Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

LA VIERGE-MÈRE

LA VIERGE-MÈRE

Vierge orante des catacombes et son Fils en médaillon | DR

L’objet de l’Annonciation était de faire connaître à Marie, comme un unique message, à la fois sa maternité et la qualité de son Fruit. « Voici que vous enfanterez un Fils…» — « Il sera appelé le Fils du Très-Haut. »

On ne lui parle pas tout d’abord de virginité. C’est elle qui soulève l’objection et pose le problème. Mais la réponse ne se fait pas attendre, et sa teneur nous invite à méditer quelque peu. Le titre de Vierge-Mère est ici directement en cause et appelle notre fervente attention.

Le « Fils du Très-Haut » annoncé par l’Ange méritera ce nom en raison de ce qu’il aura été conçu de Marie par l’intervention de Dieu seul. Ce nom lui conviendra encore parce que, étant le Messie promis, le Sauveur, le nouvel Adam, le nouveau premier homme, si l’on peut ainsi dire, il sera, de par cette primauté et ce caractère d’Ancêtre spirituel, un fils de Dieu par excellence parmi les mortels.

Mais le motif principal de ce titre est que le Fils de Marie ne fait qu’un avec le Fils coéternel du Père, de telle sorte que Marie ne puisse pas être sa Mère sans être en même temps Mère de Dieu.

Dès qu’on songe à ce dernier fait et à ce dernier titre, on trouve toute naturelle la qualité virginale qui s’y accorde. La Mère de Dieu, qui préside en quelque sorte à la seconde origine du Verbe en lui prêtant sa chair, appartient à la Divinité comme du dedans, et ne peut avoir de profonde relation en dehors d’elle. Quelle inconvenance — et quelle superfétation ! — à lui prêter une intimité hors son intimité surhumaine !

Tertullien l’a observé, Celui qui pour naître du Père dans l’éternité n’a pas eu besoin de mère, n’a pas besoin de père pour naître d’une femme dans le temps. La Divinité, là où elle intervient directement et comme de sa personne, suffit à tout et n’a que faire des causes secondes. D’autre part, Celle qui doit avoir le même Fils que Dieu pourrait-elle être unie à un autre qu’à Dieu ?

Comme donc le premier Adam est né d’une terre vierge de toute autre activité que l’activité créatrice : ainsi le nouvel Adam naît d’une Mère vierge de toute autre intervention que l’intervention divine. Il habite, au premier jour, dans une chair intacte, comme au dernier dans un sépulcre neuf. Ici, c’est une question de respect ; là d’exclusive appartenance céleste.

La virginité est le sceau de l’union entre Celui qui nous donne le Christ et Celle par qui il nous le donne. Un tel être est nécessairement réservé. Tout contact serait une profanation. Iahvé ne permettait pas, même pour la préserver, que l’on touchât à son Arche : l’instrument animé de la Nouvelle Alliance est autrement précieux et sacré.

« Ma sœur, mon épouse est un jardin fermé, une fontaine scellée », dit le Cantique. Marie est saluée par nos litanies de cette apostrophe extasiée : « Sainte Vierge des vierges, priez pour nous ! » Cela signifie que la Mère du Sauveur est une Vierge parmi les vierges, une Vierge qui suscite et protège les vierges.

Non seulement elle ne connaît point d’homme, comme elle dit : mais sa pureté d’âme et de chair est parfaite tellement, que ni en esprit, ni dans ces profondeurs de l’être que l’esprit n’atteint pas, elle n’éprouve la moindre sollicitation, le moindre entraînement, la moindre souillure.

Elle est 1′ « argile idéale » qu’Eve innocente elle-même n’était pas, et cette argile pure est unie à une âme que le mal ne peut atteindre, quoiqu’une pleine liberté soit laissée à son vouloir, qu’invite et fixe le seul bien.

La Femme « revêtue du Soleil » ne peut pas avoir d’ombre. Le Soleil spirituel l’inonde de toutes parts, et de toutes parts sa beauté resplendit, ignorant ce foyer de ténèbres, si je puis dire, que tout autre racheté porte en soi.

On imagine que Jésus, ne devant la vie qu’à sa Mère et l’accaparant en quelque sorte pour lui seul, devait lui ressembler d’une façon frappante. Au spirituel, c’est elle qui lui ressemble ; car il est le Modèle. Toutefois, il a imprimé sa ressemblance tellement dans Celle qui est son œuvre infiniment plus qu’il n’est la sienne, qu’on peut presque indifféremment aller d’elle à lui ou de lui à elle.

« Qui me voit voit mon Père »; qui voit ma Mère me voit : ces deux formules s’appellent. Une œuvre d’art parfaite et qui s’animerait n’arriverait-elle pas à coïncider pour ainsi dire avec son modèle ? Si le portrait d’Innocent X, par Vélasquez, était, comme son prototype, un être vivant, qui les distinguerait ?

A ce titre, Marie est la Sainte par excellence, chargée de symboliser et de propager la sainteté, cette virginité de l’âme, comme elle sert de modèle et de sauvegarde à la vertueuse virginité de la chair. Elle est la Vierge-Mère, aussi, en ce sens-là, c’est-à-dire comme exemplaire et comme cause effective, conjointement avec le Christ, à l’égard de toute pureté et de tout bien.

A-t-on remarqué que ceux qui ne croient pas comme nous en Marie ne l’appellent pas moins comme nous : la Vierge ? Ne serait-ce pas qu’ils sentent malgré eux ce qu’il y a là de beauté et de grandeur ? Qu’a-t-on jamais le plus aimé et vénéré dans la femme, sinon la virginité et la maternité ?

Ces deux splendeurs associées font de Marie l’idéal féminin par excellence, surtout si l’on se souvient qu’elle fut, comme le relève un sonnet célèbre, Mère avec l’innocence et vierge avec l’amour.

Le divin paradoxe contenu dans cette expression : la Vierge-Mère, répond au fait non moins surprenant d’une âme qui éclot immaculée dans une chair pécheresse. Maternité virginale ; Immaculée Conception : c’est une même pensée. Le respect et la pureté portés à ce double point extrême et comme excessif ; l’initiative du relèvement de la race et de sa purification au moyen d’une splendeur issue d’elle : n’est-ce pas un beau dessein ?

Nos secrets instincts en sont d’accord. Même le vicieux a la nostalgie de l’intégrité parfaite ; ¦— la fange même vous loue, ô Marie —, à plus forte raison le noble cœur, surtout féminin, en est-il touché. La jeune fille au bord du mariage, et quelle que soit en elle l’aspiration à l’amour, n’a-t-elle pas le sentiment de consentir un sacrifice ?

Quel jeune époux, de son côté, ne le sent pas ? Ne seraient-ils pas heureux l’un et l’autre, si, par quelque impossible miracle, l’amour, sans perdre rien de ce qui lui appartient, pouvait respecter la fleur blanche qui, une seule fois dans le monde, fut l’annonce d’un fruit ? C’est là, au fond, ce qui inspire à un noble amour ses délicatesses et à la femme ses timidités.

En vérité, comme Eve a laissé de sa ruse et de sa perversité au cœur de la femme, ainsi Marie y a-t-elle mis de sa vertu. Nous en faisons honneur à Celle « que n’osa frapper le premier anathème » et par qui les bénédictions de la race se répandent ; mais elle-même en renverrait la gloire à son Fils, notre Homme-Dieu, de qui les deux moitiés du genre humain prennent également leur dignité et leur grandeur.

P. Sertillanges

le zèle apostolique de Saint Paul

Catéchèse – La passion pour l’évangélisation :

le zèle apostolique du croyant – 9. Les témoins : Saint Paul 1

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 29 mars 2023

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Résumé

Chers frères et sœurs,

Pour illustrer notre parcours catéchétique sur le zèle apostolique nous nous penchons sur la figure de l’Apôtre Paul. Son histoire est emblématique. Nous voyons que son zèle pour l’Évangile apparait après sa conversion. Ce n’est pas une simple idée ni une conviction qui l’ont transformé mais sa rencontre avec le Christ ressuscité.

Cette rencontre change toute sa vie, son existence, mais sans aliéner son humanité, sa passion pour la gloire de Dieu. Cette conversion le fait passer de la Loi à l’Évangile, de la destruction de l’Église à sa construction. Le zèle de Paul demeure mais devient un zèle pour le Christ.

Ainsi nous apprenons que la racine de l’élan évangélique ne nait pas d’abord de l’étude ni de la compréhension intellectuelle, mais plutôt de l’amour de Dieu qui nous saisit, comme le dit Saint Paul. Les passions ne sont ni bonnes ni mauvaises, c’est leur usage qui les qualifie moralement.

Il existe cependant un mauvais zèle, celui qui justifie la violence et le meurtre, parfois même au nom de Dieu, comme le vivait Paul avant sa conversion, lui qui se croyait juste devant Dieu et autorisé à poursuivre, arrêter et tuer. Au contraire, le zèle pour l’Évangile du Christ nait de la lumière du Ressuscité et de la reconnaissance de sa miséricorde pour chacun de nous, de son amour donné aux pécheurs pardonnés que nous sommes.

CATÉCHÈSE

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours catéchétique sur le zèle apostolique, nous commençons aujourd’hui à considérer certaines figures qui, de manières et à des époques différentes, ont donné un témoignage exemplaire de ce que signifie la passion pour l’Évangile. Le premier témoin est bien naturellement l’apôtre Paul. Je voudrais lui dédier deux catéchèses.

L’histoire de Paul de Tarse est emblématique à ce sujet. Dans le premier chapitre de la Lettre aux Galates, tout comme dans le récit des Actes des Apôtres, nous voyons que son zèle pour l’Évangile apparaît après sa conversion, et prend la place de son zèle précédent pour le judaïsme. C’était un homme zélé pour la loi de Moïse, pour le judaïsme, et après sa conversion, ce zèle s’est poursuivi, mais pour proclamer, pour prêcher Jésus-Christ.

Paul était un passionné de Jésus. Saul – le nom initial de Paul – était déjà zélé, mais le Christ convertit son zèle : de la Loi à l’Évangile. Son zèle voulait d’abord détruire l’Église, plus tard au contraire, il la construit. Nous pouvons nous demander : que s’est-il passé ? Comment fait-il le passage de la destruction à la construction ? Qu’est-ce qui a changé chez Paul ? Dans quel sens son zèle, son élan pour la gloire de Dieu ont-ils été transformés ?

Saint Thomas d’Aquin enseigne que la passion, d’un point de vue moral, n’est ni bonne ni mauvaise : son utilisation vertueuse la rend moralement bonne, le péché la rend mauvaise. Dans le cas de Paul, ce qui l’a changé, ce n’est pas une simple idée ou conviction : c’est la rencontre avec le Seigneur ressuscité – ne l’oubliez pas, ce qui change une vie, c’est la rencontre avec le Seigneur – ce fut pour Saül la rencontre avec le Seigneur Ressuscité qui a transformé tout son être.

L’humanité de Paul, sa passion pour Dieu et sa gloire n’est pas anéantie, mais transformée, « convertie » par l’Esprit Saint. Le Saint-Esprit est l’unique capable de changer nos cœurs. Il en va de même pour tous les aspects de sa vie. Exactement comme dans l’Eucharistie : le pain et le vin ne disparaissent pas, mais deviennent le Corps et le Sang du Christ. Le zèle de Paul demeure, mais devient le zèle pour le Christ.

Le sens change mais le zèle reste le même. Le Seigneur, nous le serons avec notre humanité, avec nos prérogatives et nos caractéristiques, mais ce qui change tout, ce n’est pas une idée, mais la vie elle-même, comme le dit Paul lui-même : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. » (2 Co 5,17).

La rencontre avec Jésus-Christ te change de l’intérieur, elle fait de toi une personne différente. Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature, c’est le sens d’être une nouvelle créature. Devenir chrétien n’est pas un maquillage qui change ta face, non ! Si tu es chrétien, cela change ton cœur, mais si tu es un chrétien d’apparence, ce n’est pas bon… des chrétiens de maquillage, ce n’est pas bon. Le vrai changement, c’est celui du cœur. C’est ce qui est arrivé à Paul.

La passion pour l’Évangile n’est pas une question de compréhension ou d’étude, qui sont utiles mais ne la suscitent pas ; elle signifie plutôt passer par cette même expérience de  » chute et de résurrection  » que Saul/Paul a vécue et qui est à l’origine de la transfiguration de son élan apostolique.

Tu peux étudier toute la théologie que tu veux, tu peux étudier la Bible et tout ça et devenir athée ou mondain, ce n’est pas une question d’étude ; il y a eu beaucoup de théologiens athées tout au long de l’histoire ! L’étude sert mais ne génère pas la vie nouvelle de la grâce. En effet, comme le dit saint Ignace de Loyola : « Ce n’est pas tant la connaissance qui satisfait et rassasie l’âme, mais le fait de sentir et de goûter intérieurement les choses ».

Il s’agit des choses qui te changent de l’intérieur, qui te font connaître quelque chose d’autre, goûter quelque chose d’autre. Que chacun d’entre nous y réfléchisse : « Suis-je un religieux ? » – « Très bien » – « Est-ce que je prie ? » – « Oui » – « Est-ce que j’essaie d’observer les commandements ? » – « Oui » – « Mais où est Jésus dans ta vie ? » – Ah, non, je fais les choses que l’Église commande.

Mais Jésus où est-il ? As-tu rencontré Jésus, as-tu parlé à Jésus ? Prends-tu l’Évangile ou parles-tu avec Jésus, te souviens-tu qui est Jésus ? Et c’est quelque chose qui nous échappe si souvent. Quand Jésus entre dans ta vie, comme il est entré dans la vie de Paul, Jésus entre, tout change.

Tant de fois nous avons entendu des commentaires sur des personnes : « Mais regarde celui-là qui était un malheureux et qui maintenant est un homme bon, une femme bonne… Qui l’a changé ? Jésus, il a trouvé Jésus. Ta vie de chrétien a-t-elle changé ? « Et non, plus ou moins, oui… ». Si Jésus n’est pas entré dans ta vie, elle n’a pas changé. Tu peux être chrétien de l’extérieur seulement. Non, Jésus doit entrer dans ta vie et cela te change, et c’est ce qui est arrivé à Paul. On a besoin de trouver Jésus et c’est pourquoi Paul a dit que l’amour du Christ nous saisit, ce qui te fait progresser. Le même changement s’est produit pour tous les saints qui, lorsqu’ils ont trouvé Jésus, ont progressé.

Nous pouvons faire une autre réflexion sur le changement qui s’opère chez Paul, qui de persécuteur est devenu apôtre du Christ. Nous constatons qu’il se produit chez lui une sorte de paradoxe : en effet, tant qu’il se considère juste devant Dieu, il se sent autorisé à persécuter, à arrêter, voire à tuer, comme dans le cas d’Étienne ; mais lorsque, illuminé par le Seigneur Ressuscité, il découvre qu’il a été  » un blasphémateur et un homme violent  » (cf. 1 Tm 1, 13).

– C’est ce qu’il dit de lui-même : « J’étais un blasphémateur et un homme violent » – alors il commence à être vraiment capable d’aimer. Et voici comment. Si l’un d’entre nous dit : « Ah, merci Seigneur, parce que je suis une bonne personne, je fais de bonnes choses, je ne commets pas de gros péchés… » : ce n’est pas un bon chemin, c’est un chemin d’autosuffisance, c’est un chemin qui ne te justifie pas, qui fait de toi un catholique élégant, mais un catholique élégant n’est pas un saint catholique, il est élégant.

Le vrai catholique, le vrai chrétien est celui qui reçoit Jésus à l’intérieur, qui change son cœur. C’est la question que je vous pose à tous aujourd’hui : que signifie Jésus pour moi ? Est-ce que je l’ai laissé entrer dans mon cœur, ou est-ce que je le garde à portée de main, mais je ne le laisse pas entrer tellement à l’intérieur ? Me suis-je laissé changer par lui ? Ou bien Jésus n’est-il qu’une idée, une théologie qui se poursuit…

Et c’est cela le zèle, quand on trouve Jésus, on sent le feu et, comme Paul, on doit prêcher Jésus, parler de Jésus, aider les gens, faire de bonnes choses. Quand on trouve l’idée de Jésus, on reste un idéologue du christianisme et cela ne sauve pas, seul Jésus nous sauve, si tu l’as rencontré et si tu lui as ouvert la porte de ton cœur. L’idée de Jésus ne te sauve pas ! Que le Seigneur nous aide à trouver Jésus, à rencontrer Jésus, et que ce Jésus de l’intérieur change notre vie et nous aide à aider les autres.


Je salue cordialement les personnes de langue française. Puissions-nous porter avec zèle, délicatesse et charité, le témoignage de l’amour de Dieu auprès des nôtres et de tous ceux que le Seigneur mettra sur notre chemin. Demandons au Seigneur la grâce de rayonner la joie de sa son Évangile par nos vies pour rendre nos sociétés plus humaines et fraternelle. Que Dieu vous bénisse.


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À L’OMBRE DE L’ESPRIT

À L’OMBRE DE L’ESPRIT

à l'ombre de l'Esprit
à l’ombre de l’Esprit

« Je vous salue, Marie… » Ce court poème angélique est le prélude immédiat du Magnificat, et de la première comme de la seconde acclamation retentiront à jamais tous les échos du monde.

L’Ave Maria est un poème nuptial, un épithalame ; c’est déjà un poème de nativité, de maternité, et c’est enfin, dans sa strophe dernière, un cantique filial.

Toutes les relations de Marie, posées dans l’éternel, prennent ainsi leur valeur du temps. Marie resserre ses liens avec les Trois Personnes. C’est pour cette raison — outre qu’on veut lui consacrer toutes les phases de la durée humaine — que chaque jour un triple Angélus salue la Mère de Dieu et des hommes avec les paroles de l’Ange.

A l’égard du Père, Marie est fille, aujourd’hui, bien autrement qu’hier ! La voilà établie dans son rôle, infiniment plus important que sa personne. Au berceau, elle n’est qu’une créature humaine, et sa maternité consiste, avons-nous dit, à achever d’une certaine manière, en la poussant jusque dans le temps, l’éternelle Paternité.

A l’égard du Fils, l’Ange l’a avertie en termes clairs : le fruit de son sein sera appelé le Fils du Très-Haut. C’est dire qu’elle concourt, de sa chair, à l’Incarnation même, que sa coopération y est toute directe, ce qui la fait appeler en toute rigueur de termes la Theotokos, la Mère de Dieu.

Quant à l’Esprit, Marie est « à son ombre », il « vient sur elle », formules imagées pour signifier la causalité divine et l’exclusion de l’homme dans l’exquise maternité. Ces épousailles sont attribuées à l’Esprit, parce que l’action qu’elles visent — action commune, en réalité, aux trois Personnes — est une œuvre d’amour. On voit le Père, Pontife attendri, étendant les mains sur cette Vierge pour lui communiquer son Amour vivant et la rendre Mère du Verbe.

Marie sera le « Paradis de l’Incarnation », recouvrant, nouvelle Eve, le paradis que perdit l’ancienne, offrant la condition, le moyen, l’image du paradis éternel, et s’affirmant en conséquence victorieuse du Dragon, dont la gueule de feu cédera sous le pied nu de la Vierge.

Dans son cœur, gracieux encensoir, loin des relents du mal, le Feu qui l’envahit va dégager le parfum destiné à purifier et à embaumer la terre. En cet instant d’ardeur, en cette minute blanche, vont se déverser dans l’humanité et dans le monde tous les trésors du ciel.

Chaque chrétien en aura sa part. Le don, qui est universel, est aussi personnel et intime. Il est intime plus que public, car, finalement, c’est l’âme seule qui compte. Pour que Dieu naisse en chacun de nous, il suffit que par la foi nous en recevions l’annonce, et que par la fidélité, par l’amour, notre âme, comme Marie, se déclare et se montre effectivement servante du Seigneur.

Que de mystères en ces arrangements ! et quel premier mystère dans cette élection d’une petite Juive, saluée — ange ébloui — comme « bénie entre toutes les femmes » ! Mais saint Paul nous explique ce secret : Dieu a élu ce qui n’est pas, afin de confondre ce qui est. Dans une œuvre de cette portée, de cette nature, Dieu seul compte, et il faut qu’on le sache.

Toutes nos grandeurs de chair n’ont qu’à s’écarter, et plus encore les valeurs d’esprit génératrices d’orgueil ; dans la seule humilité, dans l’amour, dans l’acceptation, dans le don de soi sans réserve, se trouvent les seuls attraits qui puissent enchaîner Dieu.

La voilà, Celle qui y réussit sans y avoir prétendu, et dont l’amour anéanti a préparé le triomphe. La voilà toute petite, en proie au divin, inondée de flammes secrètes, blanche et embrasée comme un lis au soleil du soir.

Aussitôt prononcée sa parole d’acceptation, il s’établit un solennel silence. « L’Ange la quitte. » La solitude l’enveloppe. Si la lumière de l’Ange a rempli sa chambre, et si le ciel lui est apparu en ailes, une autre manifestation, une autre irradiation, intérieure, celle-là, douce et brûlante, paisible et toute-puissante, a envahi son cœur. Sa poitrine se gonfle ; son esprit, écrasé, se tait ; elle défaille, dans sa simplicité stupéfaite.

Que se passe-t-il ? elle ne sait ; mais quel tressaillement ! Si, à l’approche de Jésus déjà vivant en elle, Jean-Baptiste, au sein d’Élisabeth, va bientôt tressauter de joie, combien plus, à sa venue, doit frémir l’humble Vierge-Mère !

Là-haut, les écluses de l’Amour sont rompues ; la Vie s’élance. Au souffle de l’Esprit, comme lorsque le vent charrie le pollen et le dépose sur les fleurs, une germination se produit mystérieusement dans le jeune être. La « Porte du ciel » est demeurée close ; mais l’Époux est présent au dedans. L’action de Dieu n’a de condition qu’elle-même.

Ce que l’éternité a voulu s’accomplit à l’heure dite. Le Christ est là. Seul a été requis, pour sa venue, le libre aveu de la terre exprimé par Marie, le Fiat qui lie à Dieu l’humanité entière, pour une Nouvelle Alliance qui plus jamais ne pourra être rompue.

Il n’est plus besoin de prophète ou de poète pour s’écrier, sur un mode de supplication ou de détresse désormais anachronique :

Cieux, répandez votre rosée, Et que la terre enfante son Sauveur !

On aime songer à la première adoration de Marie, quand, sûre de son Trésor, elle se concentre ardemment en elle-même pour l’étreindre.

L’art chrétien a représenté mille fois la Vierge adorant l’Enfant dans sa crèche, à terre, sur de la paille, dans un pli de robe, ou bien sur les genoux maternels. Mais un art plus subtil ne pourrait-il exprimer l’extase virginale au moment précis de l’Incarnation, quand le Verbe, invisible et présent, sans figure et éclatant déjà dans la création en de puissants effluves, s’offrait à la pensée et au cœur de l’unique créature humaine — Marie — qui fût encore admise dans le secret ?

A partir de ce moment, la Mère de Dieu exerce au nom de tous, de nous comme de Jésus, de Jésus comme de nous, ce qui est bien réellement un sacerdoce. Elle inaugure le culte ; elle reçoit en retour et communique les grâces ; elle procède aux intercessions ; elle pose de pieuses actions dont Jésus est l’objet dans sa réalité incarnée, comme il est l’agent réel, quoique secret, de l’action rédemptrice.

Tout est mystère ici ; mais la foi n’a de raison que par le mystère, et l’amour, qui vit de confiance, y est spontanément acquis.

P. Sertillanges