REGARD ET SILENCE DE MARIE

Vierge de Duran Roger van der Wieden Prado Madrid

Noël approche et c’est «le partage de la Vierge en ce saint temps d’être en silence», nous dit Bérulle. Il poursuit :

«C’est son état, c’est sa voie, c’est sa vie. Sa vie est une vie de silence qui adore la parole éternelle.»

«En voyant devant ses yeux, en son sein, en ses bras cette même parole – la parole substantielle du Père – être muette et réduite au silence par l’état de son enfance, elle rentre en un nouveau silence et y est transformée à l’exemple du Verbe incarné, qui est son Fils, son Dieu et son unique amour.»

18. – De la naissance et enfance de Jésus, Opuscules de piété, 1664,
p. 191 – Grenoble, Jérôme Millon, 1997

Au moment de l’Ave Maria, du «Je vous salue, Marie», tournons notre regard vers la Vierge. Modèle d’intelligence intérieure, elle continue de garder le silence et «médite toutes ces choses dans son coeur» (Luc 2, 19). C’est au silence qu’il faut donc encore revenir, avant que ne retentisse le Magnificat.

Dans le ‘Journal d’un curé de campagne*’, de Bernanos, l’«ignorance» où est la Vierge de sa propre dignité, c’est ce dont le curé de Torcy entretient son confrère d’Ambricourt, «une dignité qui la met pourtant au-dessus des anges.» (p.258)

Il parle de sa «solitude étonnante» d’où jaillit «une source, si limpide et si pure, qu’elle ne pouvait même pas y voir refléter sa propre image.» (p. 258)

Il parle de son «regard vraiment enfantin, le seul vrai regard d’enfant qui se soit jamais levé sur notre honte et notre malheur.» (p. 259)

Et «pour la bien prier, conclut-il, il faut sentir ce regard qui n’est pas tout à fait celui de l’indulgence — car l’indulgence ne va pas sans quelque expérience amère — mais de la tendre compassion, de la surprise douloureuse, d’on ne sait quel sentiment encore, inconcevable, inexprimable, qui la fait plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue, et bien que Mère par la grâce, Mère des grâces, la cadette du genre humain.» (p. 221) ■

Jean-Daniel Planchot

* Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne, Paris, Plon, 1936.