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sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

MOIS DE SAINT JOSEPH – Xe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – Xe JOUR

Grandeur de saint Joseph comme époux de la Vierge.

SAINT LÉONARD DE PORTO-MAURIZIO (1676–1751)

Notre-Dame de Paris - Joseph et Maris en chemin |DR
Notre-Dame de Paris – Joseph et Maris en chemin |DR

 Il n’est point au pouvoir d’une langue mortelle d’exprimer le comble d’honneur où fut élevé notre saint en recevant pour épouse celle qui parut dans le monde « comme une aurore naissante » et qui, croissant toujours de vertus en vertus, en fit une riche dot qu’elle apporta à Joseph son époux.

Contemplons, à la clarté de cette aurore céleste, les richesses du trop heureux Joseph, qui par cette sainte alliance devient en quelque sorte plus grand que lui-même.

En effet, l’auguste Vierge ne voulut d’autres conditions sur le contrat de mariage, sinon que son époux fût en tout et pour tout semblable à elle, et dans l’innocence des mœurs et dans la pureté de l’âme. Et comme le contrat passa par les mains du Saint-Esprit, qui peut douter que Marie n’ait été exaucée en sa demande, et que Joseph n’ait été enrichi de qualités, de dons et de vertus semblables en tout point à ceux de Marie son épouse?

C’est le sentiment de saint Bernardin de Sienne : le Saint-Esprit unirait-il commodément quelque âme à l’esprit de la Vierge, si ce n’est par l’opération des vertus qui lui ressemblent le plus ? Que les évangélistes gardent le silence sur Joseph, peu importe; qu’ils s’abstiennent d’exalter, comme ils auraient pu le faire, ces vertus et ces prérogatives excellentes qui relèvent sa dignité, il me suffît qu’ils le représentent comme l’époux de Marie, de qui est né Jésus (Matth. I, 16).

C’est-à-dire comme celui de tous les mortels qui ressemble le plus à l’œuvre la plus parfaite entre les pures créatures qui soit sortie de la main de Dieu, savoir à sa Mère ; « car, dit saint Bernard , Joseph a été fait à la ressemblance de la Vierge son épouse.

—« Époux de Marie, » c’est-à-dire celui qui approcha le plus près de cette créature sublime laquelle s’éleva jusqu’au plus haut des cieux, et ravit en quelque sorte au sein du Père éternel son fils unique.
« Époux de Marie, » c’est-à-dire un même cœur, une même âme avec ce cœur et cette âme qui porta le cœur et l’âme du Fils de Dieu.
« Époux de Marie, » c’est-à-dire le responsabke de la première souveraine du monde, car « l’homme est le chef de la femme, » ( I Cor. xi, 3).
« Époux de Marie,» c’est-à-dire celui de cette auguste maîtresse qui connaissait ce précepte de la Genèse : «Tu seras sous la puissance de l’homme » ( Gen. III, 16), et qui, si parfaite en tout le reste, ne surpassa pas moins toutes les autres femmes par le respect et la confiance qu’elle portait à son époux.
« Époux de Marie, » c’est-à-dire de cette grande reine que les Dominations, les Principautés, les Chérubins et les Séraphins se font gloire de servir.
« Époux de Marie, c’est assez, dit saint Bernard, vous dites tout en disant qu’il a été semblable à la Vierge son épouse : semblable pour les traits, pour le cœur, pour les inclinations, pour les habitudes, semblable en vertu et en sainteté.

Si Marie fut l’aube qui annonça le soleil de justice, Joseph fut l’horizon illuminé par ses brillantes splendeurs. Concluez donc que si comme juste il alla jusqu’à surpasser en sainteté les plus grands saints, comme époux il s’éleva même au-dessus des anges, et put voir à ses pieds, hormis la sainte Vierge, toute autre sainteté créée.

Oui, Joseph fut incomparablement plus qu’un ange pour Marie. Jugeons de sa grandeur par ces paroles de la loi qui dit que celui qui épouse la reine, par le fait même devient roi. Celui qui donne sa main à une reine en reçoit le sceptre royal ; au moment où il lui met l’anneau au doigt, elle dépose la couronne sur sa tête; et fût-il un simple pâtre, il entre aussitôt dans tous les honneurs dus à un roi, et doit être respecté comme tel.
Or je tire de là un argument sans réplique.

Marie est la reine des saints et des anges ; Joseph est l’époux de Marie : donc, d’après la loi, il est aussi le roi des saints et des anges. Si vous honorez souvent la sainte Vierge de ces glorieux titres, vous devez honorer Joseph de la même manière, et lui dire : Roi des saints, roi des anges, priez pour nous. Ce qui montre bien que Joseph était en effet supérieur à tous les anges, ce sont les fréquents messages qu’il recevait du ciel par leur entremise.

Des anges sont députés vers Joseph pour lui confier le mystère de l’Incarnation : Ce qui est né en elle est du Saint-Esprit  (Matth, I, 20.). Des anges sont députés vers Joseph pour lui faire part du mystère de la Rédemption : Il sauvera son peuple de ses péchés (Ibid., 21). Des anges sont députés vers Joseph lorsqu’il voulait se séparer de son épouse.

Des anges sont députés vers Joseph lorsqu’il s’agit de donner un nom au divin Enfant. Des anges sont envoyés à Joseph lorsque Jésus est menacé de la persécution d’Hérode. Des anges sont envoyés à Joseph lorsqu’il doit retourner d’Égypte en Palestine. Des anges lui sont envoyés pour l’avertir de se réfugier en Galilée dans la crainte du roi Archélaüs.

Vous voyez comment les affaires secrètes que ce grand homme avait à traiter avec l’auguste sénat de l’adorable Trinité mettent continuellement en mouvement les messagers célestes ; c’est là ce que nous font entendre ces paroles tant de fois répétées dans le texte sacré : « L’ange du Seigneur apparut en songe à Joseph. » (Matth. 1, 20; II, 13 et 19).

Dites-moi maintenant si le titre de roi, et de roi des anges ne lui convient pas, et s’il n’est pas vrai qu’en qualité d’époux il fut plus grand que les anges les plus élevés dans le ciel.

Toutefois, ce qui rehausse principalement Joseph en qualité d’époux de Marie, c’est qu’à ce titre il est vénéré comme le chef de cette sainte famille, laquelle ne fut ni tout humaine ni toute divine, mais qui tient de l’un et de l’autre, et qui pour cette raison a été appelée à juste titre la trinité de la terre. Mais où trouver jamais des paroles pour peindre dignement cette admirable trinité de Jésus,Marie, Joseph?

Dieu ayant placé Joseph à la tête de cette trinité , nous donne droit de conclure que s’il fut grand comme juste, il ne le fut pas moins comme époux. Rendez donc de fréquents hommages à l’adorable Trinité dans le ciel, au Père, au Fils, et au Saint-Esprit; mais honorez aussi dans la trinité sainte qui a habité visiblement parmi nous sur la terre, Jésus, Marie, Joseph.

Gravez dans votre cœur en lettres d’or ces trois noms, ces noms célestes ; prononcez-les souvent, écrivez-les partout, Jésus, Marie, Joseph. Que ce soient les premières paroles que vous enseigniez à vos enfants. Répétez plusieurs fois par jour ces noms sacrés, et qu’ils soient encore sur vos lèvres au moment où vous rendrez le dernier soupir.

Laissez les anges imprimer en lettres de feu dans vos esprits, et plus encore dans vos cœurs, que si Joseph fut grand comme juste, il le fut plus encore comme chef de la sainte famille en qualité d’époux, et que ce qui met le comble à sa gloire; c’est sa grandeur comme père.

(Saint Léonard de Porto-Maurizio – Discours sur les grandeurs de saint Joseph.)

MOIS DE SAINT JOSEPH – IXe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – IXe JOUR

Saint Joseph époux de Marie.

Caractère du mariage et de la paternité de Joseph.

Jacques-Bénigne BOSSUET (1627-1704)

mariage de Joseph et de Marie
mariage de Joseph et de Marie

« C’est ici qu’il faut vous représenter un spectacle qui étonne toute la nature ; je veux dire ce mariage céleste, destiné par la Providence pour protéger la virginité, et donner par ce moyen Jésus-Christ au monde. Mais, qui prendrai-je pour mon conducteur dans une entreprise si difficile, sinon l’incomparable Augustin, qui traite si divinement ce mystère? Écoutez ce savant évêque et suivez exactement sa pensée. Il remarque avant toutes choses qu’il y a trois liens dans le mariage.

«Il y a premièrement le sacré contrat, par lequel ceux que l’on unit se donnent entièrement l’un à l’autre; il y a secondement l’amour conjugal, par lequel ils se vouent mutuellement un cœur qui n’est plus capable de se partager, et qui ne peut brûler d’autres flammes; il y a enfin les enfants, qui sont un troisième lien;parce que l’amour des parents venant, pour ainsi dire, à se rencontrer dans ces fruits communs de leur mariage, l’amour se lie par un nœud plus ferme.

« Saint Augustin trouve ces trois choses dans le mariage de saint Joseph, et il nous montre que tout y concourt à garder la virginité. Il y trouve premièrement le sacré contrat, par lequel ils se sont donnés l’un à l’autre; et c’est là qu’il faut admirer le triomphe de la pureté dans la vérité de ce mariage ; car Marie appartient à Joseph, et Joseph à la divine Marie; si bien que leur mariage est très-véritable, parce qu’ils se sont donnés l’un à l’autre. «

« Mais de quelle sorte se sont-ils donnés? Pureté, voici ton triomphe. Ils se donnent réciproquement leur virginité, et sur cette virginité ils se cèdent un droit mutuel. Quel droit? De se la garder l’un à l’autre. Oui, Marie a droit de garder la virginité de Joseph, et Joseph a droit de garder la virginité de Marie. Ni l’un ni l’autre n’en peut disposer, et toute la fidélité de ce mariage consiste à garder la virginité. Voilà les promesses qui les assemblent ; voilà le traité qui les lie.

« Ce sont deux virginités qui s’unissent, pour se conserver éternellement l’une l’autre par une chaste correspondance de désirs pudiques; et il me semble que je vois deux astres, qui n’entrent ensemble en jonction, qu’à cause que leurs lumières s’allient. Tel est le nœud de ce mariage, d’autant plus ferme, dit saint Augustin, que les promesses qu’ils se sont données doivent être plus inviolables, en cela même qu’elles sont plus saintes.

« Qui pourrait maintenant vous dire quel devait être l’amour conjugal de ces bienheureux mariés? car, ô sainte virginité, vos flammes sont d’autant plus fortes qu’elles sont plus pures et plus dégagées.

« Mais où est-ce que cet amour si spirituel s’est jamais trouvé si parfait que dans le mariage de saint Joseph? C’est là que l’amour était tout céleste, puisque toutes ses flammes et tous ses désirs ne tendaient qu’à conserver la virginité; et il est aisé de l’entendre; car, dites-nous, ô divin Joseph, qu’est-ce que vous aimiez en Marie? Ah! sans doute, ce n’était pas la beauté mortelle, mais cette beauté cachée et intérieure, dont la sainte virginité faisait le principal ornement.

« Ô amour divin et spirituel! Chrétiens, n’admirez-vous pas comme tout concourt, dans ce mariage, à conserver ce sacré dépôt? Leurs promesses sont toutes pures, leur amour est tout virginal : il reste maintenant à considérer ce qu’il y a de plus admirable : c’est le fruit sacré de ce mariage, je veux dire le Sauveur Jésus.

« Mais il me semble vous voir étonnés de m’entendre prêcher si assurément que Jésus est le fruit de ce mariage. Nous comprenons bien, direz-vous, que l’incomparable Joseph est père de Jésus-Christ par ses soins; mais nous savons qu’il n’a point de part dans sa bienheureuse naissance.

« Comment donc nous assurez-vous que Jésus est le fruit de ce mariage? Cela peut-être paraît impossible : toutefois si vous rappelez à votre mémoire tant de vérités importantes que nous avons, ce me semble, si bien établies, j’espère que vous m’accorderez aisément que ce béni enfant est sorti, en quelque manière, de l’union virginale de ces deux époux.

« Car, fidèles, n’avons-nous pas dit que c’est la virginité de Marie qui a attiré Jésus-Christ du ciel? Jésus n’est-il pas cette fleur sacrée que la virginité a poussée? N’est-il pas le fruit bienheureux que la virginité a produit? « Oui, certainement, nous dit saint Fulgence, « il est le fruit, il est l’ornement, il est le prix et la récompense de la sainte virginité. »

« Que si c’est sa pureté qui la rend féconde, je ne craindrai plus d’assurer que Joseph a part à ce grand miracle; car, si cette pureté angélique est le bien de la divine Marie, elle est le dépôt du juste Joseph.

« Mais je passe encore plus loin, chrétiens; permettez-moi de quitter mon texte, et d’enchérir sur mes premières pensées pour vous dire que la pureté de Marie n’est pas seulement le dépôt, mais encore le bien de son chaste époux. Elle est à lui par son mariage, elle est à lui par les chastes soins par lesquels il l’a conservée. 0 féconde virginité, si vous êtes le bien de Marie, vous êtes aussi le bien de Joseph.

« Marie l’a vouée, Joseph l’a conservée ; et tous deux la présentent au Père Éternel, comme un bien gardé par leurs soins communs. Comme donc il a tant de part à la sainte virginité de Marie, il en prend aussi au fruit qu’elle porte : c’est pourquoi Jésus est son fils, non pas, à la vérité, par la chair, mais il est son fils par l’esprit, à cause de l’alliance virginale qui le joint avec sa Mère. Et saint Augustin l’a dit en un mot : ‘Ô mystère de pureté! ô paternité bienheureuse! ô lumières incorruptibles, qui brillent de toutes parts dans ce mariage.’»

(Bossuet, Panégyrique de saint Joseph)

La charité fraternelle

La charité fraternelle

VENDREDI (3e semaine de Carême) Os 14,210 Mc 12,28b-34

Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Mc 12,31)

Saint Augustin
Saint Augustin

Remarquons à quel point l’apôtre Jean nous recommande l’amour fraternel :

Celui qui aime son frère, dit-il, demeure dans la lumière, et il n’y a en lui aucune occasion de chute (1 Jn 2,10). Il est clair que l’apôtre met la perfection, de la justice dans l’amour des frères : car celui en qui il n’y a pas d’occasion de chute est parfait.

Et cependant il semble passer sous silence l’amour de Dieu : ce qu’il ne ferait jamais, si dans la charité fraternelle elle-même il n’enten­dait Dieu. Peu après, dans la même épître, il dit en effet d’une façon on ne peut plus claire : Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu, et tout homme qui aime est né de Dieu et connaît Dieu ; celui qui n’aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour (1 Jn 4,7-8).

De ce contexte il ressort assez clairement qu’un témoin si autorisé considère l’amour fra­ternel non seulement comme issu de Dieu, mais comme Dieu lui-même, puisque c’est en l’amour fraternel que nous nous aimons les uns les autres.

*

Par conséquent, en aimant notre frère d’un amour véri­table, nous aimons notre frère selon Dieu, et il ne se peut faire que nous n’aimions en premier lieu cet amour grâce auquel nous aimons notre frère. D’où nous concluons que ces deux préceptes ne peuvent exister l’un sans l’autre. Puisqu’en effet Dieu est amour, celui-là aime certainement Dieu qui aime l’amour ; or celui-là aime nécessairement l’amour, qui aime son frère.

Aussi, peu après, l’apôtre Jean dit-il : Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? (1 Jn 4,20) ; la raison qui l’empêche de voir Dieu, c’est qu’il n’aime pas son frère. Celui qui n’aime pas son frère n’est pas dans l’amour ; et celui qui n’est pas dans l’amour n’est pas en Dieu, car Dieu est amour.

*

En outre, celui qui n’est pas en Dieu n’est pas dans la lumière, car Dieu est lumière et il n’y a point en lui de ténèbres (1 Jn 1,5). Celui donc qui n’est pas dans la lumière, quoi d’étonnant qu’il ne voie pas la lumière, autre­ment dit, qu’il ne voie pas Dieu, puisqu’il est dans les ténèbres ? Il voit son frère d’une vue humaine, laquelle ne permet pas de voir Dieu.

Mais si ce frère qu’il voit d’une vue humaine, il l’aimait d’une charité spirituelle, il verrait Dieu qui est la charité même, de cette vue intérieure qui permet de le voir. Ainsi donc, celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment pourrait-il aimer Dieu que préci­sément il ne voit pas parce que Dieu est amour, et que cet amour fait défaut à celui qui n’aime pas son frère ?

Et qu’il ne soit plus question de savoir combien de charité nous devons à notre frère, combien à Dieu : incomparablement plus à Dieu qu’à nous, autant à nos frères qu’à nous-mêmes ; or nous nous aimons d’autant plus nous-mêmes que nous aimons Dieu davantage. C’est donc d’une seule et même charité que nous aimons Dieu et le prochain ; mais nous aimons Dieu pour lui-même, nous et le prochain pour Dieu.

Saint Augustin De Trinitate, VIII, 12 : PL 42, 958-959, Traduction Orval.