Jetez le filet à droite de la barque.

Jetez le filet à droite de la barque.

MERCREDI DE PÂQUES

Sené (56) Vitrail pêche miraculeuse
Sené (56) Vitrail pêche miraculeuse

Le Christ ressuscité est doué d’ubiquité, une des qua­lités des corps glorieux. Il surprend partout ses disciples. Le voilà près de la mer de Tibériade où sa troisième manifestation est aussi . impressionnante que les deux premières. Elle nous permet de méditer : 1° Pêche infruc­tueuse. 2° Pêche fructueuse.

1° Pêche infructueuse. — Elle est symptomatique la parole de Pierre qui décide six de ses compagnons à aller reprendre leur ancien métier: «Je m’en vais pêcher ! ». Ne sent-elle pas un peu le découragement ?

Les événe­ments furent tragiques, on ne sait pas bien ce qui va se passer ; les rêves se sont effondrés d’une   messianité temporelle ; puis, il n’y a plus de bourse commune, il faut bien gagner sa vie ; allons pêcher. Ils y vont et ne sont pas heureux, ils ne prennent rien.

Le Maître nous a tous faits, dans une certaine mesure, pêcheurs d’hommes. Pour- un très grand nombre d’entre nous, la pêche, du moins en apparence, est infructueuse. Bien n’a réussi dans les œuvres entreprises, les sacrements sont de moins en moins fréquentés, l’église de plus en plus abandonnée. D’où cela vient-il ?

Regardons nos dispositions : défaut de foi à notre mission, à la grâce qui l’accompagne ; désenchantement, dépit devant les insuccès. On avait des illusions, elles tombent, le ressort manque. C’est donc que les intentions n’étaient pas droites, uniquement surnaturelles, que la charité n’était pas pure, pas vivante ; nous avons travaillé dans la nuit.

Grave avertissement de la conscience : Jésus n’était pas là comme il devait l’être, seul conseil, seul moteur, seule fin des activités : « Cette nuit-là ils ne prirent rien ». Une preuve douloureuse et trop fréquente : tel ne fait rien à son poste ; il y est remplacé par un autre qui, à la même place, fait merveille. N’accusons donc pas le champ, mais celui qui le cultivait, s’il fut improductif.

O Maître, qu’ai-je fait depuis que je suis à votre service, depuis que je suis dans la situation que j’occupe ? Préservez-moi de l’inertie, de l’infécondité, ne permettez pas que je rende vos dons inutiles.

2° Pêche fructueuse. — Dociles à la parole du Christ les apôtres jettent le filet à droite, « et bientôt après ils ne pouvaient plus le tirer à cause de la multitude des pois­sons ». Alors, ils reconnaissent le bon Sauveur, qui leur a préparé à déjeuner : « Venez et mangez ».

Le pêcheur heureux travaille dans le plein jour de la foi, de la docilité, de la discipline. Ainsi, dans la volonté de Dieu, et ne cherchant que lui, il est assuré de son secours, il est certain de l’efficacité de ses efforts. Il peut le cons­tater par les succès visibles de son labeur, il peut ne pas s’en rendre compte, mais il ne doit pas douter du bien accompli.

Le bien que l’on voit n’est pas souvent celui qu’on réalise vraiment ; l’action la  plus profonde est invisible, mystérieuse. Dès lors qu’on a fait ce qu’on devait comme on le devait, avec humilité et amour, incalculables sont les résultats.

Si tout seuls les anges les constatent, c’est une bénédiction, car, de la sorte, l’amour-propre ne dissipe aucun mérite. Et que, se donnant de plein cœur, on ne craigne pas ce qui arrivera. L’âme de l’apôtre sera toujours réconfortée, soutenue, opportunément, Celui pour qui il a travaillé est là ; à l’heure utile il lui dira aussi : « Venez et mangez ».

Puissé-je, ô Jésus, être un pêcheur heureux. Tel je serai dès lors que ce sera sous votre regard et selon vos indica­tions que je jetterai le filet. Vous êtes toujours là, je le sais ; moi aussi, je veux toujours’ être là.

Mgr Augustin Gonon, évêque de Moulins (+14 avril 1942)