FÊTE DE LA VISITATION DE MARIE

FÊTE DE LA VISITATION DE MARIE (Bossuet)

Les Très Riches Heures du duc de Berry Folio Folio 38v - La Visitation de Marie
Les Très Riches Heures du duc de Berry Folio Folio 38v – La Visitation de Marie

I. Aussitôt après que Marie eut conçu le Verbe dans son sein, elle part et marche avec promptitude dans le pays des mon­tagnes de Judée (Luc 1, 39), pour visiter sa cousine sainte Élisabeth. Ne sentons-nous point la cause de cette promptitude, de cette élé­vation, de cette visite ?

Quand on est rem­pli de Jésus-Christ, on l’est en même temps de charité, d’une sainte vivacité, de grands sentiments, et l’exécution ne souffre rien de languissant. Marie, qui portait en elle-même la grâce avec Jésus-Christ, est sollicitée par un divin instinct à l’aller ré­pandre dans la maison de Zacharie, où Jean-Baptiste vient d’être conçu.

Dans toutes les visites que nous ren­dons, imitons Marie ; rendons-les en cha­rité ; alors, sous une simple civilité, il se cachera de grands mystères ; la grâce s’aug­mentera ou se déclarera par l’humilité, par l’exercice d’une amitié sainte.

Cultivez, âmes pieuses, les devoirs de la parenté. Femmes chrétiennes, soyez amies comme Marie et Élisabeth ; que votre ami­tié s’exerce par la piété ; que vos conversa­tions soient pleines de Dieu : Jésus sera au milieu de vous, et vous sentirez sa pré­sence. 0 Dieu ! sanctifiez les visites; ôtez-en la curiosité, l’inutilité, la dissipation, la dissimulation, la tromperie, la médisance; faites-y régner la cordialité et le bon exemple.

II. Parlez, Marie ! C’est à vous à nous faire connaître vos sentiments : possédant votre Dieu, quels ont été vos transports, vos joies, vos jubilations, votre paix, votre triomphe !

Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sau­veur, parce qu’il a regardé la bassesse de sa servante. (Luc 1, 46)

Il y a en Dieu un regard de bonté et de miséricorde ; c’est celui qu’il arrête sur les âmes pénitentes, pour les consoler et les encourager à revenir à lui. Mais il y a aussi en Dieu, pour le juste, un regard de faveur et de bienveillance, un regard de défense et de protection. Ah ! quelle impression il doit faire sur leur cœur, le regard de Dieu si plein d’amour, si tendre, dont il est écrit : Voici ses yeux qui reposent sur les justes. (Ps. XXXIII) C’est là ce qui transporte Marie de joie et d’admiration.

Il a élevé les humbles. (Luc 1, 51) Marie elle-même en est un exemple. Dieu l’a élevée au-dessus de tout, parce qu’elle s’est déclarée la plus basse des créatures. Quand il s’est fait une demeure sur la terre, ce n’a point été dans les palais des rois ; il a choisi de pauvres mais d’humbles parents, et tout ce que le monde méprisait le plus, pour en abattre la pompe.

Il s’est souvenu des promesses qu’il a faites à Abraham et à sa postérité. (Luc, 1, 54) Abandonnons-nous à ces promesses de grâces, à ces bienheureuses espérances, et noyons dedans toutes les trompeuses espérances dont le monde nous amuse. Unissons-nous au saint cantique où Marie a chanté notre dé­livrance future ; chantons sa béatitude avec la nôtre, et disons avec saint Ambroise :

Que l’âme de Marie soit en nous pour glorifier le Seigneur ; que l’esprit de Marie soit en nous, pour être ravi de joie en Dieu notre Sauveur ! (Saint Ambroise, in Luc)

La Visitation pour saint Jean-Paul II
dans Dominum et vivificantem (18 mai 1986)

L’Esprit Saint qui, par sa puissance, prit sous son ombre le corps virginal de Marie, réalisant en elle le début de la maternité divine, rendit en même temps son cœur parfaitement obéissant à l’égard de cette communication que Dieu fit de lui-même et qui surpassait toute pensée et toute capacité de l’homme.

«Bienheureuse celle qui a cru!»: voilà la salutation que reçoit Marie de la part de sa parente Élisabeth, elle aussi «remplie de l’Esprit Saint». Dans les paroles qui saluent «celle qui a cru», il semble que l’on puisse voir un contraste lointain (mais en réalité très proche) avec tous ceux dont le Christ dira qu’«ils n’ont pas cru».

Marie est entrée dans l’histoire du salut du monde par l’obéissance de la foi. Et la foi, dans sa nature la plus profonde, est l’ouverture du cœur humain devant le Don, devant la communication que Dieu fait de lui-même dans l’Esprit Saint. Saint Paul écrit: «Le Seigneur, c’est l’Esprit, et où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté».

Quand le Dieu un et trine s’ouvre à l’homme dans l’Esprit Saint, cette «ouverture» révèle et, en même temps, donne à la créature-homme la plénitude de la liberté. Cette plénitude s’est manifestée de façon sublime précisément dans la foi de Marie, par «l’obéissance de la foi»: oui, «bienheureuse celle qui a cru!»