L’Acte qui consacre l’humanité dans l’amour
JEUDI SAINT
Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout (Jn 13,1)
En mourant, Jésus dit : Tout est consommé (Jn 19,30. 28). Dans la mort de Jésus, l’histoire humaine tout entière parvient à sa consommation, à son sommet. Un homme de notre race a été Jusqu’au bout de l’amour ; il a fait de sa mort un acte parfait d’amour, s’abandonnant sans réserve entre les mains du Père (Le 23,46) et entre les mains de ses frères pécheurs (Le 23,33-34).
Cet Acte est indépassable : il porte d’un coup l’histoire à son accomplissement, et si celle-ci continue, c’est pour que les hommes entrent dans cet Acte, le fassent leur, acceptant d’être pris en lui, sanctifiés, consacrés par lui, qui les transforme et leur permet d’aller, eux aussi, jusqu’au bout de l’amour.
L’Acte de mourir de Jésus sur la Croix est l’acte auquel l’humanité entière est suspendue, l’Acte qui la sanctifie et la consacre tout entière dans l’amour.
Cet acte de mourir, Jésus l’a anticipé symboliquement, c’est-à-dire réellement et d’une manière merveilleusement significative pour nous, à la Cène. La veille de sa mort, pour la gloire du Père et la joie de ses frères, Jésus se fait pain des hommes.
Il prend le pain qui est son corps ; anticipant sa mort, il prend en main la totalité de son être et de son existence, il se prend lui-même et il se rompt ; ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne (Jn 10,18) : il se rompt lui-même, avant même d’être rompu par nous tous, ses frères pécheurs ; il se partage.
Consommant sa mort à lui-même, il devient capable de se partager entre tous dans un partage où il est vraiment tout entier à chacun ; il passe au Père dans les autres, et, nous regardant tous, il dit : « Mon Corps, c’est vous ».
La Parole par laquelle il se livre est efficace : il est déjà mort, il vit déjà au cœur des siens. La Passion ne fera qu’accomplir ce qu’il a dit ; les hommes seraient d’ailleurs bien incapables de faire mourir celui qui est la Vie, s’il ne voulait lui-même mourir pour eux et par eux, dans l’amour.
Mais, à la Cène, Jésus dit : Faites ceci en mémoire de moi (Le 22,19). Ceci n’est pas simplement le rite à réitérer, c’est l’Acte posé ce soir-là. L’Église est tout entière invitée à entrer dans l’Acte qui la sauve et la consacre.
Nous sommes sauvés, nous faisons de notre vie un acte d’amour parfait dans la mesure où « nous faisons ceci en mémoire de Lui », dans la mesure où nous nous prenons, où nous nous rompons dans la mort à nous-mêmes et où nous devenons réellement le pain des autres, à la gloire du Père.
L’Acte de mourir de Jésus, son acte parfait d’amour, est re-présenté (rendu présent dans un symbole) à l’humanité, jusqu’à la fin des siècles, dans l’eucharistie. La messe est le moment où cet Acte nous rejoint et où nous le laissons s’emparer de nous, nous consacrer et nous « trans-substancier », pour que nous aussi, nous allions jusqu’au bout de l’amour.
Jean-Marie Hennaux Vœu et promesse,… dans « Vie consacrée », DDB, 1972, p. 6-7.