Impressions de voyage du Pape en Sud-Est asiatique et Océanie
Dès son arrivée à Rome, en provenance de Singapour, le Pape a prié devant l’icône de la Vierge, la Salus Populi Romani, dans la basilique mariale. il a exprimé sa gratitude à la Bienheureuse Mère de l’Église pour sa protection maternelle au cours de son récent voyage effectué en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Timor oriental et à Singapour.
Asie du Sud-Est
Au terme du 45e voyage apostolique du Pape François en Asie et en Océanie, quelques impressions sont destinées à rester dans les esprits et dans les cœurs.
Au terme du plus long voyage du pontificat, en Asie et en Océanie, certaines impressions sont destinées à rester dans les esprits et dans les cœurs. La première est celle du «tunnel de la fraternité» que le Pape François a béni à côté du Grand Imam de Jakarta: à une époque où les tunnels sont associés à des images de guerre, de terrorisme, de violence et de mort, cet ancien métro reliant la grande mosquée à la cathédrale catholique est un signe et une semence d’espérance. Les gestes d’amitié et d’affection que l’évêque de Rome et l’imam ont échangés ont touché une corde sensible dans le plus grand pays musulman du monde.
La deuxième impression montre le Pape montant à bord d’un Hercules C130 de l’armée de l’air australienne pour aller à Vanimo, dans le nord-ouest de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, afin de rendre visite à trois missionnaires d’origine argentine et à leur peuple, apportant avec lui une tonne d’aide et de cadeaux. Le Pape, qui dans sa jeunesse rêvait d’être missionnaire au Japon, attendait avec impatience cette étape dans le lieu le plus périphérique du monde, où il a été accueilli par des hommes et des femmes aux costumes colorés. Être missionnaire, c’est avant tout partager la vie, les nombreux problèmes et l’espérance de ce peuple qui vit dans la précarité au milieu d’une nature éclatante. C’est témoigner du visage d’un Dieu qui est tendresse et compassion.
La troisième impression est celle du Président de la République José Manuel Ramos-Horta qui, à la fin des discours officiels dans le palais présidentiel de Dili, Timor oriental, s’est penché pour aider le Pape à ajuster les pieds dans son fauteuil roulant. Dans ce pays, le plus catholique du monde, la foi est un élément identitaire fort et le rôle de l’Église a été déterminant dans le processus qui l’a conduit à l’indépendance vis-à-vis de l’Indonésie.
La quatrième impression est celle, émouvante, de l’accolade du Pape avec les enfants handicapés pris en charge par les religieuses de l’école Irmãs Alma: des gestes, des regards, quelques paroles profondément évangéliques pour nous rappeler que ces enfants qui manquent de tout, en se laissant prendre en charge, nous enseignent à nous laisser prendre en charge par Dieu. La question de savoir pourquoi les petits souffrent est une lame qui blesse, une plaie qui ne guérit pas. La réponse de François est la proximité et l’étreinte.
La cinquième impression est celle du peuple du Timor oriental qui a attendu le Pape pendant des heures, sous un soleil brûlant, sur l’esplanade de Taci Tolu. Plus de 600 000 personnes étaient présentes, soit pratiquement un Timorais sur deux. François a été impressionné par cet accueil et cette chaleur, dans un pays qui, après avoir lutté pour obtenir son indépendance de l’Indonésie, construit lentement son avenir. 65% de la population a moins de 30 ans, et les rues parcourues par la papamobile débordaient de jeunes hommes et de jeunes femmes avec leurs petits-enfants. Une espérance pour l’Église. Une espérance pour le monde.
La sixième impression est celle de la ligne d’horizon de Singapour, l’île-État qui possède les gratte-ciels parmi les plus hauts et les plus modernes. Un pays développé et riche. Impossible de ne pas penser au contraste avec les rues poussiéreuses de Dili que le Pape a quittées quelques heures plus tôt. Ici aussi, où la prospérité est évidente à chaque coin de rue, où la vie est organisée et les transports très rapides, le Pape François a pris tout le monde dans ses bras. Il a montré le chemin de l’amour, de l’harmonie et de la fraternité.
Enfin, la dernière impression est celle du Pape lui-même. Certains doutaient qu’il puisse résister à la fatigue d’un si long voyage, dans des pays au climat tropical. Au contraire, ce fut un crescendo ; au lieu de se fatiguer jour après jour, en enchaînant les kilomètres, les transferts et les vols, il a retrouvé de l’énergie. Il a rencontré les jeunes des différents pays, abandonnant son texte écrit et dialoguant avec eux, revigorant son esprit mais aussi son corps. Jeune parmi les jeunes, malgré les presque 88 ans, qu’il aura à la veille du Jubilé.
La béatification de Ján Havlík :
un moment de grande grâce pour l’Église en Slovaquie
Jan Havlík
(1928-1965), séminariste slovaque et martyr. Entré chez les lazaristes, il se formait en vue de la prêtrise lorsqu’il fût arrêté par le régime communiste, subissant une longue incarcération de 14 ans, avec de telles tortures et mauvais traitements qu’il mourut peu de temps après sa libération.
Aucun sévice n’avait toutefois pu arriver à bout de son désir de devenir prêtre.
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Interview du Postulateur Général, le P. Serhiy Pavlish, CM, avec le Supérieur Général, le P. Tomaž Mavrič, CM, sur la béatification du séminariste vincentien Ján Havlík !
P. Tomaž, comment voyez-vous la béatification du séminariste slovaque Ján Havlík ?
Tout d’abord, c’est un moment de grande grâce pour l’Église en Slovaquie, mais aussi pour tout notre Mouvement de la Famille Vincentienne présent dans le monde entier. D’une part, le rite de béatification est la reconnaissance officielle du martyre de Jánko Havlík, pour laquelle nous sommes reconnaissants au Saint-Père François.
Mais pour notre Mouvement de la Famille Vincentienne, c’est aussi une opportunité de voir une fois de plus la vitalité et l’activité de notre charisme. Le Bienheureux Janko nous montre, par son exemple, comment il a réussi à incarner la spiritualité et le charisme vincentiens dans sa vie, à une époque historique spécifique et difficile.
L’exemple de sa vie nous montre que l’amour miséricordieux envers le prochain est inventif et éloquent, et qu’il nous encourage à réfléchir et à imiter (suivre). Le témoignage de la vie du Bienheureux Janko montre qu’il vaut la peine d’être courageux dans la miséricorde envers le prochain, car en fin de compte, le rémunérateur sera le Père céleste.
Par conséquent, je vois la solennité de la béatification d’un membre du Mouvement de la Famille Vincentienne comme une invitation céleste à renouveler l’esprit de miséricorde envers les nécessiteux, ainsi qu’un encouragement à être toujours prêts à l’”incarner” dans notre vocation.
Il voulait devenir prêtre, missionnaire, mais il n’y est pas parvenu et est mort à cause de cruelles tortures. En quoi son histoire peut-elle nous inspirer aujourd’hui ?
Le Vénérable Jan Havlik a été persécuté pour sa fidélité à l’Église romaine, pour son aspiration au sacerdoce et pour sa religiosité. Il a été condamné pour avoir persévéré dans son désir de devenir prêtre, refusant de continuer ses études dans les institutions académiques organisées par l’État athée.
Il n’a pas mené d’activités directes contre le régime communiste ; cependant, il refusait d’abandonner les valeurs de la foi et de la doctrine chrétienne.
Sa condamnation est l’expression d’une haine évidente envers la foi, mais Janko désirait vivre et exprimer sa vocation sacerdotale selon le charisme caritatif et missionnaire de la Congrégation de la Mission de Saint Vincent de Paul, suivant le Christ de la manière la plus authentique possible.
La figure et la vie de ce Serviteur de Dieu, je dirais, est un témoignage lumineux pour de nombreux jeunes, non seulement en ce qui concerne la foi, mais aussi le don total de sa vie jusqu’au martyre, sans céder aux idéologies dominantes contraires à l’Évangile et à l’Église. De plus, c’est un témoignage de zèle apostolique même dans des conditions totalement difficiles et dangereuses.
Chaque martyr est un témoin ; le fort et significatif témoignage de foi donné par le Serviteur de Dieu, je crois, peut être très significatif pour l’Église et pour le monde, au vu du besoin toujours présent et de l’exigence d’une proclamation efficace de l’Évangile et d’une évangélisation fructueuse et étendue, ainsi qu’un témoignage de vie, qui rende chaque chrétien, selon la spécificité et l’unicité de sa propre “vocation personnelle”, un témoin.
En quoi vous inspire-t-il sur le chemin vers le Jubilé ?
Il est surprenant et en même temps inspirant de voir la ténacité avec laquelle il parvenait à annoncer l’Évangile à d’autres prisonniers et à leur insuffler de l’espoir. Il acceptait chaque injustice et maltraitance, ainsi que chaque souffrance et maladie avec un esprit de patience, uni aux souffrances du Christ.
En prison, le Serviteur de Dieu vivait la grâce du moment. Son temps était consacré à la mission. Il se sentait coresponsable de toutes les personnes avec lesquelles il vivait et pensait que nous devrions tous nous intéresser davantage à elles et témoigner de notre foi.
Il répétait à ses confrères incarcérés de montrer maintenant ce qu’ils avaient en eux, ce qu’ils pensaient vraiment de leur vocation missionnaire, qu’il avait rêvé depuis sa jeunesse.
En prison, on l’appelait “le prêtre” car il professait ses valeurs chrétiennes et ne cachait pas sa vocation. Même après sa libération, Janko témoignait de sa foi, considérant toujours l’endroit où il se trouvait comme un territoire de mission.
En prison, Janko avait une attitude missionnaire. Il collaborait avec les prêtres incarcérés et organisait des messes secrètes après lesquelles il apportait la communion aux prisonniers. Il professait ouvertement sa foi devant les gardes.
La spiritualité du Serviteur de Dieu révèle l’élément sacrificiel, sacerdotal. Il était toujours conscient d’appartenir à la Congrégation de la Mission, et pour cela, il était prêt à souffrir et même à sacrifier sa jeune vie. Il voulait prendre sur lui les peines infligées aux autres. Il était conscient qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre, et ainsi il offrit en sacrifice à Dieu toute sa vie.
Participez-vous à la cérémonie de béatification à Šaštín et quel est votre programme en Slovaquie ?
Je viens en Slovaquie avec une grande joie, ayant l’opportunité de participer à tous les événements prévus dans le programme, qui culmineront avec le Rite de Béatification du Vénérable Serviteur de Dieu JÁN HAVLIK le 31 août 2024 à Šaštín, dans la Basilique des Sept Douleurs de la Vierge Marie, à 10h00, présidé par le Représentant du Saint-Père, le Cardinal Marcello Semeraro, Préfet du Dicastère pour les Causes des Saints.
Mais mon cœur est également rempli d’une grande gratitude envers Dieu pour l’opportunité de partager cette joie avec les membres du Mouvement de la Famille Vincentienne présents en Slovaquie et avec tous les fidèles qui participeront aux célébrations.
P. Serhiy Pavlish, C.M. – Postulateur Général pour l’Équipe de communication pour la célébration de la béatification
Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse, membre du Mouvement de la Famille Vincentienne
La construction de la cathédrale Notre-Dame de Paris
Voilà aujourd’hui cinq ans que la cathédrale Notre-Dame de Paris a été en partie détruite par un incendie. En attendant l’achèvement de sa remise en état, il est bon de revenir près de huit siècles en arrière pour rappeler sa construction.
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Maurice de Sully – vitrail dans Notre-Dame de Paris
Maurice de Sully ne fut pas plus tôt monté sur le siège épiscopal de Paris qu’il conçut le dessein de bâtir une église monumentale à Notre-Dame.
Dans le lieu où s’élève maintenant la basilique, il y avait alors deux modestes chapelles, l’église de Saint- Étienne et celle de Sainte-Marie, primitivement séparées, puis réunies, ou plutôt bizarrement accolées dans un seul édifice de style hybride, sans harmonie et sans grandeur.
Près de là s’élevait aussi le baptistère de Saint-Jean, où l’on disait qu’avait prié sainte Geneviève; et l’oratoire, ainsi que le couvent de Saint-Christophe, où l’Hôtel-Dieu devait prendre naissance. Le cloître était auprès, attenant à Sainte-Marie, s’ouvrant aux écoliers par une porte située à gauche du parvis, que l’on voyait encore au XVIIIe siècle.
C’est là, dans ce foyer d’études et de prière, à l’extrémité orientale de l’île, que Maurice choisit remplacement d’un temple qui devait traduire dans la pierre la foi de cette brillante époque et les grandeurs antiques de la patrie.
Notre-Dame s’éleva sur les débris d’un ancien temple païen, sorte de Panthéon où l’on a retrouvé pêle-mêle les images des dieux de Rome et de la Gaule[1]. L’Olympe rentra sous terre, et là encore la Vierge promise dès le commencement du monde posa son pied vainqueur sur le serpent. Ce fut dans le courant de l’année 1163 qu’un pape illustre posa la première pierre de l’édifice.
D’autres grandes églises avaient précédé Notre-Dame à Paris ou près de Paris. On y voyait déjà les admirables nefs de Saint-Germain-des-Prés, les voûtes de Sainte-Geneviève, l’imposante façade de Saint-Denis. Maurice ne donna pas l’impulsion; il la suivit pour la dépasser. Sous son inspiration Notre-Dame naquit d’un jet, avec une unité de plan dont peu d’autres cathédrales peuvent se glorifier à titre égal.
S’il est vrai que la beauté est la grâce dans la force, nulle œuvre de main d’homme ne porte plus ce caractère que cette construction de géant, où la majesté de la masse revêt des formes si harmonieuses. Maurice a traduit là toute la pensée de son temps : puissance et poésie. N’était-ce pas aussi l’image de son âme ? Notre-Dame est à la fois une forteresse féodale et une maison de prière.
D’autres grandes églises prient mieux, montent davantage à Dieu. Notre-Dame est assise: c’est la reine de la terre autant que celle du ciel. Elle trône dans l’île prédestinée, d’où elle semble prendre possession de la France, pour étendre sur elle son sceptre maternel et lui donner des lois de miséricorde et d’amour.
On dit que le projet de cette grande basilique date du roi Robert, d’autres le font remonter jusqu’à Charlemagne. Ce que trois siècles entiers et plus de quinze de nos rois n’avaient pu accomplir n’effraya pas le génie audacieux de Maurice. Notre-Dame fut son œuvre, ou plutôt l’œuvre de la France, dont le religieux amour paya ce riche tribut à sa céleste protectrice. Le secret de sa force et de ses ressources est là.
C’était le temps où le culte de la mère de Dieu recevait cet épanouissement qui est la bénédiction des époques croyantes. Mille légendes gracieuses popularisaient les merveilles de sa puissance; mille dévotions aimables appelaient ses suffrages.
Des confréries nouvelles lui enfantaient de toutes parts une famille virginale; des hymnes saints la chantaient dans ces rythmes naïfs, moitié vers, moitié prose, qui sont bien la poésie la plus véritablement inspirée de l’époque.
Saint Bernard venait de trouver, pour parler d’elle, une suavité d’accent dont aucun autre amour n’a surpassé jamais le chaste enthousiasme. Marie couvrait le monde entier de son manteau. C’est dans ce temps que la croyance de l’immaculée Conception fut surtout mise en lumière dans les écoles de Paris.
L’année même où Maurice prit possession de son siège, on disait que saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste étaient apparus à deux jeunes étudiants, pour les tenir assurés que la Vierge était remontée au ciel avec son corps[2]. L’église de Notre-Dame devait être un monument de cet hommage de tout un siècle rendu à la Souveraine de ce monde et de l’autre.
Le peuple y mit son cœur, son bien, la fleur de son génie et les sueurs de son front. On vit là ce qu’on voyait partout où l’Église se bâtissait des temples : toute une ville s’empressant de mettre la main à l’œuvre; les prêtres, les clercs, les moines, les chevaliers, les barons, fiers d’être les ouvriers d’un ouvrage immortel qui serait la plus pure gloire de leur vie et la bénédiction de leurs vieux jours.
Les grandes dames elles-mêmes s’estimaient heureuses de pouvoir apporter dans un pan de leur robe une pierre destinée à la maison de Dieu. Une multitude sans nombre s’échelonnait, semblable à une volée d’oiseaux, sur les branches infinies de cette forêt d’arcs-boutants, de colonnes, d’aiguilles, de pyramides et de statues.
Les ouvriers venaient au travail en procession, et les murailles montaient au chant des hymnes pieux, comme ces villes antiques qui s’élevaient au son de la lyre.
S’il faut en croire le récit toujours un peu suspect du moine d’Heisterback, Maurice, préoccupé uniquement de son œuvre, eût été tenté de détourner au profit de Notre-Dame les aumônes de toute main, et de faire passer la charité par-dessus la justice. Un jour, un usurier du nom de Théobald ou Thibault, homme fort riche, ayant été touché de la grâce de Dieu, s’en vint trouver l’évêque, qu’il consulta sur l’usage qu’il devait faire de son bien mal acquis. Le prélat, tout entier à sa pieuse entreprise, déclara que le meilleur emploi de cet argent serait de contribuer à la construction de la nouvelle cathédrale. L’usurier l’écouta; mais se doutant que ce conseil n’était pas complètement pur de tout pieux intérêt, il fut en référer à Maître Pierre le Chantre, qui lui dit : « Pour cette fois, l’évêque ne vous a pas donné un bon avis. Faites mieux : faites crier par la ville que vous êtes disposé à satisfaire tous ceux que vous avez frustrés par vos prêts usuraires, et rendez à chacun ce que vous lui avez pris au-delà du taux permis. » L’usurier obéit, restitua ce qu’il devait, puis revint en rendre compte à Maître Pierre, qui lui dit : « Allez, maintenant vous êtes le maître de faire l’aumône comme vous l’entendrez [3]. »
Cependant la basilique s’élevait, grandiose, aux yeux étonnés des contemporains. L’un d’eux, Robert du Mont, nous a dit quelque chose de cette admiration universelle, mêlée de fierté nationale : « Il y a longtemps, écrit-il, que Maurice, évêque de Paris, travaille à bâtir son église. Le chœur est achevé, et il n’y manque que le toit. Si jamais cette œuvre est finie, il n’y aura pas en deçà des monts d’édifice qui puisse lui être comparé[4]. »
Malgré le rare bonheur d’un épiscopat de plus de trente-cinq ans, Maurice de Sully n’eut pas la joie de voir le couronnement de son œuvre. Toutefois, ses yeux près de se fermer purent contempler l’ensemble de l’édifice immense.
Le grand autel fut béni le jour de la Pentecôte 1182, et l’évêque célébra le premier dans ce lieu, qui depuis fui le théâtre de tous nos triomphes, et parfois, hélas! de nos souillures. Le chœur était achevé; les lourds piliers romans des nefs se dressaient debout, prêts à recevoir le plein-cintre, quand il fut supplanté par l’ogive naissante.
En effet, à l’époque où nous sommes parvenus, l’architecture gothique allait atteindre son apogée. Elle entrait dans cette saison de beauté sévère et pure où rien de mortel ne peut rester ici-bas. L’évêque avait pourvu à l’achèvement de l’édifice.
Le testament de Maurice léguait cinq mille livres pour la grande voûte et le toit, qu’on n’éleva que plus tard. L’aile méridionale, avec son portail, fut bâtie en l’année 1257, sous Odon de Sully, par Maître Jehan de Chelles. Les tours montèrent lentement. Œuvre de patience et de foi, cette construction usa sept ou huit générations d’hommes, et dans le cours du XIVe siècle on y travaillait encore.
Afin qu’aucune grandeur ne manquât à l’origine de Notre-Dame de Paris, ce fut un pape illustre, Alexandre III, qui bénit ses fondements. Ce grand homme, comme tous les papes du moyen âge, … avait sacrifié sa vie à l’émancipation sérieuse de l’Italie. La proscription en avait été le prix.
Chassé de Rome par la faction des Gibelins et les violences de l’empereur Frédéric II, il était venu en France, à travers mille périls, chercher une patrie dans la patrie commune de tous les opprimés. Louis VII régnait alors, maintenant son royaume dans l’obédience du pape Alexandre III, contre son compétiteur l’antipape Octavien, qui prit le nom de Victor.
Maurice de Sully entrait dans ses conseils. Nous le voyons employé comme négociateur, en 1172, dans la conférence de Saint-Jean-de-Losne, où il soutint dignement les droits du grand pontife reconnu par la France. C’est peu de jours après qu’il eut l’honneur de recevoir dans sa ville épiscopale l’intrépide champion de l’Italie et du Saint-Siège.
La capitale entière se porta à sa rencontre; le roi lui fit escorte à la tête de son peuple, et les chroniques remarquent que le dimanche où l’Église chante le Laetare, le pape porta la rose d’or, suivant le rite usité dans l’Église romaine[5].
[1] Dans le courant de l’année 1712, des fouilles pratiquées sous le chœur de Notre-Dame mirent à découvert des pierres cubiques ayant servi d’autels, et portant les figures de Jupiter, de Vulcain, d’Esus, de Castor et du vieux Cernunos, avec leurs attributs. Singulier mélange des dieux de la Gaule et de Rome, des vaincus et des vainqueurs! Une inscription portait : Nautæ Parisiaci publice posuerunt.
[2] Thomas Cantipratanus, lib. II, cap. XXIX, cit. apud Du Boulai, Hist. Univ. Paris., IV sec., t. II, p. 418.
[3] Cæsarius Heislerbackensis, apud Dubois, Hist. Eccl. Paris., t. II, p. 124.
[4] Robertus de Monte, apud Dubois, Hist. Eccl. Paris., loc. cit., p. 123.
[5] Chronique de Véselai, apud Hist. Eccl. Paris., t. II,128.
Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse