Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

Confiance en Saint Joseph

Confiance en Saint Joseph

Saint-Joseph
Saint-Joseph

En ce premier mai, dédié à Saint Joseph, écoutons dom Guéranger, Abbé de Solesmes, restaurateur de l’Ordre des Bénédictins en France au XIXe siècle. Voici comment il en parle dans le dernier volume de son Année liturgique:

« La sainte Église se propose aujourd’hui, dans l’intérêt de ses enfants, de diriger leur confiance vers un secours si puissant et si opportun. La dévotion à saint Joseph était réservée pour ces derniers temps.

Le culte de cet admirable personnage, culte fondé sur l’Évangile même, ne devait pas se développer dans les premiers siècles de l’Église; non pas que les fidèles, considérant le rôle sublime de saint Joseph dans l’économie du mystère de l’Incarnation, fussent entravés en quelque chose dans les honneurs qu’ils auraient voulu lui rendre.

Mais la divine Providence avait ses raisons mystérieuses pour retarder le moment où la Liturgie devait prescrire chaque année les hommages publics à offrir à l’époux de Marie.

L’Orient précéda l’Occident, ainsi qu’il est arrivé d ‘autres fois, dans le culte spécial de saint Joseph; mais au XVe siècle, l’Église latine l’avait adopté tout entière, et depuis lors il n ‘a cessé de faire les plus heureux progrès dans les âmes catholiques.

La bonté de Dieu et la fidélité de notre Rédempteur à ses promesses s’unissent toujours plus étroitement de siècle en siècle, pour protéger en ce monde l’étincelle de la vie surnaturelle qu’il doit conserver jusqu’au dernier jour.

Dans ce but miséricordieux, une succession non interrompue de secours vient réchauffer, pour ainsi dire, chaque génération, et lui apporter un nouveau motif de confiance dans la divine Rédemption .

A partir du XIe siècle, où le refroidissement du monde commença à se faire sentir, ainsi que l’Église elle-même nous en rend témoignage, chaque époque a vu s’ouvrir une nouvelle source de grâces. Ce fut d’abord la fête du très saint Sacrement, dont les développements ont produit successivement la procession solennelle, les expositions, les saluts, les quarante heures.

Ce fut ensuite la dévotion au saint Nom de Jésus, dont saint Bernardin de Sienne fut le principal apôtre, et celle du Via Crucis ou Chemin de la Croix qui produit tant de fruits de componction dans les âmes.

Le XVIe siècle vit renaître la fréquente communion, par l’influence principale de saint Ignace de Loyola et de sa Compagnie . Au XVIIe, fut promulgué le culte du Sacré-Cœur de Jésus, qui s’établit dans le siècle suivant. Au XIXe, la dévotion à la très -sainte Vierge a pris des accroissements et une importance qui sont un des caractères surnaturels de notre temps.

Le saint Rosaire, le saint Scapulaire, que nous avaient légués les âges précédents, ont été remis en honneur, les pèlerinages en l’honneur de la Mère de Dieu, suspendus par les préjugés jansénistes et rationalistes, ont repris leur cours.

L’Archiconfrérie du saint Cœur de Marie a étendu ses affiliations dans le monde entier; des prodiges nombreux sont venus récompenser la foi rajeunie; enfin notre temps a vu le triomphe de l’Immaculée Conception, préparé et attendu dans les siècles moins favorisés.

Mais la dévotion envers Marie ne pouvait se développer ainsi sans amener avec elle le culte fervent de  saint Joseph . Marie et Joseph ont une part trop intime dans le divin mystère de l’Incarnation, l’une comme Mère du Fils de Dieu, l’autre comme gardien de l’honneur de la Vierge et Père nourricier de l’Enfant-Dieu, pour que l’on puisse les isoler l’un de l’autre.

Une vénération particulière envers saint Joseph a donc été la suite du développement de la piété envers la très-sainte Vierge. Mais la dévotion à l’égard de l’Époux de Marie n ‘est pas seulement un juste tribut que nous rendons à ses admirables prérogatives ; elle est encore pour nous la source d ‘un secours nouveau
d ‘une immense étendue, qui a été déposé entre les mains de saint Joseph par le fils de Dieu.

Écoutez le langage inspiré de l’Église dans la sainte Liturgie :

« 0 Joseph, l’honneur des habitants du ciel, l’espoir de notre vie ici-bas, LE SOUTIEN DE CE MONDE ! »

Quel pouvoir dans un homme !Mais aussi cherchez un homme qui ait eu avec le Fils de Dieu des rapports aussi intimes que Joseph. Jésus daigna être soumis à Joseph ici-bas ; au ciel, il tient à honorer Celui dont il voulut emprunter le secours, et à qui il confia son enfance avec l’honneur de sa Mère.

Il n ‘est donc pas de limites au pouvoir de saint Joseph, et la sainte Église nous invite à recourir avec une confiance absolue à ce tout-puissant Protecteur. Au milieu des agitations terribles auxquelles le monde est en proie, que les fidèles l’invoquent avec foi et ils seront protégés.

En tous les besoins de l’âme et du corps, en toutes les épreuves et toutes les crises que le chrétien peut avoir à traverser, dans l’ordre temporel comme dans l’ordre spirituel, qu’il ait recours à saint Joseph, et sa confiance ne sera pas trompée.

Le roi de l’Égypte disait à ses peuples affamés : « Allez à Joseph » : le Roi du ciel nous fait la même invitation, et le fidèle gardien de Marie a plus de crédit auprès de Lui que le fils de Jacob, intendant des greniers de Memphis, n’en eut auprès de Pharaon.

La révélation de ce nouveau refuge préparé pour les derniers temps a été d’abord communiquée, selon l’usage que Dieu garde pour l’ordinaire, à des âmes privilégiées auxquelles elle était confiée comme un germe précieux ; ainsi en fut-il pour l’institution de la fête du Saint-Sacrement, pour celle du Sacré-Cour de Jésus et pour d’autres encore.

Au XVIe siècle, sainte Thérèse, dont les écrits étaient appelés à se répandre dans le monde entier, reçut dans un degré supérieur les communications divines à ce sujet, et elle consigna ses sentiments et ses désirs dans sa Vie, écrite par elle -même.

On ne s’étonnera pas que Dieu ait choisi la réformatrice du Carmel pour la propagation du culte de saint Joseph, quand on se rappellera que ce fut par l’influence de l’Ordre des Carmes, introduit en Occident au XIIIe siècle, que ce culte s’établit d’abord dans nos contrées.

Voués depuis tant de siècles à la religion envers Marie, les solitaires du Mont-Carmel avaient découvert avant d ‘autres le lien qui rattache les honneurs auxquels.a droit la Mère de Dieu à ceux qui sont dus à son virginal Époux. Sur cette terre où s’est accompli le divin mystère de l’Incarnation, l’ail du fidèle plonge plus avant dans ses augustes profondeurs.

Entouré de tant de souvenirs ineffables, le chrétien arrive plus promptement à comprendre que le Fils de Dieu prenant la nature humaine, s ‘il lui fallait une Mère, il fallait à cette Mère un protecteur; en un mot que Jésus, Marie et Joseph, forment à des degrés divers l’ensemble de relations et d ‘harmonies sous lesquelles l’ineffable mystère devait se produire sur la terre…..

A la veille des grandes tribulations de l’Église, Pie IX, par un instinct surnaturel, a voulu appeler au secours du troupeau qui lui est confié le puissant Protecteur qui n’a jamais eu tant de maux à combattre, ni tant de fléaux à détourner.

Mettons donc désormais notre confiance dans le pouvoir de l’auguste Père du peuple chrétien, Joseph, sur qui tant de grandeurs n ‘ont été accumulées qu’afin qu’il répandît sur tous, dans une mesure plus abondante que les autres saints, les influences du divin mystère de l’Incarnation dont il a été, après Marie, le principal ministre sur la terre.

Père et Protecteur des fidèles, glorieux Joseph, nous bénissons notre Mère la sainte Église qui, dans ce déclin du monde, nous a appris à espérer en vous. De longs siècles se sont écoulés sans que vos grandeurs fussent encore manifestées, mais vous n ‘en étiez pas moins au ciel l’un des plus puissants intercesseurs du genre humain.

Chef de la Sainte Famille dont un Dieu est membre, vous poursuiviez votre ministère paternel à notre égard. Votre action cachée se faisait sentir pour le salut des peuples et des particuliers ; mais la terre éprouvait vos bienfaits, sans avoir encore institué, pour les reconnaître, les hommages qu’elle vous offre aujourd’hui.

Une connaissance plus étendue de vos grandeurs et de votre pouvoir, la proclamation de votre Protectorat sur tous nos besoins, étaient réservée à ces temps malheureux où l’état du monde aux abois appelle des secours qui ne furent pas révélés aux âges précédents.

Nous venons donc à vos pieds, 0 Joseph ! afin de rendre hommage en vous à une puissance d’intercession qui ne connaît pas de limites, à une bonté qui embrasse tous les frères de Jésus dans une même adoption .

Nous savons, 0 Marie, que rien ne vous est plus agréable que de voir honorer l’Époux que vous avez aimé d’une incomparable tendresse. Vous accueillez avec une faveur particulière nos demandes, lorsqu’elles vous sont présentées par ses mains.

Les liens formés par le ciel à Nazareth subsisteront éternellement entre vous et Joseph, et l’amour sans bornes que vous portez à votre Fils divin resserre encore l’affection que votre cœur si aimant conserve pour jamais à celui qui fut en même temps le nourricier de Jésus et le gardien de votre virginité.

O Joseph, nous sommes aussi les fils de votre Épouse Marie ; prenez dans vos bras tous ces nouveaux enfants, souriez à cette nombreuse famille et daignez accepter nos instances que la sainte Église encourage et qui montent vers vous plus puissants que jamais.

Vous êtes « le soutien du monde,» columen mundi, l’un des appuis sur lesquels il repose; car le Seigneur, en vue de vos mérites et par déférence à votre prière, le souffre et le conserve malgré les iniquités qui le souillent.

Votre effort est grand, ô Joseph, en ces temps où les saints manquent, où les vérités sont diminuées, il vous faut peser de tout le poids de vos mérites, pour que le plateau de la divine balance n’incline pas du coté de la justice.

Daignez, o Protecteur universel, ne pas vous lasser dans ce labeur ; l’Église de votre Fils adoptif vous en supplie aujourd’hui. Le sol miné par la liberté effrénée de l’erreur et du mal est, à chaque instant, sous le point de fondre sous ses pieds ; ne vous reposez pas un instant, et par votre intervention paternelle, hâlez- vous de lui préparer une situation plus calme. »

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

présence du Mystère de Pâques

présence du Mystère de Pâques

Reproduction en icône de la fresque « Anastasis » située dans l’église Saint-Sauveur-in-Chora Istanbul

Le mystère pascal, parce qu’il a vu passer le Fils de la mort à la vie, voit ainsi passer les enfants de Dieu. C’est pourquoi il est dit pascal, à cause de ce passage qui s’est réalisé grâce au sacrifice du Fils de Dieu. Voilà pourquoi le sacrifice eucharistique est le centre de gravité de tous les sacrements, de même que Pâques est le centre de gravité de l’année liturgique.

Dans la sainte liturgie, le Christ, dans la puissance de l’Esprit-Saint, signifie et réalise le mystère pascal de sa passion, de sa mort sur la croix et de sa résurrection. Ce mystère ne consiste pas simplement en une série d’événements d’un passé lointain, mais il entre dans la dimension de l’éternité, parce que l’ «acteur» – c’est-à-dire celui qui a agi et souffert dans ces événements – est le Verbe incarné.

C’est pourquoi le mystère pascal du Christ «surplombe ainsi tous les temps et y est rendu présent» par les sacrements qu’il a lui-même confiés à son Église, surtout le Sacrifice eucharistique.

Ce don singulier a d’abord été fait aux apôtres, quand le Ressuscité, dans la force de l’Esprit-Saint, leur a conféré son pouvoir de sanctification. Les apôtres à leur tour ont conféré ce pouvoir à leurs successeurs, les évêques, et c’est ainsi que les biens du salut sont transmis et actualisés dans la vie sacramentelle du peuple de Dieu jusqu’à la parousie, quand le Seigneur vient dans la gloire pour accomplir le Royaume de Dieu.

Ainsi, la succession apostolique assure que, dans la célébration des sacrements, les fidèles sont plongés dans la communion avec le Christ, qui les bénit par le don de son amour salvifique, en particulier dans l’Eucharistie où il s’offre lui-même sous les apparences du pain et du vin…

Le rite – ou la famille des rites qui proviennent des Églises d’origine apostolique –  est une forme condensée de la Tradition vivante permettant ainsi en même temps de faire l’expérience de la communion entre les générations, la communion avec ceux qui priaient avant nous et prieront après nous. Ainsi le rite apparaît comme un don fait à l’Église, une forme vivante de tradition.

BUREAU DES CÉLÉBRATIONS LITURGIQUES DU SOUVERAIN PONTIFE
La liturgie, œuvre de la Trinité/2 : Dieu le Fils (février 2012)

LES ANNONCES DE LA PASSION

LES ANNONCES DE LA PASSION

Jésus-annonce-aux-apôtres-sa-Passion - cathédrale-de-Chartres
Jésus-annonce-aux-apôtres-sa-Passion – cathédrale-de-Chartres

C’est le vieillard Siméon qui a été le premier annonciateur de la Passion au cours de la vie du Maître. A la salutation de l’Ange : Je vous salue, pleine de grâce, il a ajouté, ange lui-même désigné d’en haut : Je vous salue, ô pleine de douleur. Il ne pouvait entendre en esprit que la même réponse : Qu’il me soit fait selon votre parole.

Depuis ce temps, le glaive plane.

Il est probable que rarement, même par allusion, Nazareth a été troublé par le présage. Marie « conservait toutes ces choses dans son cœur »; Jésus aussi, sans doute. C’était entre eux un puissant secret. Il s’agissait de se préparer à l’événement, non de le devancer en imagination ou en paroles. « N’y a-t-il pas douze heures dans le jour? » dira plus tard le Sauveur (Jean, xi, 7) : à chacune de ces heures sa tâche, et aussi sa pensée, cette tâche de l’esprit.

Si quelque idée de l’avenir doit pourtant régner dans le présent pour y apporter sa lumière, les faits se chargent de la fournir. La persécution d’Hérode à grand’peine évitée, l’amorce d’action publique de Jésus à l’âge de douze, ans — amorce déjà dangereuse, son de cloche qui fait prévoir de moins pacifiques engagements — et, plus avant, si l’on tient compte des débuts de la vie prêcheresse, l’épisode de l’escarpement de Nazareth, ne seraient-ce point là des rappels éloquents ?

Au surplus, s’agissant d’une fille de David et d’une fervente de la Loi, on ne peut oublier ce qui est écrit du Christ dans le Saint Livre, ce que Marie y décèle chaque jour, même dans les coins obscurs de la mystérieuse Thora, où tout est « figure ». Quel coup dans le cœur, quand Isaïe, Jérémie, David même, l’Ancêtre inspiré, tous les témoins anticipés du Calvaire, lancent leurs traits vibrants !

« Ils ont percé mes mains et mes pieds; on compterait tous mes os », — « II a porté nos souffrances et il s’est chargé de nos douleurs. Nous l’avons considéré comme puni, frappé de Dieu et humilié » (Isaïe, lui, 4). C’est bien de son Fils qu’il est ainsi parlé. L’Ancêtre ajoute — y songe-t-elle en regardant les premiers disciples autour de son Prêcheur — : « Celui-là même qui était mon ami, qui avait ma confiance et qui mangeait mon pain a levé le talon contre moi » (PS. XI, 10).

Ah ! certes, jamais ces aspects de douleur ne se présentent isolés; il y a à côté les consolations et les gloires. « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds » (Ps. CIX, I). « Je lui donnerai en partage la multitude des nations. Il distribuera la dépouille des forts » (Isaïe, lui, 12). Oui; mais c’est « parce qu’il a livré son âme à la mort et qu’il a été mis au nombre des scélérats » (Ibid.). Quelles bouleversantes perspectives !

Dans toute la gentilité, Marie peut le savoir, il est question d’une Vierge-Mère victorieuse du mal figuré par le serpent : ce ne sera pas sans lutte, et le terrain de la lutte est précisément celui de la maternité. C’est dans son Fils qu’on atteint la Mère.

Quand la vie ardente de Jésus est engagée à fond, les présages se précipitent et éclatent en événements ou en paroles menaçantes. Jésus évoque « son heure », qui est aussi celle de Marie; il doit boire un « calice » que goûteront avec lui les lèvres très pures; il sera baptisé d’un sanglant « baptême » où se plonge, dès qu’il rougeoie, le cœur virginal.

Les menées des Pharisiens, les accusations, les rumeurs, peut-être — déjà — l’attitude de Judas, qui ne peut manquer de refléter dans le groupe l’attitude du dehors, rien de tout cela ne peut échapper à une vigilance avertie, à un amour que l’avenir oppresse.

Le jour vient où le secret, jusque-là plus ou moins couvert, ne peut plus être préservé. Les disciples doivent être prévenus afin de se tenir prêts. Jésus parle. « Il faut que le Fils de l’Homme souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, et qu’il soit mis à mort, et qu’il ressuscite le troisième jour. »

La gloire est en vue pour finir, toujours ; sans cela, ce serait la désespérance ; mais les eaux du déluge sont-elles taries par une vision anticipée de la colombe? Quand les Douze entendaient ces choses, ils en étaient « extrêmement attristés » (Matth., XVIII, 22), ou « ils ne comprenaient pas » (Marc, ix, 32). Marie, qui comprend, doit être affligée plus que tous les fidèles ensemble, car elle cumule les peines, pour mériter de thésauriser un jour les grandeurs.

La dernière annonce de la Passion est si claire, à tel point circonstanciée, qu’il faut des prodiges d’aveuglement pour échapper à sa hantise. Lors de sa dernière montée à Jérusalem, Jésus, marchant en tête, sent les siens troublés derrière lui et pénétrés de peur, mais l’âme toujours vague. Il a pitié de leur état; il se retourne, les assemble et se met à leur dire — une fois de plus — ce qui doit lui arriver.

« Voici que nous montons à Jérusalem. Et le Fils de l’Homme sera livré aux princes des prêtres et aux scribes. Et ils le condamneront à mort et le livreront aux Gentils. Et (ceux-ci) se moqueront de lui, et cracheront sur lui, et le flagelleront, et le feront mourir. Mais, après trois jours, il ressuscitera. »

Voilà le drame au complet. Rien d’essentiel n’y manque. Il ne pénètre pas, en dépit de l’insistance et des précisions, dans la cervelle obstruée des Douze, toute pleine d’images d’un Messie bien différent, glorieux politiquement et vainqueur des Gentils, loin d’être leur victime. Mais Marie n’a point de part à ces illusions. Elle comprend tout; elle dépasse la portée des paroles, au lieu de la méconnaître.

A elle, Jésus s’en explique-t-il davantage encore? Peut-être; on soupçonne cependant qu’il n’y songe point. L’action est tout pour lui; les confidences sont inutiles, à qui lui est uni au point de tout accepter, fût-ce de ne point savoir, quand le silence est meilleur.

Oh ! le silence, comme il est grand entre Jésus et Marie, et qu’il inclut de mystérieuses choses ! Ce qui a été dit aux Douze était grand par rapport à eux, trop grand même, puisqu’ils ne le comprennent pas; mais pour la Vierge, cela, ou autre chose, ou quoi que ce soit serait toujours petit.

Sa pensée et son cœur débordent le discours possible autant que le discours proféré. Toute parole ou tout épisode n’est pour elle qu’un rappel. Les javelines lui arrivent de toutes parts en attendant la plongée du glaive; mais le glaive, en esprit, est toujours là.

Toute la vie de Jésus et de sa Mère n’a été, d’un pas égal, qu’une avancée dans la direction et puis sur la montée du Calvaire. C’est une marche à la croix. Jésus, qui va changer là notre eau en vin, ne le fait, comme à Cana, qu’en union avec la Vierge. Lui qui a attendu son oui pour venir sur la terre, l’attend aussi pour en partir.

Voici que l’heure vient; on mesure ses approches; elle frappe, pour avertir, ses coups espacés. Dans le cœur maternel, le glas qui retentit, élargissant ses ondes, essaie en vain d’y noyer la sérénité. te Il ressuscitera le troisième jour » ; « Il va mourir » : laquelle de ces deux annonces est la plus puissante? N’importe, car une grâce suréminente les domine toutes les deux.

Il en est du pauvre cœur comme du timbre électrique attiré vers des pôles contraires : il bat ! il bat ! mais il est soumis et il adore. Ne lui demandons pas de manifester cette hâte de souffrir qui envahit par instants le Fils de l’Homme; son Fils à elle, c’est assez qu’elle le donne; n’allons pas exiger une impatience inhumaine. La généreuse ardeur de Jésus répond à son rôle ; elle y répond par une acceptation sans réserve.

Ô Rose mystique, blanche, rouge, or, au gré de tes mystères, enseigne-nous la dure loi des germinations. Que nous ne demandions plus d’être épargnés, alors que Dieu travaille. Notre passion, ses préludes douloureux, qu’importe, au regard de ce qui succède pour nous tous ? La rose s’impose en son entier. On ne peut dire du mal des épines, quand elles brillent, vertes de sève, dans l’aubépine en fleur.

P. Sertillanges