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MYSTÈRE DE MARIE VI : Celle qui a cru !

Visitation par Pinturicchio - détail
Visitation par Pinturicchio – détail

L’étude et la méditation de la foi de Marie se situent au cœur de l’Évangile :

La Béatitude de Marie, c’est sa foi.
Marie, dans la foi, accueille la parole de Dieu.
Dans la foi, Marie accueille Celui qui est « la Parole ».
Le pèlerinage de la foi de Marie éclaire celui de tous les hommes.

Voici ce que disait Jean-Paul II lors de son audience générale du mercredi 21 mars 2001 sur « Marie, pèlerin de la foi ».

« La page de Luc [la Visitation] nous présente Marie comme pèlerin d’amour. Mais Élisabeth attire l’attention sur la foi de celle-ci et prononce à son égard la première Béatitude des Évangiles:  « Bienheureuse celle qui a cru ». Cette expression est « en quelque sorte une clef qui nous fait accéder à la réalité intime de Marie » (Redemptoris Mater, n. 19). Nous voudrions donc, comme couronnement des catéchèses du grand Jubilé de l’An 2000, présenter la Mère du Seigneur comme pèlerin dans la foi. En tant que fille de Sion, elle se place sur les traces d’Abraham, celui qui avait obéi par foi, partant « vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait » (He 11, 8). »

Ce symbole de la pérégrination dans la foi illumine l’histoire intérieure de Marie, la croyante par excellence, comme le suggérait déjà le Concile Vatican II:  « Ainsi la bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la croix » (Lumen gentium, n. 58). L’annonciation « est le point de départ de l’itinéraire de Marie vers Dieu » (Redemptoris Mater, n. 14):  un itinéraire de foi qui connaît le présage de l’épée qui transperce l’âme (cf. Lc 2, 35), qui passe à travers les voies tortueuses de l’exil en Égypte et de l’obscurité intérieure, quand Marie « ne comprend pas » l’attitude de Jésus âgé de douze ans dans le temple mais, toutefois, « garde fidèlement toutes ces choses en son cœur » (Lc 2, 51).

Ce symbole de la pérégrination dans la foi illumine l’histoire intérieure de Marie, la croyante par excellence, comme le suggérait déjà le Concile Vatican II:  « Ainsi la bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la croix » (Lumen gentium, n. 58). L’annonciation « est le point de départ de l’itinéraire de Marie vers Dieu » (Redemptoris Mater, n. 14):  un itinéraire de foi qui connaît le présage de l’épée qui transperce l’âme (cf. Lc 2, 35), qui passe à travers les voies tortueuses de l’exil en Égypte et de l’obscurité intérieure, quand Marie « ne comprend pas » l’attitude de Jésus âgé de douze ans dans le temple mais, toutefois, « garde fidèlement toutes ces choses en son cœur » (Lc 2, 51). »

I. — LA BÉATITUDE DE MARIE, C’EST SA FOI

L’Évangile est à la lettre la « Bonne nouvelle du salut », l’annonce du bonheur mis par Dieu à la portée de l’homme qui adhère à sa Parole-fait-chair ; Jésus-Christ, son Fils. La principale annonce de ce bonheur, de cette joie a d’abord été portée par l’ange Gabriel à celle que Dieu avait spécialement choisie pour réaliser son dessein de salut, la Vierge Marie :

Réjouis-toi, comblée de grâces (favorisée de Dieu), le Seigneur est avec toi. (Luc 1, 28).

Au jour de la Visitation, Elisabeth, faisant écho à cette annonce proclame le même bonheur, réservé par grâce, à la Vierge, sa cousine :

Tu es bénie entre toutes les femmes et béni, le fruit de tes entrailles.
… Bienheureuse, toi qui as cru que s’accomplirait ce qui t’a été dit de la part du Seigneur (Luc 1, 42, 45).

La Béatitude propre de Marie, proclamée par l’ange et par Élisabeth, n’est donc autre que le bonheur de « celle qui a cru à la parole de Dieu ». Marie inaugure le règne universel d’un bonheur « qui n’est pas de ce monde », promis à ceux qui croient :

Bienheureux, vous les pauvres !… (Luc 6, 20 ss.).

Marie est la première sur le plan de la foi car son assentiment à la parole de l’ange lui confère ce privilège de devenir la Mère de Dieu et notre mère. Mais on aurait tort d’inférer de cette dignité hors pair que son acte de foi et que sa vie de foi se situent sur un autre plan que celui et celle de tous les hommes. C’est le contraire sans doute que voulait faire comprendre le Seigneur à cette femme qui, devant lui, magnifiait la maternité purement physique de Marie, sa mère :

Bienheureuses, les entrailles qui t’ont porté !
Bienheureux, les seins que tu as sucés! (Luc 11, 27-28).

Jésus répond:

Bienheureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent ! (Luc 11, 27-28).

Sur ce plan-là aussi, Marie était la première, et c’est à bon droit que « toutes les générations » peuvent la proclamer « bienheureuse » (Luc 2, 48). Aussi, étudier et méditer la foi de Marie, comme nous allons essayer de le faire, est-ce emprunter une voie privilégiée pour approfondir le mystère de notre propre foi, condition de notre propre béatitude au-delà de toutes les obscurités et difficultés de la vie présente.

II. — DANS LA FOI, MARIE ACCUEILLE LA PAROLE DE DIEU

C’est surtout dans l’Évangile de saint Luc, qu’apparaît, au cœur même du récit de l’annonciation, la foi de Marie. Par là même, elle nous donne de comprendre que croire, c’est accueillir la parole de Dieu, lui « ouvrir ses oreilles », lui obéir, et enfin la « garder », c’est-à-dire « la mettre en pratique ». Marie écoute les paroles de l’ange, si surprenantes qu’elles puissent lui paraître :

Voici que tu concevras et enfanteras un fils… (Luc 1, 31 et ss.).

Ces paroles évoquent la « Vierge » annoncée par Isaïe « qui concevra et enfantera un fils » (Isaïe, 7, 14), la « femme » avec son « lignage », évoquée par Dieu à la suite du premier péché (Genèse, 3, 15). Elles marquent l’accomplissement des « promesses faites à Abraham et à sa descendance à jamais » (Luc 1, 55), comme Marie elle-même le proclame dans son Magnificat. Et pourtant, sur l’heure, ces paroles la « bouleversent » et « elle se demande ce que signifie cette salutation    (Luc 1, 29).

Réaction normale : quand Dieu se manifeste, quand il fait irruption dans la vie d’un homme ou d’une femme, il apparaît comme le « Tout Autre ». Moïse, Élie, Isaïe ou Jérémie dans la Bible, ont fait eux aussi cette expérience. Pour nous, n’est-il pas tout à fait normal en un sens aussi, qu’à tel ou tel moment de notre vie, nous nous sentions interpellés par la parole de Dieu, qu’elle nous bouleverse, ou même nous empêche de dormir ? Ce serait le contraire qui serait inquiétant : Vivante, en effet, est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’aucun glaive… pour juger les sentiments et les pensées du cœur… (Hébreux, 4, 12).

Malgré son trouble, Marie n’a pourtant pas négligé de prêter attention au message de l’ange : elle « écoute ce qui lui est dit de la part de Dieu ». Elle en saisit si bien le sens à la lumière des promesses messianiques de l’Ancien Testament (2 Samuel 7, 1 ; Isaïe, 9, 6 ; Daniel, 7, 14) qu’elle en éprouve une nouvelle frayeur : Comment peut-il se faire qu’elle ait été choisie pour donner un fils à son peuple, elle qui a voué à Dieu sa virginité pour lui manifester le don total d’elle-même ? Ce propos antérieur ne rend-il pas contradictoire et donc « impossible » l’«accomplissement de ce qui lui vient d’être dit de la part du Seigneur ?»

La parole de Dieu (et son contenu) nous déconcerte aussi très souvent parce qu’elle nous met en face de réalités insoupçonnées encore. Elle nous apparaît aussi comme exigeant de nous des décisions à première vue impensables, contradictoires même, incohérentes, en rupture avec le passé. Déjà dans l’Évangile, les disciples ont éprouvé à plusieurs reprises cette impression : « Cette parole est dure (scandaleuse) et qui peut l’écouter ? » disent-ils, quand Jésus leur annonce qu’il est le « pain de vie descendu du ciel » et qu’il faut « manger sa chair » et « boire son sang » (Jean 6, 60 ; 6, 35, 51, 58 ; 53, 58). Marie, elle, ne met pas en doute la parole de Dieu. Elle ne la met pas en question comme Zacharie, qui, dans une situation analogue a exigé des preuves tangibles :

Qu’est-ce qui m’en assurera, car je suis un vieillard et ma femme est avancée en âge ? (Luc 1, 18).

Elle constate simplement la difficulté, l’obstacle, et elle s’informe. Comparez les deux réponses. Son interrogation à elle porte simplement sur le « comment » :

Comment cela se fera-t-il, car je suis vierge ?

Point niaise pour autant ; sans aucune fausse pudibonderie concernant le mystère de la transmission de la vie ; très humaine, et en même temps tellement surnaturelle ! Sa demande ne repose pas sur une méconnaissance ou un mépris de la vie. Elle cherche simplement, comme le dira plus tard saint Paul de la vierge chrétienne, à « être sainte de corps et d’esprit, n’ayant souci que des affaires du Seigneur » (1 Corinthiens 7, 34). Aussi est-ce en toute confiance et sérénité qu’elle se confie, en attendant la réponse à sa question, à celui qui sait mieux que quiconque ce qui est vrai et qui donne toujours sa lumière à celui qui la cherche.

III. — DANS LA FOI, MARIE ACCUEILLE CELUI QUI EST LA PAROLE

Voici ce que disait encore Jean-Paul II lors de son audience générale du mercredi 21 mars 2001 sur « Marie, pèlerin de la foi »

« C’est dans la pénombre que s’écoule également la vie cachée de Jésus, au cours de laquelle Marie doit faire retentir en elle la béatitude d’Elisabeth à travers une véritable « peine du coeur » (Redemptoris Mater, n. 17) Assurément, dans la vie de Marie ne manquent pas les moments de lumière, comme aux noces de Cana, où – malgré son détachement apparent – le Christ accueille la prière de la Mère et accomplit le premier signe de révélation, en suscitant la foi des disciples (cf. Jn 2, 1-12). C’est dans le même contraste d’ombre et de lumière, de révélation et de mystère que se situent les deux béatitudes rapportées par Luc:  celle qui est adressée à la Mère du Christ par une femme de la foule et celle qui est adressée par Jésus à « ceux qui écoutent la Parole de Dieu et l’observent » (Lc 11, 28).Le sommet de ce pèlerinage terrestre dans la foi est le Golgotha, où Marie vit intimement le mystère pascal de son Fils:  elle meurt, dans un certain sens, comme mère dans la mort de son Fils et s’ouvre à la « résurrection » avec une nouvelle maternité à l’égard de l’Eglise (cf. Jn 19, 25-27). Là, sur le Calvaire, Marie fait l’expérience de la nuit de la foi, semblable à celle d’Abraham sur le mont Moria et, après l’illumination de la Pentecôte, elle continue à pérégriner dans la foi jusqu’à l’Assomption lorsque son Fils l’accueille dans la béatitude éternelle. »

La réponse de l’ange apporte à Marie la lumière :

L’Esprit-Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu. (Luc 1, 35).

Un signe (qu’elle n’a pas demandé) lui est annoncé ; il sera pour elle la preuve tangible de la vérité de la parole dite :

Voici qu’Elisabeth, ta parente, vient elle aussi de concevoir en sa vieillesse… car rien n’est impossible à Dieu. (Luc 1, 36-37).

Finalement, ce que Dieu demande à Marie, c’est non seulement d’accueillir une parole venue d’en-haut qui doit être pour elle comme pour nous, « esprit et vie » (Jean, 6, 23), mais de recevoir en elle, d’une manière toute spéciale, Celui qui est la Parole même de Dieu, engendré du Père avant les siècles. Elle le « concevra en son sein » ; elle sera sa mère au vrai sens du mot. Sa réponse est un « oui » personnel, humble et libre à cette personne qui sollicite son adhésion lucide et consciente :

Je suis la servante du Seigneur. Qu’il m’advienne selon ta parole (Luc 1, 38).

Et, comme le suggère la prière de l’Angélus :

Alors, Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. (Jean, 1, 14).

Désormais, tout acte de foi s’enracine dans cet acte de foi absolument unique de la Vierge. Comme le rappelle le chapitre 8 de la Constitution sur l’Église du Concile Vatican Il, après saint Irénée : « Par sa foi… et par son obéissance, elle est devenue pour elle-même et pour tout le genre humain, cause de salut. Le nœud dû à la désobéissance d’Ève s’est dénoué par l’obéissance de Marie. Ce que la Vierge Ève avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie l’a dénoué par sa foi. » (Lumen Gentium n° 56). Son acte de foi, son obéissance à la parole la fait devenir mère de Dieu, et c’est à juste titre que la tradition répète à l’envi qu’elle « a conçu son fils dans son cœur par sa foi, avant de le concevoir dans sa chair ».

La foi qui, pour nous, est la « racine de la justification », et qui donc fait de nous des fils adoptifs de Dieu, des frères du Christ, nous relie à Marie par un lien inamissible. Pour nous comme pour elle, tout acte de foi est accueil du Christ, adhésion personnelle au Verbe de Dieu fait chair. Le péché du monde, c’est justement le contraire de la foi : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu » (Jean, 1, 11). Marie au contraire est tout simplement celle qui reçoit le Verbe dans son incarnation, qui y consent, qui se l’approprie, trouvant là toute sa grâce et toute sa justice ; non seulement figure et personnification de l’Église mais sa toute première réalisation, dont dépendent toutes les autres.

Il ne faudrait surtout pas minimiser le réalisme de l’acte de foi de Marie au moment de l’incarnation qui allie d’une manière absolument indissoluble l’écoute de la parole et sa «pratique». Tout acte de foi tend normalement à s’incarner en des œuvres : « La foi si elle n’a pas les œuvres, dit saint Jacques, elle est morte » (Jacques 2, 17).

La foi de Marie sera désormais pour toute l’Église un modèle et une source inépuisable de contemplation. Avec elle « elle pénètre plus avant dans le mystère suprême de l’Incarnation et devient sans cesse plus conforme à son époux. Intimement présente en effet à l’histoire du salut, Marie rassemble et reflète en elle-même d’une certaine façon les requêtes suprêmes de la foi ». (Lumen Gentium n° 65). Oui, c’est à bon droit qu’Élisabeth a pu dire de Marie :

Bienheureuse, toi qui as cru.

IV. – LE PÈLERINAGE DE LA FOI DE MARIE ÉCLAIRE NOTRE PROPRE PÈLERINAGE

Ainsi termine Jean-Paul II lors de son audience générale du mercredi 21 mars 2001 sur « Marie, pèlerin de la foi » :

« La Bienheureuse Vierge Marie continuer d’occuper « la première place » dans le Peuple de Dieu. Son pèlerinage de foi exceptionnel représente une référence constante pour l’Eglise, pour chacun individuellement et pour la communauté, pour les peuples et pour les nations et, en un sens, pour l’humanité entière » (Redemptoris Mater, n. 6). C’est elle l’Etoile du troisième millénaire, comme elle a été aux débuts de l’ère chrétienne l’aurore qui a précédé Jésus à l’horizon de l’histoire. En effet, Marie est née chronologiquement avant le Christ et elle l’a engendré et inséré dans notre histoire humaine. “Bienheureuse celle qui a cru”(Lc 1, 45). Cette parole d’Elisabeth nous “fait accéder à la réalité intime de Marie”(Redemptoris Mater, n. 19), nous présentant la Mère du Seigneur comme celle qui chemine dans la foi. Depuis l’Annonciation et jusqu’à l’Assomption, Marie accomplit un itinéraire de foi, qui culmine au Golgotha où elle vit profondément le mystère pascal de son Fils, qui lui confie d’être Mère de l’Eglise. Aujourd’hui, Marie, étoile du troisième millénaire, continue à précéder le peuple de Dieu. Puisse l’Eglise, cheminant dans la foi à la suite du Seigneur Jésus et de la Vierge Marie, laisser résonner le Magnificat sur les voies tortueuses de l’histoire, afin de devenir à son tour signe d’espérance pour la foule des pauvres, des derniers de la terre qui sont les premiers dans le Règne de Dieu ! »

Ce qui s’accomplit en Marie au jour de l’annonciation ne soustrait nullement Marie à la condition humaine. Elle ne lui apporte pas toute lumière. Elle ne la dispense pas de chercher comme à tâtons la route à suivre, le chemin de la volonté de Dieu. Le régime de la foi n’est pas celui de la vision ou de la gloire. Marie reste comme nous dans la « condition pèlerine » et la visite qu’elle rend à sa cousine Élisabeth au lendemain de l’annonciation, en est un signe. Sans doute son acte de foi qui la met en relation personnelle (corps et âme) avec le Verbe de Dieu qui s’incarne en elle, est comme le sommet de l’attente de tout l’Ancien Testament, elle est pour Marie comme pour nous la « garantie des biens qu’elle espère, la preuve des réalités invisibles ». (Hébreux 11, 1).

Mais que d’obscurité encore ! L’enfant annoncé naîtra hors de la maison de ses parents. Il n’y aura pas de place pour lui à l’hôtellerie de Bethléem. De manière incompréhensible, sa naissance provoque la persécution du roi de Judée, Hérode. Comme l’annonce le Prophète Siméon, il sera « un signe en butte à la contradiction » et pour Marie elle-même, un glaive lui transpercera l’âme (Luc 2, 35) afin, ajoute saint Luc, que « se révèlent les pensées intimes d’un grand nombre. » Puis, c’est le comportement plutôt bizarre pour son cœur de mère, de Jésus. Quelle épreuve pour la foi de Marie que ces seules paroles que nous rapportent l’Évangile : A douze ans, au Temple : « Ne saviez-vous pas que je dois être chez mon Père ? » (Luc 2, 49) ; à Cana : « Quoi de toi à moi ? » (Jean 2, 4). La foi de Marie n’en reste pas moins active : même si elle n’a pas « compris » sur le champ la parole de son fils, elle ne l’a pas moins cherché trois jours durant, et à Cana, elle s’emploie pour dire aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira », sûre de l’efficacité de sa requête. D’ailleurs, durant toute cette période, comme par la suite, elle a « conservé et médité » ces quelques « paroles dans son cœur » pour nous les transmettre (Luc 2, 19 et 51).

La foi de Marie est comme la nôtre : en même temps certaine et obscure. Les desseins de Dieu ne se révèlent jamais qu’à travers des obscurités qui manifestent la condition même de notre existence terrestre ; ils ne se dévoilent jamais que peu à peu, exigeant cependant une adhésion, libre et personnelle, pas après pas ; don de Dieu, qui apporte la paix et la joie avec soi. Comme le remarque Vatican Il, « Marie, dans son pèlerinage de foi, avance unie fidèlement à son Fils, jusqu’à la croix ». Là surtout, elle a « tenu bon », malgré les apparences : « Stabat », c’est ainsi que la décrit l’Évangéliste à l’heure du sacrifice de son Fils. C’est pour elle l’épreuve suprême, comme pour Abraham, le sacrifice d’Isaac. Mais à cette heure, Marie croit de toute son âme à la parole qui lui a été dite : « Il siégera sur le trône de David son Père et son règne n’aura pas de fin» (Luc 1, 32-33). Dans sa foi, elle représente toute l’Église. Elle s’unit par sa souffrance à la souffrance de ce Fils qui se dit abandonné de Dieu, mais que, du moins, elle, elle n’a pas abandonné à cette « heure » des noces mystiques pour laquelle à Cana il lui avait donné rendez-vous et qui est aussi pour elle l’heure des douleurs de l’enfantement (Apo., 12, 2) de cette Église sortie du côté du Christ, lavée et purifiée dans son sang (Cf. Ephésiens 5, 26).

Pour Marie comme pour nous, la croix est l’épreuve indispensable et féconde où se fortifie la foi. Elle en est comme la pierre de touche. C’est aux heures de la croix qu’elle s’identifie le plus à l’amour parce que, alors, elle est plus volontaire. Jamais non plus, elle ne participe davantage au salut du monde. C’est aussi aux heures de la croix, de l’épreuve, de la maladie, de l’échec, quand les ténèbres couvrent la terre de notre âme, que l’exemple de la foi de Marie peut nous être d’un grand secours et le recours à son intercession particulièrement efficace ; nous en retirerons libération de tout ce qui en nous s’oppose au plan d’amour du Seigneur et une participation plus consciente et plus efficace à son mystère pascal. Si nous « tenons bon » avec Marie, la croix s’achèvera pour nous comme pour elle dans la gloire : « L’œil de l’homme n’a point vu, son oreille n’a pas entendu ce que Dieu prépare pour ceux qui l’aiment » (1 Corinthiens 2, 9).

La foi de Marie est vraiment l’exemplaire et comme la préfiguration de la foi de l’Église. Tout ce que celle-ci connaît d’obscurité, de purification, de dépassement, de progression, d’épreuves, de triomphe, a d’abord été vécu en Marie. C’est que l’objet en est le même et que Marie a été la première à l’avoir reçu. L’objet de la foi de l’Église, c’est le Christ que le Père envoie pour sauver l’homme en lui donnant l’Esprit-Saint. Oui « Bienheureuse, la Vierge Marie » et bienheureux comme elle, ceux qui croient !

Concluons notre entretien par la prière que Benoît XVI a faite lors de sa visite pastorale  au sanctuaire de Santa Maria di Leuca dans les Pouilles au sud de l’Italie, le samedi 14 juin 2008 :

« Nous nous adressons donc encore à vous, Vierge Marie, qui êtes demeurée courageusement au pied de la croix de votre Fils. Vous êtes un modèle de foi et d’espérance dans la force de la vérité et du bien. Avec les paroles de l’antique hymne nous vous invoquons :

Brisez les chaînes des opprimés,
rendez la lumière aux aveugles,
écrasez en nous toute trace de mal,
demandez pour nous tout le bien.
Donnez-nous des jours de paix,
veillez sur notre chemin,
faites que nous voyions votre Fils,
emplissez-nous de joie au ciel. Amen. »

MYSTÈRE DE MARIE V:PLEINE DE GRÂCE

Dans le récit de l’Annonciation, l’ange de Dieu s’adresse à «une jeune fille nommée Marie», et l’appelle, non par son nom propre, mais par un qualificatif exceptionnel que St Luc traduit par le mot grec «kekharitoméné». Ce mot veut dire «graciée», «comblée des faveurs divines» ou encore «privilégiée». La traduction qui nous est la plus familière «pleine de grâce» manifeste clairement qu’il s’agit d’une désignation personnelle substituée au nom propre et qualifiant tout l’être de Marie.

«Réjouis-toi, pleine de grâce», que de conséquences on tirera de cette idée de plénitude, de totalité des dons de Dieu en Marie ! «Pleine de grâce», cela ne veut-il pas dire que tout est grâce en Marie, et puisque la grâce n’est rien d’autre que le principe intérieur de la vie spirituelle, de la relation véritable avec Dieu, tout ce qui compose la physionomie spirituelle de la Vierge ne sera-t-il pas l’effet de la libéralité de Dieu ?

Ce thème de la «plénitude de grâce» sera donc l’objet de notre première partie. Luther, parlant de la Sainte Vierge, invitait ses auditeurs à glorifier le regard de Dieu sur Marie plus que Marie elle-même, et la grâce divine dans sa source plus que dans ses effets. Ce en quoi il ne faisait qu’obéir à la pensée de Marie chantant dans son Magnificat : «Le Seigneur fit pour moi des merveilles, Saint est Son Nom».

Dans une seconde partie, notre méditation reviendra au niveau de notre vie terrestre, et nous nous demanderons quel est le message que l’Immaculée adresse aux hommes de notre temps. Cette jeune fille nommée Marie, appartient en toute vérité au monde des humains et nous pouvons croire en toute sincérité qu’elle est présente à tous nos problèmes les plus actuels et les plus ardus à résoudre. Elle est bien de chez nous, terrestre et chrétienne, la première rachetée par le sang de son Fils, et comme telle, elle a vraiment un message à nous transmettre. Ce message est une Personne humaine et divine à la fois : Jésus, son Fils.

En conclusion, nous nous demanderons quelle place nous devons faire à Marie, Immaculée et Pleine de grâce, dans notre vie de tous les jours.

I. — LES MERVEILLES DE DIEU EN MARIE

Dans l’A.T. aussi bien que dans le N.T. les «mirabilia Dei» (« merveilles de Dieu ») sont toutes ordonnées à la glorification du Fils de Dieu incarné qui Lui-même glorifie son Père en Lui réconciliant tous les hommes dans le Royaume éternel. Les merveilles divines contemplées en Marie ne font pas exception à cette loi de l’économie du salut. C’est pour le Christ, pour le donner au monde et non pas seulement pour le désigner du doigt comme Jean-Baptiste, que Marie a été voulue, choisie par Dieu et ornée de la plénitude de grâce. «Rassure-toi, Marie, lui dit l’ange, tu as gagné la faveur de Dieu», élevant ainsi la sainteté de Marie à un niveau de sublimité qui échappe à nos vues trop courtes.

1° L’Elue de Dieu :

La première grâce de Marie, qui conditionne toutes les autres, c’est d’avoir été choisie, «élue» par Dieu. Sa sainteté hors mesure prend sa source dans l’Ineffable colloque des Trois Personnes Divines. La volonté d’incarnation comportait inexorablement la venue de Dieu par voie de naissance dans le sein d’une femme. Ainsi Marie était déjà dans la pensée de Dieu bien avant la création du monde. «Dès le début, avant tous les siècles, Il m’a créée» (Ecclésiatique 24, 14).

Instrument indispensable pour le grand dessein d’Amour, le rôle qui lui était assigné en faisait après le Christ le personnage le plus important de l’Histoire du salut et par là de l’Histoire tout court.

2° « Enceinte du Verbe de Dieu ».

Cette expression est de St Ambroise de Milan. Elle a le mérite, dans sa brutalité, de projeter un «flash» incandescent sur la raison d’être fondamentale du mystère marial : mère consciente et consentante de Dieu se faisant homme. Ici se noue la Plénitude de grâce annoncée par le messager divin. Dieu, ce Dieu qui hante les rêves des hommes et les oblige malgré eux à se poser le problème de sa présence au milieu de nous, le Dieu vivant est venu en Marie pour prendre chair de sa chair.

Au cœur de l’Histoire des hommes, il y eut donc cet instant prodigieux où, dans le sein d’une jeune juive, l’Humanité entra en contact avec Dieu. En cet instant — par la Puissance de l’Éternel et le «fiat» de la Vierge — la Personne du Verbe s’unit à un corps et à une âme d’homme. Si Dieu crée chaque être humain avec amour, quelle ne dut pas être l’intensité de ce feu divin pour celle à qui il proposait de devenir la Mère de son Fils ?

« Mon cœur exulte de joie en Dieu mon Sauveur ».

En mettant le «Magnificat» sur les lèvres de Marie, Luc nous a livré l’expression véridique de son état d’âme. Pur cri d’adoration et d’action de grâce, tressaillement de joie et de victoire ! Cette vie nouvelle qu’elle sent bouger en elle, c’est son fils… et c’est aussi le Fils de Dieu. Les paroles de l’ange s’éclairent chaque jour un peu mieux : «Le Seigneur est avec toi». C’est parce que «le fruit de son sein est béni qu’elle est bénie entre les femmes». « Grâce incréée qui est Dieu même faisant de Marie non seulement l’instrument par lequel Il se donne au monde, mais surtout le premier être humain à qui Il pourra se communiquer avec la plénitude de son Amour Divin. La maternité de Marie est un don inouï qui entraîne pour elle la grâce d’être mère selon tout son être, chair et esprit. Il fallait pour cela que la foi, l’espérance et la charité grandissent en elle pour la rendre semblable à son Fils et apte à s’unir à Lui dans une union d’un amour indicible.

4° « La Toute-Pleine de Grâce ».

La sainteté de Marie est un grand mystère qui n’a cessé et ne cessera jamais d’attirer et de séduire les âmes qui ont le goût de Dieu, ou simplement celui du beau, du pur, de l’authentique. Nous en avons déjà vu le point de départ à l’origine des siècles dans le choix de Dieu, et son épanouissement merveilleux au jour de l’incarnation.

En adjoignant à ces deux aspects fondamentaux le privilège de l’Immaculée Conception, nous obtenons une trilogie mariale de grâces bien propre à faire naître en nos cœurs une admiration sans mesure.

L’Immaculée ! Ici encore admirons, pour la seule joie de nos cœurs, la gratuité absolue des dons de Dieu.

Le 8 décembre 1854, le pape Pie IX publiait dans la Bulle «Ineffabilis» la définition dogmatique de ce privilège : «Au premier instant de sa Conception, par la grâce et le privilège de Dieu tout-puissant, et en considération des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, la Vierge Marie fut préservée et exemptée de toute tâche de la faute originelle.»

C’est évidemment un mystère qui relève uniquement de la volonté de Dieu. C’est le mystère d’un Dieu qui a donné libre cours à son amour. Il faut penser à cet extraordinaire texte d’Osée (2,21-22) où le peuple adultère devient une fiancée sans tache :

«Je te fiancerai à moi pour toujours. Je te fiancerai par la justice et par le droit, par la tendresse et par l’amour. Je te fiancerai à moi par la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur.»

Marie, fiancée de Dieu ! Marie, Mère de Dieu !

Marie, aimée comme une fiancée. Marie, aimée comme une Mère.

En appelant Marie à l’existence et en la choisissant comme fiancée et comme Mère, Dieu n’a pas pu ne pas vouloir qu’elle soit telle, qu’Il puisse en la regardant, mettre au large son Cœur plein d’Amour. Le Verbe Divin aime sa Mère d’un amour infini. Pouvait-II supporter qu’il y ait un seul instant, si bref soit-il, où fut vraiment séparée de Lui celle qui serait sa Mère ?

Une telle exigence d’Amour, seule une Mère Immaculée, totalement belle selon les catégories divines et humaines, totalement transparente à la Volonté du Père, totalement exempte de la moindre trace de péché, même du Péché Originel et de ses conséquences, pouvait la satisfaire.

Marie Immaculée, «c’est la Femme, dans sa splendeur originelle, la créature, enfin, dans la grâce restituée !»

II. — MARIE, UNE FEMME BIEN DE CHEZ NOUS

La destinée religieuse de toute l’humanité fut confiée par Dieu aux mains d’un seul homme que la Bible désigne sous le terme d’Adam. La grâce lui fut donnée comme une source qui devait se déverser de générations en générations pour que les hommes puissent vivre en paix et amitié avec Dieu. Il en était le médiateur moralement et religieusement responsable. Il n’a pas su remplir ce rôle de médiateur. Son échec fut un échec à la source qu’il avait l’honneur d’être et rendit radicalement impossible la vocation surnaturelle des hommes à l’unité. «Par la désobéissance d’un seul, la multitude a été pécheresse.» (Romains 5, 19).

Par la faute du médiateur, les hommes naissent dans un état de séparation d’avec leur Créateur. Cette situation est un état réel de péché qui s’inscrit dans la nature même par la naissance. Notre puissance d’aimer et de vouloir éprouve comme un besoin quasi-invincible de se recroqueviller sur elle-même contredisant ainsi l’ouverture aux autres et à Dieu. Quelles que soient leurs options religieuses ou philosophiques, politiques ou scientifiques, les hommes possèdent tous ce dénominateur commun que l’Église appelle «Péché Originel».

L’universalité de ce péché posait forcément la question de la sainteté «immaculée» de Marie.

D’un côté, l’appartenance à la Société humaine rendait Marie profondément solidaire de tous les hommes, de toute leur nature, de toute leur histoire, de tout leur destin. Alors, pourquoi la soustraire à ce péché originel qui n’est pas un acte mais un état-source de toutes nos souffrances ou, du moins, d’une très grande partie ?

Mais d’autre part, comment ne pas considérer qu’elle a été créée par le Christ, et que sa venue au monde est déjà l’incarnation commencée ?

— La première des rachetés:

Il est vrai, tout au long de l’Histoire de l’Eglise, les théologiens ont débattu ce problème difficile. De part et d’autre, l’amour, le respect, la vénération pour la Vierge Marie étaient de même qualité, avaient la même profondeur. Enfin au XIX° siècle, l’Église a jugé opportun de conclure par la Bulle « Ineffabilis ». Elle l’a fait dans un esprit de synthèse.

De par sa naissance, de par sa vie, de par sa vocation de Mère du Sauveur des hommes, Marie est vraiment humaine, parfaitement solidaire de toute l’Humanité et de chacun des êtres humains. A ce titre, elle «aurait dû» partager leur sort.

Mais à l’universalité du Péché Originel, Dieu a opposé l’universalité de la Rédemption. Nous n’avons qu’un seul Sauveur, le Christ s’offrant à son Père pour le salut de tous les hommes. «Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous, afin qu’en Lui nous devenions justice de Dieu.» (Romains 8,3) C’est une loi absolue qui ne souffre pas d’exception. En Marie, comme pour tous les rachetés, la grâce, qui est victoire sur la mort et le péché, n’est pas «sa» victoire, mais «celle de son Fils». A la solidarité par voie de naissance avec l’ensemble des hommes s’ajoute cette nouvelle solidarité par voie de grâce qui fait de Marie la première des rachetés.

— L’éminente Sainteté de Marie.

Ayons bien garde, cependant d’oublier la singularité de la rédemption de la Vierge. Notre propre rédemption s’opère à partir d’un état de péché qui même après le baptême laisse en nous une propension à nous éloigner de Dieu. Pour Marie, les fruits de rédemption ont joué avant même sa naissance, dans ce que nous pourrions convenir d’appeler le «décret de son Election», de telle sorte qu’ «elle est née dans la grâce», dans cette vie de lumière divine dont elle n’avait connaissance d’ailleurs que par la foi. Sa rédemption est donc une rédemption préservatrice. C’est là le côté sublime et absolument privilégié de son rachat, car prévenir le péché est un événement autrement significatif que de l’expier et de le pardonner quand il est réellement présent. Le motif profond de cette préservation tient dans l’intensité d’amour du Fils pour sa Mère. Les conséquences de ce privilège dans la vie et la sainteté de Marie sont indicibles et ne peuvent que nous remplir d’amour et de reconnaissance pour un Dieu qui a fait, pour une simple créature comme nous, de si grandes choses, au point que toutes les générations l’appelleront «bienheureuse».

CONCLUSION

que nous venons de dire n’est qu’une pauvre ébauche de ce sujet inépuisable qu’est l’éminente sainteté de Marie. Plus que jamais nous avons besoin de la contempler, car sa beauté spirituelle est le reflet de la splendeur de Dieu et l’image de la beauté à laquelle tout homme est appelé.

Glorifier Marie, c’est donner à l’homme d’aujourd’hui toutes ses chances d’un exhaussement incomparable de sa vie terrestre par une rencontre de plus en plus profonde avec le Christ. Nos péchés ne sont-ils pas justement ce qui, en nous, n’est pas du Christ ? Et Marie n’est-elle pas le seul être qui n’ait jamais eu en elle que ce qui vient du Christ ?

C’est en Marie que l’union du Verbe incarné à l’humanité commence. Elle inaugure donc le temps de la communion, de l’ «amitié» avec Dieu fait homme, communion et amitié qui deviennent les caractéristiques essentielles de l’attitude religieuse chrétienne. Pour tout chrétien l’unique modèle à suivre et la source originelle où il faut aller puiser les eaux vives de la vie demeurent le Christ. Mais c’est de la manière de recevoir le Christ, de communier à Lui dans la foi, que la Vierge est le modèle propre.

Ce qui est vrai pour tout chrétien, l’est à un degré encore plus impératif pour ceux qui, dans l’Église, portent en eux la marque du dessein profond que Dieu a révélé si parfaitement en Marie. Ici nous pensons plus spécialement aux prêtres, aux religieux et  religieuses qui ont consacré toute leur vie à «engendrer» et faire croître le Christ dans les cœurs. Suivant le mot de Sainte Thérèse de Lisieux, ils sont le «cœur de la sainte Eglise», participant à sa maternité spirituelle, en imitant celle de Marie. Il est donc clair qu’elles trouveront en la Vierge Marie la plus haute réalisation de leur vocation : recevoir le Christ et en vivre pour le donner.

 

MYSTÈRE DE MARIE IV:MÈRE DES HOMMES

MÈRE DES HOMMES

Mère du Christ, et par là même Mère de Dieu, Marie est aussi, inséparablement, Mère de tous les humains, notre Mère. A ce titre, nous aimons l’invoquer et pouvons recourir très filialement à elle.

« Selon la Tradition, écrit Jean-Paul II dans son encyclique Redemptoris Mater, le Concile n’hésite pas à appeler Marie «Mère du Christ et Mère des hommes»:

En effet, elle l’est, «comme descendante d’Adam, réunie à l’ensemble de l’humanité…, bien mieux, elle est vraiment « Mère des membres [du Christ]… ayant coopéré par sa charité à la naissance dans l’Église des fidèles » … Cette « nouvelle maternité de Marie », établie dans la foi, est un fruit de l’amour « nouveau » qui s’approfondit en elle définitivement au pied de la Croix, par sa participation à l’amour rédempteur du Fils. » (Redemptoris Mater n°23 – Sur la bienheureuse Vierge Marie dans la vie de l’Église en marche 25-03-1987)

I. « IL LUI DONNA UNE COADJUTRICE SEMBLABLE A LUI… »

Dans le Dessein de Dieu, la Femme a été appelée à être la « coadjutrice de l’Homme », son associée en l’Œuvre de Vie. Elle devait composer avec lui, dans la diversité et la complémentarité de leurs êtres, une Image complète de Dieu. Dans le Plan Rédempteur, le Christ est promu Nouvel Adam, Nouveau Chef, Prototype de l’Humanité. La Femme, si liée au péché d’origine, sera associée aussi étroitement que possible à l’«Incarnation rédemptrice».

Marie est la « Nouvelle Ève », la «coadjutrice» du Christ en Son Œuvre de Vie. Elle nous donne une Vie qui vient d’elle et lui appartient, et cela par une action propre.

La maternité spirituelle de Marie est essentiellement le prolongement, le plein épanouissement, l’ultime conséquence de sa maternité divine. Celle-ci n’a été voulue qu’en vue de celle-là. Elle est tout orientée vers elle. Si le Christ s’est incarné, devenant Fils de Marie, c’est afin de devenir Tête de ce grand Corps mystique dont tout homme est appelé à devenir membre. Si Marie a conçu le Christ, c’est pour Le donner au Monde. Si elle Lui a communiqué sa vie humaine, c’est afin qu’Il nous communique Sa vie divine. Il n’est donc pas exagéré de dire que la maternité spirituelle de Marie est infiniment plus précieuse que sa maternité physique.

Dieu n’a jamais pensé une mère de Jésus qui ne fut pas la nôtre. Parce que Dieu n’a jamais pensé que son Fils total : Jésus, et nous, ses membres. On peut dire que tous les actes de sa maternité à notre égard découlent du parfait dévouement à la personne et à l’œuvre de son Fils, et de la parfaite compréhension qu’elle en a. Pour elle, le Christ, son Fils, est tout. Elle ne voit que Lui, elle ne sent que Lui. Mais c’est nous tous, c’est toute la chrétienté qu’elle aime et qu’elle sert, en sa personne à Lui. Son adhérence au Verbe incarné est une application à tout le corps mystique de tous les actes de sa vie dans le temps et dans l’éternité.

« La première Eve, dans la justice originelle, devait enfanter ses fils à la vie du corps et de l’âme. Mais nos mères n’ont plus que la vie du corps à transmettre, avec la ruine du péché. Dans le plan de la revanche, une femme a eu le privilège, non seulement d’enfanter pour la vie du corps et de l’âme, mais encore de tout régénérer, de tout restaurer dans la perfection de l’ordre hypostatique. La Vierge qui se proclame bienheureuse est, non la femme maudite en sa maternité, mais la femme épanouissant son être dans la maternité la plus haute : elle enfante un chef à l’humanité, et par ce seul enfantement elle régénère tous les hommes. » (Maria, T. II, p. 593.)

II. LES ÉTAPES DE LA MATERNITÉ SPIRITUELLE DE MARIE

En cette maternité spirituelle de Marie, nous pouvons, semble-t-il, discerner trois étapes :

1° – L’ANNONCIATION.

C’est le point de départ, la source de la maternité spirituelle de Marie. Concevant en son sein le Christ, Verbe de Dieu et Vie du Monde, Marie par là même nous conçoit en quelque sorte à la vie divine.

La maternité consiste essentiellement pour la femme à transmettre la vie, sa propre vie. Or, Marie nous a communiqué la vie divine en nous donnant Jésus, qui est bien sa propre vie. Concevant le Christ en son sein au matin de l’Annonciation, Marie a fait jaillir en notre terre aride la Source de la Vie, la Source de toutes grâces. Par sa maternité divine, elle est donc à l’origine de notre régénération, seconde et essentielle naissance. C’est par elle que le Christ nous a été donné. Appelant Jésus à la vie. Marie par là même nous appelait à la Vie.

2° – LA COMPASSION

Nous ayant conçus au matin de l’Annonciation, Marie nous a, en quelque sorte, enfantés au Calvaire, par sa communion pleinement aimante à la mort rédemptrice de Son Fils. Le Fiat de l’Incarnation se prolonge et trouve tout son sens dans le Fiat du Calvaire, ultime et très personnel consentement au Sacrifice du Sauveur.

« Mère, voici ton Fils » : C’est du haut de la croix, quelques instants avant de réaliser le Sacrifice qui nous vaut le pardon, le Don Parfait de notre régénération, que Jésus proclame Marie Mère des Hommes.

Maternité douloureuse : les enfants qu’elle doit enfanter à la vie divine sont tous des pécheurs. Si nous ne sommes pas le fruit de ses entrailles, nous sommes celui de ses larmes. C’est au pied de la Croix qu’elle nous reçoit de Son Fils, et nous adopte pour ses enfants :

Marie accepte un douloureux échange. Elle doit physiquement abandonner Jésus pour nous donner spirituellement asile dans son cœur. Il faut que Jésus laisse la place terriblement vide pour que nous venions l’occuper par nos misères, nos divisions, nos faiblesses de toutes sortes.

La croix n’est pas pour Marie un terme, mais bien le point de départ de l’ultime et principale étape, la plus douloureuse aussi : au moment même où Marie renouvelle son Fiat et offre Son Fils, Celui-ci lui demande de nous prendre à Sa place, de nous adopter, de nous aimer de l’amour même, sans cesse croissant, qu’elle n’a cessé de Lui porter.

3° – AUPRÈS DE SON FILS…

Une mère ne se contente pas de concevoir et enfanter son enfant : elle préside à son éducation, à son plein développement. En ce qui nous concerne, Marie le fait au ciel, ne cessant d’intercéder pour nous. Si on peut la dire médiatrice de toutes grâces, c’est en ce sens qu’elle intercède pour nous. Intercession de même nature que celle de tous les élus, mais d’un ordre d’une qualité, d’une efficacité très supérieurs.

La puissance d’intercession est fonction du degré de charité de celui qui intercède. Parce qu’immensément aimante, Marie est toute-puissante sur le cœur de Dieu.

Il faut dire plus : Marie, Nouvelle Ève, a mission de participer, en intime communion à Son Fils, à l’édification du Corps mystique. Elle le fait éminemment en intercédant pour nous. Comment le Seigneur, qui lui a confié ce rôle, pourrait-Il ne pas l’écouter ?

Suscitée pour être un lien, pour mettre la dernière perfection au lien entre Dieu et les Hommes, elle agira en faisant liaison. Sa fonction, son inclination naturelle, son geste spontané dans l’ordre de la grâce sera d’unir, de demander, d’intercéder, d’obtenir.

Marie est celle par qui la Sainteté est entrée et demeure en communion avec toute sa race. Comme tous les élus, c’est par sa prière que Marie agit, mais elle le fait à un titre tout spécial, et avec une incomparable perfection :

« On ne peut lui refuser (à Marie) ce qui peut appartenir à d’autres créatures : le pouvoir, bien souvent, d’illuminer nos âmes, de déterminer en elles, par une influence directe, bien des mouvements, de leur faire sentir comme une pression, comme une présence… Et pourquoi ne pas être tenté d’attribuer à l’intervention directe de son âme dans notre âme tout ce qui est de l’ordre de la préservation, de !a disposition de la grâce ? Il y aurait ainsi une merveilleuse correspondance entre son rôle maternel qui consiste avant tout à offrir une matière à l’incarnation, et son rôle médiateur qui consisterait à préparer la matière humaine à la descente de la grâce en même temps qu’à appeler cette grâce par la prière.» (Nicolas, O.P., Maria. T. Il, p. 739.)

III. ACTIVITÉS MATERNELLES DE MARIE

Comment se traduit cette maternité spirituelle de Marie ?

1° – PAR UNE PARTICULIÈRE PARTICIPATION A LA MÉDIATION DU CHRIST.

« Unique est notre médiateur, selon les paroles de l’Apôtre Paul: « car il n’y a qu’un Dieu, il n’y a aussi qu’un médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est donné en rançon pour tous » (1 Timothée 2, 5-6). Mais le rôle maternel de Marie à l’égard des hommes n’offusque et ne diminue en rien cette unique médiation du Christ : il en manifeste au contraire la vertu.

Car toute influence salutaire de la part de la Bienheureuse Vierge sur les hommes a sa source dans une disposition purement gratuite de Dieu ; elle ne naît pas d’une nécessité objective, mais découle de la surabondance des mérites du Christ ; elle s’appuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout et d’où elle tire toute sa vertu, l’union immédiate des croyants avec le Christ ne s’en trouve en aucune manière empêchée, mais, au contraire, aidée. Elle (Marie) apporta à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. C’est pourquoi elle est devenue pour nous, dans l’ordre de la grâce, notre Mère.

« … Après son Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s’interrompt pas. Par son intercession répétée, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel… C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Eglise sous les titres d’Avocate, d’Auxiliatrice, de Secourable, de Médiatrice, tout cela cependant entendu de telle façon que nulle dérogation, nulle addition ne résulte quand à la dignité et à l’efficacité de l’unique médiateur, le Christ… L’unique médiation du rédempteur n’exclut pas mais suscite, au contraire, une coopération variée de la part des créatures, en dépendance de l’unique source. » (Lumen Gentium, ch. VIII, n° 60-62)

Nouvelle Eve, Marie a participé à la satisfaction infinie de Son Fils par son Amour sans limite, amour qui a été, lui aussi, jusqu’à la Croix.

Si le Christ est le Nouvel Adam, Marie est la Nouvelle Eve. Si le Christ satisfait pleinement pour nous et nous mérite surabondamment toutes les grâces qui nous sont nécessaires, Marie, en la dépendance de Son Fils, participe à cette satisfaction : le Père voit éternellement et inclut ses mérites à elle, en ceux, infinis, de Son Fils, pour le Salut du Monde.

C’est par Son amour infini que le Christ nous a rachetés, sauvés. Le péché étant un refus d’amour, un refus à l’Amour, la rédemption ne pouvait s’opérer que par un don, un excès d’amour. Le mérite est fonction de l’amour. Coadjutrice du Christ, Marie a participé à son œuvre rédemptrice, œuvre d’amour, par sa plénitude de grâces, qui lui permettait d’aimer d’un amour sans mesure, pleinement harmonisé à l’amour de Son Fils.

La Rédemption s’est opérée sur la Croix, par un amour allant jusqu’à l’ultime sacrifice. Or, Marie s’est très activement unie à la mort de Son Fils, acceptant cette mort. offrant son Fils. Elle pouvait redire en toute vérité avec le Christ : « Nul ne m’ôte ma vie : je la donne ». La vie de Marie, c’est son Fils. Nul ne le lui ôte ; elle-même l’offre. N’est-ce pas pour elle le grand, l’ultime sacrifice ?

2° – EN ÉTANT NOTRE MODÈLE.

Prolongement de la naissance, l’éducation fait essentiellement partie de toute vocation maternelle. Que serait une mère abandonnant son enfant à son impuissance et ne se préoccupant pas de le conduire à l’état adulte ?

Éducatrice du Christ, Marie est aussi notre éducatrice à tous. Parce qu’elle est notre Mère, il lui appartient de nous conduire au plein épanouissement de notre vie spirituelle.

Éducatrice, Marie l’est surtout en étant notre Modèle ; l’éducation se fait d’abord, indispensablement, par l’exemple, le témoignage.

Créés à l’image de Dieu, affamés de Son amour, en marche vers Lui, du fond de notre misère, nous avons besoin d’un modèle qui nous dépasse immensément sans nous écraser, qui nous fascine sans nous aveugler, qui nous entraîne sans nous essouffler ni nous décourager.

Le Christ, « Fils bien-aimé » du Père, « premier né de toutes créatures », « empreinte de sa substance et rayonnement de sa gloire », « image du Dieu invisible », est le Modèle parfait, unique, la cause exemplaire de notre perfection. Mais avec Lui, en son rayonnement, Marie est aussi notre Modèle, Chef-d’œuvre de la Trinité. miroir de Justice, Immaculée, vivant reflet de la Sainteté de Son Fils.

— « Dans le mystère de l’Église… la Bienheureuse Vierge Marie occupe la première place, offrant, à un titre éminent et singulier, le modèle de la Vierge et de la Mère. C’est dans sa foi, et dans son obéissance qu’elle a engendré sur la terre le Fils du Père… Les fidèles du Christ… sont encore tendus dans leurs efforts pour croître en sainteté par la victoire sur le péché ; c’est pourquoi ils lèvent les veux vers Marie comme modèle des vertus qui rayonne sur toute la communauté des élus… Marie rassemble et reflète en elle-même d’une certaine façon les requêtes suprêmes de la foi, et elle appelle les fidèles à son Fils et à son sacrifice. Ainsi qu’à l’amour du Père,… la Vierge a été par sa vie le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission de l’Église, travaillent à la régénération des hommes. » (Lumem Gentium ch. VIII n° 63-64)

3° – EN ÉTANT NOTRE REFUGE.

Nous sommes tous d’une immense faiblesse. Trop faibles pour demeurer longtemps fidèles à notre vocation chrétienne et religieuse, nous tombons, plus ou moins souvent, plus ou moins lourdement. Notre route chrétienne est jalonnée d’innombrables chutes et d’incessants relèvements.

Il est des jours, de longues périodes de nuit plus ou moins totale : nous n’y voyons plus clair, nous n’y comprenons plus rien.

Il est des heures de terribles tempêtes : Dieu nous paraît beaucoup trop haut, trop loin, trop silencieux. L’instant de notre chute, lui, nous paraît terriblement proche.

Il est des épreuves, des souffrances, des larmes, que nous ne pouvons confier à personne.

Il est des heures de doute, de révolte, de lâcheté, où nous ne pensons pas pouvoir regarder Dieu en face, ni même le Christ.

Parce qu’elle est Mère, pleinement, Marie est ce refuge en lequel nous pouvons venir nous abriter, quel que soit notre état d’âme. Éminemment maternel, l’amour de Marie s’arrête à chacun de nous, individuellement. Chacun de nous reçoit d’elle, personnellement, tout l’amour qu’un enfant reçoit de sa mère.

— Elle aime les pauvres pécheurs, surtout les plus pauvres, c’est-à-dire ceux qui sont le plus détachés de leurs péchés, ceux qui reconnaissent le plus humblement la malice de leurs fautes, et croient avec le plus de foi que leurs chutes peuvent être, pour la miséricorde de Dieu, l’occasion de nouvelles effusions de grâces, en un mot, ceux qui ont le plus parfaitement le sens du péché.

Si le message évangélique est extrêmement exigeant, requérant de nous d’incessants dépassements, de douloureux sacrifices, si, en certaines heures, nous redoutons une certaine austérité qui, à tort, nous paraîtrait inhumaine, combien il nous est bon que Marie soit là, Type de la Femme voulue de toute éternité par Dieu, pour chacun de nous, Mère très aimante et très proche, toute-secourable à notre misère, et toute-puissante sur le Cœur de Dieu. Combien il nous est doux de savoir qu’aux côtés du Nouvel Adam, Notre Sauveur, se trouve Marie, Nouvelle Ève, Mère des Humains, incarnant, rayonnant tout spécialement la Tendresse, la Fidélité, la Délicatesse, la Miséricorde de Dieu, « Beaucoup plus Mère que Reine ».

Comment ne pas nous abandonner entièrement à son influence maternelle, toute-puissante et toute-miséricordieuse, et cela d’autant plus que nous sommes plus petits et plus pécheurs, plus faibles et plus démunis ?

CONCLUSION

En résumé, Marie est un cadeau pour nous tous. Elle a un rôle maternel pour tous les hommes, en elle découle la surabondance de la grâce du Christ. Au pied de la croix (douleur maximale), elle a une nouvelle mission, celle d’enfanter l’Église, les hommes. Elle reçoit Jean : « Voici ton fils, fils, voici ta mère. » La présence de Marie au pied de la croix a été un soutien, une aide. La souffrance ne diminue pas, mais Marie est là. (Pour nous, c’est la même chose, au pied de la croix invoquons Marie!) – Marie n’est pas simplement une belle couronne, un beau supplément de notre vie spirituelle, elle agit puissamment dans la construction des murs de notre édifice intérieur. On ne peut pas se passer d’elle. En effet par sa prière, Marie engendre Jésus en nous tous.

Pour terminer, reprenons la prière de consécration à Marie de Jean-Paul II, en la basilique Sainte-Marie-Majeure, le 8 décembre 1981, redonnée à Fatima le 13 mai 1982 :

«Mère des hommes et des peuples, toi qui connais toutes leurs souffrances et leurs espérances, toi qui ressens d’une façon maternelle toutes les luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres qui secouent le monde, accueille l’appel que, dans l’Esprit Saint, nous adressons directement à ton cœur, et embrasse dans ton amour de mère et de servante du Seigneur, ceux qui ont le plus besoin de ta tendresse et aussi ceux dont tu attends toi-même d’une façon particulière qu’ils s’en remettent à toi. Prends sous ta protection maternelle toute la famille humaine que, dans un élan affectueux, nous remettons entre tes mains, ô notre Mère. Que vienne pour tous le temps de la paix et de la liberté, le temps de la vérité, de la justice et de l’espérance ».