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La paix qui naît de la fraternité permet de surmonter les crises

La paix qui naît de la fraternité permet de surmonter les crises

Le message du Pape François pour la 56e Journée mondiale de la paix célébrée le 1er janvier parle de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine, deux crises majeures qui doivent interpeller l’humanité. Seuls la fraternité et la compassion, inspirées par l’amour de Dieu, peuvent nous aider à tracer des sentiers de paix.
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS
POUR LA CÉLÉBRATION DE LA
LVe JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
1er JANVIER 2023
Personne ne peut se sauver tout seul.
Repartir après la Covid-19 pour tracer ensemble des sentiers de paix

« Pour ce qui est des temps et des moments de la venue du Seigneur, vous n’avez pas besoin, frères, que je vous en parle dans ma lettre. Vous savez très bien que le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit » (Première Lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens 5, 1-2).

1. L’Apôtre Paul invitait par ces mots la communauté de Thessalonique à rester ferme dans l’attente de la rencontre avec le Seigneur, les pieds et le cœur sur terre, capable de porter un regard attentif sur la réalité et les événements de l’histoire.

C’est pourquoi, même si les événements de notre existence semblent tragiques et que nous nous sentons poussés dans le tunnel sombre et pénible de l’injustice et de la souffrance, nous sommes appelés à garder le cœur ouvert à l’espérance, en faisant confiance à Dieu qui se rend présent, nous accompagne avec tendresse, nous soutient dans notre fatigue et, surtout, guide notre chemin.

C’est pourquoi saint Paul exhorte constamment la communauté à veiller, en recherchant le bien, la justice et la vérité : « Ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres » (5, 6).

C’est une invitation à rester en éveil, à ne pas nous enfermer dans la peur, la souffrance ou la résignation, à ne pas céder à la distraction, à ne pas nous décourager, mais à être au contraire comme des sentinelles capables de veiller et de saisir les premières lueurs de l’aube, surtout aux heures les plus sombres.

Un trésor fragile, la fraternité

2. La Covid-19 nous a plongés dans la nuit, déstabilisant notre vie ordinaire, chamboulant nos plans et nos habitudes, bouleversant l’apparente tranquillité des sociétés, même les plus privilégiées, entrainant désorientation et souffrance, causant la mort de beaucoup de nos frères et sœurs.

Entrainé dans un tourbillon de défis imprévus et dans une situation qui n’était pas très claire, même du point de vue scientifique, le monde de la santé s’est mobilisé pour soulager la douleur de nombre de personnes et tenter d’y remédier, tout comme les Autorités politiques qui ont dû prendre des mesures importantes en termes d’organisation et de gestion de l’urgence.

En plus des manifestations physiques, la Covid-19 a provoqué, parfois à long terme, un malaise général qui a grandi dans le cœur de nombreux individus et familles, avec des effets considérables alimentés par de longues périodes d’isolement et diverses restrictions de liberté.

En outre, nous ne pouvons pas oublier la manière dont la pandémie a touché certains aspects sensibles de l’ordre social et économique, faisant ressortir des contradictions et des inégalités. Elle a menacé la sécurité de l’emploi de nombreuses personnes et aggravé la solitude de plus en plus répandue dans nos sociétés, notamment celle des plus faibles et des pauvres.

Pensons, par exemple, aux millions de travailleurs clandestins dans de nombreuses régions du monde, qui sont restés sans emploi et sans aucun soutien durant tout le confinement.

Les individus et la société progressent rarement dans des situations générant un tel sentiment de défaite et d’amertume : ce dernier affaiblit les efforts dépensés pour la paix et provoque des conflits sociaux, des frustrations et des violences de toutes sortes. En ce sens, la pandémie semble avoir bouleversé même les parties les plus paisibles de notre monde, faisant ressortir d’innombrables fragilités.

3. Après trois années, l’heure est venue de prendre le temps de nous interroger, d’apprendre, de grandir et de nous laisser transformer, tant individuellement que communautairement ; un temps privilégié pour se préparer au « jour du Seigneur ». J’ai déjà eu l’occasion de répéter qu’on ne sort jamais identiques des moments de crise : on en sort soit meilleur, soit pire.

Aujourd’hui, nous sommes appelés à nous demander : qu’avons-nous appris de cette situation de pandémie ? Quels chemins nouveaux devons-nous emprunter pour nous défaire des chaînes de nos vieilles habitudes, pour être mieux préparés, pour oser la nouveauté ? Quels signes de vie et d’espérance pouvons-nous saisir pour aller de l’avant et essayer de rendre notre monde meilleur ?

Après avoir touché du doigt la fragilité qui caractérise la réalité humaine ainsi que notre existence personnelle, nous pouvons dire avec certitude que la plus grande leçon léguée par la Covid-19 est la conscience du fait que nous avons tous besoin les uns des autres, que notre plus grand trésor, et aussi le plus fragile, est la fraternité humaine fondée sur notre filiation divine commune, et que personne ne peut se sauver tout seul.

Le socle de la paix

Il est donc urgent de rechercher et de promouvoir ensemble les valeurs universelles qui tracent le chemin de cette fraternité humaine. Nous avons également appris que la confiance dans le progrès, la technologie et les effets de la mondialisation n’a pas seulement été excessive, mais s’est transformée en un poison individualiste et idolâtre, menaçant la garantie souhaitée de justice, de concorde et de paix.

Dans notre monde qui court très vite, les problèmes généralisés de déséquilibres, d’injustices, de pauvretés et de marginalisations alimentent très souvent des troubles et des conflits, et engendrent des violences voire des guerres.

Tandis que, d’une part, la pandémie a fait émerger tout cela, nous avons fait d’autre part des découvertes positives :
un retour bénéfique à l’humilité ; une réduction de certaines prétentions consuméristes ;
un sens renouvelé de la solidarité qui nous incite à sortir de notre égoïsme pour nous ouvrir à la souffrance des autres et à leurs besoins ;
un engagement, parfois vraiment héroïque, de tant de personnes qui se sont dépensées pour que tous puissent mieux surmonter le drame de l’urgence.

Il a résulté de cette expérience une conscience plus forte qui invite chacun, peuples et nations, à remettre au centre le mot « ensemble ». En effet, c’est ensemble, dans la fraternité et la solidarité, que nous construisons la paix, que nous garantissons la justice et que nous surmontons les événements les plus douloureux.

En effet, les réponses les plus efficaces à la pandémie ont été celles qui ont vu des groupes sociaux, des institutions publiques et privées, des organisations internationales, s’unir pour relever le défi en laissant de côté les intérêts particuliers. Seule la paix qui naît de l’amour fraternel et désintéressé peut nous aider à surmonter les crises personnelles, sociales et mondiales.

Le fléau de la guerre en Ukraine

4. Dans le même temps, au moment où nous osions espérer que le pire de la nuit de la pandémie de Covid-19 avait été surmonté, une nouvelle calamité terrible s’est abattue sur l’humanité. Nous avons assisté à l’apparition d’un autre fléau : une guerre de plus, en partie comparable à la Covid-19 mais cependant motivée par des choix humains coupables.

La guerre en Ukraine sème des victimes innocentes et répand l’incertitude, non seulement pour ceux qui sont directement touchés, mais aussi pour tout le monde, de manière étendue et indiscriminée, y compris pour tous ceux qui, à des milliers de kilomètres de distance, souffrent des effet collatéraux – il suffit de penser aux problèmes du blé et du prix du carburant.

Ce n’est certes pas l’ère post-Covid que nous espérions ou attendions. En effet, cette guerre, comme tous les autres conflits répandus de par le monde, est une défaite pour l’humanité entière et pas seulement pour les parties directement impliquées.

Alors qu’un vaccin a été trouvé pour la Covid-19, des solutions adéquates n’ont pas encore été trouvées pour la guerre. Le virus de la guerre est certainement plus difficile à vaincre que ceux qui affectent l’organisme humain, car il ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur, du cœur humain, corrompu par le péché (cf. Évangile de Marc 7, 17-23).

5. Que nous est-il donc demandé de faire ? Tout d’abord, de nous laisser changer le cœur par l’urgence que nous avons vécue, c’est-à-dire permettre à Dieu, à travers ce moment historique, de transformer nos critères habituels d’interprétation du monde et de la réalité.

Nous ne pouvons plus penser seulement à préserver l’espace de nos intérêts personnels ou nationaux, mais nous devons y penser à la lumière du bien commun, avec un sens communautaire c’est-à-dire comme un « nous » ouvert à la fraternité universelle.

Nous ne pouvons pas continuer à nous protéger seulement nous-mêmes, mais il est temps de nous engager tous pour guérir notre société et notre planète, en créant les bases d’un monde plus juste et plus pacifique, effectivement engagé dans la poursuite d’un bien qui soit vraiment commun.

Se lever pour relever les défis

Pour y parvenir et vivre mieux après l’urgence de la Covid-19, nous ne pouvons pas ignorer un fait fondamental : les nombreuses crises morales, sociales, politiques et économiques que nous vivons sont toutes interconnectées.

Ce que nous considérons comme étant des problèmes individuels sont en réalité causes ou conséquences les unes des autres. Nous sommes appelés à relever les défis de notre monde, avec responsabilité et compassion.

Nous devons réexaminer la question de la garantie de la santé publique pour tous ;
promouvoir des actions en faveur de la paix pour mettre fin aux conflits et aux guerres qui continuent à faire des victimes et à engendrer la pauvreté ;
prendre soin, de manière concertée, de notre maison commune et mettre en œuvre des mesures claires et efficaces pour lutter contre le changement climatique ;
combattre le virus des inégalités et garantir l’alimentation ainsi qu’un travail décent pour tous, en soutenant ceux qui n’ont pas même un salaire minimum et se trouvent en grande difficulté.

Le scandale des peuples affamés nous blesse. Nous devons développer, avec des politiques appropriées, l’accueil et l’intégration, en particulier des migrants et de ceux qui vivent comme des rejetés dans nos sociétés.

Ce n’est qu’en nous dépensant dans ces situations, avec un désir altruiste inspiré par l’amour infini et miséricordieux de Dieu, que nous pourrons construire un monde nouveau et contribuer à édifier le Royaume de Dieu qui est un Royaume d’amour, de justice et de paix.

En partageant ces réflexions, je souhaite qu’au cours de la nouvelle année, nous puissions marcher ensemble en conservant précieusement ce que l’histoire peut nous apprendre.

Je présente mes meilleurs vœux aux Chefs d’État et de Gouvernement, aux Responsables des Organisations internationales, aux Leaders des différentes religions. À tous les hommes et femmes de bonne volonté, je leur souhaite de construire, jour après jour en artisans de la paix, une bonne année ! Que Marie Immaculée, Mère de Jésus et Reine de la Paix, intercède pour nous et pour le monde entier.

Du Vatican, le 8 décembre 2022

Pape François


Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

LA PORTE DE LA CHARITÉ – Troisième prédication d’Avent 2022

LA PORTE DE LA CHARITÉ – Troisième prédication d’Avent 2022

Christ de Foi Espérance et Charité
Christ de Foi Espérance et Charité

Un Dieu à aimer ou un Dieu qui aime ? « Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles : qu’il entre, le roi de gloire ! » Saint Père, Révérend Pères, frères et sœurs, dans notre but d’ouvrir les portes au Christ qui vient, nous sommes arrivés à la porte la plus intime de notre « château intérieur », celui de la vertu théologale de charité.

Mais que signifie ouvrir la porte de l’amour au Christ ? Cela signifie-t-il peut-être que nous prenons l’initiative d’aimer Dieu ? C’est ainsi qu’auraient répondu les philosophes païens, à partir de la conception qu’ils se faisaient de l’amour de Dieu : « Dieu – disait Aristote – meut le monde dans la mesure où il est aimé ». Comme il est aimé, attention, pas comme il aime ! Cette vision philosophique a été complètement inversée dans le Nouveau Testament :
En cela réside l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais lui qui nous a aimés
et envoya son fils… Nous aimons parce qu’il nous a aimés le premier (1 Jn 4, 10. 19).

Henri de Lubac écrivait : « Le monde a besoin de le savoir : la révélation de l’Amour bouleverse tout ce qu’il avait conçu de la divinité ». A ce jour nous n’avons pas fini (et nous ne finirons jamais) de tirer toutes ses conséquences de la révolution évangélique sur Dieu comme amour. L’Esprit Saint – nous enseigne saint Irénée – rajeunit continuellement le trésor de la révélation, ainsi que le vase qui le contient, qui est la tradition de l’Église. Avec son aide, nous essayons de comprendre quelle est la conséquence de la vertu théologale de charité à découvrir et surtout à vivre.

Il existe d’innombrables traités sur le devoir et les degrés de l’amour de Dieu, c’est-à-dire sur le « Dieu à aimer », De diligendo Deo ; Je ne connais pas de traités sur le Dieu qui aime ! La Bible est elle-même un traité sur le Dieu qui aime ; mais, malgré cela, presque toujours, quand on parle de « l’amour de Dieu », Dieu est l’objet, non le sujet de la phrase.

Or il est bien vrai qu’aimer Dieu de toutes ses forces est « le premier et le plus grand commandement ». C’est certainement la première chose dans l’ordre des commandements ; mais l’ordre des commandements n’est pas le premier ordre, celui qui domine tout ! Avant l’ordre des commandements, il y a l’ordre de la grâce, c’est-à-dire de l’amour gratuit de Dieu : le commandement lui-même est fondé sur le don ; le devoir d’aimer Dieu repose sur le fait d’être aimé par Dieu : « Nous aimons parce qu’il nous a aimés le premier », vient de nous rappeler l’évangéliste Jean. C’est la nouveauté de la foi chrétienne par rapport à toute éthique fondée sur le « devoir », ou sur « l’impératif catégorique ». Il ne faut jamais le perdre de vue.

Nous avons cru en l’amour de Dieu

Ouvrir la porte de l’amour au Christ signifie donc une chose bien précise : accueillir l’amour de Dieu, croire en l’amour. « Nous avons reconnu et cru en l’amour que Dieu a pour nous », écrit Jean dans le même contexte (1 Jn 4, 16). Noël est la manifestation – littéralement, l’épiphanie – de la bonté et de l’amour de Dieu pour le monde : « La grâce salvifique de Dieu est apparue (epephane) », écrit saint Paul. Et encore : « La bonté de Dieu et son amour pour les hommes se sont manifestés » (Tt 2, 11 ; 3, 4).

La chose la plus importante à faire à Noël est de recevoir avec émerveillement le don infini de l’amour de Dieu.Quand on reçoit un cadeau, il n’est pas délicat de présenter son cadeau tout de suite, avec l’autre main, peut-être déjà préparée à l’avance. Forcément, on donne l’impression de vouloir rembourser tout de suite. Tout d’abord, nous devons honorer le cadeau que nous recevons et son donateur, avec étonnement et gratitude. Après – presque honteux et modestement – vous pourrez ouvrir votre cadeau, comme si ce n’était rien comparé à ce que vous avez reçu. (Pour Dieu, notre don est en fait moins que rien !).

Ce que nous devons faire, avant tout, à Noël, c’est croire en l’amour de Dieu pour nous. L’acte de charité traditionnel, du moins dans la récitation privée et personnelle, ne doit pas commencer par les mots : « Mon Dieu, je t’aime de tout mon cœur », mais « Mon Dieu, je crois de tout mon cœur que tu m’aimes » .

Cela semble être une chose facile. Au lieu de cela, c’est l’une des choses les plus difficiles au monde. L’homme est plus enclin à être actif que passif, à faire plutôt qu’à se laisser faire. Inconsciemment, nous ne voulons pas être des débiteurs, mais des créanciers ; oui, nous voulons l’amour de Dieu, mais comme une récompense plutôt que comme un don. Ainsi s’opère cependant insensiblement un déplacement et un renversement : en premier lieu, par-dessus tout, à la place du don, se place le devoir, à la place de la grâce, la loi, à la place de la foi, les œuvres.

« Nous avons cru à l’amour ! » : c’est un cri pour lequel nous devons rassembler toutes nos forces et nous forcer. Je l’appelle « la foi incrédule »: une foi qui ne peut pas comprendre ce qu’elle croit, même si elle le croit. Dieu – l’Éternel, l’Être, le Tout – m’aime et prend soin de moi, un petit rien perdu dans l’immensité de l’univers et de l’histoire ! « Il m’est doux de faire naufrage dans cette mer », faudrait-il s’exclamer avec le poète Leopardi.

Il faut devenir un enfant pour croire à l’amour. Les enfants croient en l’amour, mais pas sur la base du raisonnement. Par instinct, par nature. Ils naissent pleins de confiance dans l’amour de leurs parents. Ils demandent à leurs parents les choses dont ils ont besoin, peut-être même en trépignant du pied, mais l’hypothèse tacite n’est pas qu’ils l’ont mérité ; c’est qu’ils sont les enfants et qu’un jour ils seront les héritiers de tout. C’est surtout pour cette raison que Jésus recommande si souvent de devenir comme des enfants pour entrer dans son Royaume.

Mais ce n’est pas facile de redevenir un enfant. L’expérience, les amertumes, les déceptions de la vie nous rendent prudents, prudents, parfois cyniques. Nous ressemblons tous un peu à Nicodème. « Comment un homme – pensons-nous – peut-il renaître quand il est vieux ? (Jean 3, 4). Comment renaître, s’exciter à nouveau, s’émerveiller à Noël comme des enfants ? Mais que dit Jésus à Nicodème ? « En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu’un ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jn 3, 5).

Ce n’est pas le résultat de l’effort humain et de l’ambition, ou de l’excitation du cœur ; c’est l’œuvre du Saint-Esprit. Jésus ne parle pas ici seulement du baptême ; du moins pas seulement du baptême d’eau. Il s’agit d’une renaissance et d’un baptême « dans l’Esprit », ou « d’en haut » (Jn 3, 3), qui peut être renouvelé plusieurs fois dans la durée de la vie. C’est ce qu’ont vécu les apôtres et les disciples à la Pentecôte et ce que nous devons nous aussi désirer pour connaître en quelque sorte cette « nouvelle Pentecôte » que le pape saint Jean XXIII a demandé à Dieu pour toute l’Église en annonçant le Concile.

L’essence de la Pentecôte est contenue dans ces paroles du verset 4 du deuxième chapitre des Actes : « Ils furent tous remplis du Saint-Esprit ». Que signifie cette courte phrase que nous avons entendue des milliers de fois ? « Ils ont tous été remplis du Saint-Esprit » : d’accord : mais qu’est-ce que le Saint-Esprit ? C’est l’amour – dit la théologie – avec lequel le Père aime le Fils et avec lequel le Fils aime le Père. Plus librement nous disons : c’est la vie, la douceur, le feu, la béatitude qui coule dans la Trinité, car l’amour est toutes ces choses ensemble et à un degré infini.

Donc, dire que « tous ont été remplis du Saint-Esprit », c’est dire que tous ont été remplis de l’amour de Dieu. Ils ont eu une expérience bouleversante d’être aimés de Dieu. En mourant, Christ avait détruit le mur de séparation du péché et maintenant l’amour de Dieu pouvait enfin se déverser sur les apôtres et les disciples, les submergeant dans un océan de paix et de bonheur. En disant que « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5), saint Paul ne fait que décrire – sous une forme synthétique plutôt que narrative – l’événement de la Pentecôte , actualisé, pour tous, dans le baptême.

L’amour de Dieu a un aspect objectif que nous appelons la grâce sanctifiante, ou charité infuse, mais il comporte aussi un élément subjectif, une répercussion existentielle, car c’est dans la nature même de l’amour. Ce n’était pas, comme on est amené à le penser, quelque chose de purement objectif ou ontologique, dont l’intéressé n’aurait pas conscience. Le don du « nouveau cœur » ne s’est pas fait sous anesthésie générale, comme les transplantations cardiaques normales ! Nous le voyons par le changement soudain qui s’opère en eux. Fini les peurs, les rivalités, la timidité ; des hommes nouveaux, prêts à se jeter dans les voies du monde et à donner leur vie pour le Christ.

« La charité se construit »

Le discours sur la vertu théologale de l’amour ne s’arrête certainement pas là. Ce serait un discours incomplet, comme une protase non suivie d’apodose. La protase est : « Si Dieu nous a tant aimés… » ; l’apodose, ou la conséquence, c’est : « nous aussi devons l’aimer et nous aimer ». Mais nous avons tellement d’occasions de parler de l’exercice de la charité que pour une fois nous pouvons laisser de côté le « devoir » pour ne nous occuper que du « don ». Je me borne à quelques brèves considérations sur l’aspect social et ecclésial de la vertu théologale de charité.

On dit d’elle qu’elle « édifie » : « la connaissance gonfle, la charité édifie » (1 Co 8, 2). Surtout, elle construit l’édifice de Dieu qu’est l’Église. « En vivant selon la vérité dans l’amour, cherchons à grandir en toutes choses vers celui qui est la Tête, le Christ, de qui tout le corps… reçoit la force de croître, afin de s’édifier dans l’amour » (Eph. 4:15-16).

Cependant, la charité ne construit pas seulement la société spirituelle qu’est l’Église, mais aussi la société civile. Dans l’ouvrage La Cité de Dieu, saint Augustin explique que deux cités coexistent dans l’histoire : la cité de Satan, symbolisée par Babylone, et la cité de Dieu, symbolisée par Jérusalem. Ce qui distingue les deux sociétés, c’est l’amour différent dont elles sont animées. Le premier a pour mobile l’amour de soi poussé jusqu’au mépris de Dieu (amor sui usque ad contemptum Dei), le second a pour mobile l’amour de Dieu poussé jusqu’au mépris de soi (amor Dei usque ad contemptum sui).

L’opposition, dans ce cas, est entre l’amour de Dieu et l’amour de soi. Dans un autre ouvrage, cependant, saint Augustin corrige partiellement ce contraste, ou du moins le rééquilibre. Le vrai contraste qui caractérise les deux villes n’est pas entre l’amour de Dieu et l’amour de soi. Ces deux amours, bien compris, peuvent – ​​voire doivent – ​​exister ensemble. Non, la véritable opposition est celle interne à l’amour-propre, et c’est la contradiction entre l’amour-propre exclusif – amor privatus, comme il l’appelle -, et l’amour du bien commun – amor socialis. C’est l’amour privé – c’est-à-dire l’égoïsme – qui crée la cité de Satan, Babylone, et c’est l’amour social qui crée la cité de Dieu où règnent l’harmonie et la paix.

Le sentiment social est né sur un sol arrosé par l’Évangile, et il est étrange qu’à l’époque moderne cet acquis ait servi d’argument à jeter à la face du christianisme. Aux premiers siècles et tout au long du Moyen Âge, le moyen par excellence d’agir en société et d’aider les pauvres était l’aumône. C’est une valeur biblique et elle conserve toujours sa pertinence. Cependant, il ne peut plus être proposé comme la manière ordinaire de pratiquer l’amour social, ou l’amour du bien commun, car il ne sauvegarde pas la dignité des pauvres et les maintient dans un état de dépendance.

Il appartient aux politiciens et aux économistes d’initier des processus structurels qui réduisent le fossé scandaleux entre un petit nombre de très riches et l’immense nombre de défavorisés dans le monde. Le moyen ordinaire pour les chrétiens est de créer les conditions dans le cœur humain pour que cela se produise. Pour les acteurs sociaux, il s’agit de promouvoir la soi-disant « doctrine sociale de l’Église ». Pour les entrepreneurs chrétiens, par exemple, cela signifie créer des emplois, comme le Saint-Père l’a rappelé lors de la rencontre d’Assise en septembre dernier, aux jeunes économistes qui s’inspirent de son enseignement

Seul l’amour peut nous sauver

Avant de conclure, je voudrais mentionner un autre effet bénéfique de la vertu théologale de charité sur la société dans laquelle nous vivons. La grâce, dit un célèbre axiome théologique, suppose la nature, ne la détruit pas, mais la perfectionne. Appliquée à la troisième vertu théologale, cela signifie que la charité présuppose la capacité et la prédisposition naturelle de l’être humain à aimer et à être aimé. Cette capacité peut nous sauver aujourd’hui d’une tendance persistante qui, si elle n’est pas corrigée, conduirait à une véritable « déshumanisation ».

J’ai participé à un débat public à Londres il y a quelques années. Le modérateur a posé une série de questions à un certain nombre de théologiens, dont un professeur de théologie à l’Université américaine de Yale, un évêque et théologien anglican, et moi-même. La question cruciale était la suivante. Après avoir remplacé les capacités opérationnelles de l’homme par des robots, la technologie est maintenant sur le point de remplacer également ses capacités mentales par l’intelligence artificielle. Que reste-t-il donc d’unique et d’exclusif à l’être humain ? Y a-t-il encore des raisons de le considérer à part dans l’univers ? Est-il encore indispensable, ou plutôt nocif, par nature ?

Quand ce fut mon tour de répondre, dans mon anglais pauvre et approximatif, j’ajoutai une simple réflexion. Nous travaillons, disais-je, sur un ordinateur qui pense : peut-on imaginer un ordinateur qui aime, qui s’émeut de nos peines et se réjouit de nos joies ? On peut concevoir l’intelligence artificielle : mais peut-on concevoir l’amour artificiel ? Peut-être est-ce alors précisément là qu’il faut situer la spécificité de l’humain et son attribut inaliénable. Pour un croyant biblique, il y a une raison à cela : c’est que nous avons été créés à l’image de Dieu, et « Dieu est amour » ! (1 Jean 4, 8).

Malgré toutes nos erreurs et méfaits, nous les êtres humains ne sommes pas – et ne serons jamais – de trop sur terre ! Au terme de ses réflexions philosophiques sur le danger de la technologie pour l’homme moderne, Martin Heidegger, jetant presque l’éponge, s’est exclamé : « Seul un dieu peut nous sauver ! On peut paraphraser : seul l’amour peut nous sauver ! L’amour de Dieu, cependant, certainement pas le nôtre.
« Un enfant est né pour nous »

Tournons maintenant nos pensées vers Noël qui approche à grands pas. Avec la venue du Christ, le grand fleuve de l’histoire a atteint une « écluse » et repart à un niveau supérieur. « Les choses anciennes sont passées, voici, des choses nouvelles sont nées » (2 Co 5, 17). Le grand « fossé » qui séparait Dieu de l’homme, le Créateur de la créature a été comblé. Ce n’est pas pour rien, dès lors, que l’histoire humaine se divise en « avant Christ » et « après Christ ».

Il y a des images de Noël naïves, mais avec une signification profonde. On y voit l’Enfant Jésus qui, pieds nus, la neige autour des pieds et une lanterne à la main, la nuit, après avoir frappé, attend devant une porte. Les païens imaginaient l’amour comme un petit garçon auquel ils donnaient le nom d’Eros. C’était une représentation symbolique, voire une véritable idole. Nous savons que l’amour est vraiment devenu un enfant ; qu’elle est désormais une réalité, un événement, voire une personne. « L’amour du Père s’est fait chair », ainsi paraphrasait le verset de Jean 1,14 un auteur du deuxième siècle. L’amour est vraiment devenu un enfant : l’enfant Jésus.

« Ici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un m’ouvre la porte, j’irai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi » (Ap 3, 20). Ouvrons la porte du cœur à cet Enfant qui frappe. La plus belle chose que nous puissions faire à Noël n’est pas, disais-je, d’offrir quelque chose à Dieu, mais d’accueillir avec émerveillement le don que Dieu le Père fait au monde de son propre Fils.

Une légende raconte que parmi les bergers qui sont allés rendre visite à l’Enfant la nuit de Noël, il y avait un jeune berger si pauvre qu’il n’avait vraiment rien à offrir à sa Mère, et il s’est tenu à l’écart de honte. Tout le monde a concouru pour offrir à Mary son cadeau. La Mère ne pouvait pas tous les tenir, devant tenir l’Enfant Jésus dans ses bras. Alors, voyant le jeune berger à côté de lui les mains vides, il prend l’Enfant et le place dans ses bras. Ne rien avoir était sa fortune. Faisons-en aussi le nôtre !
Joignons-nous à l’émerveillement et à la joie de la liturgie qui à Noël répète – comme un fait accompli et non plus une simple prophétie – les paroles d’Isaïe (9, 5) :
Un enfant nous est né;
et un Fils nous a été donné.
Sur ses épaules est le pouvoir
et son nom sera :
admirable conseiller,
Dieu puissant,
Père pour toujours,
Prince de la Paix.

Saint-Père, Vénérables Pères, frères et sœurs : JOYEUX NOËL !

Cardinal Raniero Cantalamessa

1.Aristote, Métaphysique, XII, 7, 1072b.
2.Henri de Lubac, Histoire et Esprit, Aubier, Paris 1950, chap. v.
3.Giacomo Leopardi, L’Infini.
4.Ignace d’Antioche, Lettre aux Romains, salutation initiale.
5. Augustin, De civitate Dei, 14,28.
6. Augustin, De Genesi ad litteram, 11, 15, 20 (PL 32, 582).
7.Thomas d’Aquin, S.Th. Je, Q. 2. un. 2 ad 1 (gratia [praesupponit] naturam ») ; Je, Q. 1, un. 8, annonce 2 (gratia non tollit naturam, sed perficit).
8.Martin Heidegger, Répondre. Martin Heidegger im Gespräch, Gesamtausgabe, vol. 16, Francfort 1975.
9.Evangelium Veritatis, 23 (Les évangiles gnostiques, édité par L. Moraldi, Milan, Adelphi, 1984, p.33).

Copyright © Padre Raniero Cantalamessa.

LETTRE DE L’AVENT SUR LES CONSEILS ÉVANGÉLIQUES

Voici de la part du P. Tomaz MAVRIC, notre Supérieur Général, la Lettre de l’Avent :

P. Thomas Mavric, cm
P. Thomas Mavric, cm

 

LETTRE DE L’AVENT

LES CONSEILS ÉVANGÉLIQUES :

UN APPEL UNIVERSEL A LA SAINTETÉ

A tous les membres de la Famille vincentienne

Chers frères et sœurs,

La grâce et la paix de Jésus soient toujours avec nous !

Cette lettre de l’Avent est une invitation à prier, méditer et intérioriser les conseils évangéliques comme moyen de poursuivre notre chemin avec saint Vincent de Paul, « mystique de la Charité ». Jésus est le centre de notre vie, de notre action, de nos aspirations.

Pour nous, chrétiens, il est le point de mire, le modèle et celui que nous devons mettre à la première place dans nos vies, que notre vocation soit à la vie conjugale, au célibat ou à une forme de vie consacrée. La pauvreté, la chasteté et l’obéissance sont des signes incontestables et frappants dans la vie de Jésus, car il était pauvre, chaste et obéissant.

Habituellement, lorsque nous parlons des conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, nous les associons à la vie consacrée. Les personnes consacrées suivent un chemin spécifique, confirmé par les vœux qu’elles prononcent. Cependant, les conseils évangéliques font partie de la réponse à l’appel universel à la sainteté de chaque chrétien, mais toujours selon sa vocation spécifique, donnée par Jésus lui-même.

Jésus reste le prototype de la manière de vivre les trois conseils évangéliques. Bien qu’il ait tout eu, il a vécu pauvrement. Il était chaste, ce qui lui permettait une grande liberté dans ses relations. Il a été obéissant, exprimant avec une grande clarté que sa mission sur terre se déploierait selon le dessein du Père et s’abandonnant totalement à la volonté de son Père jusqu’à la dernière seconde de sa vie terrestre, jusqu’à la croix où il s’est exclamé avant de retourner dans la maison de son Père : « Tout est accompli » (Jean 19, 30).

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Le fondement du conseil évangélique de pauvreté est la vie du Fils de Dieu : « Jésus-Christ, qui, ayant tout, n’avait rien ; il était le maître et le seigneur de tout le monde, il a fait les biens qui y sont ; cependant il a voulu, pour l’amour de nous, se priver de l’usage ; bien qu’il fût le seigneur de tout le monde, il s’est fait le plus pauvre de tous les hommes, il en a eu même moins que les moindres animaux ». Coste XI, 224 ; conférence 130 « Sur la pauvreté », 6 août 1655.

Notre appel commun, en tant que Vincentiens, à servir les pauvres nous pousse à témoigner dans le monde de notre configuration au Christ qui a commencé avec notre baptême et s’approfondit jusqu’à notre retour dans la maison du Père.

En tant que Vincentiens, notre priorité n’est pas l’accumulation de biens matériels et de ressources financières pour nos propres fins égoïstes, car nous gardons toujours à l’esprit et dans le cœur que les pauvres sont « nos Seigneurs et nos Maîtres » qui ont droit à nos ressources.

Réfléchir à la manière dont nous pouvons les assister nous aide à vivre le conseil évangélique de pauvreté par un mode de vie sobre et simple. La mission vincentienne nous place dans le monde des pauvres. La pauvreté vincentienne favorise une communauté de service et de solidarité avec nos frères et sœurs.

Elle suppose également de modeler notre vie sur l’exemple de Jésus pauvre, qui a évangélisé les personnes les plus abandonnées. Saint Vincent, selon la longue tradition de l’Église, fait la distinction entre la pauvreté intérieure et la pauvreté extérieure, toutes deux nécessaires. Sans manifestation extérieure, la « pauvreté spirituelle » n’est pas crédible. Sans motivation spirituelle, la « pauvreté matérielle » est souvent de l’ordre du mal.

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Le conseil évangélique de chasteté concerne également tous les chrétiens, évidemment ceux qui prononcent le vœu, mais aussi les personnes mariées et les célibataires.

En tant que Vincentiens, régulièrement au contact des pauvres, nous ne devons pas les aider seulement matériellement, mais aussi spirituellement, en abordant la personne de manière intégrale, en partageant avec elle la valeur de la chasteté dans le cadre de l’évangélisation.

Les pauvres comprendront les relations chrétiennes grâce à la façon dont nous vivons en cohérence avec les valeurs de l’Évangile, en étant lumière et sel pour l’humanité.

La chasteté implique la continence intérieure et extérieure, selon l’état de vie, afin que l’affectivité et la sexualité de la personne soient vécues avec un profond respect des autres et de soi-même. Le célibat présuppose la renonciation au mariage et aux expressions sexuelles qui lui sont propres.

Pour les Vincentiens dans la vie consacrée, ces deux éléments du vœu, chasteté et célibat, sont des manifestations extérieures de leur don total. Ils doivent être perçus comme l’engagement d’une «responsabilité particulière : le service des pauvres » et non comme un refus de la responsabilité familiale. Les exigences d’une suite radicale de Jésus conduisent les Vincentiens consacrés à s’offrir entièrement pour la cause du Royaume.

Pour les Vincentiens en général, le conseil évangélique de chasteté nous aide à grandir dans une relation intime avec Jésus. En tant que don généreux de soi aux autres, la chasteté favorise notre mission d’évangélisation et de charité envers les pauvres, une expression de générosité et de créativité. Comme la pauvreté, la chasteté encourage une communauté de service qui ne peut être efficace qu’à travers l’amitié et des relations fraternelles.

Nous sommes appelés à développer la liberté et le soutien mutuel à travers des amitiés saines et la prudence, menant au zèle apostolique. Nous devons reconnaître nos propres faiblesses, notre besoin d’humilité et la nécessité du soutien indispensable de Jésus. Saint Vincent affirme : « L’humilité est un très excellent moyen pour acquérir et conserver la chasteté ». Coste XI, 168 ; conférence 111, «Sur la chasteté», 13 novembre 1654.

Il y a des moments où la fidélité à Jésus implique des sacrifices. Saint Vincent recommande un sérieux sacrifice (la mortification) des sens intérieurs et extérieurs et de savoir éviter les modes d’expression de l’affectivité et de la sexualité qui ne sont pas en accord avec le célibat.

Parce que notre humanité a ses forces et ses faiblesses, nous devons parler sincèrement des difficultés avec Jésus et avec d’autres personnes qui peuvent nous soutenir, comme notre confesseur et notre directeur spirituel.

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Le troisième conseil évangélique est l’obéissance. Il s’adresse aux personnes qui sont ouvertes au message de Jésus. Malgré les doutes et les incertitudes, elles s’abandonnent à Jésus et lui font confiance, persuadées qu’en fin de compte, le chemin qu’il nous propose de suivre est le meilleur.

Comme nous le rappelle saint Vincent : « il y a bénédiction de Dieu dans les actions faites par obéissance ». Coste VI, 560 ; lettre 2431 à François Villain, Prêtre de la Mission, à Troyes, 25 octobre 1657

L’obéissance implique des valeurs et des attitudes évangéliques telles que l’humilité, la simplicité, la douceur, le dialogue, le don de l’écoute dans la vie conjugale, dans le célibat ou dans la vie consacrée. Même lorsque saint Vincent s’adresse aux personnes consacrées, il évoque souvent l’exemple de l’obéissance et de la déférence des laïcs :

« J’ai connu un conseiller de la cour… Tout conseiller qu’il était et âgé, il ne faisait jamais rien sans prendre conseil. S’il n’avait personne, il appelait son laquais : « Viens ça, petit Pierre, j’ai une telle affaire ; que penses-tu que je doive faire là-dessus ? » Son laquais lui répondait : « Monsieur, il me semble que vous feriez bien de faire comme cela. » — « Va, Pierre, tu as raison, je suivrai ton conseil. » Et il m’a dit qu’il éprouvait que Dieu donnait une telle bénédiction là-dessus que les choses qu’il faisait de cette sorte réussissaient à bien. » Coste XIII, 642 ; document 160, Conseil du 20 juin 1647

Lorsque deux ou plusieurs personnes n’arrivent pas à se mettre d’accord entre elles, surtout sur des questions d’importance, c’est le conseil évangélique d’obéissance qui les mène à un état de paix intérieure et de réconciliation qu’elles ne pouvaient pas imaginer.

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En tant que chrétiens et Vincentiens, nous nous efforçons de ne pas avoir le dernier mot, ni d’avoir raison, mais de nous situer dans le rôle du serviteur, de celui qui sert et non de celui qui est servi. Que la méditation et l’intériorisation des conseils évangéliques aident chacun de nous à répondre à l’appel universel à la sainteté et ainsi, recevoir de grandes bénédictions.

« Que bienheureux sont ceux qui se donnent à Dieu de cette sorte pour faire ce que Jésus-Christ a fait, et pratiquer après lui les vertus qu’il a pratiquées : la pauvreté, l’obéissance, l’humilité, la patience, le zèle et les autres vertus ! Car ainsi ils sont les vrais disciples d’un tel Maître ; ils vivent purement de son esprit et répandent, avec l’odeur de sa vie, le mérite de ses actions, pour la sanctification des âmes, pour lesquelles il est mort et ressuscité » Coste VIII, 543 ; lettre 3314 à Joseph Beaulac [1656].

Ma prière de l’Avent pour tous les membres de la Famille vincentienne : « continuez à le craindre [Notre Seigneur] et à le bien aimer ; offrez-lui vos incommodités et vos petits services, et ne faites rien que pour lui complaire, et de la sorte vous irez croissant en grâce et en vertu ». Coste IV, 410 ; lettre 1512 aux Sœurs de Valpuiseaux, 23 juin 1652.

Votre frère en saint Vincent,
Tomaž Mavrič, CM, Supérieur général