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MESSAGE ET BÉNÉDICTION URBI ET ORBI DU PAPE FRANÇOIS

MESSAGE ET BÉNÉDICTION URBI ET ORBI
DU PAPE FRANÇOIS

PÂQUES 2024

Loggia centrale de la Basilique Saint-Pierre
dimanche 31 mars 2024

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Chers frères et sœurs, joyeuses Pâques !

Aujourd’hui, l’annonce faite il y a deux mille ans depuis Jérusalem résonne dans le monde entier : « Jésus de Nazareth, le crucifié, est ressuscité ! » (voir Marc 16:6).

L’Église revit l’émerveillement des femmes qui se rendaient au tombeau à l’aube du premier jour de la semaine.

Le tombeau de Jésus avait été fermé par une grosse pierre ; et ainsi, même aujourd’hui, des rochers lourds, trop lourds, ferment les espoirs de l’humanité : le rocher de la guerre, le rocher des crises humanitaires, le rocher des violations des droits de l’homme, le rocher du trafic d’êtres humains, et d’autres encore. Nous aussi, comme les femmes disciples de Jésus, nous nous demandons : « Qui nous roulera ces pierres ? (voir Marc 16, 3).

Et voici la découverte le matin de Pâques : la pierre, cette grosse pierre, a déjà été roulée. L’étonnement des femmes est notre étonnement : le tombeau de Jésus est ouvert et vide ! C’est là que tout commence.

Par ce tombeau vide passe le nouveau chemin, celui qu’aucun de nous, mais Dieu seul, a pu ouvrir : le chemin de la vie au milieu de la mort, le chemin de la paix au milieu de la guerre, le chemin de la réconciliation dans le au milieu de la haine, le chemin de la fraternité au milieu de l’inimitié.

Frères et sœurs, Jésus-Christ est ressuscité et lui seul est capable de rouler les pierres qui ferment le chemin de la vie. En effet, Lui-même, le Vivant, est la Voie : la Voie de vie, de paix, de réconciliation, de fraternité. Il nous ouvre le passage humainement impossible, car Lui seul enlève le péché du monde et pardonne nos péchés.

Et sans le pardon de Dieu, cette pierre ne peut être enlevée. Sans le pardon des péchés, il n’y a pas d’échappatoire aux fermetures, aux préjugés, aux suspicions mutuelles, aux présomptions qui toujours s’absolvent et accusent les autres. Seul le Christ ressuscité, en nous accordant le pardon des péchés, ouvre la voie à un monde renouvelé.

Lui seul nous ouvre les portes de la vie, ces portes que nous fermons continuellement avec les guerres qui se propagent à travers le monde. Aujourd’hui, nous tournons notre regard tout d’abord vers la Ville Sainte de Jérusalem, témoin du mystère de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus, et vers toutes les communautés chrétiennes de Terre Sainte.

Mes pensées vont avant tout aux victimes des nombreux conflits qui ont lieu dans le monde, à commencer par ceux en Israël, en Palestine et en Ukraine. Que le Christ ressuscité ouvre un chemin de paix aux populations tourmentées de ces régions. Tout en appelant au respect des principes du droit international, j’espère un échange général de tous les prisonniers entre la Russie et l’Ukraine : tous pour tous !

Par ailleurs, j’appelle une fois de plus à ce que la possibilité d’accès à l’aide humanitaire à Gaza soit garantie, en insistant une fois encore sur la libération rapide des otages kidnappés le 7 octobre et sur un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza.

Ne permettons pas que les hostilités en cours continuent d’avoir de graves répercussions sur la population civile désormais épuisée, et en particulier sur les enfants. Que de souffrances voyons-nous dans les yeux des enfants : ces enfants ont oublié de sourire sur ces terres de guerre !

Avec leur regard ils nous demandent : pourquoi ? Pourquoi tant de morts ? Pourquoi tant de destructions ? La guerre est toujours une absurdité, la guerre est toujours une défaite ! Ne laissons pas des vents de guerre toujours plus forts souffler sur l’Europe et la Méditerranée. Ne cédez pas à la logique des armes et du réarmement. La paix ne se construit jamais avec les armes, mais en tendant la main et en ouvrant les cœurs.

Et frères et sœurs, n’oublions pas la Syrie, qui subit depuis treize ans les conséquences d’une guerre longue et dévastatrice. Tant de morts, de personnes disparues, tant de pauvreté et de destruction attendent des réponses de tous, y compris de la communauté internationale.

Mon regard se tourne aujourd’hui particulièrement vers le Liban, qui a longtemps été touché par un blocus institutionnel et une profonde crise économique et sociale, aujourd’hui aggravée par les hostilités à la frontière avec Israël. Que le Ressuscité réconforte le bien-aimé peuple libanais et soutienne le pays tout entier dans sa vocation d’être une terre de rencontre, de coexistence et de pluralisme.

J’adresse une pensée particulière à la région des Balkans occidentaux, où des mesures significatives sont prises vers l’intégration dans le projet européen : que les différences ethniques, culturelles et confessionnelles ne provoquent pas de division, mais deviennent une source de richesse pour toute l’Europe et pour le monde entier.

De même, j’encourage les pourparlers entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, afin que, avec le soutien de la communauté internationale, ils puissent poursuivre le dialogue, aider les personnes déplacées, respecter les lieux de culte des différentes confessions religieuses et parvenir à un accord de paix dans les plus brefs délais. éventuel définitif.

Puisse le Christ ressuscité ouvrir un chemin d’espérance aux personnes qui, dans d’autres parties du monde, souffrent de violence, de conflits, d’insécurité alimentaire ainsi que des effets du changement climatique. Que le Seigneur réconforte les victimes de toute forme de terrorisme. Nous prions pour ceux qui ont perdu la vie et implorons le repentir et la conversion des auteurs de tels crimes.

Que le Ressuscité assiste le peuple haïtien, afin que cesse au plus vite les violences qui déchirent et ensanglantent le pays et qu’il progresse sur le chemin de la démocratie et de la fraternité.

Réconforter les Rohingyas, frappés par une grave crise humanitaire, et ouvrir la voie à la réconciliation dans un Myanmar déchiré par des années de conflits internes, afin que toute logique de violence soit définitivement abandonnée.

Que le Seigneur ouvre des chemins de paix sur le continent africain, en particulier pour les populations en difficulté au Soudan et dans toute la région du Sahel, dans la Corne de l’Afrique, dans la région du Kivu en République démocratique du Congo et dans la province du Cap Delgado au Mozambique., et mettre fin à la situation de sécheresse prolongée qui affecte de vastes zones et provoque la famine et la famine.

Puisse le Ressuscité éclairer les migrants et ceux qui traversent une période de difficultés économiques, en leur offrant réconfort et espoir dans ces moments difficiles. Que le Christ guide toutes les personnes de bonne volonté à s’unir dans la solidarité, pour affronter ensemble les nombreux défis qui menacent les familles les plus pauvres dans leur recherche d’une vie meilleure et du bonheur.

En ce jour où nous célébrons la vie qui nous est donnée dans la résurrection du Fils, souvenons-nous de l’amour infini de Dieu pour chacun de nous : un amour qui dépasse toute limite et toute faiblesse. Pourtant, comme le précieux don de la vie est si souvent méprisé.

Combien d’enfants ne peuvent même pas voir la lumière ? Combien meurent de faim, sont privés de soins essentiels ou sont victimes d’abus et de violences ? Combien de vies sont commercialisées en raison du commerce croissant des êtres humains ?

Frères et sœurs, le jour où le Christ nous a libérés de l’esclavage de la mort, j’exhorte ceux qui ont des responsabilités politiques à ne ménager aucun effort pour lutter contre le fléau de la traite des êtres humains, en travaillant sans relâche pour démanteler les réseaux d’exploitation et apporter la liberté à ceux qui en sont victimes.

Que le Seigneur console leurs familles, en particulier celles qui attendent avec impatience des nouvelles de leurs proches, en leur assurant réconfort et espérance.

Que la lumière de la résurrection illumine nos esprits et convertisse nos cœurs, nous faisant prendre conscience de la valeur de toute vie humaine, qui doit être accueillie, protégée et aimée.

Joyeuse Pâques à tous!


Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

CHEMIN DE CROIX AU COLISÉE VENDREDI SAINT 2024

VENDREDI SAINT
« PASSION DU SEIGNEUR »
CHEMIN DE CROIX

COLISÉE
ROME, 29 MARS 2024

Célébration du Vendredi Saint le long des Forums Impériaux. Tout près du célèbre amphithéâtre romain, lieu de martyr pour des milliers de chrétiens dans les premiers siècles après Jésus-Christ, 25 000 personnes ont participé au traditionnel Chemin de Croix. Comme en 2023, le Pape François a suivi depuis le Vatican cette célébration qui constitue un des moments les plus intenses de la vie spirituelle de la ville de Rome. Des personnes handicapées, des familles, des migrants portent la Croix durant les 14 stations, dirigées par le cardinal De Donatis. ¨Prions et dialoguons avec Jésus, aidés  des méditations écrites par le Pape, condensant les douleurs du monde.

“En prière avec Jésus sur le chemin de la croix”

Introduction

Seigneur Jésus, nous regardons ta croix et nous comprenons que tu as tout donné pour nous. Nous te consacrons ce temps. Nous voulons le passer près de toi qui, de Gethsémani au Calvaire, as prié. En cette Année de la prière, nous nous unissons à ton chemin de prière.

De l’Évangile selon saint Marc (14, 32-37)

Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. […] Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : “[…] Restez ici et veillez”. Allant un peu plus loin, il tombait à terre et priait […] : “Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux !”. Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : “[…] Tu n’as pas eu la force de veiller seulement une heure ?”

*

Seigneur, tu as préparé par la prière chacune de tes journées et maintenant, à Gethsémani, tu prépares la Pâque. Abba ! Père ! Tout est possible pour toi – dis-tu – parce que la prière est avant tout dialogue et intimité ; mais elle est aussi lutte et demande : Éloigne de moi cette coupe ! Et elle est confiance et don : Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux. Ainsi, tu es entré en prière par la porte étroite de notre souffrance et tu l’as franchie jusqu’au bout. Tu as ressenti « peur et angoisse » (Mc 14, 33) : peur face à la mort, angoisse sous le poids de notre péché que tu as pris sur toi, alors qu’une amertume infinie t’envahissait. Mais, en plein combat, tu as prié « plus intensément » (Lc 22, 44) : tu as ainsi transformé la véhémence de la douleur en offrande d’amour.

Tu nous as demandé une seule chose : rester avec toi, veiller. Tu ne nous demandes pas l’impossible, mais la proximité. Et pourtant, combien de fois je me suis éloigné de toi ! Combien de fois, comme les disciples, au lieu de veiller j’ai dormi, combien de fois n’ai-je pas eu le temps ou l’envie de prier, parce que j’étais fatigué, anesthésié par le confort, l’âme endormie. Jésus, répète-moi encore, à nous ton Église : « Levez-vous et priez » (Lc 22, 46). Réveille-nous, Seigneur, sors-nous de la torpeur du cœur, car aujourd’hui encore, aujourd’hui surtout, tu as besoin de notre prière.

1. Jésus est condamné à mort

Alors, s’étant levé, le grand prêtre, devant tous, interrogea Jésus : “Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ?”. Mais lui gardait le silence et ne répondait rien. […] Pilate lui demanda à nouveau : “Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi”. Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate fut étonné (Mc 14, 60-61 ; 15, 4-5).

Jésus, tu es la vie et tu es condamné à mort ; tu es la vérité et tu subis un faux procès. Mais pourquoi ne te plains-tu pas ? Pourquoi n’élèves-tu pas la voix et n’expliques-tu pas tes raisons ? Pourquoi ne réfutes-tu pas les savants et les puissants comme tu l’as toujours fait avec succès ? Ta réaction étonne, Jésus : au moment décisif, tu ne parles pas, tu te tais. Parce que plus le mal est fort, plus ta réponse est radicale. Et ta réponse est le silence. Mais ton silence est fécond : il est prière, il est douceur, il est pardon, il est chemin pour remédier au mal, pour convertir ce que tu souffres en un don que tu offres. Jésus, je m’aperçois que je te connais peu parce que je ne connais pas assez ton silence ; parce que dans la frénésie de courir et de faire, absorbé par les choses, pris de peur de ne pas rester à flot ou par la manie me mettre au centre, je ne trouve pas le temps de m’arrêter et de rester avec toi pour te laisser agir, Parole du Père qui œuvre dans le silence. Jésus, ton silence me secoue : il m’enseigne que la prière ne naît pas des lèvres qui remuent, mais d’un cœur qui sait être à l’écoute : parce que prier c’est se rendre docile à ta Parole, c’est adorer ta présence.

Prions en disant : Parle à mon cœur, Jésus
Toi qui réponds au mal par le bien Parle à mon cœur, Jésus
Toi qui éteins l’agitation par la douceur Parle à mon cœur, Jésus
Toi qui détestes les bavardages et les plaintes Parle à mon cœur, Jésus
Toi qui me connais au plus profond Parle à mon cœur, Jésus
Toi qui m’aimes plus que moi-même Parle à mon cœur, Jésus

2. Jésus est chargé de la croix

Lui-même a porté nos péchés,
dans son corps, sur le bois,
afin que, morts à nos péchés,
nous vivions pour la justice.
Par ses blessures, nous sommes guéris. (1 P 2, 24).

Jésus, nous portons nous aussi des croix, parfois très lourdes : une maladie, un accident, la mort d’un être cher, une déception affective, un enfant en perdition, le travail qui manque, une blessure intérieure qui ne guérit pas, l’échec d’un projet, une énième attente qui ne donne rien… Jésus, comment fait-on pour prier dans ces cas ? Comment faire quand je me sens écrasé par la vie, quand un poids me pèse sur le cœur, quand je suis sous pression et que je n’ai plus la force de réagir ? Ta réponse se trouve dans une proposition : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai le repos » (Mt 11, 28). Venir à toi ! Moi, au contraire, je me referme en moi-même : je rumine, je ressasse, je pleure sur moi, je m’enfonce dans la victimisation, championne de négativité. Venez à moi : nous le dire n’a pas suffi, alors voici que tu viens à nous et que tu portes notre croix sur tes épaules, pour nous en ôter le poids. C’est ce que tu veux : que nous te confions nos peines et nos tourments, car tu veux que nous nous sentions libres et aimés de toi. Merci, Jésus. J’unis ma croix à la tienne, je t’apporte mes fatigues et mes misères, je jette en toi tous les fardeaux de mon cœur.

Prions en disant : Je viens à toi, Seigneur
Avec mon histoire Je viens à toi, Seigneur
Avec mes peines Je viens à toi, Seigneur
Avec mes limites et mes fragilités Je viens à toi, Seigneur
Avec mes peurs Je viens à toi, Seigneur
En plaçant toute ma confiance dans ton amour Je viens à toi, Seigneur

3. Jésus tombe pour la première fois

Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. (Jn 12, 24)

Jésus, tu es tombé : à quoi penses-tu, comment pries-tu, le visage dans la poussière ? Et surtout, qu’est-ce qui te donne la force de te relever ? Alors que tu es face contre terre et que tu ne vois plus le ciel, je t’imagine répétant dans ton cœur : Père, qui es aux cieux. Le regard aimant du Père qui se pose sur toi est ta force. Mais j’imagine aussi qu’en embrassant la terre sèche et froide, tu penses à l’homme, tiré de la terre, à nous, qui sommes au centre de ton cœur, et que tu répètes les paroles de ton testament : « Ceci est mon corps, donné pour vous » (Lc 22, 19). L’amour du Père pour toi et le tien pour nous : l’amour, c’est le ressort qui te fait te relever et avancer. Car celui qui aime ne reste pas à terre, il repart ; celui qui aime ne se fatigue pas, il court ; celui qui aime vole. Jésus, je te demande toujours beaucoup de choses, mais je n’ai besoin que d’une seule : savoir aimer. Je tomberai dans la vie, mais, avec l’amour, je pourrai me relever et avancer, comme tu l’as fait, toi qui es expert en chutes. Ta vie, en effet, a été une chute continuelle vers nous : de Dieu à l’homme, de l’homme au serviteur, du serviteur au crucifié, jusqu’au tombeau. Tu es tombé en terre comme une graine qui meurt, tu es tombé pour nous relever de la terre et nous emmener au ciel. Toi qui relèves de la poussière et fais renaître l’espérance, donne-moi la force d’aimer et de recommencer.

Prions en disant : Jésus, donne-moi la force d’aimer et de recommencer

Quand la déception l’emporte
Jésus, donne-moi la force d’aimer et de recommencer
Quand les jugements des autres s’abattent sur moi Jésus, donne-moi la force d’aimer et de recommencer
Quand les choses ne vont pas et que je deviens impatient Jésus, donne-moi la force d’aimer et de recommencer
Quand je sens que je n’y arrive plus Jésus, donne-moi la force d’aimer et de recommencer
Quand je suis accablé par l’idée que rien ne changera

Jésus, donne-moi la force d’aimer et de recommencer

4. Jésus rencontre sa mère

Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit […] au disciple : “Voici ta mère”. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui (Jn 19, 26-27).

Jésus, les tiens t’ont abandonné, Judas t’a trahi, Pierre t’a renié : tu es resté seul avec la croix. Mais voici ta mère. Pas besoin de mots, ses yeux suffisent qui savent regarder en face la souffrance et s’en charger. Jésus, dans le regard plein de larmes et de lumière de Marie, tu te souviens de la tendresse, des caresses, des bras aimants qui t’ont toujours accueilli et soutenu. Le regard maternel est le regard de la mémoire, qui nous enracine dans le bien. On ne peut pas se passer d’une mère qui nous met au monde, ni d’une mère qui nous remet à notre place dans le monde. Tu le sais, et de la croix tu nous donnes ta propre mère. Tu le dis au disciple, à chacun de nous : Voici ta mère. Après l’Eucharistie, tu nous donnes Marie, don ultime avant de mourir. Jésus, ton chemin a été réconforté par le souvenir de son amour ; mon chemin aussi a besoin de s’enraciner dans le souvenir du bien. Mais je m’aperçois que ma prière est pauvre en souvenirs : rapide, expéditive, une liste de besoins pour aujourd’hui et demain. Marie, arrête ma course, aide-moi à faire mémoire, à conserver la grâce, à me rappeler le pardon et les prodiges de Dieu, à raviver le premier amour, à savourer de nouveau les merveilles de la providence, à pleurer de gratitude.

Prions en disant : Seigneur, ravive en moi le souvenir de ton amour

Quand les blessures du passé resurgissent
Seigneur, ravive en moi le souvenir de ton amour
Quand je perds le sens et le fil des choses Seigneur, ravive en moi le souvenir de ton amour
Quand je perds de vue les dons que j’ai reçus Seigneur, il ravive en moi le souvenir de ton amour
Quand je perds de vue le don que je suis Seigneur, il ravive en moi le souvenir de ton amour
Quand j’oublie de te remercier Seigneur, ravive en moi le souvenir de ton amour

5. Jésus est aidé par le Cyrénéen

Comme [les soldats] l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus (Lc 23, 26).

Jésus, combien de fois, face aux défis de la vie, nous imaginons que nous y arriverons tout seuls ! Comme il est difficile de demander de l’aide, de peur de donner l’impression de ne pas être à la hauteur, nous qui sommes toujours attentifs à paraître et à nous faire remarquer ! Il n’est pas facile de faire confiance, encore moins de se confier. Mais celui qui prie sait qu’il est dans le besoin et toi, Jésus, tu es habitué à te confier dans la prière. Ainsi tu ne dédaignes pas l’aide du Cyrénéen. Tu lui exposes tes fragilités, à lui un homme simple, un paysan du retour des champs. Merci parce que, en te faisant soutenir dans le besoin, tu effaces l’image d’un dieu invulnérable et distant. Ton pouvoir est sans limites, mais tu es invincible en amour, et tu nous enseignes qu’aimer c’est secourir les autres précisément là, dans les faiblesses dont ils ont honte. Alors les fragilités deviennent des opportunités. Cela est arrivé au Cyrénéen : ta faiblesse a changé sa vie et il se souviendra, un jour, avoir secouru son Sauveur, avoir été racheté par cette croix qu’il a portée. Pour que ma vie change aussi, je te prie, Jésus : aide-moi à baisser les défenses et à me laisser aimer par toi : là, où j’ai le plus honte de moi.

Prions en disant : Guéris-moi, Jésus !

De toute présomption d’autosuffisance
Guéris-moi, Jésus !

De penser y arriver sans toi et sans les autres

Guéris-moi, Jésus !

De la manie du perfectionnisme

Guéris-moi, Jésus !

De la réticence à te confier mes misères

Guéris-moi, Jésus !
D’esquiver les nécessiteux que je rencontre en chemin Guéris-moi, Jésus !

6. Jésus reçoit le réconfort de Véronique qui lui essuie la face

Béni soit Dieu, […] le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort. Dans toutes nos détresses, il nous réconforte ; ainsi, nous pouvons réconforter tous ceux qui sont dans la détresse […]. En effet, de même que nous avons largement part aux souffrances du Christ, de même, par le Christ, nous sommes largement réconfortés (2Co 1, 3-5)

Jésus, beaucoup suivent le spectacle barbare de ton exécution et, sans te connaître et sans connaître la vérité, émettent des jugements et des condamnations, jetant sur toi infamie et mépris. Cela arrive encore aujourd’hui, Seigneur, et un cortège macabre n’est même pas nécessaire : il suffit d’un clavier pour insulter et publier des sentences. Mais, pendant que beaucoup crient et jugent, une femme se fraye un chemin au milieu de la foule. Elle ne parle pas : elle agit. Elle n’invective pas : elle s’apitoie. Elle va à contre-courant : seule, avec le courage de la compassion, elle risque par amour, elle trouve le moyen de passer parmi les soldats juste pour donner à ton visage le réconfort d’une caresse. Son geste passera à l’histoire et c’est un geste de consolation. Combien de fois j’invoque de toi la consolation, Jésus ! Mais Véronique me rappelle que toi aussi tu en as besoin : toi, Dieu proche, tu demandes ma proximité ; toi, mon consolateur, tu veux être consolé par moi. Amour non aimé, aujourd’hui encore tu cherches parmi la foule des cœurs sensibles à ta souffrance, à ta douleur. Tu cherches de vrais adorateurs, qui, en esprit et en vérité (cf. Jn 4, 23), restent avec toi (cf. Jn 15), Amour abandonné. Jésus, allume en moi le désir d’être avec toi, de t’adorer et de te consoler. Et fais que, en ton nom, je sois consolation pour les autres.

Prions en disant : Rends-moi témoin de ta consolation
Dieu de miséricorde, proche de celui qui a le cœur blessé Rends-moi témoin de ta consolation
Dieu de tendresse, qui t’émeus pour nous Rends-moi témoin de ta consolation
Dieu de compassion, toi qui détestes l’indifférence Rends-moi témoin de ta consolation
Toi qui es triste quand je pointe du doigt les autres Rends-moi témoin de ta consolation
Toi qui n’es pas venu condamner mais sauver Rends-moi témoin de ta consolation

7. Jésus tombe encore sous le poids de la croix

Alors il rentra en lui-même et se dit : […] “Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi”. Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : “Père, j’ai péché […]. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.” Mais le père […] : “ mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” (Lc 15, 17-18.20-22.24).

Jésus, la croix est lourde : elle porte le poids de la défaite, de l’échec, de l’humiliation. Je le comprends quand je me sens écrasé par les choses, tourmenté par la vie et incompris des autres ; quand je ressens le poids excessif et stressant de la responsabilité et du travail, quand je suis oppressé par l’étau de l’anxiété, assailli par la mélancolie alors qu’une pensée étouffante me répète : tu ne t’en sortiras pas, cette fois tu ne te relèveras pas. Mais il y a pire. Je m’aperçois que je touche le fond quand je replonge : quand je retombe dans mes erreurs, dans mes péchés, quand je me scandalise des autres et que je m’aperçois que je ne suis pas différent. Il n’y a rien de pire que d’être déçu de soi, écrasé par la culpabilité. Mais toi, Jésus, tu es tombé plusieurs fois sous le poids de la croix pour être près de moi quand je retombe. Avec toi, l’espérance ne finit jamais, je remonte après chaque chute, car lorsque je me trompe, tu ne te lasses pas de moi mais tu te rapproches davantage de moi. Merci de m’attendre ; merci de me pardonner infiniment, toujours, lorsque sans cesse je rechute. Rappelle-moi que les chutes peuvent devenir des moments cruciaux du chemin parce qu’elles me font comprendre la seule chose qui compte : que j’ai besoin de toi. Jésus, inscris dans mon cœur la certitude la plus importante : je ne me relève vraiment que lorsque tu me relèves, lorsque tu me délivres des péchés. Car la vie ne repart pas de mes paroles, mais de ton pardon.

Prions en disant : Relève-moi, Jésus !
Quand, paralysé par la méfiance, j’éprouve tristesse et découragement Relève-moi, Jésus !
Quand je vois mon insuffisance et je me sens inutile Relève-moi, Jésus !
Quand dominent la honte et la peur de ne pas y arriver Relève-moi, Jésus !
Quand je suis tenté de perdre espérance Relève-moi, Jésus !
Quand j’oublie que ma force réside dans ton pardon Relève-moi, Jésus !

8. Jésus rencontre les femmes de Jérusalem

Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus (Lc 23, 27).

Jésus, qui est-ce qui te suit jusqu’au bout sur le chemin de la croix ? Non pas les puissants qui t’attendent sur le Calvaire, non pas les spectateurs qui restent au loin, mais les personnes simples, grandes à tes yeux et petites aux yeux du monde. Ce sont les femmes auxquelles tu as donné de l’espérance. Elles n’ont pas de voix mais elles se font entendre. Aide-nous à reconnaître la grandeur des femmes, elles qui, à Pâques, ont été fidèles et proches de toi mais qui sont encore aujourd’hui rejetées et subissent outrages et violences. Jésus, les femmes que tu rencontres se frappent la poitrine et pleurent sur toi. Elles ne pleurent pas sur elles-mêmes, mais elles pleurent sur toi, elles pleurent sur le mal et sur le péché du monde. Leur prière faite de larmes arrive à ton cœur. Et ma prière, sait-elle pleurer ? Est-ce que je m’émeus devant toi, crucifié pour moi, devant ton amour doux et blessé ? Est-ce que je pleure mes faussetés et mon inconstance ? Face aux tragédies du monde mon cœur est-il de glace, ou bien fond-il ? Comment est-ce que je réagis à la folie de la guerre, aux visages d’enfants qui ne savent plus sourire, aux mères qui les voient sous-alimentés et affamés et qui n’ont plus de larmes à verser ? Toi, Jésus, tu as pleuré sur Jérusalem, tu as pleuré sur la dureté de notre cœur. Secoue-moi à l’intérieur, donne-moi la grâce de pleurer en priant et de prier en pleurant.

Prions en disant : Jésus, attendris mon cœur endurci
Toi qui connais les secrets du cœur Jésus, attendris mon cœur endurci
Toi qui t’attristes devant la dureté des âmes Jésus, attendris mon cœur endurci
Toi qui aimes les cœurs humbles et contrits Jésus, attendris mon cœur endurci
Toi qui as essuyé avec le pardon les larmes de Pierre Jésus, attendris mon cœur endurci
Toi qui transformes les pleurs en chant Jésus, attendris mon cœur endurci

9. Jésus est dépouillé de ses vêtements

“Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? Tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? Tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? Tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? Tu étais nu, et nous t’avons habillé ? Tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” […] Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” (Mt 25, 37-40).

Jésus, ce sont les paroles que tu as dites avant la Passion. Je comprends maintenant ton insistance à t’identifier aux nécessiteux : tu as été emprisonné ; tu es étranger, conduit hors de la ville pour être crucifié ; tu es nu, dépouillé des vêtements ; tu es malade et blessé ; tu es assoiffé sur la croix et affamé d’amour. Fais que je te voie dans les personnes souffrantes et que je voie les personnes souffrantes en toi, parce que tu es là, en celui qui est dépouillé de sa dignité, dans les christs humiliés par la domination et l’injustice, par les gains injustes faits sur la peau des autres dans l’indifférence générale. Je te regarde, Jésus, dépouillé de tes vêtements, et je comprends que tu m’invites à me dépouiller de nombre d’extériorités. Car tu ne regardes pas les apparences, mais le cœur. Tu ne veux pas de prière stérile, mais féconde en charité. Dieu dépouillé, mets-moi aussi à nu. Parce qu’il est facile de parler, mais est-ce que je t’aime vraiment dans les pauvres, ta chair blessée ? Est-ce que je prie pour ceux qui sont dépouillés de dignité ? Ou est-ce que je prie pour couvrir seulement mes besoins et me revêtir de sécurités ? Jésus, ta vérité me met à nu et m’amène à mettre l’accent sur ce qui compte : toi le crucifié, et les frères crucifiés. Accorde-moi de le comprendre maintenant, pour ne pas être trouvé dépouillé d’amour quand je me présenterai devant toi.

Prions en disant : Dépouille-moi, Seigneur Jésus !
De l’attachement aux apparences Dépouille-moi, Seigneur Jésus !
De la cuirasse de l’indifférence Dépouille-moi, Seigneur Jésus !
De croire que secourir les autres ne me concerne pas Dépouille-moi, Seigneur Jésus !
D’un culte fait de respectabilité et d’extériorité Dépouille-moi, Seigneur Jésus !
De la conviction que la vie va bien si elle va bien pour moi Dépouille-moi, Seigneur Jésus !

10. Jésus est cloué sur la croix

Lorsqu’ils furent arrivés au lieudit Le Crâne (ou Calvaire), ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus disait : “Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font” (Lc 23, 33-34).

Jésus, ils te transpercent les bras et les jambes avec des clous déchirant la chair et, en ce moment même, alors que la douleur physique est la plus atroce, de tes lèvres jaillit la prière impossible : tu pardonnes à ceux qui fixent les clous dans tes poignets. Et pas une seule fois, mais souvent, comme le rappelle l’Évangile, avec ce verbe qui indique une action répétée : tu disais “Père, pardonne”. Alors avec toi, Jésus, moi aussi je peux trouver le courage de choisir le pardon qui libère le cœur et qui relance la vie. Seigneur, il ne te suffit pas de nous pardonner, tu nous justifies aussi devant le Père : Ils ne savent pas ce qu’ils font. Tu prends notre défense, tu te fais notre avocat, tu intercèdes pour nous. Maintenant que tes mains avec lesquelles tu bénissais et guérissais sont clouées, et que tes pieds avec lesquels tu portais de joyeuses nouvelles ne peuvent plus marcher, maintenant, dans l’impuissance, tu nous révèles la toute-puissance de la prière. Sur le sommet du Golgotha tu nous révèles la grandeur de la prière d’intercession qui sauve le monde. Jésus, fais que je ne prie pas seulement pour moi et pour mes proches, mais pour ceux qui ne m’aiment pas et qui me font du mal ; que je prie, selon les désirs de ton cœur, pour ceux qui sont loin de toi ; pour réparer et intercéder en faveur de ceux qui, t’ignorant, ne connaissent pas la joie de t’aimer et d’être pardonnés par toi.

Prions en disant : Père, prends pitié de nous et du monde entier

Par la douloureuse passion de Jésus Père, prends pitié de nous et du monde entier
Par la puissance de ses plaies Père, prends pitié de nous et du monde entier
Par son pardon sur la croix Père, prends pitié de nous et du monde entier
Pour ceux qui pardonnent par ton amour Père, prends pitié de nous et du monde entier
Par l’intercession de ceux qui croient, qui adorent, qui espèrent et qui t’aiment Père, prends pitié de nous et du monde entier

11. Jésus crie son abandon

À partir de la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : “Éli, Éli, lema sabactani ?”, ce qui veut dire : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?” (Mt 27, 45-46).

Jésus, voilà la prière inouïe : tu cries au Père ton abandon. Toi, le Dieu du ciel, tu ne fulmines pas des réponses, mais tu demandes pourquoi ? Au sommet de la Passion, tu ressens la distance avec le Père et tu ne l’appelles même plus Père, comme d’habitude, mais Dieu, au point de ne presque plus réussir à identifier son visage. Pourquoi cela ? Pour te plonger jusqu’au fond de l’abîme de notre souffrance. Tu l’as fait pour moi, pour que, lorsque je vois seulement l’obscurité, que j’expérimente l’écroulement des certitudes et le naufrage de la vie, je ne me sente plus seul et que je croie que tu es là avec moi : toi, Dieu de la communion qui ressens l’abandon pour ne plus me laisser otage de la solitude. Quand tu as crié ton pourquoi, tu l’as fait avec un Psaume : ainsi tu as mis en prière même la désolation la plus extrême. Voilà ce qu’il faut faire dans les tempêtes de la vie : au lieu de se taire et de garder en soi, il faut crier vers toi. Gloire à toi, Seigneur Jésus, car tu n’as pas fui mon égarement, mais tu l’as habité jusqu’au bout ; louange et gloire à toi qui, en te chargeant de toute distance, t’es fait proche de ceux qui sont le plus éloignés de toi. Et moi, dans l’obscurité de mes pourquoi, je te retrouve, toi, Jésus, lumière dans la nuit. Et dans le cri de tant de personnes seules et exclues, opprimées et abandonnées, je te revois, mon Dieu : fais que je te reconnaisse et que je t’aime.

Prions en disant : Jésus, fais que je te reconnaisse et que je t’aime
Dans les enfants qui ne sont pas nés et les enfants abandonnés Jésus, fais que je te reconnaisse et que je t’aime
Dans nombre de jeunes, en attente de celui qui écoute leur cri de souffrance Jésus, fais que je te reconnaisse et que je t’aime
Dans trop de personnes âgées écartées Jésus, fais que je te reconnaisse et que je t’aime
Dans les détenus et les personnes seules Jésus, fais que je te reconnaisse et que je t’aime
Dans les peuples les plus exploités et oubliés Jésus, fais que je te reconnaisse et que je t’aime

12. Jésus meurt s’en remettant au Père et en donnant au bon larron le paradis

[L’un des malfaiteurs suspendus en croix] disait : “Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume”. Jésus lui déclara : “Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis”. […] Jésus poussa un grand cri : “Père, entre tes mains je remets mon esprit”. Et après avoir dit cela, il expira (Lc 23, 42-43.46).

Jésus, un malfaiteur au paradis ! Il se confie à toi et tu le confies avec toi au Père. Dieu de l’impossible, tu fais d’un voleur un saint. Et pas seulement : sur le Calvaire tu changes le cours de l’histoire. Tu fais de la croix, emblème du supplice, l’icône de l’amour ; du mur de la mort un pont sur la vie. Tu transformes les ténèbres en lumière, la séparation en communion, la souffrance en une danse, et même le sépulcre, dernière étape de la vie, en point de départ de l’espérance. Mais tu opères ces retournements avec nous, jamais sans nous. Jésus, souviens-toi de moi : cette prière sincère t’a permis d’opérer des prodiges dans la vie de ce malfaiteur. Puissance inouïe de la prière ! Parfois je pense que ma prière n’est pas écoutée. Au contraire, l’essentiel est de persévérer, avoir de la constance, se rappeler de te dire : “Jésus, souviens-toi de moi”. Souviens-toi de moi et mon mal ne sera plus un terminus, mais un nouveau départ. Souviens-toi : mets-moi de nouveau dans ton cœur, même quand je m’éloigne, quand je me perds dans le tourbillon de la vie. Souviens-toi de moi, Jésus, car être souvenu de toi – le bon larron le montre – c’est entrer au paradis. Rappelle-moi surtout, Jésus, que ma prière peut changer l’histoire.

Prions en disant : Jésus, souviens-toi de moi
Quand l’espérance s’évanouit et que règne la désillusion Jésus, souviens-toi de moi
Quand je suis incapable de prendre une décision Jésus, souviens-toi de moi
Quand je perds confiance en moi et dans les autres Jésus, souviens-toi de moi
Quand je perds de vue la grandeur de ton amour Jésus, souviens-toi de moi
Quand je crois que ma prière est inutile Jésus, souviens-toi de moi

13. Jésus est déposé de la croix dans les bras de Marie

Syméon […] dit à Marie sa mère :“Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive” (Lc 2, 34-35).

Marie, après ton “oui”, le Verbe s’est fait chair dans ton sein ; maintenant, sa chair meurtrie repose sur ton sein. Cet enfant que tu tenais dans les bras est un cadavre meurtri. Et pourtant, au moment le plus douloureux, ton offrande resplendit : une épée transperce ton âme et ta prière continue d’être un “oui” à Dieu. Marie, nous sommes pauvres de “oui” et riches de “si” : si j’avais eu de meilleurs parents, si j’avais été plus compris et aimé, si la carrière avait été meilleure pour moi, s’il n’y avait pas eu ce problème, si je ne souffrais plus, si Dieu m’écoutait… Toujours à nous demander le pourquoi des choses, nous avons du mal à vivre le présent avec amour. Tu aurais beaucoup de “si” à dire à Dieu, mais tu dis encore “oui”. Forte dans la foi, tu crois que la douleur, traversée par l’amour, porte des fruits de salut ; que la souffrance avec Dieu n’a pas le dernier mot. Et tandis que tu tiens Jésus sans vie dans tes bras, les dernières paroles qu’il t’a adressées résonnent en toi : Voici ton fils. Mère, je suis ce fils ! Accueille-moi dans tes bras et penche-toi sur mes blessures. Aide-moi à dire “oui” à Dieu, “oui” à l’amour. Mère de pitié, nous vivons des temps impitoyables et nous avons besoin de compassion : toi, tendre et forte, oins-nous de douceur : défais les résistances du cœur et les nœuds de l’âme.

Prions en disant : Prends-moi par la main, Marie
Quand je cède à la récrimination et à la victimisation Prends-moi par la main, Marie
Quand j’arrête de me battre et que j’accepte de vivre avec mes faussetés Prends-moi par la main, Marie
Quand je tarde et que je ne trouve pas le courage de dire “oui” à Dieu Prends-moi par la main, Marie
Quand je suis indulgent avec moi et inflexible avec les autres Prends-moi par la main, Marie
Quand je veux que l’Église et le monde changent alors que je ne change pas Prends-moi par la main, Marie

14. Jésus est déposé dans le sépulcre de Joseph d’Arimathie

Comme il se faisait tard, arriva un homme riche originaire d’Arimathie qui s’appelait Joseph, et qui était devenu, lui aussi, disciple de Jésus. Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. […] Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul immaculé, et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans le roc (Mt 27, 27-60).

Joseph : le nom qui, avec Marie, se trouve à l’aube de Noël, marque aussi l’aurore de Pâques. Joseph de Nazareth eut un songe et, avec courage, prit Jésus pour le sauver d’Hérode. Toi, Joseph d’Arimathie, tu prends son corps sans savoir qu’un rêve impossible et merveilleux va se réaliser là, dans le tombeau que tu as donné au Christ quand tu pensais que celui-ci ne pouvait plus rien pour toi. Au contraire, tout don fait à Dieu reçoit une récompense plus grande. Joseph d’Arimathie, tu es le prophète du courage audacieux. Pour faire ton don à un mort, tu vas voir le redouté Pilate et tu le pries, afin de pouvoir offrir à Jésus le tombeau que tu avais fait construire pour toi. Ta prière est tenace et les œuvres suivent les paroles. Joseph, rappelle-nous que la prière faite avec insistance porte du fruit et traverse même l’obscurité de la mort ; que l’amour ne reste pas sans réponse mais permet de nouveaux commencements. Ton sépulcre qui – unique dans l’histoire – sera source de vie, était nouveau, creusé depuis peu dans la roche. Et moi, qu’est-ce que je donne de nouveau à Jésus en cette Pâque ? Un peu de temps pour être avec Lui ? Un peu d’amour pour les autres ? Mes craintes et mes misères enterrées, dont le Christ attend de moi l’offrande, comme tu l’as fait avec le sépulcre ? Ce sera vraiment Pâques si je donne une chose qui m’appartient à Celui qui a donné sa vie pour moi : parce que c’est en donnant que l’on reçoit ; parce que l’on trouve la vie quand on la perd et on la possède quand on la donne.

Prions en disant : Prends pitié, Seigneur
De moi, paresseux à me convertir Prends pitié, Seigneur
De moi qui aime beaucoup recevoir et peu donner Prends pitié, Seigneur
De moi, incapable de me livrer à ton amour Prends pitié, Seigneur
De nous, prêts à nous servir des choses mais lents à servir les autres Prends pitié, Seigneur
De notre monde, plein des tombeaux de l’égoïsme Prends pitié, Seigneur

Invocation conclusive (le nom de Jésus, 14 fois)

Seigneur, nous te prions comme les nécessiteux, les personnes fragiles et les malades de l’Évangile, qui t’invoquaient avec la parole la plus simple et la plus familière : avec ton nom.

Jésus, ton nom sauve, parce que tu es notre salut.

Jésus, tu es ma vie et pour ne pas me perdre en chemin. J’ai besoin de toi qui pardonnes et qui relèves, qui guéris mon cœur et qui donnes un sens à ma souffrance.

Jésus, tu as pris sur toi mon mal et, de la croix, tu ne me pointes pas du doigt mais tu m’embrasses. Toi, doux et humble de cœur, guéris-moi de la rancœur et du ressentiment, libère-moi de la suspicion et de la méfiance.

Jésus, je te regarde en croix et je vois s’ouvrir tout grand devant mes yeux l’amour, sens de mon être et but de mon chemin. Aide-moi à aimer et pardonner, à dépasser l’intolérance et l’indifférence, à ne pas me plaindre.

Jésus, sur la croix, tu as soif, et c’est la soif de mon amour et de ma prière. Tu en as besoin pour mener à bien tes projets de bien et de paix.

Jésus, je te rends grâce pour ceux qui répondent à ton invitation et qui ont la persévérance de prier, le courage de croire et la constance d’avancer dans les difficultés.

Jésus, je te présente les pasteurs de ton peuple saint : que leurs prières soutiennent le troupeau ; qu’ils prennent le temps de se tenir devant toi, qu’ils conforment leur cœur au tien.

Jésus, je te bénis pour les contemplatives et les contemplatifs dont la prière, cachée au monde, t’est agréable et garde l’Église et l’humanité.

Jésus, je porte devant toi les familles et les personnes qui ont prié ce soir à la maison, les personnes âgées, spécialement celles qui sont seules, les malades, trésors de l’Église qui unissent leurs souffrances à la tienne.

Jésus, que cette prière d’intercession rejoigne les sœurs et les frères qui, dans de nombreuses parties du monde, souffrent de persécutions à cause de ton nom ; ceux qui subissent le drame de la guerre et ceux qui, puisant leur force en toi, portent de lourdes croix.

Jésus, avec ta croix, tu as fait de nous tous une seule chose : renforce dans la communion les croyants, répands des sentiments de fraternité et de patience, aide-nous à collaborer et à marcher ensemble. Garde l’Église et le monde dans la paix.

Jésus, juge saint qui m’appelleras par mon nom, délivre-moi des jugements téméraires, des médisances et des paroles violentes et blessantes.

Jésus, avant de mourir, tu dis : “tout est accompli”. Moi, dans mon inachèvement, je ne pourrai pas le dire. Mais j’ai confiance en toi parce que tu es mon espérance, l’espérance de l’Église et du monde.

Jésus, je veux te dire encore un mot et continuer à te le répéter : merci ! Merci, mon Seigneur et mon Dieu.

L’Heure de la Mère

L’Heure de la Mère

Un exercice spirituel  a commencé au monastère de la Très Sainte Conception, dans le territoire de Palma, en Sicile : il consiste à tenir compagnie à la Sainte Mère pendant ces heures qui furent pour elle d’une si grande amertume après la mort de son Fils. De là il se répandit en d’autres provinces, et, depuis l’année 1815, il se pratique publiquement dans un grand nombre d’églises et est très appréciée des fidèles.

I. Offrande de l’heure de la compassion. (Vendredi Saint 15 h)

Pieta de Kiko (Roger Camille) |DR

Ô Marie, Mère de mon Dieu, je viens me jeter à vos pieds avec un profond sentiment de ma misère et de mon indignité. Daignez agréer, je vous en conjure, cette oraison que je vous offre pour honorer surtout votre désolation après la mort et l’ensevelissement de Jésus. Que mon cœur s’attendrisse à la vue le de tout ce que vous avez souffert alors, et que je recueille de cette compassion des fruits abondants de salut.

Ô douce Vierge Marie ! Par ce glaive de douleur qui a transpercé votre âme lorsque vous avez vu votre Fils bien-aimé élevé sur la Croix, cloué à ce gibet infâme, couvert de plaies et de meurtrissures, obtenez que mon cœur soit touché des traits de l’Amour divin.

Ô Vierge sainte, par ces inexprimables tourments que vous avez endurés sans vous plaindre, quand, debout au pied de la Croix, vous avez entendu votre Fils vous recommander à saint Jean et remettre son esprit entre les mains de Dieu son Père, secourez-nous à la fin de notre vie.

Ô Vierge très pure ! Par ces profonds gémissements qui s’échappaient de votre poitrine lorsque, recevant dans vos bras votre Fils bien-aimé détaché de la Croix, vous contempliez son visage autrefois si beau, maintenant défiguré par la mort, et son corps adoré tout couvert de blessures ; faites, je vous en supplie, que nous pleurions nos fautes, et que nous effacions par les larmes d’une sincère pénitence.

Ô Mère de Douleurs, faites que je pense toujours à votre désolation, que son souvenir se grave profondément dans mon âme.

Ô Jésus et Marie, couvrez de la protection de vos Cœurs l’Église, convertissez les pêcheurs, secourez les agonisants, délivrez toutes les âmes du purgatoire.

Ainsi soit-il.

II. Marie désolée auprès du tombeau de son Fils. (vendredi saint 16 h)

Considère, ô mon âme ! L’affliction de Marie dans le jardin auprès du tombeau neuf qui devait bientôt renfermer le corps de son adorable Fils.

Elle assiste avec une douleur inexprimable aux derniers devoirs que Joseph d’Arimathie et Nicodème rendent à Jésus, lorsqu’ils prennent son corps, enveloppé avec soin d’un linceul blanc, lorsqu’ils le soulèvent avec respect comme le trésor le plus précieux, et le placent avec vénération dans le sépulcre.

Il me semble entendre cette Mère affligée s’écrier alors : « il fut un temps où je revêtais mon Fils de langes et de doux vêtements ! Oh mon Dieu ! Quelle énorme différence avec ce que je vois ! ». Marie, accablée de tristesse et toute en pleurs, dit aux pieux disciples : « de grâce attendez quelques instants, ne me privez pas si tôt de l’objet de mon amour. »

Ô tendre Mère ! Quelle pâleur sur son front, quelle vive douleur se manifeste sur toute sa personne ! Il semble que son cœur va se briser au moment où le corps de Jésus lui est ravi ! Son âme ne peut se détacher de cette dépouille sacrée ; elle voudrait se renfermer avec elle dans le roc. Nicodème, Joseph, hâtez-vous de lui épargner ce supplice et de renfermer le corps de Jésus dans son tombeau neuf.

Une grosse pierre renferme déjà l’entrée et prive Marie de la triste consolation de voir ce Fils chéri ; elle l’appelle et le demande d’une voix éteinte et entrecoupée par ses sanglots ; et, comme Jésus ne lui répond pas, elle appuie sa tête contre la pierre froide, elle l’embrasse avec amour, elle y imprime mille baisers et l’humecte de ses larmes.

Prière

Ô Sainte Mère, je compatis vivement et de tout mon cœur à vote extrême désolation. Sans doute vous avez éprouvé une douleur profonde à prévoir la douloureuse Passion et la cruelle mort de votre aimable Fils ; mais vos souffrances furent bien plus vives encore à la vue de son agonie et de ses derniers moments.

Cependant sa présence vous soutenait et vous fortifiait au milieu de cet océan de peines ; mais à présent vous êtes au comble de la désolation : vous n’avez plus d’époux, plus de père, plus de fils, plus de frère, plus d’ami, plus de consolateur ; vous avez tout perdu.

Vos yeux ne peuvent plus considérer les mains de Jésus, vos oreilles ne peuvent entendre sa douce voix, Jésus ne vous accompagne plus sur cette terre : ô douleur sans pareille !

Ô amertume désolante ! Par cette douloureuse séparation, par ces cruelles angoisses où vous fûtes alors plongée, ayez pitié de moi qui ai perdu, par ma faute, cent fois et mille fois mon doux et adorable Maître.

Faites, ô tendre Mère, que je ne m’éloigne jamais plus de Jésus par ma malice et ma tiédeur ; mais qu’au contraire je le serve avec une constante fidélité tant que je vivrai sur la terre, afin de le voir face à face et de le posséder dans le ciel.

Ainsi soit-il.

Pater, Ave, Gloria, en mémoire de la désolation de la Sainte Mère.

III. La  Sainte Mère quitte le tombeau pour retourner à Jérusalem. (17 h)

Considère, ô mon âme ! ce qui se passe au saint tombeau ! il est fermé et scellé, et de plus, par un décret de la Providence, gardé à vue par les soldats juifs. Le disciple bien-aimé, les larmes aux yeux, vient annoncer à la Mère affligée que la nuit approche, qu’il est temps de quitter ce lieu lugubre et de retourner à Jérusalem.

À l’instant, Marie, toujours soumise aux volontés divines, fait une profonde révérence au sépulcre, l’embrasse encore, et dit en pleurant : « Ô mon fils, voilà l’heure de la séparation ; reçois mon cœur blessé, je te le laisse enseveli avec toi. » Elle lève ensuite vers le ciel ses yeux remplis de larmes, et elle ajoute : « Ô Père éternel ! Je te recommande de toute mon âme ton Fils et le mien. »

Enfin les saintes femmes la couvrent d’habits de deuil, et elle part accompagnée du bon Joseph d’Arimathie, qui avait procuré un tombeau honorable à son Fils ; du fidèle Nicodème, qui avait aidé à la descente de la Croix ; de la pénitente Madeleine, accablée de douleur ; de la compatissante Salomé, la fidèle Marie de Cléophas, et surtout du disciple vierge bien-aimé, nouveau fils de la Très Sainte Vierge par substitution.

Chacun s’empresse de prodiguer à cette mère désolée tous les soulagements que réclame son immense douleur. Mais, ô mon Dieu ! Quelle consolation peut-on lui offrir ? Quel spectacle que celui de sa langueur, de ses soupirs continuels, de ses larmes amères !

Prière

Ô Mère affligée, je compatis à l’extrême Douleur que vous avez ressentie quand il fallut vous éloigner du saint tombeau. Hélas ! Vous auriez voulu y demeurer pour ne vous séparer jamais de l’objet de votre amour. Et cependant, soumise aux ordres du Ciel, vous avez dû quitter ce lieu chéri et retourner sans Jésus à Jérusalem.

Ah! Sainte Mère, après Dieu c’est à vous que je dois la grâce que j’ai obtenue si souvent, de n’être pas demeuré jusqu’à présent enseveli dans le profond abîme de mes fautes, et dans l’abîme bien plus épouvantable encore de la malheureuse éternité.

Ah! Par la vive et amère douleur qui déchira votre cœur en quittant le tombeau de votre divin Fils, ne permettez pas que je sois désormais privé de la grâce de Dieu ni de votre protection maternelle.

Ainsi soit-il.

Pater, Ave, Gloria, en mémoire de la désolation de la Sainte Mère.

IV. Marie repasse par le Calvaire. (18 h)

Ô mon âme ! Considère le nouveau tourment et les cruels souvenirs qui, dans le chemin, désolent le cœur maternel de la Très Sainte Vierge. Pour retourner à Jérusalem, il lui faut repasser par le mont du Calvaire.

Marie y voit debout la Croix ensanglantée de son Fils ; l’imagination lui peint Jésus attaché à ce bois meurtrier, comme il l’était effectivement peu d’heures auparavant ; Marie se rappelle son agonie de trois heures, et son dernier soupir au milieu des blasphèmes et des insultes de ses ennemis. « Ô mon Fils bien-aimé ! S’écrie-t-elle, pourquoi ne me fut-il pas donné d’être crucifiée avec toi? La mort ne m’aurait pas été si amère ! »

Ici Marie, toute remplie d’émotions, tombe à genoux, embrasse étroitement la Croix et s’y colle avec tant d’ardeur, qu’il semble que son âme va rompre ses liens sous l’empire de l’amour et de la douleur.

Marie, en descendant de la montagne, se représente de nouveau son cher Fils succombant sous le fardeau de la Croix et frappé cruellement par les soldats ; elle reconnaît l’endroit où elle aperçut le Sauveur tout défiguré et tout haletant de fatigue et de sueur. À chaque pas elle se retrace, sous les plus sombres couleurs, toutes les péripéties de la voie douloureuse, et ses souvenirs ouvrent toutes les plaies de son Cœur.

Prière

Ô Mère affligée ! Je compatis de toute mon âme à votre Douleur, en voyant embrasser le bois sur lequel votre Fils adorable a été cloué et mis à mort. Ô tendre Mère laissez-moi vous demander pardon d’avoir été la cause de cette mort par mes fautes ; laissez-moi m’approcher de cette croix pour l’embrasser et l’adorer.

Ô sainte Croix ! Gage de la vie éternelle, étendard sacré et guide des élus, trône de miséricorde, véritable autel d’amour consacré par le sang de l’Agneau de Dieu, je vous vénère, je vous embrasse, je vous presse sur mon cœur ; désormais vous me conduirez sûrement dans le chemin du Salut, vous serez mon arme toute-puissante contre les attaques de l’ennemi, vous serez encore la clé qui m’ouvrira les portes d’or de la cité de Dieu.

Et vous, ô Mère des Douleurs ! Inspirez à mon cœur un souverain respect, un amour sincère et pour la Croix sanctifiée par les membres du Rédempteur, pour toutes celles qui me seront envoyées ; faites que je les porte à la suite de Jésus, heureux de souffrir jusqu’à la fin de ma vie, pour être son vrai disciple et régner ensuite avec lui dans le Ciel. Je l’avoue à ma confusion, jusqu’à ce moment j’ai eu la Croix en horreur.

Ô sainte Mère ! Faites que je l’aime désormais sincèrement, et que je la regarde comme l’unique moyen d’expier mes péchés et de m’unir étroitement à mon Dieu.

Ainsi soit-il
Pater, Ave, Gloria, en mémoire de la désolation de la Sainte Mère.

V. La Sainte Mère entre à Jérusalem, accompagnée de Saint Jean et des saintes femmes. (19 h)

Ô mon âme ! Voilà enfin Marie dans les murs de Jérusalem. Considère sa douleur en entrant dans cette ville coupable de la mort de Jésus. Les saintes femmes pleurent avec Marie, et ceux qui voient cette Mère affligée ne peuvent retenir leurs larmes. Les filles de Sion la contemplent en silence, elles partagent sa douleur et ses larmes.

Qui pourrait n’être pas touché d’un spectacle aussi déchirant ? La Vierge sainte est seule et sans appui par suite de la jalousie et de la malice des hommes. Son cœur maternel est déchiré à chaque pas par la vue du prétoire, des places publiques, des rues de Jérusalem, des palais, de tout ce qui s’offre à ses regards. Tout ce qu’elle considère aiguise sa douleur et lui rend plus sensible la privation de son Fils adorable !

Prière

Ô Mère de mon Sauveur ! Je compatis à l’excès de douleur que vous avez éprouvée en rentrant à Jérusalem. Vos yeux et votre esprit furent affligés à la fois en présence de ces lieux où, d’une part, votre Fils avait prodigué les bienfaits les plus éclatants à son peuple chéri, et où ce même peuple, de l’autre, s’était rendu coupable de la plus criante injustice et de la plus noire cruauté envers son bon Maître et son insigne Bienfaiteur.

Ô ville ingrate ! ô malheureuse Jérusalem ! Que tu as mal profité de la visite de ton souverain Seigneur ! Dans ton aveuglement, tu l’as connu et tu l’as repoussé ! Dans ton impiété, tu as osé le persécuter et le mettre à mort ! Malheureuse, tu pleureras un jour, inutilement, ton ingratitude, ton endurcissement.

Ô Marie, Mère de Douleurs, vous daignez jeter sur moi un regard de miséricorde ; vous voyez aussi en mon âme des traits nombreux de la Bonté divine et des marques indubitable de la souveraine miséricorde envers moi. Mais vous y découvrirez aussi des preuves innombrables de mon ingratitude et de ma profonde perversité.

Ô Mère tendre ! Compatissez à mes misères, et dans votre miséricorde, obtenez-moi la grâce d’un véritable repentir de mes fautes, et d’une ferme et inviolable résolution d’obéir désormais à la voix de Jésus, votre divin Fils et mon Sauveur.

Ainsi soit-il.

Pater, Ave, Gloria, en mémoire de la désolation de la Sainte Mère.

VI. Le disciple bien-aimé reçoit la Sainte Mère dans sa maison. (20 h)

Ô mon âme, représente-toi les pieux personnages restés fidèles à Jésus : Nicodème, Joseph d’Arimathie, Madeleine, Salomé, et les autres saintes femmes, arrivant tous dans la rue du mont de Sion.

Là tous, les larmes aux yeux, prennent le congé de la Très Sainte Vierge ; Saint-Jean, seul substitué à Jésus pour devenir le fils de Marie, en vertu du testament de l’Auteur de la nouvelle Alliance, demeure attaché à Notre Dame des Douleurs, et l’introduit dans sa maison.

Considère ici la joie ineffable que ce cher disciple éprouve en recevant chez lui la Mère de son divin Maître, l’Arche du Nouveau Testament, la souveraine maîtresse et le modèle de toutes les vertus, le miroir de la plus haute sainteté. Voyez avec quelle grâce la Très Sainte Vierge accepte l’hospitalité chez le disciple que Jésus aimait avec tant de tendresse, et à qui il l’avait lui-même recommandée.

Mais, hélas ! Jean n’est pas Jésus, et la société du disciple, loin de diminuer la peine de n’avoir plus son divin Fils, ne fait que l’accroître. Cette privation est pour Marie la source d’une douleur inconsolable, que les fréquentes visites des saintes femmes ne peuvent dissiper. Aussi il lui échappe quelquefois de dire : « où est mon Fils ? Je ne puis donc plus le voir ! De grâce, Jean, montre-le-moi ! Mes chères sœurs, où est mon Fils ?

Nous avons perdu avec lui toute notre joie, toute notre douceur, toute la lumière de nos yeux. Mon Jésus est mort en proie aux plus vives angoisses ; son corps était tout déchiré et brûlant de soif ; ce cher Fils était abandonné de tout le monde ! Mère infortunée que je suis, ô cruelle séparation ! ».

Prière

Ô Mère désolée ! Je compatis à votre extrême douleur. Que ne puis-je, avec le disciple bien-aimé et les pieuses femmes, avoir le bonheur de vous servir, de vous consoler et de me tenir auprès de vous ; mais, à défaut de ce privilège, j’entends dès maintenant et pour toujours vous servir en esprit comme l’enfant le plus dévoué, et ne jamais m’éloigner de vous.

Ô mère affligée, daignez à votre tour m’adopter à jamais pour votre enfant, et me protéger jusqu’au dernier soupir de ma vie. Je n’ai, il est vrai, ni l’innocence ni la pureté du disciple chéri ; mais souvenez-vous que vous êtes la Mère des pécheurs, et que vous les aimez de tout votre amour, surtout quand ils sont résolus à quitter le péché.

Ainsi soit-il.

Pater, Ave, Gloria, en mémoire de la désolation de la Sainte Mère.

VII. Marie a continuellement présent à la pensée la passion et la mort de son Fils. (samedi saint matin)

 Ô mon âme, considère la profonde amertume dans laquelle cette Sainte Mère est plongé pendant tout le temps qui s’écoule entre la sépulture de Jésus et sa glorieuse Résurrection. Elle ne pense qu’à la trahison de Judas, à la fuite des apôtres, à la jalousie de ses accusateurs chez Caïphe, au mépris impie de la cour d’Hérode, à la politique criminelle de Pilate.

Elle se rappelle sans cesse cette nuit affreuse où Jésus fut couvert d’opprobre et d’ignominie ; elle se représente ce Fils adorable bafoué et meurtri ; elle voit sa tête percée d’épines meurtrières, son sang coagulé sur sa barbe et ses cheveux, sa poitrine et son dos tout déchiré, ses bras livides et enflés, ses épaules chargées du pesant fardeau de la Croix.

Elle ne peut un instant perdre de vue ni les clous ni le les marteaux, ni le vinaigre ni l’absinthe. Elle voit son Fils abandonné par son Père céleste lui-même ; elle le voit agonisant et mourant entre deux voleurs. Toutes ces images lugubres ne la quittent pas et ne laissent pas de trêve à sa Douleur ; aussi à ses profonds soupirs succèdent souvent des torrents de larmes.

On l’entend parfois s’écrier, avec l’accent de la douleur : « Ô Jésus, ô mon Fils bien-aimé ! ô mon amour ! L’immensité des cieux ne peut te contenir, et te voilà renfermé dans un sépulcre étroit !

Tu es mort, ô mon cher Fils ! et une pierre froide m’empêche de te voir. Jean, il te fut donné de reposer sur son cœur dans le cénacle, rapporte-moi fidèlement ses actes, ses recommandations, ses dernières dispositions. »

À ces mots, Marie se met à pleurer amèrement. Marie désolée ne voit donc de toutes parts que des sujets de tristesse et d’amertume ; aux heures douloureuses du jour, succèdent les heures plus tristes encore de la nuit ; le soleil, à son coucher, laisse cette vierge dans son affliction, et, en se levant, il la trouve encore abîmée dans sa douleur.

Prière

Ô très douce Mère ! Je compatis à la désolation de votre esprit et de votre cœur, tout occupés de la douloureuse Passion du Sauveur.

Si l’épouse des Cantiques ne pouvait prendre de repos en l’absence de son bien-aimé ; si dans son impatience elle le demandait à tout le monde ; si pour le trouver elle ne comptait pour rien ses peines, et jusqu’aux coups et aux plaies qu’elle recevait des gardes de la ville, parce que la blessure faite par l’amour à son cœur lui rendait insupportable l’éloignement de son bien-aimé ; ô Marie !

Qui pourrait comprendre combien votre cœur infiniment sensible et affligé en vous voyant séparée de votre cher Fils, de celui qui est tout votre amour et l’âme de votre âme ? Il me semble vous entendre dire avec le prophète : « mes larmes son ma nourriture du jour et de la nuit ! »

Ô Mère désolée ! Imprimez la cruelle Passion de votre Fils adorable si profondément dans mon esprit et dans mon cœur, que je pleure ce qui en fut la cause, et qui vous fit souffrir à vous-même un si long et cruel martyre.

Ainsi soit-il.
Pater, Ave, Gloria, en mémoire de la désolation de la Sainte Mère.

VIII. Marie affligée et désolée de la perte de son peuple et de beaucoup d’autres âmes. (samedi saint après-midi)

Considère, ô mon âme ! Cette Mère de Douleurs qui connaît et apprécie mieux que personne le bienfait immense de la Rédemption des hommes, l’anéantissement auquel s’est soumis le Fils de Dieu en prenant la nature humaine, et les peines et souffrances sans nombre qu’il a enduré pour nous dans sa sainte Humanité.

Qui mieux que Marie a pu goûter et mesuré jusqu’au fond le calice fatal que l’Ange présenta à Jésus au jardin des olives ? Ô douleur sans pareille, souffrance inexprimable ! Marie voit qu’en même temps un nombre presque infini d’âmes ne profite pas de tant de grâces. Elle voit ce peuple, racheté au prix de tout le sang de l’Homme-Dieu, fouler de nouveau au pied ce sang adorable.

Le Calvaire a navré de douleurs le Cœur de Marie ; cependant elle a encore plus d’horreur des péchés par lesquels la plupart des chrétiens crucifient de nouveau son Fils. Voilà donc cette Vierge sainte réduite à verser plus de larmes sur les crimes des méchants que sur le crucifiement du Golgotha.

Mais si quelques âmes héroïques eussent consenti à souffrir toutes sortes de supplices, et même à se jeter à l’entrée de l’abîme infernal, pour en fermer l’entrée à tant de malheureuses victimes de l’aveuglement et du péché, quelles durent être les angoisses de Marie lorsqu’après avoir enfanté avec tant de douleurs, sur le Calvaire, une multitude innombrables d’élus à une nouvelle vie, elle les voit mépriser un bien si précieux et se précipiter vers leurs pertes éternelles ?

Ô mon Dieu ! Quelle affreuse pensée pour elle de prévoir que son cruel martyre sera inutile pour un si grande nombre et ne fera que tourner à leur plus grande ruine ! Ô ingratitude de l’homme ! Quels tourments tu infliges aux entrailles maternelles de cette Vierge affligée !

Prière

Ô tendre Mère du Sauveur ! ô Mère compatissante de tous les enfants d’Adam ! Il est impossible de compatir dignement au supplice de votre Cœur magnanime ! Ma Sainte Mère, quel sera mon sort ? Ferai-je partie des chrétiens malheureux, qui, après vous avoir causé dans leur enfantement tant de douleurs, au lieu de vous consoler en profitant de la Rédemption, augmenteront vos peines en se perdant ?

Ah ! De grâce, ne permettez pas que je grossisse le nombre de ces infortunés ; faites, au contraire, que je mette à profit le sang que Jésus a versé ! Il est vrai, j’ai tout à craindre de ma faiblesse ; mais je mets ma confiance dans la grâce de mon Sauveur, et dans votre toute-puissante intercession.

Souvenez-vous que, par votre entremise, Jésus est devenu mon frère aîné, et en vertu de son testament vous êtes devenue, sur le Calvaire, ma tendre mère. Souvenez-vous encore que, pour me donner la vie, vous avez consenti, au prix d’une douleur inexprimable, à livrer au fouet et à la mort votre Fils unique. Ô Mère secourable !

Ne m’abandonnez donc pas durant tout le cours de ma vie, et surtout au moment terrible de ma mort ! Faites que je sois pendant toute l’éternité l’objet de la miséricorde de Jésus et de la vôtre.

Ainsi soit-il.

Pater, Ave, Gloria, en mémoire de la désolation de Sainte Mère

* * *

IX. La Vierge Marie et Jésus ressuscité

Après ces exercices, à l’aube du Dimanche, il convient de se réjouir avec la Très Sainte Vierge, que Jésus ressuscité la visita la première, comme on le croit pieusement.

À cet effet, on peut faire la prière suivante :

Ô glorieuse Vierge et très aimable Mère, ne vous affligez plus, vous avez assez pleuré, il est temps d’essuyer vos larmes : votre divin Fils est ressuscité. Le voilà rempli de majesté, de lumière, de beauté dans son visage, dans ses plaies, dans sa très sainte Âme, dans ses membres infiniment purs ; il a vaincu la mort, il a soumis l’enfer, il a détruit le péché.

La cour céleste, les saintes âmes des limbes, et toutes les créatures applaudissent à la triomphante Résurrection de l’Homme-Dieu. Vous qui êtes sa Mère, combien vous pouvez vous réjouir !

Au milieu de cette joie universelle, daignez Vierge Sainte, recevoir la mienne en ce jour d’allégresse ; obtenez-moi, je vous en supplie, la grâce tant désirée de briser les dures chaînes du péché et du monde, de surmonter les tentations de Satan et de ressusciter à la vie spirituelle et à l’amour de Jésus, en vous aimant toujours comme ma tendre Mère.

Ainsi soit-il.

Reine du Ciel, soyez dans l’allégresse, puisque Celui que vous avez eu le bonheur de porter dans votre sein est ressuscité, comme il l’avait dit.

Demandez pour nous à Jésus-Christ ressuscité que nous puissions recueillir les fruits de sa Résurrection.

***

Pour encourager et propager cette dévotion, Pie VII accorda l’indulgence :
par un rescrit en date du 25 février : indulgence plénière le jour de la communion pascale, pour tous les fidèles qui, depuis trois heures du soir le Vendredi Saint jusqu’au Samedi Saint à midi, emploieront une heure ou une demi-heure au moins à honorer la Mère désolée.
et un rescrit du 21 mars 1815 : 300 jours d’indulgence pour ceux qui pratiqueront cette dévotion les autres vendredis de l’année, depuis trois heures de l’après-midi jusqu’à l’aurore du dimanche suivant ; une indulgence plénière chaque mois, aux conditions ordinaires, s’ils pratiquent cet exercice toutes les semaines.