Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

la crèche – 800 ans déjà !

la crèche – 800 ans déjà !

C’est à Noël 1223, dans une petite ville du centre de l’Italie, perchée dans les montagnes à Greccio, que saint François d’Assise invente la première crèche.

la crèche place saint Pierre à Rome
la crèche place saint Pierre à Rome

Si dès le VIe siècle, les chrétiens se retrouvent pour fêter la naissance du Christ pendant la nuit du 25 décembre, il faut attendre que Saint François recrée au XIIIe siècle, dans une grotte, une scène vivante de la nativité avec des animaux et des fidèles qui interprètent les personnages.

C’est à la vue des grottes autour de Greccio qu’il se remémore les grottes de Bethléem qu’il a visitées lors de son voyage en Terre Sainte et que naît le désir de « représenter avec les yeux du corps, les souffrances dans lesquelles Jésus s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né, lorsqu’Il était couché dans un berceau sur la paille entre le bœuf et l’âne » (Thomas de Celano, Vita Prima).

L’enthousiasme soulevé par cette crèche vivante a donné naissance à une tradition qui s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui même si les personnages vivants sont remplacés par des personnages en bois, en cire, en carton-pâte et même en verre.

Le pape François, a consacré une lettre apostolique à la signification de la crèche, Admirable signum, en 2019 dans laquelle il revient sur l’œuvre d’évangélisation initiée par Saint François. Et c’est en souvenir des 800 ans de la première crèche que la crèche de la place Saint-Pierre se propose de faire revivre, cette année, l’atmosphère de ce Noël 1223 avec une structure directement inspirée du rocher du sanctuaire de Greccio.

En ce temps de l’Avent, préparons nos cœurs à la venue de notre Sauveur et revivons par nos crèches l’histoire qui s’est vécue à Bethléem.

NOËL : LA JOIE DE L’ADORATION

LA JOIE DE L’ADORATION

Georges de la Tour - l'adoration des bergers
Georges de la Tour – l’adoration des bergers

Un Sauveur nous est né ! Un Fils nous est donné !

La joie de Marie et de Joseph ! Comme elle fut pure et dépouillée en cette nuit de Noël !

Pensons-y lorsque nous savons que Noël est fêté avec trop d’abondance. Ainsi nous irons rejoindre dans la pauvreté intérieure et dans le dépouillement, la joie véritable de Marie et de Joseph.

Pensons-y aussi lorsqu’au milieu des bruits du monde et des fêtes, notre cœur broyé de chagrin est dans le deuil et dans les larmes.

Alors nous saurons mieux être, envers et contre tout, souriants au milieu de nos frères afin de ne pas ternir leur joie. Mais sachons que nous aussi nous sommes sur le chemin de cette vraie et seule joie que Dieu a voulu garder intacte et pure pour entourer la naissance de l’Enfant.

Et quelle est donc cette vraie joie qui fut celle de Marie et celle de Joseph ? Ce fut la joie de l’adoration. En voyant l’Enfant, Marie et Joseph sont entrés en adoration.

Ils sont tombés à genoux, dans le grand silence de la nuit, dans le grand dépouillement de la crèche, dans le grand abandon à la volonté de Dieu.

Ils sont entrés en adoration, là où ils étaient : dans cette humble grotte de Bethléem. De même, Marie et Joseph continueront à adorer l’Enfant, dans leur maison de Nazareth.

Ils sont le modèle des maisons d’adoration ; ils sont le modèle de toute famille chrétienne qui ne peut vivre qu’en accueillant Jésus en sa maison et en vivant de Sa présence.

L’adoration commence à la maison ; là où l’on vit ; là où l’on s’aime.

Ainsi, il faut des « églises domestiques » pour que vive l’Église du Christ ; il faut des âmes-églises pour construire les églises domestiques.

Âme-église, c’est-à-dire âme qui accueille la Présence vivante de Jésus en elle, exactement comme Marie l’a accueillie.

Âme qui vive de cette Présence vivante là où elle est, dans sa maison.

La joie de l’adoration, Marie et Joseph ne l’ont pas gardée pour eux. Ils l’ont ouverte aux autres.

La grotte de Bethléem n’avait pas de porte. Elle était ouverte à tous sans exception ; c’est ainsi que les plus pauvres ont pu venir tout de suite, parce qu’ils étaient les plus proches. Sans le savoir, leur dépouillement les avaient amenés tout près du lieu de la Nativité. Et là, ils ont été avertis, par la joie du Ciel.

La joie du Ciel était si grande en cette nuit de Noël qu’elle s’est déversée sur la terre, de façon perceptible. Les bergers ont entendu le chant des anges. Ce chant était un chant de gloire !

Gloire à Dieu !

N’oublions jamais de contempler la gloire ! La gloire de Dieu ! Même au milieu des nuits les plus obscures et les plus froides ; même dans les grottes les plus dépouillées !

Lorsqu’un événement joyeux se passe sur la terre ; lorsque Jésus-Enfant vient habiter dans une maison, fut-elle une très pauvre grotte, et lorsque dans l’adoration, des âmes en prière l’aiment et le contemplent, alors tout le Ciel se réjouit et chante.

Ainsi, sans cesse, le Ciel se penche vers la terre, particulièrement au cours de nos prières familiales, de nos liturgies et de nos messes, et les anges du ciel chantent gloire à Dieu, nous invitant à lancer ce même cri de joie !

Les pauvres bergers ont entendu chanter la gloire de Dieu et, attirés par un appel mystérieux, ils se sont dirigés vers la grotte.

« Je te bénis, ô Père, de ce que tu as révélé ces choses aux petits et aux humbles. »

Alors les petits et les humbles se présentent à l’entrée de la grotte. Mais là, ils hésitent un instant. Ils n’ont pas pensé à leur pauvreté, ni à leur misère. Mais apercevant l’Enfant immaculé, posé dans la crèche, ils voient clairement cette pauvreté qui est la leur. Ils sont indignes. Ils ne peuvent pas avancer plus près. Pourtant, comme ils désirent entrer !

Et voilà que dans leur confusion, ils se tournent vers Marie qui se tient debout, au seuil de la grotte. Elle s’est approchée là, sans bruit, pour les accueillir, comme une parfaite maîtresse de maison et, bien plus, comme une mère qui attend ses enfants. Elle tend la main, prend la leur et les attire avec douceur au pied de la crèche, devant l’Enfant. Elle les regarde en souriant.

Il y a une si grande tendresse dans son geste d’accueil, que les bergers ne pensent plus à leur pauvreté. Leur confusion s’en est allée, car Marie s’en est chargée. Et auprès d’elle, comme rassurés et protégés, ils ne voient plus que l’Enfant. Alors, tombant à genoux, ils l’adorent.

Ils entrent en adoration. Plus rien d’autre ne compte que l’Enfant immaculé, et leur âme s’est envolée auprès de lui, en lui, pour l’adorer, le contempler jusqu’à disparaître en lui, n’être plus qu’un en lui, être uni à lui.

L’union de l’âme avec Jésus vivant ! Telle est la fin, la destinée de toute âme. Et cette union-là n’est pas réservée à la vie du ciel ; elle nous est proposée dès ici-bas, durant notre vie terrestre. Et c’est de cette façon-là que, déjà, nous connaissons le Royaume ; nous avons part dès cette terre, au règne de Dieu.

Ainsi, Marie nous montre que la prière est accueil : de Dieu et des autres.

La prière ne nous enferme pas ; elle est ouverture : ouverture à Dieu, ouverture aux autres.

Marie a contemplé debout au pied de la crèche, comme plus tard debout au pied de la Croix. Dans son adoration, elle ne se retirait pas du monde : elle y faisait face. Elle était toute tournée vers les enfants des hommes, prête à les accueillir, pour les amener à l’Homme-Dieu.

Prions Marie, afin d’être dans l’adoration, sans cesse prêts à partir en visitation.

Prière-adoration et prière-visitation intimement liées. C’est le grand enseignement de cette nuit de la Nativité. C’est le modèle proposé aux âmes d’adoration vivant dans le monde que le Seigneur rassemble, pour consacrer le monde.

PRIÈRE : Je suis proche de vous

Marie-Benoîte Angot

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Messe de la Nuit de Noël – le Dieu de l’incarnation choisit la petitesse

Messe de la Nuit de Noël:
le Dieu de l’incarnation choisit la petitesse

Dans son homélie, le Pape a rappelé combien Jésus n’est pas un Dieu de la performance ni du pouvoir illimité, mais qui s’immerge dans nos limites et fragilités. «Notre cœur, ce soir, est à Bethléem, où le Prince de la paix est encore rejeté par la logique perdante de la guerre, avec le fracas des armes qui, aujourd’hui encore, l’empêche de trouver une place dans le monde».

 

MESSE DE LA NUIT

SOLENNITÉ DU NOËL DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS

Basilique vaticane
dimanche 24 décembre 2023

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«Le recensement de toute la terre» (Lc 2,1). C’est le contexte dans lequel Jésus est né et sur lequel se concentre l’Évangile. Il aurait pu en parler rapidement, mais il en parle avec précaution.

Et avec cela il fait ressortir un grand contraste : tandis que l’empereur compte les habitants du monde, Dieu entre presque secrètement ; tandis que les responsables tentent de s’élever parmi les grands de l’histoire, le Roi de l’histoire choisit la voie de la petitesse. Aucun des puissants ne le remarque, seulement quelques bergers, relégués en marge de la vie sociale.

Mais le recensement en dit plus. Il n’a pas laissé un bon souvenir dans la Bible. Le roi David, cédant à la tentation du grand nombre et à une prétention malsaine à l’autosuffisance, avait commis un grave péché en procédant à un recensement de la population. Il voulait connaître la force et après environ neuf mois il eut le nombre de ceux qui pouvaient manier l’épée (voir 2 Sam 24,1-9).

Le Seigneur s’est indigné et un malheur a frappé le peuple. Mais cette nuit-là, le « Fils de David », Jésus, après neuf mois dans le sein de Marie, naît à Bethléem, la ville de David, et ne punit pas le recensement, mais se laisse humblement compter. Un parmi tant d’autres.

Nous ne voyons pas un Dieu colérique qui punit, mais le Dieu miséricordieux qui s’incarne, qui entre faiblement dans le monde, précédé de l’annonce : « sur la terre, paix entre les hommes » (Lc 2, 14). Et notre cœur ce soir est à Bethléem, où le Prince de la Paix est encore rejeté par la logique perdante de la guerre, avec le rugissement des armes qui l’empêche encore aujourd’hui de trouver une maison dans le monde (voir Luc 2, 7).

Bref, le recensement de la terre entière manifeste d’une part la trame trop humaine qui traverse l’histoire : celle d’un monde en quête de pouvoir et de puissance, de renommée et de gloire, où tout se mesure aux succès et aux résultats, avec les chiffres. et avec les chiffres. C’est l’obsession de la performance.

Mais en même temps, le chemin de Jésus se démarque dans le recensement, qui vient nous chercher à travers l’incarnation. Il n’est pas le dieu de la performance, mais le Dieu de l’incarnation. Il ne renverse pas les injustices d’en haut par la force, mais d’en bas avec amour ; elle n’éclate pas avec une puissance illimitée, mais descend dans nos limites ; il n’évite pas nos fragilités, mais les assume.

Frères et sœurs, ce soir nous pouvons nous demander : en quel Dieu croyons-nous ? Dans le Dieu de l’incarnation ou dans celui de la performance ? Oui, car il y a le risque de vivre Noël avec une idée païenne de Dieu dans la tête, comme s’il était un puissant maître au ciel ; un dieu qui allie pouvoir, réussite mondaine et idolâtrie du consumérisme.

La fausse image d’un dieu détaché et susceptible, qui se comporte bien avec les bons et se met en colère contre les méchants, revient toujours ; d’un dieu fait à notre image, utile uniquement pour résoudre nos problèmes et éloigner nos maux.

Il n’utilise cependant pas de baguette magique, il n’est pas le dieu commercial du « tout à la fois » ; il ne nous sauve pas en appuyant sur un bouton, mais il est sur le point de changer la réalité de l’intérieur.

Pourtant, combien profondément enracinée en nous est l’idée mondaine d’un Dieu distant et contrôlant, rigide et puissant, qui aide ses disciples à l’emporter sur les autres ! Bien souvent, cette image est ancrée en nous. Mais ce n’est pas le cas : Il est né pour tous, lors du recensement de la terre entière.

Regardons donc le « Dieu vivant et vrai » (1 Thess 1,9) : vers Lui, qui dépasse tout calcul humain et se laisse cependant enregistrer par nos comptes ; à Celui qui révolutionne l’histoire en y vivant ; à Lui, qui nous respecte au point de nous permettre de le rejeter ; à Lui, qui efface le péché en en assumant la responsabilité, qui n’enlève pas la douleur mais la transforme, qui n’enlève pas les problèmes de nos vies, mais donne à nos vies une espérance plus grande que les problèmes.

Il veut tellement embrasser nos existences que, infini, il devient fini pour nous ; grand, devient petit ; c’est vrai, vit nos injustices. Frères et sœurs, voici la merveille de Noël : non pas un mélange d’affections sucrées et de conforts mondains, mais la tendresse sans précédent de Dieu qui sauve le monde en s’incarnant.

On regarde l’Enfant, on regarde sa crèche, on regarde la crèche, que les anges appellent « le signe » (Lc 2,12) : c’est en fait le signe révélateur du visage de Dieu, qui est compassion. et miséricorde, toute-puissante toujours et seulement dans l’Amour. Il devient proche, il devient proche, tendre et compatissant, c’est la manière d’être de Dieu : proximité, compassion, tendresse.

​*

Sœurs, frères, soyons étonnés car « il s’est fait chair » (voir Jean 1, 14). Chair : un mot qui rappelle notre fragilité et que l’Évangile utilise pour nous dire que Dieu est entré profondément dans notre condition humaine. Pourquoi est-il allé aussi loin ? – nous nous demandons –. Parce qu’il se soucie de tout de nous, parce qu’il nous aime au point de nous considérer comme plus précieux que toute autre chose.

Frère, sœur, par Dieu qui a changé l’histoire lors du recensement, tu n’es pas un numéro, mais tu es un visage ; ton nom est écrit dans son cœur. Mais vous, en regardant votre cœur, les performances qui ne sont pas à la hauteur, le monde qui juge et ne pardonne pas, peut-être vivez-vous mal ce Noël, pensant que vous ne faites pas bien, nourrissant un sentiment d’insuffisance et insatisfaction pour vos fragilités, pour vos chutes et vos problèmes et pour vos péchés.

Mais aujourd’hui, s’il vous plaît, laissez l’initiative à Jésus, qui vous dit : « Pour vous je me suis fait chair, pour vous je suis devenu semblable à vous ». Pourquoi restes-tu dans la prison de ta tristesse ? Comme les bergers qui ont abandonné leurs troupeaux, quittez l’enclos de votre mélancolie et embrassez la tendresse du Dieu enfant.

Et faites-le sans masques, sans armure, jetez-lui vos soucis et il prendra soin de vous (voir Ps 55, 23) : Lui, devenu chair, n’attend pas vos performances réussies, mais votre cœur ouvert et votre confident. Et en Lui tu redécouvriras qui tu es : un fils bien-aimé de Dieu, une fille aimée de Dieu.

Maintenant tu peux le croire, car ce soir le Seigneur est venu à la lumière pour illuminer ta vie et ses yeux brillent d’amour pour toi. Nous avons du mal à croire que les yeux de Dieu brillent d’amour pour nous. Oui, le Christ ne regarde pas les chiffres, mais les visages. Mais qui se tourne vers Lui, parmi les nombreuses choses et les courses folles d’un monde toujours occupé et indifférent ? Qui le regarde ?

A Bethléem, tandis que de nombreuses personnes, captivées par le frisson du recensement, allaient et venaient, remplissant les logements et les auberges en parlant de choses et d’autres, certains étaient proches de Jésus : c’étaient Marie et Joseph, les bergers, puis les mages. Apprenons d’eux. Ils se tiennent le regard fixé sur Jésus, le cœur tourné vers Lui, ils ne parlent pas, mais ils adorent.

Ce soir, frères et sœurs, c’est le temps de l’adoration : d’adorer. L’adoration est le moyen d’accueillir l’incarnation. Parce que c’est dans le silence que Jésus, Parole du Père, s’incarne dans nos vies. Nous aussi, nous faisons comme à Bethléem, qui signifie « maison du pain » : nous nous tenons devant Lui, le Pain de vie. Redécouvrons l’adoration, car adorer, ce n’est pas perdre du temps, mais laisser Dieu habiter notre temps.

C’est faire fleurir en nous la semence de l’incarnation, c’est collaborer à l’œuvre du Seigneur, qui comme le levain change le monde. Adorer, c’est intercéder, réparer, permettre à Dieu de redresser l’histoire.

Un grand narrateur d’épopées écrivait à son fils : « Je t’offre la seule grande chose à aimer sur terre : le Saint-Sacrement. Vous y trouverez le charme, la gloire, l’honneur, la loyauté et le véritable chemin de tous vos amours sur terre » (J.R.R. Tolkien, Lettre 43, mars 1941).

Frères et sœurs, ce soir, l’amour change l’histoire. Croyons, Seigneur, à la puissance de ton amour, si différente de la puissance du monde. Seigneur, comme Marie, Joseph, les bergers et les sages, rassemblons-nous autour de toi pour t’adorer. Rendu par Toi plus semblable à Toi, nous pourrons témoigner au monde de la beauté de ton visage.


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Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse