Archives de catégorie : Conférence

MYSTÈRE DE MARIE VIII : élevée en gloire

Introduction

Notre Dame Assomption Woluwe-St-Lambert Kapelleveld
Notre Dame Assomption Woluwe-St-Lambert Kapelleveld

Commençons par un extrait de l’homélie du pape Benoît XVI lors de la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie.

(Paroisse pontificale Saint-Thomas de Villanova, Castel Gandolfo, samedi 15 août 2009)

« La solennité d’aujourd’hui couronne le cycle des grandes célébrations liturgiques au cours desquelles nous sommes appelés à contempler le rôle de la bienheureuse Vierge Marie dans l’Histoire du salut. En effet, l’Immaculée Conception, l’Annonciation, la Maternité divine et l’Assomption sont des étapes fondamentales, intimement liées entre elles, à travers lesquelles l’Eglise exalte et chante le destin glorieux de la Mère de Dieu, mais dans lesquelles nous pouvons également lire notre histoire. Le mystère de la conception de Marie rappelle la première page de l’histoire humaine, en nous indiquant que, dans le dessein divin de la création, l’homme aurait dû posséder la pureté et la beauté de l’Immaculée. Ce dessein, compromis mais non détruit par le péché, à travers l’incarnation du Fils de Dieu, annoncée et réalisée en Marie, a été recomposé et restitué à la libre acceptation de l’homme dans la foi. Enfin, dans l’Assomption de Marie, nous contemplons ce que nous sommes appelés à atteindre à la suite du Christ Seigneur et dans l’obéissance à sa Parole, au terme de notre chemin sur la terre.  La dernière étape du pèlerinage terrestre de la Mère de Dieu nous invite à considérer la façon dont Elle a parcouru son chemin vers l’objectif de l’éternité glorieuse. »

Le 1er novembre 1950, Pie XII, sur la place Saint-Pierre, en présence d’une très grande foule de fidèles et de six cents évêques venus du monde entier, a proclamé solennellement le dogme de l’Assomption de Marie, participation singulière à la Résurrection du Christ, et anticipation de notre propre résurrection :

« Cette vérité doit être considérée par les chrétiens comme le gage de la réalité de notre association à tous à la victoire de notre divin chef sur le mal, et l’affirmation que nous partageons sa gloire dans la mesure où nous aurons été associés, par la foi et l’amour, à son oeuvre rédemptrice » (Louis Bouyer).

1. La définition dogmatique

L’Assomption de Notre-Dame fut donc solennellement définie le 1er novembre 1950, lorsque le Pape Pie XII lut la conclusion de la Bulle « Munificentissimus Deus » : « Par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des Bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et par notre autorité, Nous prononçons, déclarons et définissons comme dogme divinement révélé que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu, toujours Vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste ».

1. Quelle est la portée exacte de cette définition ?

a) « C’est un dogme divinement révélé ».

Avant cette date, des discussions s’étaient élevées sur ce sujet. L’autorité infaillible s’est prononcée. Elle déclare qu’on ne peut plus considérer la croyance de l’Assomption comme une « pieuse opinion », mais qu’on doit l’admettre comme une vérité de foi.

b) « après avoir achevé le cours de sa vie terrestre ».

Cette expression a été délibérément choisie pour éviter l’affirmation de la mort de la Sainte Vierge.

Est-elle morte vraiment ?

La Bulle affirme la fin de sa vie terrestre sans préciser quoi que ce soit sur la manière dont Marie a quitté cette terre. Ce point demeure un sujet de libre discussion.

c) « Marie, l’Immaculée Mère de Dieu, toujours Vierge, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste ».

Ces termes suggèrent qu’il y a un fondement de l’Assomption dans l’Immaculée conception, la maternité divine et la virginité perpétuelle, mais n’affirment pas que ces qualités de la Vierge constituent des titres à l’Assomption.

La définition porte donc seulement sur le fait que Marie « a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste ».

Le terme « élevée » marque la différence entre l’Ascension de Jésus et l’Assomption de Marie. Jésus monta au ciel par sa propre puissance, sa Mère y fut élevée par une action divine ; elle reçut la gloire céleste.

La formule de la définition évite aussi de dire que Marie a été élevée au ciel. Ce langage aurait l’inconvénient de suggérer un déplacement local. Il semblerait désigner le ciel comme un lieu situé au-dessus de la terre.

En déclarant de façon très précise que Marie a été élevée à la gloire céleste, le texte affirme un changement d’état : le passage de la vie terrestre à l’état de gloire céleste.

Cet état, la définition ne l’analyse pas ; elle précise seulement qu’il affecte le corps et l’âme de la Vierge, par conséquent sa personne entière.

2. Les fondements du dogme

a) l’Ecriture

Aucune tentative n’est faite par la Bulle pour torturer quelque texte biblique de façon à lui faire signifier explicitement le dogme de l’Assomption. L’Ecriture n’en offre aucun qui puisse démontrer cette vérité.

La Bulle « Munificentissimus » a invoqué le fait global que l’Écriture nous présente Marie étroitement unie à son Fils Jésus.

C’est une constatation qui résulte de l’Evangile de l’Enfance. La Bulle parle en effet de celle qui « a conçu le Christ, l’a enfanté, l’a nourri de son lait, tenu dans ses bras ».

Elle en tire la conséquence qu’une union aussi intime a dû se poursuivre par-delà la mort et que Marie doit être auprès de son Fils avec son corps et son âme.

L’Ecriture fournit donc une orientation de base qui sera développée par la Tradition et explicitée par le raisonnement théologique pour amener la foi des fidèles à croire que Marie a bénéficié d’un triomphe glorieux complet qui lui permet une parfaite union avec son Fils.

b) la Tradition

En effet, de très bonne heure, dès la fin du deuxième siècle, s’est posée pour les chrétiens le mystère de la mort de la Vierge Marie.

La piété mariale prenant progressivement de l’essor, a cherché à connaître la fin de la vie de Marie. Il y a eu des récits populaires, des apocryphes. Le peuple chrétien ne pouvait pas supposer que cet événement n’ait été marqué par quelques prodiges. L’Eglise honorait la mémoire des Apôtres, des martyrs ; elle célébrait le jour de leur mort sur la terre comme le jour de leur naissance à la vie éternelle. Pouvait-elle faire moins pour la Mère de Dieu ?

Entre toutes les fêtes mariales, la mémoire du trépas de Marie, appelée fête de la Dormition », puis « Assomption », a tenu le premier rang. Elle eut d’abord le sens de la naissance au ciel de Marie et comporta, ensuite, une orientation vers son Assomption corporelle.

c) la piété populaire

Au cours des siècles, les signes de la foi de l’Eglise se sont manifestés. Sous la direction de leurs pasteurs, les fidèles ont appris par l’Ecriture que la Vierge Marie, au cours de son pèlerinage sur terre, a mené une vie d’angoisse et de souffrances.

Ils ont admis sans peine qu’à l’image de son Fils, la Mère de Jésus quitta cette vie, mais cela ne les empêcha pas de croire que son corps très saint ne fut jamais soumis à la corruption du tombeau. Éclairés par la grâce divine et poussés par leur piété envers la Mère de Dieu, ils ont contemplé l’harmonie des privilèges que Dieu lui a accordés, privilèges si élevés qu’aucune autre créature, hormis l’humanité du Christ, n’atteignit jamais pareils sommets.

Cette croyance est attestée par d’innombrables églises consacrées à Dieu en l’honneur de l’Assomption de Notre-Dame. En outre, des villes, des diocèses, des régions furent placés sous la protection et le patronage spéciaux de Marie élevée au ciel.

d) l’universalité de la foi

Cependant, ce n’est pas précisément sur la continuité de la foi au cours des siècles, mais bien plutôt sur l’universalité de cette foi dans la communauté chrétienne, à l’époque contemporaine, que la Bulle Munificentissimus a fondé la preuve décisive du dogme de l’Assomption.ar une lettre encyclique du 1er mai 1946, Pie XII demandait aux évêques du monde entier s’ils estimaient qu’on pouvait définir l’assomption corporelle de Marie comme dogme de foi et si eux-mêmes le souhaitaient avec leur clergé et leurs fidèles. Les réponses furent quasi-unanimes dans le sens affirmatif.

A ce témoignage la Bulle attache la plus haute importance. L’accord universel du magistère ordinaire de l’Eglise fournit l’argument le plus solide pour prouver que l’Assomption corporelle de la Bienheureuse Vierge Marie est une vérité révélée ».

e) Une question ouverte : Marie est-elle morte ?

Dans la définition que nous venons de citer, nous pouvons remarquer que Pie XII n’a pas voulu répondre à la question : « Marie est-elle morte, ou bien est-elle passée de la vie de la terre à la vie du ciel sans solution (c’est-à-dire rupture) de continuité ? » Il affirme seulement qu’au terme de sa vie terrestre, Marie a été élevée « corps et âme » à la gloire céleste.

L’opinion théologique selon laquelle Marie aurait été transportée vivante directement au ciel n’a guère eu de partisans dans la tradition théologique. Ceux qui la soutiennent s’appuient sur le fait que la mort ne convenait pas, en raison de l’Immaculée Conception.

On remarque que la plupart des récits apocryphes concernant la fin de la vie de Marie décrivent avec force détails la mort et l’ensevelissement de la Vierge. Le mot employé est soit « transitus » (qui signifie : translation), soit « dormitio ».

Peut-être faut-il voir également une indication dans la formule employée par Pie XII dans le texte de la définition. Il s’exprime en effet de la façon suivante : « … les fidèles, sous la direction de leurs pasteurs… ont admis sans peine que l’admirable Mère de Dieu quitta cette vie à l’exemple de son Fils », ce qui tendrait à insinuer que, comme Jésus, Marie a connu la mort. Le Pape cite d’ailleurs nombre de textes où la mort de Marie est affirmée, et il n’en donne aucun où elle soit mise en doute.

Ce qui ressort de plus probable d’après ces éléments, c’est que Marie est morte. « Cette croyance ne s’impose pas à notre foi au nom d’une définition solennelle, mais au nom de l’accord constant et unanime du peuple chrétien et de ses pasteurs sur la fin terrestre de la Mère de Jésus ». Ceux qui soutiennent cette opinion s’appuient sur le fait que Jésus a voulu unir sa Mère à sa Rédemption, et la rendre ainsi le plus semblable à lui. S’il en a bien été ainsi, il faut affirmer que le corps de Marie n’a pas connu la corruption : dans l’instant même où elle est morte, elle a été glorifiée.

Quant à la question du lieu de la « dormition » de Marie, on ne peut y répondre avec certitude, même si des raisons très sérieuses font penser que ‘la ville d’Ephèse, évangélisée par saint Paul (sur la côte de la mer Egée), fut la dernière demeure de la Vierge sur notre terre.

Le problème de la mort de Marie apparaît en fait comme secondaire. L’essentiel réside dans le fait que Marie soit vraiment vivante avec son corps, quelle que soit la voie choisie par Dieu pour la faire accéder à cette Vie nouvelle auprès de son Fils, dans la Gloire.

II. — Dans la lumière de l’Assomption

L’Assomption inaugure la phase céleste et éternelle du mystère de Marie. Elle est le couronnement de l’œuvre de Dieu en son chef-d’œuvre qu’est la Vierge. C’est une joie pour nos cœurs d’enfants et une lumière pour nos âmes.

a) Reine avec son Fils

Comme l’Ascension est pour le Christ l’établissement de son pouvoir céleste et de sa royauté sur l’univers, l’Assomption marque pour Marie l’inauguration de sa puissance de Reine du monde.

Sans doute, sa maternité divine lui conférait la plus haute dignité qui put appartenir à une créature, mais cette dignité demeurait cachée.

Au ciel, elle se manifeste dans toute sa gloire. Et surtout ce pouvoir royal acquiert les moyens de s’exercer avec une parfaite connaissance et de la manière la plus efficace.

Par son Assomption, Marie est établie plus près du Christ. La Mère retrouve son Fils ; bien plus elle partage avec lui la gloire d’une manière parfaite en son âme et en son corps.

Reine et Mère glorifiée : ces deux titres lui confèrent une intimité incomparable avec le Christ avec une puissance unique de médiation et d’intercession.

En particulier, son état glorieux la rend plus apte à compatir à toute douleur terrestre et lui donne la puissance de secourir toute détresse.

b) plus proche des hommes

Parce qu’elle est plus proche du Christ, Marie se trouve en même temps plus proche des hommes.

Son départ de la terre ne l’a pas éloignée de nous ; sa situation céleste la rend capable d’une présence universelle et assidue à notre vie terrestre. Elle est présente à toute la chrétienté, présente à chacun d’une présence d’action, car elle agit constamment sur notre âme avec le Christ.

En lui, dans -la vision bienheureuse, elle connaît chacun de ses enfants d’une façon individuelle et personnelle, d’une connaissance maternelle plus intime que celle des autres saints.

Elle les avait aimés tous en son Fils d’un amour universel mais indistinct ; elle puise désormais dans le cœur de Dieu une tendresse infinie qu’elle répand sur chacun de ses enfants avec son cœur de Mère, son cœur de chair glorifiée.

C’est ainsi que l’Assomption se présente comme un bonheur avide de se répandre, comme l’allégresse qu’une Mère souhaite de partager avec ses enfants.

c) lumière sur notre destinée

Le Christ glorieux représente l’aboutissement de notre destinée. Par sa résurrection et son ascension, il en est la cause et le modèle.

La Vierge de l’Assomption représente le même idéal. Par une anticipation exceptionnelle, en elle s’est réalisée la plénitude du bonheur céleste tel qu’il appartiendra aux élus, mais seulement après la parousie. Son corps glorifié est, pour elle, une réalisation de la résurrection universelle des corps et, pour nous, une annonce de la nôtre.

Comme elle éclaire cet article de notre Credo : « Je crois à la résurrection de la chair ».

Marie est l’image de l’humanité parvenue au dernier terme de son existence, dans la condition définitive, éternelle qui succédera à l’histoire du monde.

Saint Paul l’a dit clairement : « de même que tous meurent en Adam, tous revivront dans le Christ. Mais chacun à son rang : en tête le Christ comme prémices, ensuite ceux qui seront au Christ lors de son avènement… Puis ce sera la fin… afin que Dieu soit tout en tous » (1 Corinthiens 15, 22. 23. 28).

L’Assomption de Notre-Dame atteste que la résurrection des corps n’est pas le privilège exclusif de la personne du Verbe Incarné, mais qu’elle sera le sort final de tous les rachetés.

L’Assomption réalise également la promotion féminine. Marie au ciel manifeste la mission que la femme doit assumer sur la terre dans le Royaume de Dieu, la place qu’elle doit tenir dans l’Eglise.

d) la noblesse du corps : en la Vierge glorieuse apparaissent la valeur et la dignité du corps.

Si les forces du péché se servent souvent du corps de la femme pour solliciter au mal, l’Assomption démontre que Dieu se sert du corps de la femme pour la diffusion de la sainteté dans le monde. Elle est le triomphe de la noblesse maternelle ainsi que de la pureté virginale. Cet aspect revêt une signification particulière pour les religieuses et doit augmenter en elles l’estime de la chasteté.

L’Assomption corporelle propose encore une autre leçon à tous les baptisés. Ce qui a fait la grandeur du corps de la Vierge, ce fut d’être la demeure du Verbe incarné. Pareillement tout chrétien, par la vie de la grâce, devient le temple, le séjour de Dieu et son corps participe à cette dignité.

Ne savez-vous pas, dit Saint Paul, que votre corps est le temple du Saint Esprit… Glorifiez Dieu dans votre corps » (1 Corinthiens 6, 19-20).

De plus, par la communion eucharistique, notre corps devient de façon directe et concrète le temple du corps du Christ.

L’Assomption, glorification du temple unique qu’a été le corps de la Mère de Dieu, suggère la splendeur finale réservée au corps du chrétien. La promesse de résurrection attachée à la communion en reçoit un nouvel éclairage et une nouvelle assurance.e) Espérance : ainsi la Vierge élevée au ciel représente l’idéal vers lequel tend l’humanité.

Son Assomption, unie à la Résurrection et à l’Ascension du Christ soutient l’espérance des hommes, l’illumine et l’oriente vers la perfection du dernier jour.

« La Vierge Marie brille comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage » (Lumen Gentium n° 68).

Après des siècles de travail, après les progrès extraordinaires de la technique, l’humanité ne semble pas parvenue au bonheur, la terre ne ressemble guère à un paradis retrouvé.

La science échoue devant l’inconnu et la technique devant la mort.

Combien de malheureux sans foi, sans espérance pour qui la vie n’a aucun sens ; il ne leur reste qu’à attendre la mort comme le prélude de la désintégration de l’univers. Et combien de pessimistes et de défaitistes !

La Vierge Marie, notre Mère, est là, dans le Ciel, glorifiée dans son corps et dans son âme, si proche de nous, pour ranimer notre espérance.

Non, la terre n’est pas faite pour une définitive désagrégation, mais pour cette glorieuse Assomption. La voie est ouverte entre la terre et le ciel.

Du mystère de notre Mère, nous sommes solidaires. Elle nous fait signe de la suivre, elle nous attire et nous entraîne. Pour la suivre, imitons-là.

Jamais ne s’est mieux vérifiée que dans l’Assomption de Notre-Dame la vérité de cette parole de Notre Seigneur : « Quiconque s’abaisse sera exalté ». (Luc 14,11).

La Vierge Marie la répète dans son Magnificat : « Il exalte les humbles » (Luc 1, 52).

Conclusion

Concluons en citant  Benoit XVI, lors de son homélie du 15 août dernier : « Toute la vie est une ascension, toute la vie est méditation, obéissance, confiance et espérance, même dans les ténèbres; et toute la vie est cette « sainte hâte », qui sait que Dieu est toujours la priorité et que rien d’autre ne doit susciter de hâte dans notre existence. Enfin, l’Assomption nous rappelle que la vie de Marie, comme celle de chaque chrétien, est un chemin d’imitation, à la suite de Jésus, un chemin qui a un objectif bien précis, un avenir déjà tracé:  la victoire définitive sur le péché et sur la mort et la pleine communion avec Dieu, car – comme le dit Paul dans la Lettre aux Ephésiens – le Père « nous a ressuscités; avec lui, il nous a fait régner aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ep 2, 6). Cela veut dire qu’avec le Baptême, nous sommes fondamentalement déjà ressuscités et que nous siégeons dans les cieux en Jésus Christ, mais que nous devons corporellement rejoindre ce qu’il a commencé et réalisé dans le Baptême. En nous, l’union avec le Christ, la résurrection, est inachevée, mais pour la Vierge Marie, elle est accomplie, malgré le chemin que la Vierge a dû elle aussi accomplir. Elle est entrée dans la plénitude de l’union avec Dieu, avec son Fils, et elle nous attire et nous accompagne sur notre chemin. Alors, en Marie élevée au ciel, nous contemplons celle qui, par un singulier privilège, participe corps et âme à la victoire définitive du Christ sur la mort. »

MYSTÈRE DE MARIE VII : Toujours Vierge

Vierge Marie - Laurence OP
Vierge Marie – Laurence OP

Le titre sous lequel, depuis toujours, les chrétiens invoquent le plus volontiers Marie est celui de Vierge : Elle est la Vierge, la Sainte Vierge, la Vierge-Mère, la Vierge-Immaculée…

Dans la pensée chrétienne, Marie est la Vierge par excellence, tout à la fois Vierge-Sainte et Vierge-Mère. Nous ne saurions pas davantage dissocier sa virginité de sa sainteté que de sa maternité. Pour toute âme consacrée Marie est le modèle de la virginité voulue et vécue par amour du Seigneur.

« Tout en elle, selon l’Évangile, est signe de la grâce en plénitude… de Dieu, qui en a fait sa mère terrestre et le signe de la maternité de l’Église. Rien d’autre en Marie n’intéresse la révélation ; nous ne pouvons donc affirmer rien d’autre… à tous ceux qui voudraient parler de Marie soit comme pécheresse, soit comme détachée de notre condition de créature humaine. Nous ne voyons pas comment les uns ou les autres pourraient légitimement se fonder sur l’Évangile. Marie, Comblée-de-grâce, Fille de Sion, Mère de Dieu incarné, symbole de l’Église-mère, est sainte parce qu’en elle l’Évangile ne voit que le signe vivant d’une prédestination unique du Seigneur, la réponse de foi d’une créature pleinement humaine et pleinement obéissante. » (Max Thurian, Marie, mère du Seigneur, figure de l’Église, Cerf, p. 40)

I. – LA FOI DE L’ÉGLISE

C’est un fait indubitable et fort impressionnant : l’Église, dès les tout premiers siècles, a tenu pour vérité de foi et enseigné la conception virginale du Christ et la virginité perpétuelle de Marie. Cela, bien avant que ne fut reconnue et solennellement proclamée son Immaculée-Conception.

Les Pères de l’Église, dès les tout premiers siècles, qualifient Marie de « Vierge », « Toujours Vierge » », « Vierge-Mère », « Mère-Vierge ». Ainsi Saints Ignace (+ 107), Polycarpe (+155), Justin (+ 165), Irénée (+ 202).

Le Symbole des Apôtres proclame, du Christ : « Qui a été conçu de l’Esprit-Saint, est né de la Vierge Marie.» Et le symbole de Nicée (325) : « Par l’Esprit-Saint, il a pris chair de la Vierge Marie. »

Si aucun décret conciliaire ne définit solennellement la virginité perpétuelle de Marie, tous les Conciles considèrent cette vérité comme absolument et communément reçue, y faisant fréquemment référence. Ainsi, tout particulièrement le 1er Concile du Latran (649) :
— « Suivant les pères,  la sainte, toujours vierge et immaculée Marie est proprement et véritablement mère de Dieu, puisqu’elle a conçu sans semence, du Saint-Esprit, le Verbe, et l’a enfanté sans corruption, sa virginité demeurant indissolublement même après l’enfantement. »

le Concile Vatican II, au début du chapitre 8 de Lumen Gentium, affirme que Marie est vierge en la conception du Christ, en référence aux conciles antérieurs : « [Le fils de Dieu] « à cause de nous les hommes et pour notre salut, descendit du ciel et prit chair de la Vierge Marie par l’action du Saint-Esprit ». » (LG 52)

La virginité de Marie est  en relation avec la nature divine du Christ. Cette virginité physique est aussi spirituelle car Marie a conçu en premier dans son cœur : « Elle reçut le Verbe de Dieu à la fois dans son cœur et dans son corps » (LG 53)

Marie est vierge dans l’enfantement du Christ, selon les conciles et  saint Léon le grand (repris par la liturgie) : « Cette union de la Mère avec son Fils dans l’œuvre du salut est manifeste dès l’heure de la conception virginale du Christ jusqu’à sa mort (…) lors de la Nativité ensuite, quand la Mère de Dieu présenta dans la joie aux pasteurs et aux mages son Fils premier-né, dont la naissance était non la perte mais la consécration de son intégrité virginale. » (LG 57)

La virginité de Marie est liée à son union au Christ. Marie est vierge après l’enfantement du Christ, ceci est exprimée par l’idée de consécration de Marie, sa virginité est consacrée par l’enfantement (LG 57), et Marie, dès le Oui de l’Annonciation, se consacre, se livre, se donne entièrement à l’œuvre de son Fils, une œuvre qui ne réduit pas à sa naissance mais qui dure ensuite jusqu’au salut de tous les hommes : « « Voici la servante du Seigneur, qu’il en soit de moi selon ta parole » ( Lc 1,38 ). Ainsi Marie, fille d’Adam, donnant à la parole de Dieu son consentement, devient Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la personne et à l’œuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce du Dieu tout-puissant au mystère de la Rédemption. » (LG 56)Nous le savons, « la loi de la prière est une loi de croyance ». Or la liturgie proclame, en bien des occasions, la virginité perpétuelle de Marie. Dans le Canon Romain elle est commémorée : « Dans la communion de toute l’Église nous voulons nommer en premier lieu la bienheureuse Marie toujours Vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur, Jésus-Christ.»   Dans la Préface de la Messe de la Vierge : « Sans rien perdre de la gloire de sa virginité, elle a mis au monde la lumière éternelle. » Le cantique — « Inviolata, integra et casta est Maria »…

II. – L’ÉCRITURE

Cette foi de l’Église en la virginité perpétuelle de Marie, foi que la Tradition nous transmet, très ferme et très vivante, depuis les tout premiers siècles, cette foi, cet enseignement reposent sur l’Écriture, dont l’Église a reçu le dépôt.En Luc I, 36-38 : La réponse de Marie à l’Ange est parfaitement claire : Marie, au jour de l’Annonciation, ne connaît pas d’homme, et est bien résolue à n’en jamais connaître à l’avenir. Si la réponse de Marie ne portait aussi bien sur l’avenir que sur le passé, elle n’aurait aucun sens, serait enfantine, d’une naïveté qu’on ne saurait prêter à cette jeune femme.Si, comme on peut l’admettre légitimement et comme l’admettent bien des exégètes, le récit de l’Annonciation est une « construction littéraire » de Luc, celui-ci aurait mis sur les lèvres de Marie l’objection de sa virginité pour amener l’Ange à affirmer qu’elle concevrait, non par son union à un homme, mais par la toute-puissante intervention de Dieu, ce qui est l’essentiel. De toutes façons la réponse de l’Ange est fort nette :

« L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu… » I, 35.

Car — « Rien n’est impossible à Dieu» : rien ; même pas de concilier en Marie une virginité qu’elle veut perpétuelle, et la maternité qui lui est annoncée.Marie a fort bien compris ; aussi, entièrement rassurée, s’abandonnant à la Parole de Dieu, elle donne son entier et libre acquiescement :

« Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta Parole ».En Matthieu I, 18-25, nous trouvons aussi affirmée, d’une façon différente, mais non moins nette, la conception virginale de Marie. Notons-le tout d’abord : il est très frappant de constater que Matthieu, voulant souligner la descendance davidique de Jésus-Messie, donne sa généalogie d’homme à homme. Or, parvenu au dernier chaînon, il note fermement que Jésus est né de Marie (et non de Joseph, ni de Marie et de Joseph) :

« Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus que l’on appelle Christ. »Matthieu, sans aucun doute, veut nous affirmer que Jésus n’a pas été engendré selon les lois habituelles de la nature, mais par la toute-puissance divine :

« Voici comment Jésus-Christ fut engendré… Or, avant qu’ils eussent mené la vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint… Joseph, son époux… résolut de la répudier sans bruit… L’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit :  ‘Joseph, fils de David, ne crains point de prendre chez toi Marie, ton épouse : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit-Saint…’ ».Y a-t-il affirmation plus nette que Marie a conçu Jésus sans perdre sa virginité ? Les précisions claires de saint Matthieu (1, 18-25) et de saint Luc (1, 27, 34-35), ainsi que la version apparemment la plus cohérente de saint Jean (1, 13), obligent donc la foi chrétienne authentique à confesser la virginité de Marie avant la naissance du Christ.

Le témoignage des évangélistes sur la conception virginale de Jésus est donc fort net et ne saurait sans violence être dissocié de l’ensemble de leur témoignage sur toute la vie du Seigneur. Que Jésus fût né de la Vierge et qu’Il fût Fils de Dieu ne constitue pour eux qu’une seule et même réalité… Ils rattachent son origine humaine à la seule action de l’Esprit-Saint.

III. –  LE  TITRE  DE  VIERGE

La virginité de Marie est un donné objectif indubitable du texte. du Nouveau Testament. Mais quelle signification faut-il donner à ce titre de « Vierge » que saint Luc se plaît à souligner dans le récit de l’annonciation ?Il faut noter tout d’abord que dans l’Ancien Testament ce titre de vierge a souvent un caractère péjoratif. La fille de Jephté pleure sa virginité (Jug. 11, 38), c’est-à-dire le fait de mourir sans avoir pu connaître l’honneur du mariage et de la maternité. Le titre de vierge donné à la Fille de Sion, symbole du peuple d’Israël, a parfois aussi le sens d’un opprobre (Joël 1, 8 ; Amos 5, 2 ; Lam. 1, 15 ; 2, 13).

Dans ces textes, la virginité de la Fille de Sion, symbole d’Israël, qui attend l’enfantement messianique, mais n’y parvient pas encore, constitue pour elle une peine, car elle redoute la mort sans avoir connu la maternité, la naissance du Messie qui doit la délivrer pour toujours de sa honte et de sa souffrance.Or Marie, Fille de Sion, vierge aussi, s’entend promettre la maternité inouïe, tant attendue, du Messie de Dieu. Sa virginité qui la désigne une fois de plus comme la Fille de Sion, ne peut plus être un opprobre, puisqu’elle va être féconde et donner naissance au Fils de Dieu.Si la virginité, sans espoir de mariage et de maternité, était chose triste en Israël, cet état était cependant considéré avec honneur et mis en relation avec les fonctions sacrées, de même que la continence (Lév. 21, 7, 13 ; Ez. 44, 22).

A l’approche de l’ère chrétienne, cette conception de la virginité avait pris un sens mystique. Dans la littérature de Qumrân, nous voyons que durant la guerre eschatologique, le camp des « fils de lumière » est interdit aux femmes. Les « fils de lumière » sont associés à l’armée céleste, ils sont dans la proximité de Dieu et donc tenus à une vie angélique (Rouleau du Combat, 7, 3-4). On trouve la trace de cette conception d’un rapport entre virginité ou continence et proximité avec Dieu dans la littérature rabbinique. Cette tradition affirme que Moïse s’est séparé de sa femme Sipporah depuis la vision du buisson ardent :
« … ce Moïse de chair et de sang se sépara de sa femme le jour où tu lui es apparu dans le buisson. » (Midrash Petirat Mosheh)

La tradition rabbinique n’a évidemment aucun caractère normatif pour nous, mais elle peut éclairer une mentalité. On a cru trouver dans l’Épitre aux Galates une tradition selon laquelle Sara aurait conçu Isaac de façon miraculeuse (4, 22-31) ; la prophétie d’Isaïe (54, 1) concernant la Fille de Sion est appliquée à Sara, puis à l’Église, « Jérusalem d’en haut, notre mère » :

« Réjouis-toi, stérile qui n’enfantais pas,
éclate en cris de joie et d’allégresse,
toi qui n’as pas connu les douleurs !
Car plus nombreux sont les fils de l’abandonnée
que les fils de celle qui a un homme » (Gal. 4, 27).

Et plus loin il est question de « l’enfant selon la chair » (Ismaël) et de « l’enfant selon l’Esprit » (Isaac), mis en comparaison avec Israël selon la chair et Israël selon l’Esprit, l’Église. Le récit de la naissance d’Isaac se prêtait à cette interprétation miraculeuse : « Yahvé visita Sara comme il avait dit et il fit pour elle comme il avait promis. Sara conçut et enfanta à Abraham un fils dans sa vieillesse, au temps que Dieu avait marqué. Au fils qui lui naquit, enfanté par Sara, Abraham donna le nom d’Isaac. » (Gen. 21, 1-3)

Il est clair que la tradition qui entoure la naissance du Christ est riche de cette idée que la proximité de Dieu entraîne, pour les héros de la foi, virginité et continence. Cette tradition judaïque, non canonique, permet de comprendre la mentalité concernant ce problème de la virginité au temps de la naissance du Christ, et a certainement permis aux Évangiles de Luc et de Matthieu de donner à la virginité de Marie toute sa signification spirituelle.

La Vierge Marie qui enfante le Messie est la Fille de Sion, mais sa virginité n’est plus un opprobre, puisque par l’Esprit elle devient féconde. Bien au contraire, cette virginité est le signe de la proximité de Dieu et de Marie. Par là, selon la tradition judaïque ambiante, elle est dans la lignée de Sara qui enfanta « selon l’Esprit », de Moïse et de Sipporah, séparés par la vocation unique de Dieu au buisson ardent, des « fils de lumière » associés aux anges dans le combat final.

IV. –  L’OBJET DE LA FOI DE L’ÉGLISE

Quel est l’objet de la foi de l’Église, quel est le contenu de son enseignement le plus traditionnel, touchant la virginité perpétuelle de Marie ?

1° Marie est demeurée vierge avant et dans la conception même du Christ. Ce que nous écartons de la conception virginale, c’est le rôle qu’y joue l’homme.  Le miracle de la conception virginale ne comporte pas seulement l’exclusion de cette union sans laquelle la rencontre des cellules est impossible. Rien d’étranger à la substance de la Vierge n’est venu l’altérer.La toute-puissance divine donne à la cellule issue de la puissance génératrice ce qui lui manque naturellement pour pouvoir devenir la cellule initiale d’un autre être.

2° Marie est demeurée vierge en son enfantement.L’étonnant et cruel déchirement de l’enfantement, elle ne l’a pas connu. Peut-être en était-il ainsi dans l’état d’innocence, et les organes se prêtaient-ils sans effort au passage joyeux du nouveau petit être, à cette fructification triomphale de la femme. Mais un miracle de la délicatesse divine s’ajoute à cette restauration de l’état originel de la femme. Marie reste vierge, ce qui veut dire que le signe matériel de la virginité n’est pas plus brisé par l’enfant naissant que la porte du tombeau ne le sera par Jésus-Christ ressuscitant.

3° Marie est demeurée vierge après la naissance de Jésus.Elle n’eut d’autre enfant que Jésus et vécut dans une continence absolue. Il nous est rapporté par Jean XIX 26 qu’avant de mourir Jésus lui confia sa mère. Selon la pensée et les mœurs juives, toute femme devait vivre sous une protection masculine. Ce passage de Jean  laisse nettement entendre que Joseph était mort alors, et que Marie n’avait pas d’autre enfant. Si elle en avait eu, Jésus ne l’eût pas confiée à Jean, mais à ses frères.

V. – SENS DE LA VIRGINITÉ PERPÉTUELLE DE MARIE

La virginité perpétuelle de Marie est une vérité de foi, entraînant une certitude morale, non pas scientifique. Nous y croyons parce que, se basant sur l’Écriture, l’Église n’a cessé d’y croire et de l’enseigner.La virginité perpétuelle de Marie ne s’imposait absolument pas à la réalisation du Dessein de Dieu. Mais si Dieu l’a voulue, c’est sans aucun doute pour des raisons de haute convenance qu’il nous est bien permis de découvrir:

1°  La conception virginale de Jésus est le signe de sa filiation divine.

Le Verbe de Dieu eût pu s’incarner sans le miracle de la conception virginale. Il eût pu assumer la nature humaine dans l’instant même où celle-ci eût commencé d’exister selon les lois biologiques de toute conception humaine.

Mais afin de montrer que Jésus n’avait de vrai père que Lui-même, Dieu voulut en Sa sagesse que le Christ fût conçu sans l’intervention d’un père selon la chair : l’origine miraculeuse du Christ, aux yeux de l’Église, manifeste avec force sa divinité. Fils Unique de Dieu, le Christ, même ici-bas, n’a d’autre père que Dieu Lui-même :

Il s’agit pour Dieu de s’insérer dans sa création, de s’unir en personne à ce qu’il fait surgir du néant. Il s’agit d’une sorte de commencement absolu, d’une création nouvelle, du point de départ d’un renouvellement universel. Que par un acte de la toute-puissance divine, le Verbe créateur se soit formé lui-même la chair qu’il voulait sienne, et dans le moment même où il la faisait sienne, quoi de plus naturel, à l’intérieur du «surnaturel» ? Ne convenait-il pas souverainement que l’initiative divine apparût dans tout son éclat et que, même là où la créature avait à jouer son rôle, ce fût seulement en adhérant à ce que faisait Dieu ? Il en est de la conception virginale comme il en sera de la résurrection et de la transsubstantiation : plutôt que d’une transgression des lois de nature, il vaut mieux parler d’une nouvelle création.

Le sens de la conception virginale est avant tout de manifester celui de l’Incarnation : pure initiative de Dieu que sa venue personnelle dans la chair ; nouveau commencement de toutes choses, recréation universelle dans cette chair assumée par le Créateur.

2° La virginité perpétuelle de Marie est le signe des liens tout particuliers qui l’unissent à Jésus.

« La virginité de Marie lui confère un caractère de consécration : elle est mise à part pour devenir miraculeusement la mère du Messie. Son rapport unique avec l’Esprit la situe dans une telle proximité de Dieu qu’elle doit rester seule pour signifier à nos yeux ce choix unique de son Seigneur. »  (Max Thurian, p.49)L’union conjugale est une valeur en soi parfaitement saine et pure, qui peut et doit être sainte et sanctifiante. Elle est le signe d’un amour consacré par Dieu. Elle est le signe de la totale, mutuelle et exclusive appartenance des époux et de leur désir d’une très parfaite unité, d’une complète fusion.

« La grandeur et la beauté de la virginité ne réclament aucunement que soit déprécié le mariage et méprisé l’amour humain. Elle affirme son excellence sans détriment pour les autres valeurs nécessaires, même quand elle se fait préférer. Cependant l’homme est défiant de soi et peu sûr de ses choix, sa pente naturelle est de disqualifier ce qu’il ne choisit pas. C’est ainsi, qu’en fait, il est souvent arrivé autrefois que l’exaltation de la virginité s’accompagne d’un fâcheux discrédit jeté sur l’état de mariage, sur un oubli pratique des grandeurs de la maternité. Inversement le retour des modernes à une plus juste appréciation de la valeur humaine et chrétienne de l’amour ne va pas sans une mise en question, parfaitement injustifiée, de la précellence accordée depuis toujours dans l’Église à la virginité. L’image lumineuse de cette Femme bénie, qui par les voies de la virginité parfaite a été conduite à la plus haute et la plus complète des maternités, est bien faite pour révéler à l’humanité le sens vrai de la virginité, qui n’est pas mutilation et rétrécissement, mais au contraire valeur positive et épanouissement. » (J.-H. Nicolas, O. P., La Virginité de Marie, étude théologique, Éditions universitaires (Collectanea Friburgensia), Fribourg, p. 83)

Or Marie n’avait d’autre raison de vivre que Son Fils. Tout son cœur, tout son amour, toute sa vie, tout son être Lui étaient consacrés. La virginité perpétuelle de Marie est le signe de cette totale consécration de Marie à Son Fils, le signe de cette union d’une nature et d’une qualité toutes spéciales de la Mère et du Fils.

La signification la plus profonde, la plus personnelle de la virginité de Marie est de réserver… toute sa personne à celui qui devient son enfant et qui est Dieu lui-même. Celui qui est pour elle l’unique « autre » avec lequel elle formera la plus étroite communauté de personnes et de vie, ce sera son Fils. La virginité de Marie exprime sa consécration au Verbe qui s’incarne en elle. Ce mystère est donc celui d’une maternité plus exclusive, plus totale que ne le serait une maternité simplement humaine. Il nous révèle le sens le plus profond de sa maternité divine et à quel point elle est, par pure grâce, l’union de toute sa personne à celle de Dieu qui s’incarne en elle.

« Elle est vierge, mise à part, consacrée, parce qu’elle est prédestinée à une visite unique de son Seigneur : l’Esprit-Saint va venir sur elle, et la puissance du Très-Haut va la prendre sous son ombre ; la Nuée lumineuse va l’envelopper comme Moïse sur le Sinaï (Ex. 24, 16-18), comme la Tente de Réunion au désert (Ex. 40, 34-35), comme le Christ, Moïse et Élie à la Transfiguration (Luc 9, 34). Bien plus, elle va recevoir comme fils Dieu lui-même en son incarnation : elle va être la Demeure de Dieu que remplit la Gloire de Yahvé (Ex. 40, 35). Cet événement unique dans l’histoire du salut donne à Marie ce caractère sacral qui la met à part, et dont la virginité est le signe. Bien qu’elle reste pleinement humaine, une créature, elle est «bénie entre les femmes», elle occupe une situation unique dans le plan de Dieu, et c’est de ce mystère exceptionnel que la virginité est le signe : Marie est seule avec Dieu pour le recevoir, car la plénitude du Seigneur va habiter en elle et rien d’autre ne peut la combler. Il faut que cette plénitude soit reçue sans aucun secours humain, dans la pauvreté de la Vierge d’Israël, Fille de Sion, Comblée de grâce. Ici, la virginité apparaît à la fois comme un signe de consécration et comme un signe de solitude et d’impuissance qui glorifie la plénitude et la puissance de Dieu : « La puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. » (Max Thurian, p. 50)

3° La virginité perpétuelle de Marie est le signe de son amour du Père et de sa participation à son œuvre divine.

Avant d’être Mère de Son Fils, dans une communion d’être, d’amour et de vie si profonds, si intimes que l’on a pu parler de « maternité sponsale » (l’âme de la Vierge étant épouse du Verbe, son Fils), Marie est Fille de Dieu. Sa virginité est la preuve, le signe, l’exigence de son amour de Dieu :

« Marie devait concevoir la virginité comme le signe le plus vif d’une consécration totale au Dieu créateur de son esprit. Or, le plus pur de la tradition juive est dans la notion qu’Israël se faisait de Dieu, élevé au-dessus de toute nature, un, unique, transcendant, irreprésentable, innommable. Que nous soyons faits homme et femme à l’image et à la ressemblance de cet unique solitaire, la Vierge le savait aussi. L’expérience qu’elle avait pu avoir de sa différence avec les autres n’avait fait qu’accroître en elle l’appel de la solitude. Et quand elle s’aperçut qu’elle était une femme, elle comprit que cette possibilité si honorable d’être mère, elle devait y renoncer pour s’unir davantage aux autres et à Dieu. Comme le suggère la pensée juive sur l’offrande des prémices, le meilleur usage que l’on puisse faire de la meilleure des choses est de la sacrifier.» (Jean Guitton. La Vierge Marie P. 32).

La virginité consacrée est essentiellement cela, et elle le fut éminemment pour Marie : un don d’amour, une offrande, une consécration, un élan : tellement forts, tellement irrésistibles qu’ils saisissent tout l’être : non seulement l’âme, mais le corps, l’être tout entier. Toute la puissance affective que contient le cœur de toute femme était absorbée, polarisée, en Marie, par son amour de Dieu.

« Parce qu’elle est la Comblée-de-grâce, l’objet d’un choix unique de Dieu lui valant une plénitude de grâce, Marie est sainte et elle est vierge. La plénitude de grâce, dont elle est l’objet, produit en elle une sainteté unique et la situe dans une relation si unique avec Dieu que rien d’autre ne peut venir la combler ; sa virginité est le signe de cette pleine suffisance de l’amour de Dieu pour elle ; elle n’a rien d’autre à attendre que la présence merveilleuse du Seigneur par une conception miraculeuse. Marie vit saintement dans la virginité ; elle est, comme on l’appelle souvent, la sainte vierge ; mais il importe de distinguer sainteté et virginité pour bien les comprendre dans leur portée réelle, dans leur dépendance directe de la plénitude de grâce que lui vaut son élection. » (Max Thurian, Marie mère du Seigneur figure de l’Église, Cerf p.49)

Et s’il convenait que l’enfantement du Christ fût virginal, c’est qu’il était en quelque sorte le reflet, le prolongement de l’éternelle et toute spirituelle génération du Verbe et préparait la toute spirituelle naissance du Christ en chacune de nos âmes.

La génération éternelle du Verbe est purement spirituelle. La naissance historique du Christ devait participer à ce caractère purement spirituel, en être en quelque sorte le signe.

Tout en même temps la naissance virginale du Christ est l’image très parfaite et le gage de sa naissance en chacun de nous : naissance d’ordre tout spirituel et surnaturel aussi :

« A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, Lui que ni sang, ni vouloir de chair, ni vouloir d’homme, mais Dieu a engendré. » Jean  I, 12-13.

4° La virginité de Marie est aussi un signe d’humilité, d’attente de Dieu, qui seul, dans sa plénitude, peut combler ceux qu’il choisit.

La virginité est un signe de totale confiance en Dieu qui enrichit les pauvres que nous sommes. Par là elle est aussi un appel à la contemplation qui seule doit et peut combler celui qui n’attend rien de l’homme et tout de Dieu.« La virginité de Marie est absence de l’amour humain, comme éros, qui, selon l’ordre de la création, peut amener un être nouveau à la vie. L’amour humain est une possession de l’homme et un pouvoir de création.

Afin de signifier que le Fils de Dieu est véritablement venu du Père, dès le moment de sa conception, que le salut n’est donc pas le fruit d’une œuvre humaine, le Seigneur a choisi une vierge pour naître parmi nous. La lecture la plus cohérente du prologue de l’Évangile de saint Jean éclaire bien cette signification de la virginité: « Lui (le Christ) que ni sang, ni vouloir de chair, ni vouloir d’homme, mais Dieu a engendré » (Jean 1, 13).

Quelle que soit la position que l’on prenne à l’égard de cette version peu courante, mais parfaitement plausible, elle exprime exactement le sens de la virginité de Marie. Marie est vierge pour signifier que c’est Dieu qui a engendré le Christ, que le Sauveur n’est pas un surhomme, fruit de l’effort humain vers la délivrance. Ni le sang, c’est-à-dire ni l’hérédité humaine, ni vouloir de chair, c’est-à-dire ni l’effort de la créature pécheresse, ni vouloir d’homme, c’est-à-dire ni la décision d’un père humain, ne sont à l’origine de notre salut éternel, mais seulement Dieu en son dessein éternel, qui a prédestiné la Vierge Marie pour engendrer en elle et faire naître par elle son Fils unique, Sauveur du monde. Tout est de lui et par lui dans cet acte premier de l’incarnation. » (Max Thurian, p. 51)

La virginité de Marie est donc le signe de la pauvreté et de l’incapacité de l’homme à opérer sa délivrance, à faire apparaître l’être parfait qui pourra le sauver. Dans son cantique, le Magnificat, Marie confessera sa pauvreté devant la plénitude de Dieu: « Il a jeté les yeux sur l’humilité de sa servante » (Luc 1, 48). Ce n’est pas une confession de péché, mais la simple affirmation que Marie, dans son humilité de « pauvre d’Israël », attend tout de son Seigneur et de sa plénitude. Sa virginité est le signe de son humilité et de son attente, elle est le signe qu’elle est une créature humble qui attend tout de son Créateur. Le Seigneur est avec elle, l’Esprit-Saint vient sur elle, la puissance du Très-Haut la couvre de sa Nuée lumineuse, comme l’Arche d’alliance, pour faire en elle sa demeure. Vierge, elle manifeste que tout en elle vient du Très-Haut, qu’elle n’a en rien participé à l’effort humain pour accéder au salut.

Comblée de grâce, tout est grâce en elle, pur don de l’amour qui ne vient que de Dieu.Il faut aussi rapprocher de ce caractère de pauvreté, que signifie sa virginité, le fait que celle-ci sera provisoirement un opprobre pour elle : le doute de Joseph « résolu à la répudier sans bruit » avant que l’Ange ne le rassure (Mat. 1, 18-25), l’étonnement possible de son entourage… Marie doit accepter ce doute et cet étonnement comme une forme de sa pauvreté, de son humilité, de son service du Créateur qui a voulu cette virginité, pour magnifier la gloire de sa toute-puissance et de son œuvre rédemptrice, son œuvre à lui seul, Dieu qui descend jusqu’à nous pour être Dieu avec nous, Emmanuel.

La virginité de Marie, signe de sa pauvreté et de son humilité qui attend tout de Dieu, sa plénitude, est aussi une disposition à l’amour contemplatif de la création pour son Créateur. Parce que Marie, en vue de la naissance du Messie, ne connaît pas d’autre amour que celui de Dieu, communion unique avec lui, elle est tout entière tournée vers lui, dans l’attente de sa réponse. Seule dans cet amour et cette intimité avec le Seigneur, elle n’a que lui à aimer dans une pure contemplation. Il est son unique appui, sa promesse, sa joie, son attente, sa défense et sa justification.

Sa virginité la prédispose ainsi à une vie contemplative dans la paix de l’attente du Créateur qui va devenir son fils, qu’elle va porter et enfanter pour le salut et la joie du monde entier. Il y a, dans cette virginité, une solitude contemplative de Marie qui éclatera devant Élisabeth, lorsque retentira le Magnificat. Plusieurs fois dans l’Évangile, nous retrouverons les traces discrètes de cette vie contemplative de Marie, qui s’alimente au mystère de l’incarnation merveilleuse de Dieu, fils d’une vierge pour manifester sa gloire et sa puissance, le pur don de son amour aux hommes, dont il vient partager l’humble destinée.

VI. – DANS LA LUMIÈRE DE LA VIRGINITÉ DE MARIE

Disons d’abord que la virginité physique de Marie est aussi une virginité spirituelle, qui est liée à la maternité spirituelle de Marie : « En concevant le Christ, en le mettant au monde, en le nourrissant, en le présentant dans le Temple à son Père, en souffrant avec son Fils qui mourrait sur la croix, elle apporta à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. C’est pourquoi elle est devenue pour nous, dans l’Ordre de la grâce, notre Mère. » (LG 61)La virginité spirituelle de Marie est un modèle pour tous les fidèles : « [Marie offre le] modèle de la vierge et de la mère : c’est dans sa foi et dans son obéissance qu’elle a engendré sur la terre le Fils du Père…» (LG 63)

« L’Église aussi est vierge, ayant donné à son Époux sa foi, qu’elle garde intègre et pure ; imitant la Mère de son Seigneur, elle conserve, par la vertu du Saint-Esprit, dans leur pureté virginale une foi intègre, une ferme espérance, une charité sincère . » (LG 64)

Rappelons-nous le sens profond, les bienfaits, les exigences de la virginité consacrée:Le vœu de chasteté parfaite n’a de sens et de valeur, n’est authentique et viable qu’animé, éclairé, soutenu par un amour passionné du Christ, de l’Église et des hommes. Bien loin d’être un renoncement à l’amour il exprime une volonté d’amour plus plénier, dans une plus totale disponibilité à Dieu et aux autres.La virginité physique n’a de valeur que comme signe de la consécration au Seigneur de notre «cœur» qui veut n’avoir besoin que de Lui.

Le vœu de chasteté n’est authentiquement vécu que s’il nous pousse à connaître toujours mieux le Christ, à L’aimer toujours davantage, à vivre en son intimité, à participer très activement à Son Œuvre.Pas plus que la virginité de Marie ne l’a empêchée d’aimer son époux, Joseph, d’un amour vraiment marital encore qu’ayant dépassé le besoin d’expression charnelle, le vœu de chasteté ne s’oppose à toute affection, à toute amitié vraiment noble, chaste et désintéressée.

Bien loin d’éteindre ou de mettre en veilleuse notre puissance d’amour, notre vœu de chasteté parfaite élargit immensément le cercle de ceux que nous voulons aimer, et donne à l’amour que nous leur portons une qualité plus difficile à atteindre lorsqu’on est engagé dans les liens du mariage.

Si des règles d’authentique prudence nous sont indispensables, dictées par notre délicatesse et notre humilité, ce ne sont pas finalement un costume religieux, une clôture, la fuite du Monde et de la vie, qui nous garderont, mais bien un amour passionné et sans cesse renouvelé du Seigneur et des autres.

Plusieurs fois, dans l’Évangile, le célibat, la continence ou la virginité sont mis en relation avec la venue du Royaume (Mat. 19, 12, 29 ; Marc 10, 29 ; Luc 18, 29 ; 20, 35 ; voir 1 Cor. 7, 29). Certains dans l’Église reçoivent un appel à renoncer au mariage et à la famille: « Entende qui peut entendre », dit le Christ (Mat. 19, 12). La virginité de Marie, comme celle de Jésus,  est signe que Dieu accomplit un acte vraiment nouveau, que le temps  s’accomplit et que le Royaume est proche.

MYSTÈRE DE MARIE VI : Celle qui a cru !

Visitation par Pinturicchio - détail
Visitation par Pinturicchio – détail

L’étude et la méditation de la foi de Marie se situent au cœur de l’Évangile :

La Béatitude de Marie, c’est sa foi.
Marie, dans la foi, accueille la parole de Dieu.
Dans la foi, Marie accueille Celui qui est « la Parole ».
Le pèlerinage de la foi de Marie éclaire celui de tous les hommes.

Voici ce que disait Jean-Paul II lors de son audience générale du mercredi 21 mars 2001 sur « Marie, pèlerin de la foi ».

« La page de Luc [la Visitation] nous présente Marie comme pèlerin d’amour. Mais Élisabeth attire l’attention sur la foi de celle-ci et prononce à son égard la première Béatitude des Évangiles:  « Bienheureuse celle qui a cru ». Cette expression est « en quelque sorte une clef qui nous fait accéder à la réalité intime de Marie » (Redemptoris Mater, n. 19). Nous voudrions donc, comme couronnement des catéchèses du grand Jubilé de l’An 2000, présenter la Mère du Seigneur comme pèlerin dans la foi. En tant que fille de Sion, elle se place sur les traces d’Abraham, celui qui avait obéi par foi, partant « vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait » (He 11, 8). »

Ce symbole de la pérégrination dans la foi illumine l’histoire intérieure de Marie, la croyante par excellence, comme le suggérait déjà le Concile Vatican II:  « Ainsi la bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la croix » (Lumen gentium, n. 58). L’annonciation « est le point de départ de l’itinéraire de Marie vers Dieu » (Redemptoris Mater, n. 14):  un itinéraire de foi qui connaît le présage de l’épée qui transperce l’âme (cf. Lc 2, 35), qui passe à travers les voies tortueuses de l’exil en Égypte et de l’obscurité intérieure, quand Marie « ne comprend pas » l’attitude de Jésus âgé de douze ans dans le temple mais, toutefois, « garde fidèlement toutes ces choses en son cœur » (Lc 2, 51).

Ce symbole de la pérégrination dans la foi illumine l’histoire intérieure de Marie, la croyante par excellence, comme le suggérait déjà le Concile Vatican II:  « Ainsi la bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la croix » (Lumen gentium, n. 58). L’annonciation « est le point de départ de l’itinéraire de Marie vers Dieu » (Redemptoris Mater, n. 14):  un itinéraire de foi qui connaît le présage de l’épée qui transperce l’âme (cf. Lc 2, 35), qui passe à travers les voies tortueuses de l’exil en Égypte et de l’obscurité intérieure, quand Marie « ne comprend pas » l’attitude de Jésus âgé de douze ans dans le temple mais, toutefois, « garde fidèlement toutes ces choses en son cœur » (Lc 2, 51). »

I. — LA BÉATITUDE DE MARIE, C’EST SA FOI

L’Évangile est à la lettre la « Bonne nouvelle du salut », l’annonce du bonheur mis par Dieu à la portée de l’homme qui adhère à sa Parole-fait-chair ; Jésus-Christ, son Fils. La principale annonce de ce bonheur, de cette joie a d’abord été portée par l’ange Gabriel à celle que Dieu avait spécialement choisie pour réaliser son dessein de salut, la Vierge Marie :

Réjouis-toi, comblée de grâces (favorisée de Dieu), le Seigneur est avec toi. (Luc 1, 28).

Au jour de la Visitation, Elisabeth, faisant écho à cette annonce proclame le même bonheur, réservé par grâce, à la Vierge, sa cousine :

Tu es bénie entre toutes les femmes et béni, le fruit de tes entrailles.
… Bienheureuse, toi qui as cru que s’accomplirait ce qui t’a été dit de la part du Seigneur (Luc 1, 42, 45).

La Béatitude propre de Marie, proclamée par l’ange et par Élisabeth, n’est donc autre que le bonheur de « celle qui a cru à la parole de Dieu ». Marie inaugure le règne universel d’un bonheur « qui n’est pas de ce monde », promis à ceux qui croient :

Bienheureux, vous les pauvres !… (Luc 6, 20 ss.).

Marie est la première sur le plan de la foi car son assentiment à la parole de l’ange lui confère ce privilège de devenir la Mère de Dieu et notre mère. Mais on aurait tort d’inférer de cette dignité hors pair que son acte de foi et que sa vie de foi se situent sur un autre plan que celui et celle de tous les hommes. C’est le contraire sans doute que voulait faire comprendre le Seigneur à cette femme qui, devant lui, magnifiait la maternité purement physique de Marie, sa mère :

Bienheureuses, les entrailles qui t’ont porté !
Bienheureux, les seins que tu as sucés! (Luc 11, 27-28).

Jésus répond:

Bienheureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent ! (Luc 11, 27-28).

Sur ce plan-là aussi, Marie était la première, et c’est à bon droit que « toutes les générations » peuvent la proclamer « bienheureuse » (Luc 2, 48). Aussi, étudier et méditer la foi de Marie, comme nous allons essayer de le faire, est-ce emprunter une voie privilégiée pour approfondir le mystère de notre propre foi, condition de notre propre béatitude au-delà de toutes les obscurités et difficultés de la vie présente.

II. — DANS LA FOI, MARIE ACCUEILLE LA PAROLE DE DIEU

C’est surtout dans l’Évangile de saint Luc, qu’apparaît, au cœur même du récit de l’annonciation, la foi de Marie. Par là même, elle nous donne de comprendre que croire, c’est accueillir la parole de Dieu, lui « ouvrir ses oreilles », lui obéir, et enfin la « garder », c’est-à-dire « la mettre en pratique ». Marie écoute les paroles de l’ange, si surprenantes qu’elles puissent lui paraître :

Voici que tu concevras et enfanteras un fils… (Luc 1, 31 et ss.).

Ces paroles évoquent la « Vierge » annoncée par Isaïe « qui concevra et enfantera un fils » (Isaïe, 7, 14), la « femme » avec son « lignage », évoquée par Dieu à la suite du premier péché (Genèse, 3, 15). Elles marquent l’accomplissement des « promesses faites à Abraham et à sa descendance à jamais » (Luc 1, 55), comme Marie elle-même le proclame dans son Magnificat. Et pourtant, sur l’heure, ces paroles la « bouleversent » et « elle se demande ce que signifie cette salutation    (Luc 1, 29).

Réaction normale : quand Dieu se manifeste, quand il fait irruption dans la vie d’un homme ou d’une femme, il apparaît comme le « Tout Autre ». Moïse, Élie, Isaïe ou Jérémie dans la Bible, ont fait eux aussi cette expérience. Pour nous, n’est-il pas tout à fait normal en un sens aussi, qu’à tel ou tel moment de notre vie, nous nous sentions interpellés par la parole de Dieu, qu’elle nous bouleverse, ou même nous empêche de dormir ? Ce serait le contraire qui serait inquiétant : Vivante, en effet, est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’aucun glaive… pour juger les sentiments et les pensées du cœur… (Hébreux, 4, 12).

Malgré son trouble, Marie n’a pourtant pas négligé de prêter attention au message de l’ange : elle « écoute ce qui lui est dit de la part de Dieu ». Elle en saisit si bien le sens à la lumière des promesses messianiques de l’Ancien Testament (2 Samuel 7, 1 ; Isaïe, 9, 6 ; Daniel, 7, 14) qu’elle en éprouve une nouvelle frayeur : Comment peut-il se faire qu’elle ait été choisie pour donner un fils à son peuple, elle qui a voué à Dieu sa virginité pour lui manifester le don total d’elle-même ? Ce propos antérieur ne rend-il pas contradictoire et donc « impossible » l’«accomplissement de ce qui lui vient d’être dit de la part du Seigneur ?»

La parole de Dieu (et son contenu) nous déconcerte aussi très souvent parce qu’elle nous met en face de réalités insoupçonnées encore. Elle nous apparaît aussi comme exigeant de nous des décisions à première vue impensables, contradictoires même, incohérentes, en rupture avec le passé. Déjà dans l’Évangile, les disciples ont éprouvé à plusieurs reprises cette impression : « Cette parole est dure (scandaleuse) et qui peut l’écouter ? » disent-ils, quand Jésus leur annonce qu’il est le « pain de vie descendu du ciel » et qu’il faut « manger sa chair » et « boire son sang » (Jean 6, 60 ; 6, 35, 51, 58 ; 53, 58). Marie, elle, ne met pas en doute la parole de Dieu. Elle ne la met pas en question comme Zacharie, qui, dans une situation analogue a exigé des preuves tangibles :

Qu’est-ce qui m’en assurera, car je suis un vieillard et ma femme est avancée en âge ? (Luc 1, 18).

Elle constate simplement la difficulté, l’obstacle, et elle s’informe. Comparez les deux réponses. Son interrogation à elle porte simplement sur le « comment » :

Comment cela se fera-t-il, car je suis vierge ?

Point niaise pour autant ; sans aucune fausse pudibonderie concernant le mystère de la transmission de la vie ; très humaine, et en même temps tellement surnaturelle ! Sa demande ne repose pas sur une méconnaissance ou un mépris de la vie. Elle cherche simplement, comme le dira plus tard saint Paul de la vierge chrétienne, à « être sainte de corps et d’esprit, n’ayant souci que des affaires du Seigneur » (1 Corinthiens 7, 34). Aussi est-ce en toute confiance et sérénité qu’elle se confie, en attendant la réponse à sa question, à celui qui sait mieux que quiconque ce qui est vrai et qui donne toujours sa lumière à celui qui la cherche.

III. — DANS LA FOI, MARIE ACCUEILLE CELUI QUI EST LA PAROLE

Voici ce que disait encore Jean-Paul II lors de son audience générale du mercredi 21 mars 2001 sur « Marie, pèlerin de la foi »

« C’est dans la pénombre que s’écoule également la vie cachée de Jésus, au cours de laquelle Marie doit faire retentir en elle la béatitude d’Elisabeth à travers une véritable « peine du coeur » (Redemptoris Mater, n. 17) Assurément, dans la vie de Marie ne manquent pas les moments de lumière, comme aux noces de Cana, où – malgré son détachement apparent – le Christ accueille la prière de la Mère et accomplit le premier signe de révélation, en suscitant la foi des disciples (cf. Jn 2, 1-12). C’est dans le même contraste d’ombre et de lumière, de révélation et de mystère que se situent les deux béatitudes rapportées par Luc:  celle qui est adressée à la Mère du Christ par une femme de la foule et celle qui est adressée par Jésus à « ceux qui écoutent la Parole de Dieu et l’observent » (Lc 11, 28).Le sommet de ce pèlerinage terrestre dans la foi est le Golgotha, où Marie vit intimement le mystère pascal de son Fils:  elle meurt, dans un certain sens, comme mère dans la mort de son Fils et s’ouvre à la « résurrection » avec une nouvelle maternité à l’égard de l’Eglise (cf. Jn 19, 25-27). Là, sur le Calvaire, Marie fait l’expérience de la nuit de la foi, semblable à celle d’Abraham sur le mont Moria et, après l’illumination de la Pentecôte, elle continue à pérégriner dans la foi jusqu’à l’Assomption lorsque son Fils l’accueille dans la béatitude éternelle. »

La réponse de l’ange apporte à Marie la lumière :

L’Esprit-Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu. (Luc 1, 35).

Un signe (qu’elle n’a pas demandé) lui est annoncé ; il sera pour elle la preuve tangible de la vérité de la parole dite :

Voici qu’Elisabeth, ta parente, vient elle aussi de concevoir en sa vieillesse… car rien n’est impossible à Dieu. (Luc 1, 36-37).

Finalement, ce que Dieu demande à Marie, c’est non seulement d’accueillir une parole venue d’en-haut qui doit être pour elle comme pour nous, « esprit et vie » (Jean, 6, 23), mais de recevoir en elle, d’une manière toute spéciale, Celui qui est la Parole même de Dieu, engendré du Père avant les siècles. Elle le « concevra en son sein » ; elle sera sa mère au vrai sens du mot. Sa réponse est un « oui » personnel, humble et libre à cette personne qui sollicite son adhésion lucide et consciente :

Je suis la servante du Seigneur. Qu’il m’advienne selon ta parole (Luc 1, 38).

Et, comme le suggère la prière de l’Angélus :

Alors, Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. (Jean, 1, 14).

Désormais, tout acte de foi s’enracine dans cet acte de foi absolument unique de la Vierge. Comme le rappelle le chapitre 8 de la Constitution sur l’Église du Concile Vatican Il, après saint Irénée : « Par sa foi… et par son obéissance, elle est devenue pour elle-même et pour tout le genre humain, cause de salut. Le nœud dû à la désobéissance d’Ève s’est dénoué par l’obéissance de Marie. Ce que la Vierge Ève avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie l’a dénoué par sa foi. » (Lumen Gentium n° 56). Son acte de foi, son obéissance à la parole la fait devenir mère de Dieu, et c’est à juste titre que la tradition répète à l’envi qu’elle « a conçu son fils dans son cœur par sa foi, avant de le concevoir dans sa chair ».

La foi qui, pour nous, est la « racine de la justification », et qui donc fait de nous des fils adoptifs de Dieu, des frères du Christ, nous relie à Marie par un lien inamissible. Pour nous comme pour elle, tout acte de foi est accueil du Christ, adhésion personnelle au Verbe de Dieu fait chair. Le péché du monde, c’est justement le contraire de la foi : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu » (Jean, 1, 11). Marie au contraire est tout simplement celle qui reçoit le Verbe dans son incarnation, qui y consent, qui se l’approprie, trouvant là toute sa grâce et toute sa justice ; non seulement figure et personnification de l’Église mais sa toute première réalisation, dont dépendent toutes les autres.

Il ne faudrait surtout pas minimiser le réalisme de l’acte de foi de Marie au moment de l’incarnation qui allie d’une manière absolument indissoluble l’écoute de la parole et sa «pratique». Tout acte de foi tend normalement à s’incarner en des œuvres : « La foi si elle n’a pas les œuvres, dit saint Jacques, elle est morte » (Jacques 2, 17).

La foi de Marie sera désormais pour toute l’Église un modèle et une source inépuisable de contemplation. Avec elle « elle pénètre plus avant dans le mystère suprême de l’Incarnation et devient sans cesse plus conforme à son époux. Intimement présente en effet à l’histoire du salut, Marie rassemble et reflète en elle-même d’une certaine façon les requêtes suprêmes de la foi ». (Lumen Gentium n° 65). Oui, c’est à bon droit qu’Élisabeth a pu dire de Marie :

Bienheureuse, toi qui as cru.

IV. – LE PÈLERINAGE DE LA FOI DE MARIE ÉCLAIRE NOTRE PROPRE PÈLERINAGE

Ainsi termine Jean-Paul II lors de son audience générale du mercredi 21 mars 2001 sur « Marie, pèlerin de la foi » :

« La Bienheureuse Vierge Marie continuer d’occuper « la première place » dans le Peuple de Dieu. Son pèlerinage de foi exceptionnel représente une référence constante pour l’Eglise, pour chacun individuellement et pour la communauté, pour les peuples et pour les nations et, en un sens, pour l’humanité entière » (Redemptoris Mater, n. 6). C’est elle l’Etoile du troisième millénaire, comme elle a été aux débuts de l’ère chrétienne l’aurore qui a précédé Jésus à l’horizon de l’histoire. En effet, Marie est née chronologiquement avant le Christ et elle l’a engendré et inséré dans notre histoire humaine. “Bienheureuse celle qui a cru”(Lc 1, 45). Cette parole d’Elisabeth nous “fait accéder à la réalité intime de Marie”(Redemptoris Mater, n. 19), nous présentant la Mère du Seigneur comme celle qui chemine dans la foi. Depuis l’Annonciation et jusqu’à l’Assomption, Marie accomplit un itinéraire de foi, qui culmine au Golgotha où elle vit profondément le mystère pascal de son Fils, qui lui confie d’être Mère de l’Eglise. Aujourd’hui, Marie, étoile du troisième millénaire, continue à précéder le peuple de Dieu. Puisse l’Eglise, cheminant dans la foi à la suite du Seigneur Jésus et de la Vierge Marie, laisser résonner le Magnificat sur les voies tortueuses de l’histoire, afin de devenir à son tour signe d’espérance pour la foule des pauvres, des derniers de la terre qui sont les premiers dans le Règne de Dieu ! »

Ce qui s’accomplit en Marie au jour de l’annonciation ne soustrait nullement Marie à la condition humaine. Elle ne lui apporte pas toute lumière. Elle ne la dispense pas de chercher comme à tâtons la route à suivre, le chemin de la volonté de Dieu. Le régime de la foi n’est pas celui de la vision ou de la gloire. Marie reste comme nous dans la « condition pèlerine » et la visite qu’elle rend à sa cousine Élisabeth au lendemain de l’annonciation, en est un signe. Sans doute son acte de foi qui la met en relation personnelle (corps et âme) avec le Verbe de Dieu qui s’incarne en elle, est comme le sommet de l’attente de tout l’Ancien Testament, elle est pour Marie comme pour nous la « garantie des biens qu’elle espère, la preuve des réalités invisibles ». (Hébreux 11, 1).

Mais que d’obscurité encore ! L’enfant annoncé naîtra hors de la maison de ses parents. Il n’y aura pas de place pour lui à l’hôtellerie de Bethléem. De manière incompréhensible, sa naissance provoque la persécution du roi de Judée, Hérode. Comme l’annonce le Prophète Siméon, il sera « un signe en butte à la contradiction » et pour Marie elle-même, un glaive lui transpercera l’âme (Luc 2, 35) afin, ajoute saint Luc, que « se révèlent les pensées intimes d’un grand nombre. » Puis, c’est le comportement plutôt bizarre pour son cœur de mère, de Jésus. Quelle épreuve pour la foi de Marie que ces seules paroles que nous rapportent l’Évangile : A douze ans, au Temple : « Ne saviez-vous pas que je dois être chez mon Père ? » (Luc 2, 49) ; à Cana : « Quoi de toi à moi ? » (Jean 2, 4). La foi de Marie n’en reste pas moins active : même si elle n’a pas « compris » sur le champ la parole de son fils, elle ne l’a pas moins cherché trois jours durant, et à Cana, elle s’emploie pour dire aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira », sûre de l’efficacité de sa requête. D’ailleurs, durant toute cette période, comme par la suite, elle a « conservé et médité » ces quelques « paroles dans son cœur » pour nous les transmettre (Luc 2, 19 et 51).

La foi de Marie est comme la nôtre : en même temps certaine et obscure. Les desseins de Dieu ne se révèlent jamais qu’à travers des obscurités qui manifestent la condition même de notre existence terrestre ; ils ne se dévoilent jamais que peu à peu, exigeant cependant une adhésion, libre et personnelle, pas après pas ; don de Dieu, qui apporte la paix et la joie avec soi. Comme le remarque Vatican Il, « Marie, dans son pèlerinage de foi, avance unie fidèlement à son Fils, jusqu’à la croix ». Là surtout, elle a « tenu bon », malgré les apparences : « Stabat », c’est ainsi que la décrit l’Évangéliste à l’heure du sacrifice de son Fils. C’est pour elle l’épreuve suprême, comme pour Abraham, le sacrifice d’Isaac. Mais à cette heure, Marie croit de toute son âme à la parole qui lui a été dite : « Il siégera sur le trône de David son Père et son règne n’aura pas de fin» (Luc 1, 32-33). Dans sa foi, elle représente toute l’Église. Elle s’unit par sa souffrance à la souffrance de ce Fils qui se dit abandonné de Dieu, mais que, du moins, elle, elle n’a pas abandonné à cette « heure » des noces mystiques pour laquelle à Cana il lui avait donné rendez-vous et qui est aussi pour elle l’heure des douleurs de l’enfantement (Apo., 12, 2) de cette Église sortie du côté du Christ, lavée et purifiée dans son sang (Cf. Ephésiens 5, 26).

Pour Marie comme pour nous, la croix est l’épreuve indispensable et féconde où se fortifie la foi. Elle en est comme la pierre de touche. C’est aux heures de la croix qu’elle s’identifie le plus à l’amour parce que, alors, elle est plus volontaire. Jamais non plus, elle ne participe davantage au salut du monde. C’est aussi aux heures de la croix, de l’épreuve, de la maladie, de l’échec, quand les ténèbres couvrent la terre de notre âme, que l’exemple de la foi de Marie peut nous être d’un grand secours et le recours à son intercession particulièrement efficace ; nous en retirerons libération de tout ce qui en nous s’oppose au plan d’amour du Seigneur et une participation plus consciente et plus efficace à son mystère pascal. Si nous « tenons bon » avec Marie, la croix s’achèvera pour nous comme pour elle dans la gloire : « L’œil de l’homme n’a point vu, son oreille n’a pas entendu ce que Dieu prépare pour ceux qui l’aiment » (1 Corinthiens 2, 9).

La foi de Marie est vraiment l’exemplaire et comme la préfiguration de la foi de l’Église. Tout ce que celle-ci connaît d’obscurité, de purification, de dépassement, de progression, d’épreuves, de triomphe, a d’abord été vécu en Marie. C’est que l’objet en est le même et que Marie a été la première à l’avoir reçu. L’objet de la foi de l’Église, c’est le Christ que le Père envoie pour sauver l’homme en lui donnant l’Esprit-Saint. Oui « Bienheureuse, la Vierge Marie » et bienheureux comme elle, ceux qui croient !

Concluons notre entretien par la prière que Benoît XVI a faite lors de sa visite pastorale  au sanctuaire de Santa Maria di Leuca dans les Pouilles au sud de l’Italie, le samedi 14 juin 2008 :

« Nous nous adressons donc encore à vous, Vierge Marie, qui êtes demeurée courageusement au pied de la croix de votre Fils. Vous êtes un modèle de foi et d’espérance dans la force de la vérité et du bien. Avec les paroles de l’antique hymne nous vous invoquons :

Brisez les chaînes des opprimés,
rendez la lumière aux aveugles,
écrasez en nous toute trace de mal,
demandez pour nous tout le bien.
Donnez-nous des jours de paix,
veillez sur notre chemin,
faites que nous voyions votre Fils,
emplissez-nous de joie au ciel. Amen. »