LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS IIe JOUR
NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST
Natus est vobis hodie Salvator.
Il vous est né aujourd’hui un Sauveur. Luc. 2.
D’après le MOIS DE JÉSUS – MALINES 1839
Ier POINT.
LES désirs des patriarches et des prophètes sont enfin satisfaits : l’attente d’Israël est comblée; les nuées ont enfanté le juste; le Ciel tout entier vient de s’abaisser sur la terre. Filles de Sion, essuyez vos larmes, cessez de faire entendre les accents de la douleur : le règne des miséricordes va commencer ; il vient de naître un Sauveur pour tout le genre humain.
Les foudres sont tombées des mains du Père céleste : il n’abaisse plus sur la terre que des regards de complaisance et de bénédiction, maintenant qu’elle possède son Fils bien-aimé.
Mais où est-il, ce divin Enfant dont la naissance réconcilie la terre avec le Ciel ? ubi est qui natus est rex Judœorum ? Quelle terre privilégiée a le bonheur de posséder le Fils du Très-Haut, le Père du siècle futur, le prince de la paix?
O mon âme ! transporte-toi à Bethléem ; entre avec les bergers dans l’étable où repose ton Sauveur : qu’a perçois-tu ? un enfant couvert des lambeaux de la pauvreté, étendu sur la paille, et exposé à l’influencé d’une saison rigoureuse. Ciel! quel spectacle !
Est-ce bien là le Messie promis depuis tant de siècles, le désiré des nations, le Sauveur d’Israël ? Est-ce bien là le Dieu sans lequel rien de ce qui existe n’eût été créé? le Verbe admis avant tous les siècles aux conseils éternels, lorsque la belle architecture de l’univers y fut arrêtée ?
Ces mains enfantines qui s’élèvent et retombent faiblement, sont donc les mêmes qui travaillèrent à disperser les horreurs du chaos, lorsqu’une voix puissante fit jaillir du sein des ténèbres des flots étincelants de lumières ?
Sous ces dehors humbles et méprisables, la foi m’ordonne de reconnaître le Dieu qui a le Ciel pour trône, et la terre pour marchepied : le Dieu dont la face fait le ravissement des élus, et devant lequel les célestes intelligences se tiennent en tremblant.
Ô prodige d’anéantissement et d’abnégation ! ô charité immense de Jésus-Christ pour les hommes, qui me donnera de pouvoir sonder vos mystérieuses et adorables profondeurs ?
Si dans le même moment où le Fils du Très-Haut était étendu dans l’étable de Bethléem, environné de tous les attributs de la pauvreté ; si dans ce même moment, un homme inspiré de Dieu se fût présenté devant le monarque qui occupait alors le trône de l’empire romain, et qu’il lui eût tenu ce langage :
« Prince, dans l’une des provinces soumises à votre domination, il vient de naître un enfant attendu depuis un grand nombre de siècles, et appelé à remplir les plus glorieuses destinées : son apparition sur la terre occupera la première place dans les annales du monde : le moment où il a vu le jour sera salué par tous les peuples de la terre comme l’aurore de leur délivrance : les entrailles qui l’ont porté seront appelées heureuses de génération en génération ; et de l’époque de sa naissance datera un nouvel ordre de siècles, qui remplacera chez les nations à venir la mémoire de la fondation de votre orgueilleuse capitale. Cet enfant extraordinaire établira un empire dont le vôtre ne pourra soutenir la puissance : il changera la face du monde, et enverra un de ses ministres pour arborer ses étendards au sommet du Capitole. »
Quelles pensées aurait suggérées à Auguste un semblable discours ? S’il eût témoigné le désir de voir cet enfant merveilleux, et qu’on l’eût conduit au lieu où il reposait, qu’eût-il pensé des paroles prophétiques qu’il venait d’entendre, n’eût-il pas traité d’insensé et de visionnaire l’homme qui les lui aurait adressées ?
IIe POINT.
Approchons-nous donc de l’humble séjour qui renferme l’auteur de notre salut, et vénérons les moyens ineffables et incompréhensibles par lesquels Dieu arrive à l’exécution de ses projets éternels.
Oh ! si la terre connaissait le prix du trésor qu’elle possède, comme on s’empresserait de préparer à ce divin Enfant la place la plus honorable dans les hôtelleries dont il ne peut avoir l’entrée ! que dis-je ? les rois les plus puissants environneraient son berceau, et se disputeraient le bonheur de le recevoir dans leur palais.
Mais le Fils de Dieu n’est point venu nous apprendre à rechercher les grandeurs du monde ; il veut que toutes ses actions soient des exemples avant que toutes ses paroles soient des leçons : aussi dès les premiers moments de sa naissance il boira dans la coupe des humiliations et des douleurs, et jusqu’au sommet du Calvaire, sa vie, suivant l’expression d’un de ses dévots serviteurs, ne sera qu’un continuel martyre: Tota vita Christi crux fuit et martyrium.
Je le vois, cet auguste Enfant, dans le pauvre asile qu’il a choisi pour y faire entendre ses premiers soupirs ; il n’a pas où reposer sa tête : et pour tout témoin de sa naissance adorable, il ne se trouve là que quelques bergers couverts de haillons, qui se prosternent devant lui.
Oh ! s’il m’avait été donné d’assister à ce touchant spectacle ! l’enfance est déjà si intéressante par elle-même ! quelle impression n’aurait pas faite sur moi la vue du triste état où elle était réduite ! et si j’avais été averti que sous cet extérieur de pauvreté et d’abandon je devais adorer mon Rédempteur et mon Dieu.
Oh ! comme je me serais efforcé de donner à ce divin Enfant des témoignages de ma reconnaissance et de mon amour ! comme j’aurais sollicité la ferveur de le serrer entre mes bras, de le réchauffer contre mon sein, et de passer à ses côtés tout le reste de ma vie !
O mon âme ! tu peux donner aujourd’hui à Jésus les mêmes marques d’affection et de reconnaissance : pourquoi s’est-il réduit à l’état de pauvreté où tu le vois en ce moment? c’est pour expier tes fautes, et te réconcilier avec son Père.
Eh bien ! en fuyant le péché, en t’éloignant de toutes les occasions où tu pourrais offenser ce Dieu d’amour, tu le dédommageras, autant qu’il est en toi, des peines qu’il a endurées pour ton salut, tu essuieras les larmes que tu lui vois répandre, tu arrêteras les tendres soupirs qu’il pousse vers le Ciel; tu réchaufferas ses membres délicats, que rien ne défend aujourd’hui contre les rigueurs de la saison.
Pourrais-tu négliger de satisfaire ton amoureuse compassion pour ce Dieu enfant, maintenant qu’il t’est si facile de le faire ?
Prière
Non, mon doux Rédempteur, je ne serai pas plus longtemps insensible : l’état où je vous vois aujourd’hui, pénètre et attendrit mon cœur ; je ne puis résister plus longtemps aux pressantes sollicitations de votre amour ; désormais il vous appartiendra, ce cœur coupable de tant d’infidélités ; il ne brûlera plus que de vos divines ardeurs.
Je n’ai point été assez heureux pour assister avec les bergers au grand spectacle de votre naissance temporelle ; je n’ai pu recueillir vos premières larmes, ni adoucir vos premières souffrances; mais, puisque je peux aujourd’hui me procurer la même consolation ; puisqu’il ne tient qu’à moi de préparer à votre enfance un lieu où elle pourra goûter le calme et le repos, ne serais-je pas un monstre d’ingratitude si je voyais sans piété l’état d’abjection où votre charité pour moi vous a réduit ?
Si, bien loin de vous apporter le soulagement qui est en mon pouvoir, je me joignais aux malheureux qui se font un plaisir barbare de contempler et d’augmenter vos souffrances ?
Oh ! non, mon aimable Jésus ! ne permettez pas qu’il m’arrive jamais un semblable malheur : daignez m’admettre aujourd’hui dans votre crèche, pour que je m’y pénètre de la grandeur des peines que vous endurez ; et apprenez-moi à rendre utile pour mon salut la méditation des grands exemples de pauvreté et d’abnégation que vous me proposez.
RÉSOLUTIONS.
l.° Je vais m’appliquer à détacher mon cœur de toute affection pour les biens de la terre. Je regarderai les richesses comme un des obstacles les plus dangereux que puisse rencontrer un chrétien dans le chemin du salut, et je n’en userai que pour satisfaire mes besoins, réservant le superflu pour les pauvres.
2.° Je regarderai ces derniers comme les membres de Jésus-Christ ; j’aurai la plus grande confiance dans l’efficacité de leurs prières, et je tâcherai de les consoler du mépris que le monde affecte de leur témoigner.
D’après un texte de Malines 1839