02-08-2014 source : L’Osservatore Romano
Entretien avec le patriarche de Babylone des Chaldéens
Une délégation d’évêques français s’est rendue en visite en Irak pour manifester sa solidarité à la communauté chrétienne. Au cours de la visite, la délégation a rencontré, entre autres, le patriarche de Babylone des Chaldéens, Louis Raphaël Ier Sako, qui a accordé à l’envoyé du quotidien «Le Figaro» cet entretien publié samedi. Le responsable d’une des plus anciennes Églises orientales chrétiennes, l’Église Chaldéenne, qui regroupe un million et demi de fidèles dont les deux tiers en diaspora, tire la leçon de la visite de solidarité, cette semaine dans le nord de l’Irak, d’une délégation de l’Église de France, conduite par le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, venus rencontrer les réfugiés chrétiens qui ont été chassés de la ville de Mossoul, l’ancienne Ninive, par les islamistes. La délégation était composée de Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry et de Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’œuvre d’Orient qui a organisé le voyage.
A quoi peut servir une visite d’évêques français en Irak alors que les Chrétiens affrontent là une situation inextricable ?
Nous sommes tous conscients qu’il n’y a pas de solutions immédiates et magiques. Mais la délégation épiscopale française est la première à être vraiment venue sur place. Je la remercie donc particulièrement ainsi que tous les catholiques qu’elle représentait.
Craignez-vous d’autres Mossoul ailleurs en Irak ?
Il reste encore entre 400.000 et 500.000 chrétiens dans notre pays. Mais aujourd’hui c’est la peur qui domine.
Certains affirment que des Chrétiens seraient restés à Mossoul ?
Comment des chrétiens seraient restés ? C’est impossible psychologiquement. Il y a eu et il y a encore une panique puisque des musulmans partent aussi. Il n’y a plus de chrétiens à Mossoul. Tous sont réfugiés dans les villages chrétiens de la plaine de Ninive où ils sont accueillis par des familles chrétiennes, les paroisses ou les monastères. On estime que 1000 familles ont fui Mossoul les 18 et 19 juillet alors que cette ville a compté jusqu’à 25 000 chrétiens. Mais beaucoup de familles étaient parties dès le 10 juillet. Et dès 2006 un exode chrétien régulier et profond a commencé dans cette ville qui a connu d’autres persécutions comme l’assassinat de son évêque et de trois prêtres et diacres. Cette fois, c’est le dernier exode…
Vous voyez une négociation possible ?
Pour eux il n’y a qu’un choix : accepter ou refuser. Accepter c’est être sous leur contrôle. Refuser c’est être tué. Ils ont utilisé le mot « épée » pour définir leur relation avec les chrétiens : « entre vous chrétiens et nous musulmans, il n’y a que l’épée… ».
A quel horizon voyez-vous un rétablissement ?
Je ne sais pas mais je sais que c’est notre terre. C’est toute notre histoire. C’est ici qu’une partie de l’histoire des chrétiens a été écrite. Partir, c’est abandonner ce patrimoine, se couper de nos racines. Celui qui ne croit pas ou qui croit à sa manière est libre mais comme chrétien nous avons ici une vocation et un témoignage à donner. La base musulmane, la population, nous apprécient beaucoup. Un ministre musulman vient de me dire : « vous êtes des fleurs pour le pays, vous êtes formidables, vous n’avez pas de problèmes, vous êtes ouverts, vous êtes pacifiques ».
de Jean-Marie Guénois