujours errant, toujours vagabond, seulement parce qu’il est avec Jésus-Christ; trop heureux de le posséder à ce prix.

Il s’estime encore trop riche, et il fait tous les jours de nouveaux efforts pour vider son cœur, afin que Dieu y étende ses possessions et y dilate son règne; abondant, parce qu’il n’a rien; possédant tout, parce que tout lui manque; heureux, tranquille, assuré, parce qu’il ne rencontre ni repos, ni demeure, ni consistance.

« C’est ici le dernier effet du détachement de Joseph, et celui que nous devons remarquer avec une réflexion plus sérieuse. Car notre vice le plus commun et le plus opposé au christianisme, c’est une malheureuse inclination de nous établir sur la terre; au lieu que nous devons toujours avancer, et ne nous arrêter jamais nulle part.

Saint Paul, dans la divine épître aux Hébreux, nous enseigne que Dieu nous a bâti une cité ; « et c’est pour cela, dit-il, qu’il ne rougit pas de s’appeler notre Dieu. »

En effet, chrétiens, comme le nom de Dieu est un nom de Père, il aurait honte, avec raison, de s’appeler notre Dieu, s’il ne pourvoyait à nos besoins. Il a donc songé, ce bon père, à pourvoir soigneusement ses enfants : il leur a préparé une cité qui a des fondements, dit saint Paul, c’est-à-dire, qui est solide et inébranlable.

S’il a honte de n’y pas pourvoir, quelle honte de ne l’accepter pas! Quelle injure faites-vous à votre patrie, si vous vous trouvez bien dans l’exil! Quel mépris faites-vous de Sion, si vous êtes à votre aise dans Babylone!

Allez et marchez toujours, et n’ayez jamais de demeure fixe. C’est ainsi qu’a vécu le juste Joseph. A-t-il jamais goûté un moment de joie, depuis qu’il a eu Jésus-Christ en garde? Cet enfant ne laisse pas les siens en repos : il les inquiète toujours dans ce qu’ils possèdent, et toujours il leur suscite quelque nouveau trouble.

« Il nous veut apprendre, mes sœurs, que c’est un conseil de la miséricorde, de mêler de l’amertume dans toutes nos joies ; car nous sommes des voyageurs, exposés, pendant le voyage, à l’intempérie de l’air et à l’irrégularité des saisons.

« Parmi les fatigues d’un si long voyage, l’âme, épuisée par le travail, cherche quelque lieu pour se délasser. L’un met son divertissement dans un emploi : l’autre a sa consolation dans sa femme, dans son mari, dans sa famille ; l’autre, son espérance en son fils. Ainsi chacun se partage, et cherche quelque appui sur la terre.

L’Évangile ne blâme pas ces affections, mais comme le cœur humain est précipité dans ses mouvements, et qu’il lui est difficile de modérer ses désirs, ce qui lui était donné pour se relâcher, peu à peu il s’y repose, et enfin il s’y attache.

Ce n’était qu’un bâton pour le soutenir pendant le travail du voyage, il s’en fait un lit pour s’y endormir; et il demeure, il s’arrête, il ne se souvient plus de Sion : Dieu lui renverse ce lit où il s’endormait parmi les félicités temporelles; et par une plaie salutaire il fait sentir à ce cœur combien ce repos était dangereux.

Vivons donc en ce monde comme détachés. Si nous y sommes comme n’ayant rien, nous y serons, en effet, comme possesseurs de tout; si nous nous détachons des créatures, nous y gagnerons le Créateur; et il ne nous restera plus que de nous cacher avec Joseph, pour en jouir, dans la retraite et la solitude. »

(Bossuet, Second Panégyrique de Saint Joseph)