La faiblesse de notre Dieu
TROISIÈME DIMANCHE DE CARÊME (année B)
Ex 20,1-17 – 1 Co 1,22-25 – Jn 2,13-25
La folie de Dieu est plus sage que l’homme et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme (1 Co 1,25)
A chaque époque correspond une faiblesse de notre Dieu et de notre Seigneur, C’est par là qu’il nous aime et qu’il nous sauve.
Et cette faiblesse de notre Dieu rencontre notre infidélité. Nous ne faisons pas mieux que ceux qui ont crucifié Jésus; nous reprenons même inlassablement la même tâche.
Et, jusqu’à la fin du monde, ce sera la même histoire de la mort de l’Innocent.
Et par cette mort, il sera encore avec nous.
Car il est ressuscité et c’est par sa faiblesse que nous reconnaissons glorieuse que nous pouvons être avec lui.
Il nous faut à longueur de temps des Transfigurations ! Nous rêvons d’arrêter le temps pour être avec lui comme Pierre sur la montagne : Il est bon d’être ici ! (Mt 17,4). Alors que dans sa transfiguration même le Seigneur nous renvoie à l’agonie !
L’agonie, non pas le désespoir, mais la communion à la misère du monde pour le sauver dans l’amour infini du Dieu vivant, du Dieu Trinité, Oui, il nous faudrait un regard d’innocent sur le monde moderne. Nous agoniserions encore, mais dans la sérénité d’un regard plongé dans la sécurité infinie du Père.
L’enfant qui meurt n’a pas peur ; il ne comprend pas, mais il n’a pas peur. Il ne sait pas ce qui lui arrive, il repose dans la confiance.
Serons-nous, comme le Christ nous le demande, des enfants, posant sur le monde moderne, dans la détresse infiniment douloureuse qui est la sienne, un regard sans peur, un regard d’innocent ?
Notre époque n’est pas plus mauvaise qu’une autre. Elle a seulement sa manière à elle de trahir l’Innocent,
Mais chaque époque a sa façon originale de bafouer l’Innocent, et avec lui tous les pauvres.
Et la seule réponse est la sainteté : nous sommes appelés à la sainteté dans une faiblesse infinie !
Oui, notre époque est une époque de grâce, comme toutes les époques l’ont été ; chacune a trahi l’Innocent à sa façon et par là a été sauvée par l’Innocent, et notre grâce, c’est sans doute que, à notre époque de puissance apparente, mais sans doute plus faible et plus démunie que toute autre, nous soyons conviés à vivre, comme sans doute jamais encore elle n’a été vécue, l’infinie faiblesse du Seigneur…
Seigneur, en ce temps de scandale où tant de chrétiens se laissent prendre aux pièges de la puissance, apprends-nous par ton Esprit, à être, à l’image de ton Fils, des êtres si faibles et si démunis, que tu sois notre seule force.
A une époque où la presse et les moyens d’information conditionnent comme jamais la pensée des hommes, que ton Esprit fasse de nous des êtres d’une totale liberté par rapport à tous les jugements du monde…
Que ta croix de lumière plantée au cœur de nos vies fasse de nous des enfants pétris de douceur et de faiblesse, heureux de la joie de Dieu, capables de bénir Dieu en toutes choses.
M.-J. Le Guillou Celui qui vient d’ailleurs, l’Innocent, Le Cerf, 1971, p. 295…