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Les deux cœurs aimants :
signes de la communion des saints
Introduction
Quand nous regardons la médaille, nous voyons d’abord la souffrance qui s’exprime des deux cœurs, que ce soit la couronne d’épines pour le cœur du Christ ou le glaive pour le cœur de Marie. Mais au-dessus des deux cœurs se trouvent deux flammes, analogues à celles de la Pentecôte, exprimant l’Esprit d’amour et nous invitant à entrer dans sa mouvance, dans sa communion, telle qu’elle existe en Dieu Trinité. C’est ce qui nous amène à la communion des saints.
Il y a un rapport direct entre la sainteté de l’Église, lieu où le Verbe ressuscité anime la parole, et la catholicité de l’Église qui pose le même dialogue entre les croyants. Elle est sainte car catholique, elle est catholique parce qu’elle est sainte. Voilà l’Église en qui nous croyons. Il est donc logique que le credo expose ensuite la communion des saints.
La communion des saints est un dogme de foi, un des articles du symbole des Apôtres constamment reconnu par la tradition et fondé sur l’Écriture Sainte. «Nous sommes tous, dit saint Paul, un seul corps et membres l’un de l’autre (Romains 12, 5)… Qu’il n’y ait donc pas de division dans ce corps, mais que les membres aient soin l’un de l’autre» (1 Corinthiens 12, 25). « Croissons tous dans la vérité et dans la charité en Jésus Christ qui est notre chef » (Ephésiens 4, 15ss). De là nous concluons que tout est commun dans l’Église, prières, bonnes œuvres, grâces, mérites, etc., que le plus grand malheur pour un chrétien, c’est d’être privé de la communion des saints.
Communion des saints et sacrements
Cette communion est, à l’origine, la communion des choses saintes, de l’eucharistie à laquelle nous participons. Parce que nous communions aux choses saintes, à la personne même du Christ offert et vivant, nous communions entre personnes sanctifiées, c’est-à-dire entre nous. Tout nous est commun (Actes 2, 44). Comme nous échangeons l’eucharistie, la parole faite chair, nous pouvons nous faire du bien les uns aux autres. Quel que soit notre état de vivant ou de défunt, quel que soit notre âge, notre situation, notre condition sociale et notre sainteté, nous sommes solidaires dans l’échange eucharistique qui fait un monde nouveau.
On peut même dire que le fruit de tous les sacrements appartient à tous. Car les sacrements, et surtout le Baptême qui est comme la porte par laquelle les hommes entrent dans l’Église, sont autant de liens sacrés qui les unissent tous et les attachent à Jésus-Christ. Et ce qui prouve que la communion des saints n’est rien autre chose que la communion des sacrements, ce sont ces paroles des Pères du Concile de Nicée ajoutées au Symbole : Je confesse un seul baptême. Car tous les autres sacrements, et l’eucharistie en particulier, sont inséparables du sacrement de baptême. Et même le nom de communion peut s’appliquer à chacun d’eux, car chacun d’eux nous unit à Dieu, et nous rend participants de la nature divine, par la grâce qu’il nous communique. Mais ce nom convient mieux à l’eucharistie qu’à tout autre, parce que c’est elle principalement qui consomme cette communion.
Croire à la sainte Église catholique nous engage dans cet échange de sainteté. L’expression est en quelque sorte une reprise de celle qui la précède : « (Je crois) à la sainte Église catholique ». La sainte Église catholique est une communion des saints. Le sens donné couramment aujourd’hui à l’expression est celui d’une unité, et d’un précieux échange, de mérites, prières, soutiens divers… entre les membres de l’Église, aussi bien vivants que défunts. Ce sens n’est pas faux et l’idée est justement réconfortante : nous ne sommes pas seuls, nous sommes, dans notre cheminement de foi, portés par une multitude de frères et de témoins.
Si le sens premier de l’expression « communion des saints » est communion des choses saintes, ce sens n’exclut donc pas celui qui nous est familier, mais il l’éclaire précieusement en donnant mieux son fondement à l’affirmation. La communion entre les croyants, ou entre eux et ceux qui ont rejoint la maison du Père, s’opère essentiellement par le partage des mêmes biens, des mêmes choses saintes, et avant tout des sacrements, plus particulièrement encore de l’eucharistie : cette réalité sainte par excellence qu’est le corps du Christ. La sainte Église catholique est essentiellement la communauté qui prend corps dans l’assemblée eucharistique, par le partage du corps du Seigneur. Cette communauté sainte est aussi bien une communauté de baptisés, c’est à dire de pécheurs pardonnés.
Les justes
Certes le salut est personnel, c’est-à-dire que l’homme est responsable devant Dieu de sa vie. Ce fait n’exclut pas la solidarité qui doit exister entre les hommes et qui plaît à Dieu. La Bible fait tantôt ressortir la responsabilité personnelle, tantôt la solidarité. C’est dans le livre d’Ézéchiel (14, 12-20), que Dieu souligne le premier aspect : « Si un pays péchait contre moi par infidélité et si j’étendais la main contre lui… et qu’il y eût dans ce pays ces trois hommes – Noé, Daniel et Job – ces hommes sauveraient leur vie grâce à leur justice – oracle du Seigneur. Si je lâchais les bêtes féroces dans ce pays pour le priver de ses enfants et en faire un désert… et qu’il y eût ces trois hommes dans ce pays : par ma vie – oracle du Seigneur – ils ne pourraient sauver ni fils ni fille, eux seuls seraient sauvés, mais le pays deviendrait un désert. » Dieu donc sauve le juste même si tout son entourage est infidèle ; et inversement, les infidèles ne sauraient se prévaloir de la justice de l’un des leurs pour prétendre au salut.
Mais dans le livre de la Genèse (18, 23-32) Dieu nous fait savoir qu’il serait disposé, à cause de dix justes à sauver une ville tout entière. Il dit en effet à Abraham qui implorait sa miséricorde : « Si je trouve à Sodome cinquante justes dans la ville, je pardonnerai à toute la cité à cause d’eux… Ne s’en trouverait-il que dix, je ne détruirais pas, à cause des dix.»
C’est pourquoi l’apôtre Jacques nous dit : « Priez les uns pour les autres… La supplication fervente du juste a beaucoup de puissance » (Jacques 5, 16). C’est aussi pourquoi saint Étienne demandait au Seigneur de ne pas tenir rigueur à ceux qui le lapidaient (Actes 7, 60) : il savait que la miséricorde de Dieu est aussi infinie que sa justice et que la prière du juste peut obtenir le pardon du pécheur ; il suivait ainsi l’exemple donné par le Christ priant pour ses crucificateurs : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Prier pour les morts
La prière du juste peut obtenir le pardon du pécheur même si celui-ci est déjà défunt. Nous lisons dans le Deuxième Livre des Maccabées : « Si Judas (Maccabée) n’avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts, et s’il envisageait qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété, c’était là une pensée simple et pieuse. Voilà pourquoi il fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts afin qu’ils fussent délivrés de leurs péchés » (2 Maccabées 12, 44-46).
En priant pour les morts, nous pouvons espérer obtenir pour eux le pardon. Saint Jean nous révèle, dans l’Apocalypse, que réciproquement les morts peuvent prier pour les vivants (5, 8 ; 8, 3) ; il compare même « la prière des saints » devant le Trône de l’Agneau « à des coupes d’or pleines de parfums ». La mort ne brise pas l’unité du corps du Christ : les membres de l’Église qui luttent encore dans ce monde et ceux qui ont déjà reçu leur couronne dans l’autre font partie du même Corps. C’est ce que nous appelons la communion des saints (voir aussi Sagesse 3, 7).
Le Corps du Christ
« Il y a plusieurs membres, mais ils ne font tous qu’un même corps, afin que tous conspirent à s’aider les uns les autres : vous êtes le corps de Jésus-Christ et membres les uns des autres. » (I Corinthiens 12, 12ss) Il est donc une autre espèce de communion à considérer dans l’Église. La Charité en est le principe. En effet, comme cette vertu ne cherche jamais ses intérêts propres, elle fait tourner au profit de tous les œuvres saintes et pieuses de chacun. Ainsi l’enseigne saint Ambroise, en expliquant ces mots du Psalmiste : Je suis uni de cœur à tous ceux qui vous craignent. « Comme un membre, dit-il, participe à tous les biens du corps, ainsi celui qui est uni à ceux qui craignent Dieu, participe à toutes les bonnes œuvres. » C’est pourquoi Jésus-Christ, dans la Prière qu’il nous a enseignée, nous ordonne de dire notre pain et non pas mon pain, et ainsi du reste, pour nous montrer que nous ne devons pas seulement penser à nous, mais encore au bien et au salut de tous les autres.
Comparaison des membres du corps humain
Pour marquer cette communauté de biens dans l’Église, nos Saints Livres emploient souvent la comparaison si juste des membres du corps humain. En effet, il y a plusieurs membres dans le corps de l’homme, et néanmoins, ils ne font qu’un seul corps. Et ils remplissent tous, non la même fonction, mais la fonction particulière qui leur est propre. Tous non plus n’ont pas la même dignité, et leurs fonctions ne sont ni également utiles, ni également honorables ; cependant aucun d’eux ne se propose son avantage et son utilité particulière, mais l’avantage et l’utilité du corps tout entier. D’autre part, ils sont si étroitement unis et si bien associés entre eux, que si l’un de ces membres éprouve une douleur quelconque, tous les autres l’éprouvent de même par affinité et par sympathie. Si au contraire il est heureux, tous les autres partagent son bonheur.
Saint Paul lui-même compare l’Église au corps humain : en effet, rien n’est plus propre à nous faire entendre ce que c’est que la communion des saints. Les membres ont tous un même chef, une même âme, une même vie : tous concourent à la même fin, qui est la conservation du corps ; les yeux voient, les oreilles entendent, les mains agissent, les pieds marchent pour tout le corps ; en un mot, tous les membres conspirent au bien les uns des autres et se donnent dans le besoin tous les secours possibles.
Tous ceux qui composent une famille travaillent pour le profit de la famille entière, tous les membres y ont part. Nous pouvons contempler ce spectacle dans l’Église, dont tous les membres ne composent qu’une même famille et qu’un même corps. Elle renferme bien des membres différents et des nations diverses, des Juifs, des Gentils, des hommes libres et des esclaves, des riches et des pauvres. Mais dès qu’ils ont reçu le Baptême, ils ne font tous qu’un seul corps, dont Jésus-Christ est le Chef. Cette communauté de biens spirituels est une suite de l’unité de l’Église.
Chacun dans l’Église a sa fonction déterminée. Les uns sont apôtres, les autres sont docteurs, mais tous sont établis pour l’avantage de la Communion entière. Les uns ont la charge de commander et d’enseigner, les autres obéissent par la foi et se laissent conduire par la raison. Cependant ces biens si précieux et si multiples, ces dons de la divine largesse vont toujours à ceux qui vivent chrétiennement, gardent la charité, pratiquent la justice, et sont agréables à Dieu.
Union des membres
Tous les fidèles qui composent l’Église chrétienne sont donc unis ensemble. L’union étroite de tous les membres de ce corps établit entre eux une communauté de biens spirituels. Voilà ce que l’on entend par la communion des saints. On nomme les fidèles saints, parce qu’ils ont été sanctifiés par le baptême et qu’ils sont tous appelés à la sainteté. Les biens spirituels, qui sont communs entre tous les fidèles, sont les grâces infinies que le Christ nous a méritées par ses souffrances ; les mérites de sa sainte Mère et des saints ; les sacrements, les prières et toutes les bonnes œuvres qui se font dans l’Église. De tous ces biens spirituels, il se forme un trésor qui appartient à toute l’Église, et chaque fidèle y a sa part, selon la disposition où il se trouve. Ceux qui sont en état de grâce participent pleinement à tous les biens et à toutes les grâces qui sont dans l’Église ; ceux qui sont en état de péché ne laissent pas d’en tirer du secours pour sortir de ce malheureux état.
De même, dans l’Église, tous les fidèles vivant du même esprit sous un même chef sont unis entre eux dans leurs différentes actions. Chacun des fidèles prie, travaille, mérite pour tout le corps, et il reçoit en même temps le fruit des travaux, des vertus et des prières de toute l’Église. Le sacrifice de la messe, offert par un prêtre dans une église particulière, est utile à tous les fidèles, parce que l’Église, par les mains du prêtre, y offre pour tous ses enfants l’Agneau immolé pour tous.
Tandis que nous nous livrons au sommeil, plusieurs communautés religieuses se relèvent pour chanter les louanges de Dieu : cet exercice de religion, dont elles s’acquittent pour nous, tourne à notre profit ; elles attirent sur nous les effets de la miséricorde de Dieu ; mais, pour profiter de ces avantages, il faut être membre de l’Église : ceux qui se sont volontairement séparés d’elle (hérésie, schisme, excommunication) n’ont normalement pas part aux avantages spirituels qui se trouvent dans la communion des saints. Pour jouir pleinement de tous ces biens, il faut être membre vivant de l’Église.
Dans les premiers siècles, les différentes Églises étaient dans l’usage de s’écrire mutuellement des lettres de fraternité et d’amitié que l’on nommait lettres de communion. Elles attestaient par ce moyen qu’elles étaient unies entre elles non seulement par les liens d’une même foi et d’un même culte, mais encore par une charité mutuelle, qu’elles s’intéressaient à la prospérité les unes des autres et prenaient part au bien ou au mal qui pouvait leur arriver. Dans le même ordre d’idée, on peut transposer la formule de saint Prosper d’Aquitaine, un théologien laïc (+ 455) qui écrivait à sa femme pour faciliter la paix de son ménage heureux : « Relève-moi si je tombe, reprends-toi quand je te signale quelque faute. Qu’il ne nous suffise point d’être un seul corps, soyons aussi une seule âme. »
Les saints du ciel
Outre cette union des fidèles qui sont sur la terre, il y a encore une union plus générale entre les saints qui règnent dans le ciel, et les âmes qui souffrent dans le purgatoire, et les fidèles qui combattent encore sur la terre. C’est l’union entre l’Église triomphante, l’Église militante et l’Église souffrante. Nous nous réjouissons du bonheur des saints, nous en bénissons Dieu, nous les prions d’intercéder pour nous : les saints, de leur côté, nous aiment comme leurs frères, et ils nous aident par leurs prières auprès de Dieu. Nous avons aussi communication avec les âmes du purgatoire, en ce que nous adressons nos prières à Dieu, nous faisons des aumônes et d’autres bonnes œuvres, pour qu’il les soulage dans leurs souffrances et qu’il en abrège la durée par sa miséricorde.
Ainsi la liturgie est-elle célébrée par l’Église tout entière : l’Église pérégrinante de ceux qui sont encore « dans cette chair » (Philippiens 1, 22) et l’Église en gloire de ceux qui sont déjà « avec le Christ » (Philippiens 1,23), ayant « quitté ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur » (2 Corinthiens 5, 8). Ces derniers sont présents dans nos églises, dans la célébration de la liturgie : ils contemplent, eux, la face de Dieu.
Les membres morts
Les pécheurs, privés de la grâce de Dieu, ne perdent pas, malgré tout, l’avantage de faire encore partie du corps de l’Église. Les pécheurs, en qui l’Esprit saint n’habite pas par la grâce, sont à la vérité membres de l’Église ; mais ils risquent d’être des membres morts : or, comment des membres morts pourraient-ils prétendre aux mêmes avantages que les membres vivants ?
Cependant les pécheurs ne laissent pas de tirer beaucoup d’utilité de l’union qu’ils ont avec le reste du corps : c’est un grand avantage d’être de cette société, dans laquelle seule se trouvent la vérité, la charité, la justice, le salut et les moyens qui y conduisent. Ils se trouvent aidés, pour recouvrer la grâce qu’ils ont perdue et la vie spirituelle, par ceux qui vivent de la vie de l’esprit ; et ils recueillent certains fruits de salut, dont demeurent privés ceux qui sont entièrement retranchés du sein de l’Église. Un pécheur, tant qu’il demeure uni au corps, peut revivre par les prières de l’Église, qui ne cesse de demander pour lui le retour à la vie par une sincère pénitence.
L’Église faite de pécheurs
Parce que les pécheurs, et nous en sommes tous, sont de véritables membres de l’Église et le restent, même dans le péché, notre péché affecte toute l’Église ; tout le Corps du Christ en souffre ; tout le Temple de l’Esprit en est ébranlé. L’Église n’est pas « sainte » parce qu’elle est au-dessus de notre condition de pécheurs : elle est une communion entre des pécheurs. La sainteté de Dieu est rayonnante ; elle se communique à ceux qui se tournent vers lui. Dans le Nouveau Testament, l’appel à cette sainteté ne peut être entendu qu’en Jésus, « le Saint de Dieu » (Marc 1, 24). Le Christ s’est sacrifié pour que les hommes soient saints (Jean 17, 19).
La sainteté n’est donc pas le fait de notre seul comportement moral ou religieux : c’est le fait de Dieu qui nous sanctifie. La sainteté que nous communique l’Esprit au baptême n’est pas seulement un don fait à chacun. C’est tout un Peuple qui est entré dans l’Alliance avec Dieu par le sang du Christ. En lui, Dieu s’est lié à des pécheurs ; par son Esprit, il a fait de ce qui n’était « même pas un peuple » (Romains 9, 25) son Peuple. Tous les péchés du monde ne peuvent faire échouer ce plan divin de la sanctification de l’Église.
Les grâces gratuites
Les biens qui sont ainsi communs à tous, ne sont pas seulement les dons qui nous rendent justes et agréables à Dieu. Ce sont encore les grâces gratuites, comme la science, le don de prophétie, le don des langues et des miracles, et les autres dons de même nature. Ces privilèges qui sont accordés quelquefois même aux méchants, ne se donnent jamais pour un intérêt personnel, mais pour le bien et l’édification de toute l’Église. Ainsi le don des guérisons n’est pas accordé pour l’avantage de celui qui en jouit, mais au profit des malades qu’il guérit. Enfin tout ce que le vrai chrétien possède, il doit le regarder comme un bien qui lui est commun avec tous, et toujours il doit être prêt et empressé à venir au secours de l’indigence et de la misère du prochain. Car si celui qui possède, voit son frère dans le besoin, sans le secourir, c’est une preuve manifeste qu’il n’a pas la charité de Dieu en lui.
De là il est évident que ceux qui font partie de cette Communion jouissent déjà d’un bonheur appréciable, et peuvent répéter en toute vérité avec le Prophète David : « Que tes tabernacles sont aimables, Seigneur, Dieu des vertus ! Mon âme soupire et tombe comme en défaillance en pensant à la Maison du Seigneur. Heureux, ô mon Dieu, ceux qui habitent dans ta Maison ! » (Psaume 83)
Croire que l’Église est sainte
N’ayons pas peur de dire avec saint Paul que les membres de l’Eglise sont saints de la sainteté de Dieu qui les a sauvés et aimés. Cette sainteté ne nous replie jamais sur nous mêmes. Elle est une grande ouverture à Dieu, au monde et aux autres. L’Eglise est sainte encore parce qu’elle est l’Epouse du Christ avec qui elle ne fait qu’un. Purifiés par le sang du Christ et par le bain du baptême, nous sommes perpétuellement désaltérés et « rafraîchis » par l’eucharistie et la réconciliation qui nous rendent semblables au Seigneur.
Depuis les premiers temps de l’Eglise, les chrétiens prient pour les morts et offrent l’eucharistie pour les défunts ; ils prient aussi les saints, ils leur demandent de l’aide. Cet amour mutuel, cet échange spirituel, nous rapproche et nous unit : c’est ce que nous appelons la communion des saints. Les morts sont près de nous parce qu’ils sont près du Christ. C’est dans l’eucharistie que nous les retrouvons avec Marie, les Apôtres et tous les saints, parce que c’est là que nous sommes en communion avec Celui pour qui ils sont vivants.
Aider les autres par notre prière !
La communion des saints unit tous les membres du Corps du Christ, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui, au ciel et d’un bout à l’autre de la terre. Ainsi, même les plus esseulés savent qu’ils ne sont jamais seuls et ceux qui souffrent savent que l’offrande de leur vie sert à tout le Corps du Christ. Ceux qui meurent savent que l’Eglise les accompagne dans leur mort et les attend dans la gloire du Christ. Ainsi dans nos maisons et nos hôpitaux, les malades sont souvent les plus grands priants avec ceux qui, par vocation, ont consacré toute leur vie à la prière. Ceux qui peinent pour semer l’Evangile et ceux qui moissonnent en chantant savent que c’est à tout le Corps du Christ qu’ils doivent le courage et la joie de leur foi et l’efficacité de leur mission.
Sainteté multiple des enfants de Dieu
Dieu veut la sanctification de tous les hommes car tous sont appelés à être ses enfants et à participer ainsi à sa sainteté. Même si l’appel de Dieu n’est pas toujours entendu, Dieu nous entend quand nous prions : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Car notre sainteté d’enfant du Père est plutôt celle d’un enfant repenti. Cette sainteté prend de multiples formes dans la vie concrète des chrétiens. Des hommes et des femmes se sentent appelés à annoncer l’évangile. Des ordres religieux, des groupes de jeunes… sont nés de cet attrait.
D’autres voient le désespoir du monde et sentent le besoin d’y faire naître l’espérance chrétienne. Ils cherchent à libérer, visiter, consoler, assister ceux qui sont opprimés, prisonniers, affligés, démunis. Des chrétiens s’engagent dans des mouvements pour la paix et la justice, les droits de l’homme, etc. L’Esprit suscite et produit d’innombrables dons de sainteté dans toutes les formes de vie portées par cette unique charité qu’il diffuse en nos cœurs. Tous sont appelés à assumer courageusement leurs responsabilités politiques et sociales.
L’Esprit ouvre aussi les yeux sur le besoin d’amour et de chaleur humaine dans la société. Certains font de leur famille un foyer accueillant à beaucoup de détresses, d’autres se rassemblent en communauté pour partager et pour se donner entièrement à la suite du Christ. Saint Paul appelle ainsi communion les secours mutuels d’aumônes et de services que les fidèles se rendaient les uns aux autres : « N’oubliez pas la bienfaisance et la communion (=entraide communautaire), car ce sont de tels sacrifices qui plaisent à Dieu » (Hébreux 13, 16).
La docilité à l’Esprit crée différentes familles spirituelles : des hommes et des femmes qui perçoivent un même appel à l’action ou à la contemplation font école à travers l’histoire. L’Église a la chance de voir les situations nouvelles et les besoins du monde à travers tant d’hommes, de femmes et de jeunes si divers. Aussi y a-t-il une multitude de spiritualités chrétiennes qui s’enrichissent mutuellement. La tâche de discerner l’œuvre de l’Esprit dans tout ce qui germe est celle de tous, et en particulier celle des évêques : « N’éteignez pas l’Esprit,… examinez tout avec discernement, retenez ce qui est bon » (1 Thessaloniciens 5, 19.21).
Marie et la communion des saints
La bienheureuse Vierge Marie est Mère de l’Église dans l’ordre de la grâce parce qu’elle a donné naissance à Jésus, le Fils de Dieu, Tête de son Corps qui est l’Église. En mourant sur la croix, Jésus l’a donnée comme mère à son disciple, par ces mots : « Voici ta mère » (Jean 19,27). Après l’ascension de son Fils, la Vierge Marie a aidé, par ses prières, les débuts de l’Église et, même après son assomption au ciel, elle continue d’intercéder pour ses enfants, d’être pour tous un modèle de foi et de charité, et d’exercer sur eux une influence salutaire, qui vient de la surabondance des mérites du Christ. Les fidèles voient en elle une icône et une anticipation de la résurrection qui les attend, et ils l’invoquent sous les titres d’avocate, d’auxiliatrice, de secours, de médiatrice.
Le culte qui convient à la Sainte Vierge, c’est un culte particulier, mais qui diffère essentiellement du culte d’adoration, réservé uniquement à la Sainte Trinité. Ce culte de vénération spéciale trouve une expression particulière dans les fêtes liturgiques dédiées à la Mère de Dieu ainsi que dans les prières mariales, comme le Rosaire, résumé de tout l’Évangile. En regardant Marie, toute sainte et déjà glorifiée en son corps et en son âme, l’Église contemple en elle ce qu’elle-même est appelée à être sur la terre et ce qu’elle sera dans la patrie céleste. En ce sens, Marie tient une place essentielle dans la communion des saints, elle est icône eschatologique de l’Église, comme nous l’exprime le Catéchisme de l’Église.
Prière
Que les avantages dont jouissent les enfants de ton Église sont grands, ô mon Dieu! Qu’ils sont précieux ! L’union étroite qui règne entre eux rend communs tous leurs biens spirituels. Celui qui est riche fait part de son abondance à ceux qui sont pauvres ; celui qui est fort communique sa force aux faibles. Rien n’est plus consolant pour moi que cette pensée. Je serais bien à plaindre, si je n’avais à te présenter que mes bonnes œuvres ; mais tous les saints prient pour moi, ils pratiquent une charité de pénitences et de mortification pour moi ; toutes leurs bonnes œuvres sont les miennes ; les dons de l’esprit de Dieu qu’elles possèdent sont à moi. La ferveur de leurs prières supplée à la tiédeur des miennes, la solidité de leur vertu à la faiblesse de la mienne. Touché des saints gémissements que leur charité t’adresse pour moi, tu m’accorderas, ô mon Dieu, un accroissement de grâce. (A charge pour moi d’en faire autant.) Je fais plus de cas de ces richesses spirituelles que de tous les trésors du monde. Ne permets pas que j’en perde la moindre partie par ma faute. Fais, ô mon Dieu, que j’en tire tout l’avantage possible en me conservant toujours en état de grâce, – avec l’aide du cœur divin de Jésus et du cœur maternel de sa sainte Mère. Amen !
Prière d’après Charles- François Lhomond (1727-1794), dans « Doctrine Chrétienne »