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Dieu, notre joie et notre espérance

Dieu, notre joie et notre espérance

BENOÎT XVI

psaume 125
psaume 125

Psaume du jour

(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)

R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !
(Ps 125, 3)

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

1. En écoutant les paroles du Psaume 125, on a l’impression de contempler de ses propres yeux l’événement chanté dans la deuxième partie du livre d’Isaïe : le « nouvel exode ». C’est le retour d’Israël de l’exil babylonien au pays des pères, après l’édit du roi perse Cyrus en l’an 558 avant Jésus-Christ. Puis la joyeuse expérience du premier exode s’est répétée, lorsque le peuple hébreu a été libéré de l’esclavage égyptien.

Ce psaume a pris une signification particulière lorsqu’il a été chanté à l’époque où Israël se sentait menacé et effrayé, car il devait affronter une autre épreuve. En effet, le Psaume comporte une prière pour le retour des prisonniers du moment (cf. v. 4). Ainsi, elle devient une prière du peuple de Dieu dans son itinéraire historique, plein de dangers et d’épreuves, mais toujours ouvert à la confiance en Dieu Sauveur et Libérateur, défenseur des faibles et des opprimés.

2. Le Psaume introduit un climat de joie : on sourit, on célèbre la liberté obtenue, des chants de joie montent aux lèvres (cf. vv. 1-2).

La réaction à la liberté retrouvée est double. D’une part, les nations païennes reconnaissent la grandeur du Dieu d’Israël : « L’Éternel a été grand avec eux » (v. 2). Le salut du peuple élu devient la preuve évidente de l’existence effective et puissante de Dieu, présent et actif dans l’histoire. En revanche, c’est le peuple de Dieu qui professe sa foi au Seigneur qui sauve : « Le Seigneur a été grand avec nous » (v. 3).

3. La pensée va alors dans le passé, ravivée par un frisson de peur et d’amertume. Concentrons notre attention sur l’image agricole utilisée par le psalmiste : « Ceux qui sèment avec larmes récoltent avec chant » (v. 5). Sous le poids du travail, parfois le visage se couvre de larmes : on procède à un ensemencement fastidieux, qui peut s’avérer inutile et infructueux. Mais, quand arrive la moisson abondante et joyeuse, on découvre que la douleur a été fructueuse.

Dans ce verset du Psaume se condense la grande leçon sur le mystère de la fécondité et de la vie que la souffrance peut contenir. Précisément comme Jésus l’a dit à la veille de sa passion et de sa mort : « Si un grain de blé ne tombe à terre et ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24).

4. L’horizon du Psaume s’ouvre ainsi sur la moisson festive, symbole de la joie engendrée par la liberté, la paix et la prospérité, fruits de la bénédiction divine. Ainsi, cette prière est un chant d’espoir, vers lequel vous pouvez vous tourner lorsque vous êtes plongé dans une période d’épreuve, de peur, de menace extérieure et d’oppression intérieure.

Mais cela peut aussi devenir une exhortation plus générale à vivre sa vie et à faire des choix dans un climat de fidélité. La persévérance dans le bien, même si elle rencontre des incompréhensions et des obstacles, finit toujours par atteindre un but de lumière, de fécondité et de paix.

C’est ce que saint Paul rappelait aux Galates : « Celui qui sème en esprit récoltera de l’esprit la vie éternelle. Ne nous lassons pas de faire le bien, car en temps voulu la moisson viendra si nous ne renonçons pas » (Ga 6 , 8-9).

5. Terminons par une réflexion de saint Bède le Vénérable (672-735) sur le Psaume 125, commentant les paroles par lesquelles Jésus annonce à ses disciples la tristesse qui les attend et, en même temps, la joie qui va naître de leur affliction (cf. Jn 16, 20).

Bède rappelle que « ceux qui ont aimé le Christ ont pleuré et se sont lamentés quand ils ont vu que les ennemis l’ont saisi, l’ont lié, l’ont traduit en justice, l’ont condamné, l’ont flagellé, se sont moqués de lui, et finalement l’ont crucifié, l’ont blessé avec la lance et l’ont enterré.  » Au contraire, ceux qui aimaient le monde se réjouissaient (…) lorsqu’ils condamnaient à une mort infâme celui qui ne les agaçait qu’en le voyant. Les disciples étaient attristés par la mort du Seigneur, mais, connaissant sa Résurrection, leur la tristesse s’est transformée en joie, après avoir vu le miracle de l’Ascension, avec une joie encore plus grande ils ont loué et béni le Seigneur, comme en témoigne l’évangéliste saint Luc (cf. Lc 24, 53). Mais ces paroles du Seigneur peuvent s’appliquer à tous les fidèles qui, à travers les larmes et les afflictions du monde, essaient d’atteindre les joies éternelles, et qui à juste titre pleurent maintenant et sont tristes, parce qu’ils ne peuvent toujours pas voir celui qu’ils aiment, et parce que, pendant qu’ils sont dans le corps, ils savent c’est Ils sont loin du pays et du royaume, bien qu’ils soient sûrs d’atteindre le prix à force de fatigue et de lutte. Leur tristesse se transformera en joie quand, après la lutte de cette vie, ils recevront la récompense de la vie éternelle, selon ce que dit le Psaume : « Ceux qui ont semé avec des larmes, moissonnent avec des chants » » (Homéie sur l’Évangile, 2, 13 : Collana di Testi Patristici, XC, Rome 1990, pp. 379-380).

AUDIENCE GÉNÉRALE mercredi 17 août 2005


© Copyright – Libreria Editrice Vaticana

Avec Marie, entrons dans la divine intimité

Avec Marie, entrons dans la divine intimité

giotto-nativite-fresque-de-la-chapelle-scavogni-padoue
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Poursuivons avec la Médaille Miraculeuse notre méditation de carême sur les grands mystères du Salut où notre Sainte Mère est si présente.

A Noël, Marie ne dit rien, elle est la mère, elle enfante son Dieu et elle entre dans son intimité toujours plus profondément, elle garde et médite dans son cœur tous ces événements. Elle nous invite à apprendre à garder nous aussi tous ces événements dans nos cœurs, à les méditer pour entrer dans une intimité toujours plus grande avec celui qui nous habite.

Contemplation et action doivent toujours s’alterner dans nos vies ; pendant ce carême, avec Marie, prenons du temps pour laisser tous ces événements habiter notre cœur.

Prions pour que nous soyons à notre tour de bons serviteurs tout dévoués au projet divin. Le Père à besoin de nous pour continuer et parfaire sa création. Avec lui contemplons son œuvre d’Amour.

Je vous salue, Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous.
Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort. Amen !

Psaume de la Création

Par les cieux devant Toi, splendeur et majesté
Par l’infiniment grand, par l’infiniment petit,
Et par le firmament, Ton manteau étoilé,
Et par frère Soleil…
Je veux crier mon Dieu ! Tu es grand, Tu es beau,
Dieu vivant, Dieu très haut, Tu es le Dieu d’amour !
Mon Dieu, Tu es grand, Tu es beau, Dieu vivant,
Dieu très haut, Dieu présent en toute création.

LA VIERGE-MÈRE

LA VIERGE-MÈRE

Vierge orante des catacombes et son Fils en médaillon | DR

L’objet de l’Annonciation était de faire connaître à Marie, comme un unique message, à la fois sa maternité et la qualité de son Fruit. « Voici que vous enfanterez un Fils…» — « Il sera appelé le Fils du Très-Haut. »

On ne lui parle pas tout d’abord de virginité. C’est elle qui soulève l’objection et pose le problème. Mais la réponse ne se fait pas attendre, et sa teneur nous invite à méditer quelque peu. Le titre de Vierge-Mère est ici directement en cause et appelle notre fervente attention.

Le « Fils du Très-Haut » annoncé par l’Ange méritera ce nom en raison de ce qu’il aura été conçu de Marie par l’intervention de Dieu seul. Ce nom lui conviendra encore parce que, étant le Messie promis, le Sauveur, le nouvel Adam, le nouveau premier homme, si l’on peut ainsi dire, il sera, de par cette primauté et ce caractère d’Ancêtre spirituel, un fils de Dieu par excellence parmi les mortels.

Mais le motif principal de ce titre est que le Fils de Marie ne fait qu’un avec le Fils coéternel du Père, de telle sorte que Marie ne puisse pas être sa Mère sans être en même temps Mère de Dieu.

Dès qu’on songe à ce dernier fait et à ce dernier titre, on trouve toute naturelle la qualité virginale qui s’y accorde. La Mère de Dieu, qui préside en quelque sorte à la seconde origine du Verbe en lui prêtant sa chair, appartient à la Divinité comme du dedans, et ne peut avoir de profonde relation en dehors d’elle. Quelle inconvenance — et quelle superfétation ! — à lui prêter une intimité hors son intimité surhumaine !

Tertullien l’a observé, Celui qui pour naître du Père dans l’éternité n’a pas eu besoin de mère, n’a pas besoin de père pour naître d’une femme dans le temps. La Divinité, là où elle intervient directement et comme de sa personne, suffit à tout et n’a que faire des causes secondes. D’autre part, Celle qui doit avoir le même Fils que Dieu pourrait-elle être unie à un autre qu’à Dieu ?

Comme donc le premier Adam est né d’une terre vierge de toute autre activité que l’activité créatrice : ainsi le nouvel Adam naît d’une Mère vierge de toute autre intervention que l’intervention divine. Il habite, au premier jour, dans une chair intacte, comme au dernier dans un sépulcre neuf. Ici, c’est une question de respect ; là d’exclusive appartenance céleste.

La virginité est le sceau de l’union entre Celui qui nous donne le Christ et Celle par qui il nous le donne. Un tel être est nécessairement réservé. Tout contact serait une profanation. Iahvé ne permettait pas, même pour la préserver, que l’on touchât à son Arche : l’instrument animé de la Nouvelle Alliance est autrement précieux et sacré.

« Ma sœur, mon épouse est un jardin fermé, une fontaine scellée », dit le Cantique. Marie est saluée par nos litanies de cette apostrophe extasiée : « Sainte Vierge des vierges, priez pour nous ! » Cela signifie que la Mère du Sauveur est une Vierge parmi les vierges, une Vierge qui suscite et protège les vierges.

Non seulement elle ne connaît point d’homme, comme elle dit : mais sa pureté d’âme et de chair est parfaite tellement, que ni en esprit, ni dans ces profondeurs de l’être que l’esprit n’atteint pas, elle n’éprouve la moindre sollicitation, le moindre entraînement, la moindre souillure.

Elle est 1′ « argile idéale » qu’Eve innocente elle-même n’était pas, et cette argile pure est unie à une âme que le mal ne peut atteindre, quoiqu’une pleine liberté soit laissée à son vouloir, qu’invite et fixe le seul bien.

La Femme « revêtue du Soleil » ne peut pas avoir d’ombre. Le Soleil spirituel l’inonde de toutes parts, et de toutes parts sa beauté resplendit, ignorant ce foyer de ténèbres, si je puis dire, que tout autre racheté porte en soi.

On imagine que Jésus, ne devant la vie qu’à sa Mère et l’accaparant en quelque sorte pour lui seul, devait lui ressembler d’une façon frappante. Au spirituel, c’est elle qui lui ressemble ; car il est le Modèle. Toutefois, il a imprimé sa ressemblance tellement dans Celle qui est son œuvre infiniment plus qu’il n’est la sienne, qu’on peut presque indifféremment aller d’elle à lui ou de lui à elle.

« Qui me voit voit mon Père »; qui voit ma Mère me voit : ces deux formules s’appellent. Une œuvre d’art parfaite et qui s’animerait n’arriverait-elle pas à coïncider pour ainsi dire avec son modèle ? Si le portrait d’Innocent X, par Vélasquez, était, comme son prototype, un être vivant, qui les distinguerait ?

A ce titre, Marie est la Sainte par excellence, chargée de symboliser et de propager la sainteté, cette virginité de l’âme, comme elle sert de modèle et de sauvegarde à la vertueuse virginité de la chair. Elle est la Vierge-Mère, aussi, en ce sens-là, c’est-à-dire comme exemplaire et comme cause effective, conjointement avec le Christ, à l’égard de toute pureté et de tout bien.

A-t-on remarqué que ceux qui ne croient pas comme nous en Marie ne l’appellent pas moins comme nous : la Vierge ? Ne serait-ce pas qu’ils sentent malgré eux ce qu’il y a là de beauté et de grandeur ? Qu’a-t-on jamais le plus aimé et vénéré dans la femme, sinon la virginité et la maternité ?

Ces deux splendeurs associées font de Marie l’idéal féminin par excellence, surtout si l’on se souvient qu’elle fut, comme le relève un sonnet célèbre, Mère avec l’innocence et vierge avec l’amour.

Le divin paradoxe contenu dans cette expression : la Vierge-Mère, répond au fait non moins surprenant d’une âme qui éclot immaculée dans une chair pécheresse. Maternité virginale ; Immaculée Conception : c’est une même pensée. Le respect et la pureté portés à ce double point extrême et comme excessif ; l’initiative du relèvement de la race et de sa purification au moyen d’une splendeur issue d’elle : n’est-ce pas un beau dessein ?

Nos secrets instincts en sont d’accord. Même le vicieux a la nostalgie de l’intégrité parfaite ; ¦— la fange même vous loue, ô Marie —, à plus forte raison le noble cœur, surtout féminin, en est-il touché. La jeune fille au bord du mariage, et quelle que soit en elle l’aspiration à l’amour, n’a-t-elle pas le sentiment de consentir un sacrifice ?

Quel jeune époux, de son côté, ne le sent pas ? Ne seraient-ils pas heureux l’un et l’autre, si, par quelque impossible miracle, l’amour, sans perdre rien de ce qui lui appartient, pouvait respecter la fleur blanche qui, une seule fois dans le monde, fut l’annonce d’un fruit ? C’est là, au fond, ce qui inspire à un noble amour ses délicatesses et à la femme ses timidités.

En vérité, comme Eve a laissé de sa ruse et de sa perversité au cœur de la femme, ainsi Marie y a-t-elle mis de sa vertu. Nous en faisons honneur à Celle « que n’osa frapper le premier anathème » et par qui les bénédictions de la race se répandent ; mais elle-même en renverrait la gloire à son Fils, notre Homme-Dieu, de qui les deux moitiés du genre humain prennent également leur dignité et leur grandeur.

P. Sertillanges