Le signe de la Vierge priante
La richesse du message de 1830 a déjà été observée par le P. René Laurentin, en son Court Traité de Théologie Mariale. Après avoir noté l’extrême misère de la doctrine et piété mariale au seuil du XIX° siècle, voici sa remarque :
« La renaissance mariale qui survient alors prend des formes surprenantes. Elle commence en 1830, par une apparition, la première d’une série, caractéristique de ce siècle. La Vierge confie à Catherine Labouré le projet de la médaille miraculeuse qui est comme le signal d’un grand mouvement de piété et de conversion. L’effigie semble donner tout le programme du siècle : Immaculée Conception et Médiation » (p. 75).
La médaille de 1830, nous l’avons souligné, donne le feu vert à une reviviscence évangélique de foi et de prière. Elle est une nouvelle avance de miséricorde à l’humanité qui s’est gravement détachée de Dieu. Par Marie, Dieu renouvelle sa promesse de pardon aux hommes égarés et pécheurs. C’est une étape nouvelle de l’Histoire Sainte de la miséricorde inlassable de Dieu.
Mais l’aspect spécifique de cette étape est l’intervention de Notre-Dame. Dieu nous offre à nouveau son pardon et son salut mais par le moyen de la Vierge Immaculée. La reconnaissance du rôle priant et agissant de Notre-Dame sont les caractéristiques de cette étape nouvelle de la miséricorde divine et du mystère de l’Église.
La Médaille Miraculeuse est l’emblème de ces temps nouveaux. Le mystère de Marie s’y trouve condensé en des éléments symboliques et suggestifs dont les progrès de la théologie biblique actuelle donnent la clé : « L’Eve nouvelle et l’antique serpent, – la Croix et les deux Cœurs douloureux, – les douze étoiles apocalyptiques ».
Arrêtons-nous un instant à l’invocation inscrite, par ordre du ciel. sur la médaille : « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. » Cette inscription ne nous livre-t-elle pas une des clés du message de la Vierge ?
Près de son Fils, Marie est l’orante suprême de l’humanité. Avec Lui et près de Lui, elle intercède sans cesse pour nous. Notre salut est suspendu à cet unique mystère d’intercession. Accepter et porter la médaille, c’est dès lors proclamer notre foi en la prière puissante de notre médiatrice immaculée près du Christ.
Un recours confiant
Mais si la médaille apparaît ainsi comme le signe par excellence de l’intercession céleste de Marie, elle est aussi le signe de notre devoir de recourir avec confiance à sa médiation priante. Accepter et porter la médaille, c’est affirmer notre devoir de prier avec Notre-Dame et à toutes les intentions de son Cœur missionnaire. Toutes les interventions de Notre-Dame ne sont-elles des appels à la prière comme aussi l’assurance de l’amour priant de Notre-Dame pour nous ?
Que tel soit un des sens profond du mystère de la rue du Bac, comment en douter si l’on se souvient de ce qui a été à la fois l’extase et le tourment de l’humble Sœur Catherine ? La prière silencieuse de la Vierge au Globe, l’intercession universelle de la médiatrice de toutes grâces (« Ce globe représente le monde entier et chaque âme… ») a été l’inoubliable instant qui a bouleversé l’âme et la vie de la Sainte de la médaille. La non-réalisation de l’image de la Vierge au Globe a été le seul motif assez déterminant pour lui faire rompre un silence inviolé durant 47 ans.
N’était-ce pas dire que la médaille, avec toutes ses grâces, ne nous livrait pas tout son message essentiel et fondamental : la prière céleste et universelle de Marie glorifiée, créature privilégiée mais responsable près de son Fils du salut de toutes les âmes et de l’édification du Corps mystique ?
Une prière d’intercession et de protection
En une lumière renouvelée, une vérité première de la Tradition Chrétienne nous est à nouveau proposée. La première prière chrétienne à Marie, (le Sub tuum) n’est-elle pas un recours confiant à sa prière et à son pouvoir d’intercession et de protection ? Pour ne citer que l’office byzantin du « Pokrof », la croyance de tous les temps chrétiens a reconnu le crédit d’intercession irremplaçable de la Mère de Dieu :
« Tu es l’unique, ô Très Sainte et Très Pieuse Mère de Dieu, à qui soit donné de voir sa prière toujours exaucée. Inconcevable est pour nous ô Vierge Mère de Dieu, la protection dont tu couvres tes fidèles orthodoxes. Ignorants sont nos ennemis de la puissance de ta prière. »
Comment ne pas reconnaître la Vierge aux rayons en cette strophe ?
« Étends jusqu’aux extrémités de la terre tes mains secourables, ô Souveraine d’inépuisable bonté. Santé des malades, consolatrice des souffrants, lumière des aveugles, par toi tout à tous est donné, à chacun selon ses besoins. »
Comment ne pas appliquer à la Vierge de la mariophanie la plus eucharistique, qui nous a invité à « venir au pied de l’autel », auprès duquel elle est apparue rue du Bac, celle-ci ?
« Tiens-toi près de l’autel du Seigneur. Lève tes mains vers le Ciel. Supplie le Roi de gloire d’accueillir notre indigne prière. »
Plus que partout ailleurs, la Vierge de 1830 nous engage à participer au culte eucharistique de l’Eglise.
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La mission de la Vierge Marie
Les mariophanies, on le voit, n’apportent aucune doctrine nouvelle. Mais leur portée est ailleurs. Annonce renouvelée de l’inlassable volonté de salut de Dieu, elles s’inscrivent dans la trame évangélique de l’histoire de l’Église. C’est au sein de l’Église et à son service qu’elles s’accomplissent dans le plein respect de son mystère.
Aux lieux des apparitions, l’Église rassemble ses enfants, « de toutes nations, tribus, peuples, dialectes » ; elle leur rappelle les grandes vérités de l’Evangile et les exigences profondes du salut. Elle purifie le coeur de son peuple et le nourrit à la table du Seigneur. Elle le renvoie vers ses milieux de vie et de travail, témoin de la charité de Dieu.
Aux lieux des apparitions, en écho aux appels de Notre-Dame, l’Église s’unit, l’Église se purifie, l’Église se fortifie, l’Église se renouvelle, l’Église grandit. Les apparitions de la Vierge Marie illustrent sa mission de partout et de toujours : conduire les fidèles au Sauveur.
+ Jean HENRION, Prêtre de la Mission