Les Cœurs blessés de Jésus et de Marie, signes de l’Esprit d’Amour et de Vie
Prière au Saint-Esprit
Viens, Esprit Saint, remplis les cœurs de tes fidèles, et allume en eux le feu de ton amour.
V. Envoie ton Esprit, et tout sera créé.
R. Et tu renouvelleras la face de la terre.
Prions : Dieu, qui as instruit les cœurs de tes Fidèles par la lumière du Saint Esprit, donne-nous, par ce même Esprit, d’aimer ce qui est bien et de jouir sans cesse de ses divines consolations. Par Jésus-Christ Notre Seigneur. Amen.
Introduction
Après le Père et le Fils, il convient d’aborder l’Esprit Saint. Le Credo proclame : « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie, il procède du Père et du Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les prophètes. »
C’est donc lui le lien de la Trinité d’Amour, d’où vient toute Vie, en particulier celles de Jésus et de Marie. Ce lien qui informe, qui forme et qui rassemble le Corps christique qu’est l’Eglise, nous le verrons plus tard. Pour l’instant, regardons notre médaille en son envers, au plus profond et de la Croix et du M de Marie, contemplons les deux Cœurs.
Nous voyons qu’ils sont blessés ; l’un porte enfoncée la couronne d’épines, l’autre le glaive. L’un est celui de la Sainte Mère, l’autre, celui du Fils, de son Fils, du Fils de Dieu. Les deux sont surmontés d’une flamme, jaillissante. Nous en connaissons la symbolique. Il s’agit bien des Cœurs de Jésus et de Marie. Ils expriment cet Amour qui nous est donné et qui communique la vraie Vie, celle de l’Esprit.
L’attente de l’Esprit Saint
Nous nous référons souvent au Père ou à Jésus. Mais l’Esprit ? Nous ne pouvons croire au Père et au Fils sans croire en même temps et dans un même mouvement à l’Esprit : « Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire », dit le Credo. On ne peut connaître et accepter le Christ, sans rien de plus. En lui le Fils de Dieu est devenu homme, né de la Vierge Marie, et il vit maintenant parmi nous. Accepter et comprendre le Christ n’est possible que par l’intervention de celui qui est son égal, et dans la force de qui le Fils de Dieu est devenu homme : le Saint-Esprit. C’est lui qui dessille les yeux, ouvre l’intelligence, remue le cœur. Cela nous éclaire assez sur ce que signifie avant tout la prière au Saint-Esprit : c’est de lui demander qu’il nous donne le Christ.
Dans les livres liturgiques on trouve quelques magnifiques prières au Saint-Esprit, qui, mieux peut-être que toutes les paroles, disent de quoi il s’agit. Par exemple la séquence « Veni, Sancte Spiritus : Viens, Esprit Saint » de la Messe de la Pentecôte, si riche de paix, de profondeur transparente, de calme lumineux ; ou encore l’hymne des vêpres de la même fête : « Veni Creator », débordant de confiance.
Avant sa mort, lorsque le Seigneur Jésus réunit ses disciples pour la dernière fois, il leur annonça : «Je vous ai dit ces choses pendant que je suis encore avec vous. Mais l’intercesseur, l’Esprit-Saint que mon Père vous enverra en mon nom, lui, vous enseignera toutes choses et vous rappellera toutes ces choses que je vous ai dites… Je vous enverrai, de la part de mon Père, l’Esprit de vérité, qui procède du Père. » (Jn. 14, 15-26).
La progression dans l’approche de ce divin mystère est bien mise en lumière dans un remarquable passage de saint Grégoire de Naziance : « L’Ancien Testament, écrit-il, a clairement manifesté le Père, obscurément le Fils. Le Nouveau Testament a révélé le Fils et a insinué la divinité de l’Esprit. Aujourd’hui l’Esprit vit parmi nous et il se fait plus clairement connaître. Car il eut été périlleux, alors que la divinité du Père n’était point reconnue, de prêcher ouvertement le Fils, et, tant que la divinité du Fils n’était point admise, d’imposer, si j’ose dire, comme surcharge, le Saint Esprit… Il convenait bien plutôt que, par des additions partielles, et, comme dit David, par des ascensions de gloire en gloire, la splendeur de la Trinité rayonnât progressivement… Le Sauveur connaissait certaines choses qu’il estimait que ses disciples ne pourraient encore porter, bien qu’ils fussent pleins déjà d’une doctrine abondante… et il leur répétait que l’Esprit, lors de sa venue leur enseignerait tout. Je pense donc qu’au nombre de ces choses était la divinité elle-même du Saint Esprit. » (Discours Théologique 31).
la Pentecôte
C’est le cinquantième jour (pentikosti en grec) après la Pâque juive, mais aussi après la Résurrection du Christ, le jour où les Juifs commémoraient par une grande fête la remise des tables de la Loi à Moïse sur le Sinaï, que Jésus vint leur donner l’Esprit, car « la Loi fut donnée par l’intermédiaire de Moïse, la grâce et la vérité nous sont venues par Jésus-Christ. » (Jean 1, 17)
« Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand, tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient. Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu ; elles se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint et commencèrent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer. Or il y avait, demeurant à Jérusalem, des hommes dévots de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui se produisit, la multitude se rassembla et fut confondue : chacun les entendait parler en son propre idiome. Ils étaient stupéfaits, et, tout étonnés, ils disaient : » Ces hommes qui parlent, ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il alors que chacun de nous les entende dans son propre idiome maternel ? … Tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons publier dans notre langue les merveilles de Dieu ! » »
« Tous étaient stupéfaits et se disaient, perplexes, l’un à l’autre : « Que peut bien être cela ? » D’autres encore disaient en se moquant : « Ils sont pleins de vin doux ! » Pierre alors, debout avec les Onze, éleva la voix et leur adressa ces mots : « Hommes de Judée et vous tous qui résidez à Jérusalem, apprenez ceci, prêtez l’oreille à mes paroles. Non, ces gens ne sont pas ivres, comme vous le supposez ; ce n’est d’ailleurs que la troisième heure du jour (= neuf heures du matin). Mais c’est bien ce qu’a dit le prophète (Joël 3) : ‘Il se fera dans les derniers jours, dit le Seigneur, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair. Alors vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards des songes. Et moi, sur mes serviteurs et sur mes servantes je répandrai de mon Esprit. Et je ferai paraître des prodiges là-haut dans le ciel et des signes ici-bas sur la terre. Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang, avant que vienne le Jour du Seigneur, ce grand Jour. Et quiconque alors invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.’ » (Actes 2, 1-8 ; 11-21).
Et Pierre d’exalter le nom de Jésus le Nazaréen « cet homme,… vous l’avez pris et fait mourir en le clouant à la croix par la main des impies (les Romains) ; mais Dieu l’a ressuscité, le délivrant des affres de la mort (textuellement : de « l’Hadès »)… David a vu d’avance et annoncé la résurrection du Christ (Psaume 15 [16]) qui en effet n’a pas été abandonné à l’Hadès et dont la chair n’a pas vu la corruption : Dieu l’a ressuscité, ce Jésus, nous en sommes tous témoins, et maintenant, exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint objet de la promesse et l’a répandu : c’est là ce que vous voyez et entendez… Que toute la Maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié… »
« Repentez-vous, que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour la rémission des péchés et vous recevrez alors le don du Saint-Esprit car c’est pour vous qu’est la promesse, ainsi que pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin » … « Eux donc, accueillant sa Parole, se firent baptiser : Il s’adjoignit ce jour-là environ trois mille âmes » (Actes 2, 22-24.31-32.36.38-39.41). Tel est le récit de la Pentecôte que nous fait Luc au début des Actes des Apôtres.
A la Pentecôte, les Apôtres sont compris par des auditeurs venus des régions les plus diverses. Le fait que chacun les comprenne dans sa langue est un signe de la vocation universelle de l’Eglise. Tous les peuples sont rassemblés dans le Christ. Cet événement est le point de départ de la mission de l’Eglise : un dynamisme irrésistible transforme une poignée d’hommes déçus par la condamnation à mort de leur maître en messagers qui affrontent joyeusement tous les périls de leur mission. Isaïe annonçait que sur le Messie reposerait l’Esprit du Seigneur : ‘esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de prudence et de courage, esprit de connaissance et de crainte de Dieu’ (11, 2). En chacun des Apôtres se déploient désormais des dons nouveaux pour annoncer le salut. Don de parler, don de guérir et beaucoup d’autres encore. « Voici les fruits de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi » (Ga 5, 22). Sans doute l’œuvre de l’Esprit est-elle le plus souvent silencieuse, mais elle se laisse percevoir de manière étonnante dans le courage des martyrs et dans la capacité de renouvellement de l’Eglise, quelles que soient les crises de l’histoire ou les régimes auxquels elle est soumise.
Dans l’histoire admirable de l’apôtre Paul, un fait, un prodige frappe vivement le lecteur, de façon à ne jamais permettre qu’on l’oublie. C’est la petite Pentecôte. « Paul, après avoir traversé le haut-pays, arriva à Éphèse. Il y trouva quelques disciples et leur dit : « Avez-vous reçu l’Esprit Saint quand vous avez embrassé la foi ? » Ils lui répondirent : « Mais nous n’avons même pas entendu dire qu’il y a un Esprit Saint. » Et lui : « Quel baptême avez-vous donc reçu ? » – « Le baptême de Jean », répondirent-ils. Paul dit alors : « Jean a baptisé d’un baptême de repentance, en disant au peuple de croire en celui qui viendrait après lui, c’est-à-dire en Jésus. » A ces mots, ils se firent baptiser au nom du Seigneur Jésus ; et quand Paul leur eut imposé les mains, l’Esprit Saint vint sur eux, et ils se mirent à parler en langues et à prophétiser. Ces hommes étaient en tout une douzaine. » (Actes 19, 1-7)
Récapitulons maintenant les signes que présente le Saint-Esprit. L’eau vive qui jaillit du cœur transpercé du Christ et abreuve les baptisés; l’onction avec l’huile, qui est le signe sacramentel de la Confirmation ; le feu qui transforme ce qu’il touche ; la nuée, obscure ou lumineuse, où se révèle la gloire divine ; l’imposition des mains par laquelle l’Esprit est donné ; la colombe qui descend sur le Christ et demeure sur lui au moment de son baptême.
Place dans le SYMBOLE
La troisième partie du Symbole concerne donc le Saint-Esprit. Ne l’isolons pas de l’ensemble. C’est toujours le même mystère de Dieu révélé en Jésus-Christ, qui s’y développe. Le Saint-Esprit a d’ailleurs été déjà évoqué dans la deuxième partie à propos de la conception de Jésus.
Il ne suffit pas de croire au Père tout-puissant qui nous a créés, et en Jésus-Christ son Fils unique qui nous a rachetés, si nous ne croyons en même temps au Saint-Esprit qui nous sanctifie. C’est pour cette raison que les apôtres, après nous avoir proposé dans le Symbole la puissance du Père et les mystères du Fils, nous proposent aussitôt les merveilles du Saint-Esprit. Il n’est donc pas moins nécessaire que nous soyons bien instruits de ce qui regarde le Saint-Esprit que de ce qui regarde le Père et le Fils ; nous devons croire d’une ferme foi qu’en Dieu il y a une troisième personne, qui est le Saint-Esprit : cette troisième personne procède du Père et du Fils ; elle a la même nature et la même divinité que les deux autres personnes : ainsi le Saint-Esprit est égal au Père et au Fils ; il est comme eux éternel, tout-puissant, infini ; il a les mêmes perfections ; en un mot, il est un même Dieu avec le Père et le Fils.
Dans cette troisième partie le mystère de Dieu est pris comme don partagé dans l’Église. Il y est question de ces biens qu’apporte la foi. La formule, en même temps qu’elle oriente la foi sur le Dieu un qui est Esprit, est comme l’enveloppe des affirmations qui suivent. Il ne faut pas juxtaposer, dans la foi, l’Esprit Saint et l’Église, la communion des saints, la rémission des péchés… : nous disons « Je crois en l’Esprit Saint », puis « à la sainte Église catholique… », car on ne croit jamais qu’en Dieu. Une version ancienne portait même: « Je crois en l’Esprit Saint dans l’Église. » Le Saint-Esprit reste confessé en relation immédiate avec son œuvre : le rassemblement de l’Église.
Les deux cœurs blessés et le signe de Croix
Regardons à nouveau l’envers de la médaille. Nous y voyons les deux cœurs de Jésus et de Marie et leur profonde union, leur amour conscient et libre pour Dieu, pour les hommes et entre eux. Le Cœur de Jésus couronné d’épines, refusé, trahi dans son acte d’amour et de rédemption. Le Cœur de Marie transpercé par une épée, affligé par le refus fait à Dieu par les hommes, par le meurtre de son Fils.
Leur amour unique, exprimé et rendu par la douleur, c’est la force de Rédemption de Dieu pour le monde (Hébreux 5,9). Le Cœur de Marie est la porte qui mène au Cœur de Jésus. Les Cœurs de Jésus et de Marie forment une union si parfaite qu’à chaque « Je vous salue Marie », nous entrons en communion avec l’Esprit même de Jésus qui nous vivifie. L’Esprit-Saint, c’est l’Esprit d’Amour, c’est l’Amour de Dieu.
On vénère à juste titre les deux Cœurs unis… Quand on aime et prie la Sainte Mère de Jésus, l’amour et les prières la touchent au cœur, et ainsi parviennent jusqu’à lui. Mais lui, l’atteignent également les souffrances et les peines. En tant que Dieu, il a créé son cœur. En tant que Mère, elle a façonné le sien. N’écartons pas du tabernacle la Mère. Elle est si intimement liée à l’Eucharistie et à la Croix qu’elle est proche de l’autel, présente au sacrifice. Ne la supprimons pas de la Sainte Messe. Enfin, elle est la Mère de Miséricorde, Miséricorde pour nous, dans le Cœur de Jésus. Elle est la femme revêtue de lumière. Elle est sa gloire ! Elle est associée à son triomphe et à son règne, elle qui a suivi le chemin de l’Évangile jusqu’au chemin de la Croix.
La Croix et Jésus sont inséparables. Là où est Jésus, là est sa Croix. Jésus va plus loin car, si en recevant sa Croix on reçoit son Amour, en recevant son Amour on reçoit son Esprit qui est l’Esprit d’Amour, l’Esprit-Saint. Il est l’Esprit de son Cœur, il est l’Esprit de sa Croix. « Il édifie, anime et sanctifie l’Église. Esprit d’amour, il restaure chez les baptisés la ressemblance divine perdue à cause du péché et il les fait vivre dans le Christ de la Vie même de la Sainte Trinité. Il les envoie témoigner de la Vérité du Christ et il les établit dans leurs fonctions réciproques, afin que tous portent ‘le fruit de l’Esprit’ » (Ga 5,22), comme nous le dit le compendium du Catéchisme de l’Église Catholique.
L’Esprit Saint ne nous renvoie pas à lui-même : il nous fait aimer Jésus, il nous tourne vers le Père, il nous met en relation les uns avec les autres, car il est source de communion. Avec le Père et le Fils, il crée l’univers et coopère au salut de tous les hommes. L’invocation du Père, du Fils et du Saint- Esprit, accompagnée du signe de la croix, introduit toute prière chrétienne. C’est dans la foi exprimée au Père, au Fils et à l’Esprit Saint que nous prions. Et tout comme, au terme d’une conversation qui nous a marqués, nous éprouvons le besoin de remercier, nous rendons gloire au Père qui nous donne son Fils, au Fils qui se donne à tous et au Saint- Esprit qui habite en nous et nous fait connaître le Père et le Fils.
L’Esprit qui sanctifie
C’est en son nom, comme au nom du Père et du Fils, que nous avons été baptisés ; comme il est le même Dieu que le Père et le Fils, nous lui devons les mêmes adorations et les mêmes hommages. De là vient que le Saint-Esprit est adoré et glorifié conjointement avec le Père et le Fils, et que nous terminons toutes nos prières par ces mots : « Gloire soit au Père, au Fils et au Saint-Esprit. »
On attribue particulièrement au Saint-Esprit la sanctification des hommes, parce que c’est un esprit d’amour, et que c’est lui qui répand dans nos âmes cette charité qui les sanctifie. « La charité, dit saint Paul, est répandue en nous par le Saint-Esprit qui nous a été donné. » (Rm 5, 5) L’Esprit Saint est donc la source de toute sanctification : avant sa Passion, le Seigneur annonce la venue de l’Esprit et cette promesse s’est réalisée lors de la Pentecôte. La vie de l’Église n’est rien d’autre que cet événement perpétué en particulier par les sacrements. C’est la présence de l’Esprit Saint qui distingue fondamentalement dans son comportement l’Église de toute autre société et lui donne une sereine assurance au milieu des difficultés.
C’est le Saint-Esprit qui nous communique la vie spirituelle, ou plutôt il est la vie même de notre âme comme l’âme est la vie du corps ; l’âme n’a de vie qu’autant qu’elle est unie à l’Esprit Saint, qu’autant qu’il habite en elle et qu’il l’anime ; notre âme n’a de mouvement vers Dieu que par le Saint-Esprit, et elle ne peut rien faire dans l’ordre du salut que par son inspiration et son impulsion.
L’Esprit Saint est la force agissante dans la sanctification de chaque chrétien : c’est à cause de la réception de la grâce de l’Esprit Saint que nous pouvons crier, en nous adressant à Dieu, « Abba, Père » (Rm 7,15 et Ga 4,6). C’est pourquoi saint Paul appelle le Saint-Esprit, l’Esprit d’adoption : « L’Esprit lui-même porte témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » (Rm 8, 16).
L’Esprit qui anime
Nous confessons dans le Credo que l’Esprit est vivificateur parce que la grâce qu’il communique nous rend réellement participants de la nature divine (2 P 1, 4). Cela ne doit pas être interprété dans un sens panthéiste, mais il faut aussi se garder de vider l’Écriture de sa vraie signification en entendant cette expression comme une métaphore. Nous proclamons qu’il est Seigneur et qu’il donne la vie, car il est vraiment l’Esprit du Seigneur ressuscité. Par le baptême et la confirmation, nous sommes devenus la demeure de l’Esprit et le ferment dans la pâte. C’est par l’Esprit que Dieu est vraiment avec nous, « plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes » (saint Augustin), mais c’est aussi par lui qu’il œuvre dans l’histoire. « L’Esprit souffle où il veut » (Jn 3, 8). Il agit dans l’Eglise à travers la parole de Dieu et les sacrements, mais il parle aussi à travers tout homme de bonne volonté. Il renouvelle aussi bien la face de la terre que l’homme intérieur.
La présence du Christ au milieu de nous, l’Esprit nous la fait connaître et nous la découvre en tout geste de tendresse, en toute œuvre de justice, en tout cri de souffrance et de détresse. L’histoire est remplie de la présence du Christ. Mais elle est aussi travaillée par des forces contraires. C’est dans la foi que nous discernons l’interpellation de l’Esprit à travers les événements, les changements de société, les découvertes scientifiques, les avancées techniques, la crise économique, l’aspiration à la justice, la promotion de la femme, le phénomène des sectes, le dialogue interreligieux, le chômage des jeunes, le dialogue Nord- Sud…
C’est le droit et le devoir moral de tous les hommes de discerner où sont le bien et le mal à la lumière de leur conscience. L’Esprit Saint travaille en toute femme, en tout homme de bonne volonté, qui forme sa conscience et lui obéit. La foi chrétienne éclaire et oriente notre intelligence vers ce qui répond pleinement à la volonté de Dieu à propos de la vocation de l’homme.
l’Esprit qui enseigne : « Il A PARLÉ PAR LES PROPHÈTES »
Il est cet esprit d’adoption qui nous fait enfants de Dieu, et le sceau sacré qui est le gage de notre héritage éternel. Il est appelé dans l’Écriture l’Esprit de vérité, c’est-à-dire qu’il est la source de toute vérité et le maître qui l’enseigne. « Lorsque l’Esprit de vérité sera venu, dit le Seigneur Jésus, il vous enseignera toute vérité. »
En effet, il descendit sur les apôtres, et en un moment il les remplit de lumière et leur communiqua les connaissances les plus sublimes. C’est lui qui a parlé par les prophètes et les évangélistes. « C’est par le mouvement du Saint-Esprit, dit saint Pierre, chef des apôtres, que les saints hommes de Dieu ont parlé. » Nous apprenons par là que les écrivains sacrés ont été les organes du Saint-Esprit, et que les paroles de l’Écriture sont Parole de Dieu. Avec quel respect ne devons-nous pas les entendre ?
Le prophète est un porte-parole de Dieu. Depuis les origines, l’Esprit parle au cœur de l’homme, dans la création et dans les événements, dans la conscience humaine et dans l’histoire du peuple où Dieu suscita Abraham, Moïse, David et tant de prophètes… Mais le peuple de Dieu a le cœur endurci : il n’est pas prêt à vivre selon l’Alliance. Les rois mettent leur assurance dans la richesse et leur confiance dans les armes. Le culte est mensonger : Dieu est encensé et les pauvres sont exploités, vendus pour une paire de sandales ! La loi devient un poids dont il faut se débarrasser… (Am 2, 6).
Dans ce Peuple « à la nuque raide et au cœur endurci », les prophètes annoncent la Nouvelle Alliance (Jr 3I, 31). Ils appellent à la justice, mais ils ne peuvent l’accomplir : ce sera l’œuvre du Messie à venir. Dieu prépare et sanctifie son Peuple. Il parle d’un esprit qui viendra dans les cœurs : « Je vous donnerai un cœur nouveau… je mettrai mon esprit en vous » (Ez 36, 26- 27). C’est dans cette lignée des prophètes que Jésus, habité par l’Esprit Saint, sera reconnu comme la Parole de Dieu faite chair.
L’Esprit Saint a « parlé par les prophètes ». Nous entendons par là que les saintes Écritures, – les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, – ont été rédigées par les hommes sous l’inspiration divine. Cette inspiration porte sur le contenu religieux et moral de la Bible. Elle ne confère aux écrivains des livres sacrés aucune infaillibilité en chronologie, histoire, cosmographie etc., matières où ils ont partagé les idées de leur temps. La Bible constitue une préparation pédagogique progressive à la venue du Christ et au règne de l’Esprit.
On peut dire qu’une préparation parallèle s’opérait dans les nations païennes par certains progrès de la pensée, de sorte que Dieu n’a laissé aucun peuple dénué de toute lumière. On a le droit d’appliquer les méthodes critiques de l’histoire et de la philologie, avec la pleine liberté qu’exige la science, à tout ce qui, dans la Bible, est susceptible d’une vérification de fait, d’une constatation positive. Mais le contenu spirituel des saintes Écritures ne relève d’aucune interprétation particulière. Son interprétation appartient à l’Église, parlant sous l’action de l’Esprit. L’Esprit est un don permanent fait à l’Eglise. Il renvoie à Jésus ressuscité et nous fait ressouvenir de tout ce que le Seigneur nous a dit (Jn 14, 26). Jour après jour, l’Eglise puise dans l’Ecriture sainte comme à sa source. Elle y trouve la grâce et le courage de la prière, de la lutte et du pardon. Dans les Ecritures, I’Esprit Saint nous parle: « Aujourd’hui… ne fermez pas votre cœur » (Ps 94, 8). Et il nous sanctifie lorsque nous accueillons la Parole avec foi.
Les chrétiens ont donc un interprète qui leur rend l’Ecriture vivante et actuelle. C’est l’Esprit Saint, à propos duquel Jésus avait proclamé : « Il vous fera comprendre tout ce que je vous ai dit. » Sans lui, I’Ecriture serait lettre morte et l’Eglise sans âme. La Tradition reçue des Apôtres se poursuit dans l’Eglise sous l’action vivifiante de l’Esprit. Elle est mieux perçue et comprise parce que le peuple de Dieu la vit, l’étudie et la médite dans son cœur (Lc 2, 19 et 51) et parce qu’elle est transmise par ceux qui, en tant que successeurs des Apôtres ont reçu « un charisme certain de vérité » (Dei Verbum 8). Ainsi l’Esprit achemine l’Eglise vers la plénitude de la Vérité.
C’est lui qui nous instruit encore, et qui dissipe, par sa lumière, les ténèbres de notre ignorance ; il nous montre la voie du ciel et nous donne la force d’y marcher. « Ton esprit, dit le Psalmiste, me conduira dans une voie droite » (Ps 143,10) dont le terme est le salut.
Il nous parle intérieurement pour nous détourner du mal et pour nous inspirer le bien que nous devons faire. Nous comprenons qu’il n’y a de véritable bonheur que dans l’Évangile ; nous sentons naître dans notre cœur le désir de le pratiquer. Cette lumière, ce sentiment, c’est la voix de notre Dieu. C’est donc au Saint-Esprit que nous résistons, quand nous le rejetons. Songeons que l’on n’est pas enfant de Dieu, quand on ne se laisse pas conduire par l’Esprit de Dieu.
l’Esprit qui console
Il est encore appelé dans l’Écriture l’Esprit consolateur. « Lorsque l’Esprit consolateur sera venu, il me rendra témoignage. » (Jn) Il nous est donné pour nous consoler dans nos peines. Que cette consolation est préférable à toutes les joies profanes. Elle rend douces et légères toutes les peines de cette vie ; elle met dans le cœur une paix délicieuse. Adorons donc ce divin Esprit, qui est la source de toute grâce et de toute lumière ; prions-le de se communiquer à nous, de nous sanctifier, et de répandre en nous cette onction céleste et cette joie pure qui rend la pratique de l’Évangile douce et aimable.
Ainsi est-il l’Esprit que l’on n’entend pas, et qui enseigne, que l’on ne voit pas, et qui éblouit. Il est le croisement de la croix, l’aile noire et l’aile blanche des Béatitudes, le consolateur qui rend le Fils au Père, le Père au Fils et le témoin que toutes choses au ciel et sur la terre se résolvent dans l’amour.
Conclusion : Oui, mon Dieu, heureux et mille fois heureux celui que tu sanctifies, que tu animes, que tu enseignes, que tu consoles ! Son entendement est rempli de lumières ; son cœur est embrasé du feu divin de la charité ; il goûte, même au milieu des plus grandes afflictions, il goûte une paix délicieuse, cette paix de Dieu, qui surpasse tout sentiment et que rien ne peut lui ravir. Viens en moi, ô Esprit saint ! toi qui es le lien ineffable du Père et du Fils. Viens, ô Esprit de vérité, éclaire mon âme de tes divines lumières ; en elle dissipe les ténèbres par ta présence; sois mon guide, conduis mes pas ; enseigne-moi à faire en toutes choses ta sainte volonté. Viens, ô Esprit de charité, Esprit sanctificateur, toi qui, en descendant sur les apôtres et parlant par leur bouche, as renouvelé la face de la terre ; donne-moi un cœur nouveau, échauffe-le de ton saint amour; en lui consume toutes les souillures par l’ardeur de ce feu divin. Viens, ô Esprit consolateur, daigne adoucir mes peines, calmer mes inquiétudes, et me remplir de cette joie pure qui est un avant-goût du bonheur ineffable que tu me destines dans le ciel.
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Prière pour l’Esprit Saint, « Veni, Sancte Spiritus »