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sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

Pour le Pape, Marseille a permis un regard humain sur la Méditerranée

Pour le Pape,
Marseille a permis un regard humain sur la Méditerranée

Comme la tradition l’exige à chaque retour de voyage apostolique, le Pape a consacré sa catéchèse de l’audience générale du mercredi 27 septembre au sens de son dernier déplacement hors de Rome. Revenant sur les Rencontres méditerranéennes, du 17 au 24 septembre dernier, à Marseille, le Pape a exhorté à poser un regard humain et non idéologique sur la Méditerranée, et, pour ce faire, à redonner l’espérance aux jeunes Européens.

Catéchèse – Le voyage apostolique à Marseille à l’occasion des Rencontres Méditerranéennes

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

>Place Saint-Pierre
Mercredi 27 septembre 2023

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Résumé de la catéchèse du Saint-Père

Chers frères et sœurs,

À Marseille, où je me suis rendu à la clôture des Rencontres Méditerranéennes, j’ai retrouvé des évêques et des maires du pourtour méditerranéen mais aussi de nombreux jeunes impliqués. La Méditerranée est un berceau de civilisation et un berceau est fait pour la vie !

Elle ne peut devenir un cimetière ou un lieu de conflit. La Méditerranée met en relation l’Afrique, l’Asie et l’Europe, mais plus encore les personnes et les cultures, les philosophies et les religions. C’est de ses rives orientales que l’Évangile s’est diffusé pour annoncer à tous les peuples que nous sommes les fils de l’unique Père qui est aux cieux.

Que résulte-t-il de ces Rencontres? D’abord un nouveau regard sur la Méditerranée que je définirais simplement humain, capable de tout rapporter à la valeur primordiale de la personne humaine et à sa dignité inviolable ; rien d’idéologique, de stratégique ni de politiquement correct, il s’agit de choisir entre l’indifférence et la fraternité.

Mais ceux qui ont traversé la Méditerranée nous ont aussi livré le témoignage d’une espérance permise par toutes les personnes du milieu ecclésial ou civil qui les ont aidés. Il reste encore à organiser les choses de façon à ce que les personnes puissent choisir d’émigrer ou non et à permettre une coexistence humaine juste et pacifique.


Catéchèse :

Chers frères et sœurs, bonjour !

A la fin de la semaine dernière, je me suis rendu à Marseille pour participer à la clôture des Rencontres Méditerranéennes, qui ont réuni des évêques et des maires du pourtour méditerranéen, ainsi que de nombreux jeunes, afin de tourner le regard vers l’avenir. L’événement marseillais s’intitulait d’ailleurs « Mosaïque d’espérance ». Tel est le rêve, tel est le défi : que la Méditerranée retrouve sa vocation, être un laboratoire de civilisation et de paix.

La Méditerranée, nous le savons, est un berceau de civilisation, et un berceau, c’est pour la vie ! Ce n’est pas tolérable qu’elle devienne un tombeau, ni une zone de conflit. La mer Méditerranée est ce qui s’oppose le plus au choc des civilisations, à la guerre, à la traite des êtres humains.

C’est tout le contraire, parce que la Méditerranée met en relation l’Afrique, l’Asie et l’Europe ; le nord et le sud, l’orient et l’occident ; les personnes et les cultures, les peuples et les langues, les philosophies et les religions. Bien sûr, la mer est toujours en quelque sorte un abîme à franchir, et elle peut aussi devenir périlleuse. Mais ses eaux recèlent des trésors de vie, ses vagues et ses vents portent des navires de toutes sortes.

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Depuis sa rive orientale, il y a deux mille ans, est parti l’Évangile de Jésus-Christ.

[Son annonce] naturellement ne se fait pas par magie et n’est pas acquis une fois pour toutes. C’est le fruit d’un parcours où chaque génération est appelée à faire un bout de chemin, en lisant les signes des temps qu’elle vit.

La rencontre de Marseille fait suite à celles qui se sont tenues à Bari en 2020 et à Florence l’année dernière. Il ne s’agit pas d’un événement isolé, mais d’un pas en avant dans un itinéraire qui trouve son origine dans les « Colloques méditerranéens » organisés par le maire Giorgio La Pira à Florence à la fin des années 1950.

Un pas en avant pour répondre, aujourd’hui, à l’appel lancé par saint Paul VI dans son encyclique Populorum Progressio, pour « la promotion d’un monde plus humain pour tous, un monde où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres. » (n° 44).

Qu’est-ce qui résulte de l’événement de Marseille ? Un regard sur la Méditerranée que je définirais comme simplement humain, ni idéologique, ni stratégique, ni politiquement correct, ni instrumental, humain, c’est-à-dire capable de tout rapporter à la valeur primordiale de la personne humaine et à sa dignité inviolable.

Ensuite en même temps, est apparu un regard d’espérance. C’est aujourd’hui très surprenant : quand on écoute des témoins qui ont vécu des situations inhumaines ou qui les ont partagées, et que c’est d’eux que l’on reçoit une  » profession d’espérance « . Et même c’est un regard de fraternité.

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Frères et sœurs, cette espérance, cette fraternité ne doit pas « se volatiliser », non, au contraire, elle doit s’organiser, se concrétiser dans des actions à long, moyen et court terme. Afin que les personnes, en toute dignité, puissent choisir d’émigrer ou de ne pas émigrer. La Méditerranée doit être un message d’espérance.

Mais il y a un autre aspect complémentaire : il faut redonner de l’espérance à nos sociétés européennes, spécialement aux nouvelles générations. En effet, comment accueillir les autres si nous n’avons pas nous-mêmes un horizon ouvert sur l’avenir ? Comment des jeunes sans espérance, enfermés dans leur vie privatisée, préoccupés par la gestion de leur précarité, peuvent-ils s’ouvrir à la rencontre et au partage ?

Nos sociétés tant de fois malades de l’individualisme, du consumérisme et de l’évasion vide ont besoin de s’ouvrir, d’oxygéner leurs âmes et leurs esprits pour pouvoir lire la crise comme une opportunité et l’affronter de manière positive.

L’Europe a besoin de retrouver passion et enthousiasme, et à Marseille je peux dire que je les ai trouvés : dans son Pasteur, le Cardinal Aveline, dans les prêtres et les consacrés, dans les fidèles laïcs engagés dans la charité, dans l’éducation, dans le peuple de Dieu qui a manifesté une grande chaleur lors de la Messe au Stade Vélodrome. Je les remercie tous, ainsi que le Président de la République, dont la présence a témoigné de l’attention de la France entière à l’égard de l’événement de Marseille.

Que Notre-Dame, que les Marseillais vénèrent sous le nom de Notre-Dame de la Garde, accompagne le chemin des peuples de la Méditerranée, afin que cette région devienne ce qu’elle a toujours été appelée à être : une mosaïque de civilisation et d’espérance.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française.

Chers frères et sœurs, l’Europe a besoin de retrouver la passion et l’enthousiasme que j’ai trouvés à Marseille, chez son Pasteur, chez les prêtres, les consacrés et les nombreux fidèles engagés dans la charité et l’éducation.

Puisse Notre Dame de la Garde, vénérée par les Marseillais, accompagner le chemin des peuples de la Méditerranée afin que cette région devienne ce qu’elle est appelée à être : une mosaïque de civilisation et d’espérance.

Que Dieu vous bénisse !

 


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Dieu nous aime d’un amour inconditionnel et gratuit

Dieu nous aime d’un amour inconditionnel et gratuit

Quelques heures après son retour de Marseille où il a pris part à la clôture des Rencontres méditerranéennes, le Pape François a présidé la prière mariale de l’Angélus devant des nombreux fidèles, présents place Saint-Pierre. En commentant l’Évangile de ce 25ème dimanche qui rapporte la parabole d’un propriétaire d’une vigne qui invite à travailler dans sa vigne, le Saint-Père a exhorté à aller à la rencontre des autres d’un cœur plein d’amour.

LE PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Place Saint-Pierre
dimanche 24 septembre 2023

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Chers frères et sœurs, bonjour !

L’Évangile de la liturgie d’aujourd’hui nous présente une parabole surprenante : le propriétaire d’une vigne sort dès les premières heures de l’aube jusqu’au soir pour appeler quelques ouvriers mais, à la fin, il paie tout le monde de la même manière, même ceux qui n’ont fait que travailler pendant une heure (voir Mt 20,1-16).

Cela semble être une injustice, mais la parabole ne doit pas être lue à travers les critères salariaux ; il veut plutôt nous montrer les critères de Dieu, qui ne calcule pas nos mérites, mais nous aime comme des enfants.

Concentrons-nous sur deux actions divines qui ressortent de l’histoire. Premièrement, Dieu sort à toute heure pour nous appeler ; deuxièmement, il rembourse tout le monde avec la même « pièce ».

Tout d’abord, Dieu est Celui qui sort à toute heure pour nous appeler. travailler. On comprend ainsi que dans la parabole les ouvriers ne sont pas seulement des hommes, mais avant tout Dieu, qui sort toujours, sans se fatiguer, toute la journée.

Ainsi est Dieu : il n’attend pas que nos efforts viennent à nous, il ne nous fait pas passer un examen pour évaluer nos mérites avant de nous chercher, il n’abandonne pas si nous tardons à lui répondre ; au contraire, c’est lui qui a pris l’initiative et, en Jésus, il est « sorti » vers nous, pour nous montrer son amour.

Et il nous cherche à toutes les heures de la journée qui, comme le dit saint Grégoire le Grand, représentent les différentes phases et saisons de notre vie jusqu’à la vieillesse (voir Homélies sur l’Évangile, 19). Pour son cœur, il n’est jamais trop tard, il nous cherche et nous attend toujours. N’oublions pas cela : le Seigneur nous cherche et nous attend toujours, toujours !

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C’est précisément parce qu’il a un cœur si large que Dieu – c’est la deuxième action – rend à chacun la même « pièce de monnaie », qui est son amour. Voici le sens ultime de la parabole : les ouvriers de la dernière heure sont payés comme les premiers car, en réalité, la justice de Dieu est supérieure. Cela va plus loin.

La justice humaine dit de « donner à chacun ce qu’il mérite », alors que la justice de Dieu ne mesure pas l’amour à l’aune de nos rendements, de nos performances ou de nos échecs : Dieu nous aime simplement, il nous aime parce que nous sommes des enfants, et il le fait avec amour inconditionnel, amour libre.

Frères et sœurs, nous risquons parfois d’avoir une relation « mercantile » avec Dieu, en nous concentrant davantage sur notre bonté que sur sa générosité et sa grâce. Parfois même en tant qu’Église, au lieu de sortir à toute heure du jour et d’ouvrir les bras à tout le monde, nous pouvons nous sentir premiers de la classe, jugeant les autres comme distants, sans penser que Dieu les aime aussi avec le le même amour qu’il a pour nous.

Et même dans nos relations, qui sont le tissu de la société, la justice que nous pratiquons ne parvient parfois pas à échapper à la cage du calcul et nous nous limitons à donner selon ce que nous recevons, sans oser faire quelque chose de plus, sans parier sur l’efficacité de le bien fait gratuitement et d’amour offert avec ouverture de cœur.

Frères et sœurs, demandons-nous : est-ce que je sais, en tant que chrétien, aller vers les autres ? Suis-je généreux, suis-je généreux envers tous, est-ce que je sais donner ce « plus » de compréhension, de pardon, comme Jésus l’a fait avec moi et le fait chaque jour avec moi ?

Que Notre-Dame nous aide à nous convertir à la mesure de Dieu, celle d’un amour sans mesure.

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Après l’Angélus

Chers frères et sœurs !

Aujourd’hui, nous célébrons la Journée mondiale des migrants et des réfugiés, sur le thème « Libre de choisir de migrer ou de rester », pour rappeler que migrer doit être un choix libre et jamais le seul possible. En fait, le droit de migrer est aujourd’hui devenu une obligation pour beaucoup, alors que le droit de ne pas émigrer pour rester dans son propre pays devrait exister.

Il est nécessaire que chaque homme et chaque femme ait la possibilité de vivre dignement dans la société dans laquelle il se trouve. Malheureusement, la pauvreté, les guerres et la crise climatique poussent de nombreuses personnes à fuir. C’est pourquoi nous sommes tous appelés à créer des communautés prêtes et ouvertes à accueillir, promouvoir, accompagner et intégrer ceux qui frappent à nos portes.

Ce défi était au centre des Rencontres Méditerranéennes, qui se sont déroulées ces derniers jours à Marseille et dont j’ai participé hier à la dernière séance, en déplacement dans cette ville, carrefour de peuples et de cultures.

Je remercie particulièrement les évêques de la Conférence épiscopale italienne qui font tout pour aider nos frères et sœurs migrants. Nous avons entendu, il y a quelques instants, Mgr. Baturi à la télévision, dans l’émission « À son image » qui l’explique.

Je vous salue tous, Romains et pèlerins d’Italie et de nombreux pays, en particulier du séminaire diocésain international Redemptoris Mater de Cologne, en Allemagne. Tout comme je salue le groupe de personnes touchées par la maladie rare appelée «ataxie», accompagné de leurs familles.

Je renouvelle l’invitation à participer à la veillée de prière œcuménique intitulée « Ensemble », qui aura lieu le samedi 30 septembre prochain sur la place Saint-Pierre, en préparation de l’Assemblée synodale qui débutera le 4 octobre.

Souvenons-nous de l’Ukraine tourmentée et prions pour ce peuple qui souffre tant.

Je souhaite à tous un bon dimanche. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et à bientôt !


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS À MARSEILLE – jour 2

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS À MARSEILLE
pour la conclusion des Rencontres Méditerranéennes
[jour 2 – 23 septembre 2023]

Les Rencontres méditerranéennes avec le pape François
Les Rencontres méditerranéennes avec le pape François

La journée du samedi 23 septembre du Pape François dans la cité phocéenne a été axée autour de trois rendez-vous : les personnes en difficulté tôt le matin dans un quartier pauvre de Marseille ; un important discours pour la session conclusive des Rencontres méditerranéennes ; et la messe devant 50 000 fidèles au Stade vélodrome.

Avant de se rendre à la clôture des Rencontres méditerranéennes, le Pape est donc allé dans l’arrondissement de Saint-Mauront, l’un des plus pauvres de France, dans la Maison des Missionnaires de la Charité, pour rencontrer des personnes en situation de précarité.

Paix, migration, jeunesse, éducation, théologie, le Pape François a délivré une très ample feuille de route pour la paix en Méditerranée au palais du Pharo de Marseille. Considérant cette mer comme un miroir du monde et un laboratoire de paix, le Souverain pontife a dénoncé sa transformation «de berceau de la civilisation en tombeau de la dignité», appelant à «un sursaut contre le naufrage de la civilisation».

Devant plus de cinquante mille fidèles réunis au sein du stade Vélodrome de Marseille, le Pape François a présidé la messe qui a conclu son séjour dans la Cité phocéenne. Dans son homélie, il a souhaité que nous tressaillions devant la vie et devant nos prochains comme le fit, devant Marie, Jean, le fils d’Élisabeth.

MESSE VOTIVE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE DE LA GARDE

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Stade Vélodrome
Samedi 23 septembre 2023

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On raconte dans les Écritures que le roi David, ayant établi son royaume, décida de transporter l’Arche d’Alliance à Jérusalem. Après avoir convoqué le peuple, il se leva et partit pour aller la prendre. Sur le trajet, il dansait devant elle avec le peuple, exultant de joie à la présence du Seigneur (2 S 6, 1-15).

C’est avec cette scène en arrière-plan que l’évangéliste Luc nous raconte la visite de Marie à sa cousine Élisabeth : Marie elle aussi se lève et part vers la région de Jérusalem et, lorsqu’elle entre dans la maison d’Élisabeth, l’enfant que celle-ci porte en son sein, tressaille de joie en reconnaissant l’arrivée du Messie, se met à danser comme le fit David devant l’Arche (cf. Lc 1, 39-45).

Marie est donc présentée comme la véritable Arche d’Alliance qui introduit le Seigneur incarné dans le monde. Elle est la jeune Vierge qui va à la rencontre de la vieille femme stérile et, en portant Jésus, elle devient le signe de la visite de Dieu vainqueur de toute stérilité. Elle est la Mère qui monte vers les montagnes de Juda pour nous dire que Dieu se met en route vers nous, pour nous chercher avec son amour et nous faire exulter de joie. C’est Dieu qui se met en route.

Chez ces deux femmes, Marie et Élisabeth, la visite de Dieu se dévoile à l’humanité : l’une est jeune et l’autre âgée, l’une est vierge et l’autre stérile, et pourtant elles sont toutes deux enceintes alors que c’est “impossible”. Telle est l’œuvre de Dieu dans notre vie : Il rend possible même ce qui semble impossible, Il engendre la vie, même dans la stérilité.

Frères et sœurs, demandons-nous avec sincérité de cœur : croyons-nous que Dieu est à l’œuvre dans notre vie ? Croyons-nous que le Seigneur, de manière cachée et souvent imprévisible, agit dans l’histoire, accomplit des merveilles et est à l’œuvre également dans nos sociétés marquées par le sécularisme mondain et par une certaine indifférence religieuse ?

Il y a un moyen de discerner si nous avons cette confiance dans le Seigneur. Quel est ce moyen ? L’Évangile dit que « lorsqu’Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle » (v.41). Voilà le signe : tressaillir. Celui qui croit, qui prie, qui accueille le Seigneur tressaille dans l’Esprit, sent que quelque chose bouge à l’intérieur, il “danse” de joie. Et je voudrais m’arrêter sur cela : le tressaillement de la foi.

L’expérience de foi provoque avant tout un tressaillement devant la vie. Tressaillir c’est être “touché à l’intérieur”, avoir un frémissement intérieur, sentir que quelque chose bouge dans notre cœur.

C’est le contraire d’un cœur plat, froid, installé dans la vie tranquille, qui se blinde dans l’indifférence et devient imperméable, qui s’endurcit, insensible à toute chose et à tout le monde, même au tragique rejet de la vie humaine qui est aujourd’hui refusée à nombre de personnes qui émigrent, à nombre d’enfants qui ne sont pas encore nés, et à nombre de personnes âgées abandonnées.

Un cœur froid et plat traîne la vie de manière mécanique, sans passion, sans élan, sans désir. Et on peut tomber malade de tout cela dans notre société européenne : le cynisme, le désenchantement, la résignation, l’incertitude, un sentiment général de tristesse – tout à la fois : la tristesse, cette tristesse dissimulée dans les cœurs -. Quelqu’un les a appelées “passions tristes” : c’est une vie sans tressaillement.

Celui qui est né à la foi, en revanche, reconnaît la présence du Seigneur, comme l’enfant dans le sein d’Élisabeth. Il reconnaît son œuvre dans le fleurissement des jours et il reçoit un regard nouveau pour voir la réalité. Même au milieu des difficultés, des problèmes et des souffrances, il perçoit quotidiennement la visite de Dieu et se sent accompagné et soutenu par Lui.

Face au mystère de la vie personnelle et aux défis de la société, celui qui croit connaît un tressaillement, une passion, un rêve à cultiver, un intérêt qui pousse à s’engager personnellement. Maintenant, chacun d’entre nous peut se      demander : est-ce que je ressens ces choses ? Est-ce que j’ai ces     choses ? Celui qui est ainsi sait que le Seigneur est présent en toute chose, qu’il appelle, qu’il invite à témoigner de l’Évangile pour édifier avec douceur, à travers les dons et les charismes reçus, un monde nouveau.

L’expérience de la foi, en plus d’un tressaillement devant la vie, provoque aussi un tressaillement devant le prochain. Dans le mystère de la Visitation, en effet, nous voyons que la visite de Dieu n’a pas lieu à travers des événements célestes extraordinaires, mais dans la simplicité d’une rencontre.

Dieu vient sur le seuil d’une maison de famille, dans la tendre étreinte entre deux femmes, dans le croisement de deux grossesses pleines d’émerveillement et d’espérance. Et, dans cette rencontre, il y a la sollicitude de Marie, l’émerveillement d’Élisabeth, la joie du partage.

Rappelons-le toujours, même dans l’Église : Dieu est relation et souvent il nous rend visite à travers des rencontres humaines, quand nous savons nous ouvrir à l’autre, quand il y a un tressaillement pour la vie de ceux qui passent chaque jour à nos côtés et quand notre cœur ne reste pas impassible et insensible devant les blessures de ceux qui sont les plus fragiles.

Nos villes métropolitaines, et tant de pays européens comme la France où coexistent des cultures et des religions différentes, sont en ce sens un grand défi contre les exacerbations de l’individualisme, contre les égoïsmes et les fermetures qui produisent solitudes et souffrances.

Apprenons de Jésus à éprouver des frémissements pour ceux qui vivent à nos côtés, apprenons de Lui qui, devant les foules fatiguées et épuisées, ressent de la compassion et s’émeut (cf. Mc 6, 34), tressaille de miséricorde devant la chair blessée de ceux qu’il rencontre.

Comme l’affirme votre grand saint, Vincent de Paul, « il faut tâcher d’attendrir nos cœurs et de les rendre susceptibles des souffrances et des misères du prochain, et prier Dieu qu’il nous donne le véritable esprit de miséricorde, qui est le propre esprit de Dieu », jusqu’à reconnaître que les pauvres sont « nos seigneurs et maîtres » (Correspondance, entretiens, documents,Paris 1920-25, p. 341 ; pp. 392-393).

Frères, sœurs, je pense aux nombreux “tressaillements” qu’a connus la France, à son histoire riche de sainteté, de culture, d’artistes et de penseurs qui ont passionné tant de générations. Aujourd’hui encore, notre vie, la vie de l’Église, la France, l’Europe ont besoin de cela : de la grâce d’un tressaillement, d’un nouveau tressaillement de foi, de charité et d’espérance.

Nous avons besoin de retrouver passion et enthousiasme, de redécouvrir le goût de l’engagement pour la fraternité, d’oser encore le risque de l’amour dans les familles et envers les plus faibles, et de retrouver dans l’Évangile une grâce qui transforme et rend belle la vie.

Regardons Marie qui se dérange en se mettant en route et qui nous enseigne que Dieu est précisément comme cela : il nous dérange, il nous met en mouvement, il nous fait “tressaillir”, comme avec Élisabeth.

Et nous voulons être des chrétiens qui rencontrent Dieu par la prière et nos frères par l’amour, des chrétiens qui tressaillent, vibrent, accueillent le feu de l’Esprit pour se laisser brûler par les questions d’aujourd’hui, par les défis de la Méditerranée, par le cri des pauvres, par les “saintes utopies” de fraternité et de paix qui attendent d’être réalisées.

Frères et sœurs, avec vous, je prie la Vierge, Notre-Dame de la Garde, de veiller sur votre vie, de garder la France, de garder toute l’Europe, et de nous faire tressaillir dans l’Esprit. Et je voudrais le faire avec les paroles de Paul Claudel :

« Je vois l’église ouverte. […]
Je n’ai rien à offrir et rien à demander.
Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela :
Que je suis votre fils et que vous êtes là. […]
Être avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes […]
Parce que vous êtes là pour toujours,
Simplement parce que vous êtes Marie,
Simplement parce que vous existez,
Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée ! »

(« La Vierge à midi », Poèmes de Guerre 1914-1916, Paris, 1922).

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Salutation à la fin de la Messe

Merci, Excellence, pour vos paroles, et merci à vous tous, frères et sœurs, pour votre présence et pour vos prières. Merci !

Arrivé au terme de cette visite, je tiens à exprimer ma gratitude pour l’accueil chaleureux qui m’a été réservé, ainsi que pour tout le travail et les préparatifs qui ont été faits. Je remercie Monsieur le Président de la République et, à travers lui, je salue cordialement toutes les Françaises et tous les Français. Je salue Madame le Premier Ministre, qui est venue m’accueillir à l’aéroport ; je salue également les Autorités présentes, en particulier le Maire de Marseille.

Et j’embrasse toute l’Église de Marseille, avec ses communautés paroissiales et religieuses, ses nombreux établissements scolaires et ses œuvres caritatives. Cet archidiocèse a été le premier au monde à avoir été consacré au Sacré-Cœur de Jésus, en 1720, au cours d’une épidémie de peste ; vous avez donc à cœur d’être aussi des signes de la tendresse de Dieu dans l' »épidémie de l’indifférence » actuelle. Merci pour votre service, doux et déterminé, qui témoigne de la proximité et de la compassion du Seigneur !

Plusieurs d’entre vous sont venus de diverses régions de France : merci à vous ! Je voudrais saluer les frères et sœurs venus de Nice, accompagnés par l’évêque et le maire, et qui ont survécu au terrible attentat du 14 juillet 2016.

Souvenons-nous dans la prière de tous ceux qui ont perdu la vie dans cette tragédie et dans tous les actes terroristes perpétrés en France et dans toutes les parties du monde. Le terrorisme est lâche. Ne nous lassons pas de prier pour la paix dans les régions ravagées par la guerre, en particulier pour le peuple ukrainien meurtri.

Une salutation pleine d’affection pour les malades, les enfants et les personnes âgées, qui sont la mémoire de la civilisation ; et une pensée particulière pour les personnes dans le besoin et pour tous les travailleurs de cette ville ; Jacques Loew, le premier prêtre ouvrier de France, a travaillé sur le port de Marseille. Que la dignité des travailleurs soit respectée, promue et protégée !

Chers frères et sœurs, je porterai dans mon cœur les rencontres de ces journées. Que Notre Dame de la Garde veille sur cette ville, mosaïque d’espérance, sur toutes vos familles et sur chacun de vous. Je vous bénis. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Ce travail n’est pas facile ! Merci.


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