LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS IV^e JOUR.

ADORATION DES MAGES.

Et intrantes domum, invenerunt Puerum cum Maria, ma­tre ejus, et procidentes, adoraverunt eum.
Et entrant dans la maison, ils trouvèrent l’Enfant avec Ma­rie, sa mère _y et se prosternant, ils l’adorèrent. Matthieu 2.

D’après le MOIS DE JÉSUS – MALINES  1839

I^er Point.

Dieu n’avait pas encore manifesté la gloire de son Fils d’une manière assez écla­tante : dans les mystères que nous avons médi­tés, le divin Enfant a toujours paru sujet aux misères et aux faiblesses de l’humanité, sans qu’aucun signe extérieur révélât au loin sort essence divine, et la grandeur de la mission qu’il venait remplir : mais le mo­ment était arrivé où le mystère de cette nais­sance adorable devait être publié, et où la terre devait apprendre qu’elle possédait son Sauveur.

C’est parmi le peuple juif que se lèvera l’étoile miraculeuse qui doit annoncer la venue d’un Rédempteur : cette nation est celle qui se trouve dépositaire des Livres saints où sont consignées les prophéties qui annoncent la venue du Fils de Dieu sur la terre.

Les pre­miers hommes célèbres qui sont admis à la connaissance de ce glorieux événement, sont de sages rois orientaux, inconnus dans la Judée. Ils aperçoivent dans le ciel une lumière di­vine et extraordinaire ; et dociles à l’inspi­ration qui leur est en même temps suscitée, ils se séparent de leurs familles, de leurs connaissances, et entreprennent un long voyage pour aller ado­rer le Rédempteur qui leur est annoncé.

Ils ne s’inquiètent point de tout ce qu’on pourra dire de leur départ, ils ne songent qu’à obéir aux ordres du Ciel, et à suivre la lumière qui leur est envoyée.

Ô mon âme ! qu’elle est digne de ton ad­miration, la conduite de ces Mages ! quelle docilité, quelle promptitude dans leur foi ! comme ils savent apprécier la faveur que le Ciel leur accorde ! ils regardent l’obéis­sance comme leur premier devoir, et ne jugent pas l’administration et le soin de leurs royaumes comme des occupations assez im­portantes pour pouvoir se dispenser de suivre l’avertissement du Ciel.

Ai-je imité quel­quefois une conduite si louable? Lorsque Dieu daigne faire briller au – dedans de moi l’étoile de sa grâce, suis-je aussi docile que les Mages à marcher à la lumière qui m’est envoyée ?

Combien de fois n’ai-je pas feint de ne point l’apercevoir ! combien de fois n’ai-je pas fermé volontairement les yeux pour que son trop grand éclat ne me repro­chât pas mon infidélité !

Combien de fois peut-être n’ai-je pas été jusqu’à désirer que cette lumière divine s’éloignât de moi, et me laissât dans les ténèbres, pour que je pusse satisfaire à mon aise et sans remords mes penchants déréglés ! ou si de temps en temps je me rends aux sollicitations de cette grâce bienfaisante, le fais-je avec la promptitude que je remarque aujourd’hui dans les Mages?

Que d’hésitations, que de combats, que de résistances avant de suivre les sain­tes inspirations du Ciel ! que d’excuses pour entretenir et prolonger mon indocilité, sur­tout lorsque je me sens pressé d’abandon­ner des occasions où je puise mes jouissances les plus chères, et de rompre des nœuds que je me plais à resserrer!

Comme je tâche de me rassurer, en me disant qu’il n’est pas défendu à l’homme de se procurer quelques récréations innocentes, ou que je ne suis pas obligé de vivre dans un état de guerre con­tinuelle avec moi-même !

Et lorsque Dieu se sert de quelqu’un de ses ministres pour me déterminer à revenir à lui, ne m’arrive t-il pas quelquefois de manifester hautement mes dispositions perverses, en m’écriant qu’on veut exiger de moi ce qui m’est im­possible, et que jamais je ne me déciderai à faire les sacrifices qu’on me propose ?

Combien j’ai lieu de croire que je n’aurais pas été aussi docile que les Mages, si l’étoile miraculeuse qu’ils suivent aujour­d’hui avec tant d’empressement, se fût le­vée pour moi! Lorsque j’aurais vu qu’il fallait me séparer de mes parents et de mes amis, interrompre le cours de mes occupations, et briser tous les liens qui m’attachaient à ma patrie, que de prétextes n’aurais-je pas fait valoir pour autoriser mon infidélité ! que de fois n’aurais-je pas répété qu’un tel sacrifice m’était impossible !

Et sais-je bien ce qui m’arrivera, si je me constitue dans un état de révolte et de combat perpétuel contre la grâce? Dieu s’éloignera de moi, il retirera ses dons, et les portera à des enfants plus dociles, en me disant comme autrefois à l’infidèle Jérusalem : Parce que vous n’avez pas connu le jour où je vous ai visité, il va venir un temps malheureux pour vous: vous allez être livrés aux ténèbres et rassasiés d’op­probres.

Vous verrez autour de vous une multitude d’ennemis vous livrer les assauts lés plus terribles, et personne ne prendra votre défense. Longtemps je vous ai appelé, sans que vous m’ayez répondu ; voilà que je vais détourner ma face de vous, et lorsque vous m’appellerez, je ne vous répondrai pas.

II^e Point.

Mais, ô mon âme ! si tu puises aujourd’hui tant de sujets d’instruction dans la docilité et la promptitude avec lesquelles les Mages suivent la lumière qui leur est envoyée, continue de les accompagner dans le pieux pèlerinage qu’ils ont entrepris, et tu trouveras encore dans la constance et la fermeté de leur foi le modèle de la conduite que tu dois tenir.

Et d’abord, combien d’incommodités et de fatigues ne durent-ils pas éprouver dans le cours de leur voyage, eux qui, sans dou­te, étaient accoutumés dans leur pays à vi­vre dans l’aisance et à ne manquer de rien !

Cependant ils ne se laissent point découra­ger : ils ont les yeux toujours fixés sur l’é­toile qui les conduit, et, remplis d’une sainte ardeur, ils surmontent sans s’arrêter les difficultés du chemin et les intempéries de la saison.

Quelle leçon pour moi qui me dé­concerte au moindre obstacle que je ren­contre dans la route du salut ! que de fois, après avoir fait à Dieu les plus belles pro­testations, après avoir commencé à me mon­trer docile aux saintes inspirations de la grâce, je me suis tout-à-coup écarté de la voie étroite dans laquelle j’avais déjà fait quelques pas, parce que l’esprit de ténè­bres a fait naître sur ma route un léger écueil qui m’a épouvanté!

Si j’avais constamment fixé mes regards sur l’étoile que Dieu m’envoyait pour me conduire ; si j’avais été persuadé qu’en m’éloignant de cette lumière divine, je ne rencontrerais que ténèbres et que misères, comme j’aurais senti mon courage se ranimer, et mes for­ces prendre une nouvelle vigueur !

Arrivés à Jérusalem, les Mages ne cher­chent point à déguiser le sujet de leur voy­age : ils annoncent publiquement qu’ils sont venus pour adorer le Messie, parce qu’ils ont vu son étoile en Orient.

Ils voient toute la ville de Jérusalem dans le trouble ; mais ils n’en persistent pas moins à publier le motif qui les amène au milieu des Juifs, et à demander dans quel lieu ils pourront trouver leur Roi des Juifs qui vient de naître ?

Oh ! quel sujet de honte et de condamna­tion pour moi, dans cette franchise et cette sincérité que manifestent aujourd’hui les Mages ! combien leur exemple devrait me faire détester ce lâche respect humain qui me tyrannise !

Que de fois n’ai-je pas négligé mes devoirs les plus importants, parce qu’il aurait fallu les remplir à la face du monde, ou devant des personnes atten­tives à examiner toutes mes démarches ! que de fois, après avoir aperçu l’étoile qui m’ap­pelait au berceau de Jésus-Christ, je ne suis pas venu l’adorer, dans la crainte de déplaire à un ami, ou de provoquer les sarcasmes et les railleries de l’impiété !

Enfin les Mages quittent la capitale de la Judée, et, continuant de marcher à la lu­mière de l’étoile miraculeuse qui les pré­cède, ils arrivent à Bethléem, terme de leur pèlerinage. Là, étant entrés dans la maison au-dessus de laquelle l’étoile s’était arrêtée, ils aperçoivent le divin Enfant avec Marie sa mère.

Quels ravissements et quels transports ils durent manifester lorsqu’ils virent, pour la première fois, le Rédempteur du monde ! mais aussi quels sentiments de compassion et de douleur dut faire naître dans leurs cœurs le spectacle de la pauvreté à laquelle l’auguste famille paraissait réduite ! ne semble-t-il pas qu’à cette vue leur foi dût s’af­faiblir ?

Cependant ils ne témoignent aucun étonnement, c’est là le séjour que le Ciel leur a indiqué : ils ne doutent point que cet enfant ne soit le Messie, et se prosternant devant lui, ils l’adorèrent comme leur Ré­dempteur. Et déposant à ses pieds les présents qu’ils lui destinaient, ils l’adorèrent et se retirèrent comblés de joie.

O foi admirable ! ô mon âme est-ce sur cet exemple que tu te diriges lorsque, sans songer aux vertus qu’on peut rencontrer sous un extérieur de pauvreté et de misère, tu regardes avec dédain ceux que le monde appelle malheureux? ou lorsque tu t’arrêtes à ces pensées blasphématoires qui te repré­sentent comme des imperfections dans l’or­dre de la nature, des mystères dont il a plu à Dieu de se réserver le secret ?

Cependant tu proclames aujourd’hui la félicité des Ma­ges ; tu portes envie à la faveur qu’ils ont reçue de pouvoir contempler Jésus enfant ; et lorsqu’il faut imiter les touchants exem­ples de docilité et d’obéissance qu’ils te donnent, tu refuses de te soumettre : quelle étrange contradiction ! Si ta foi était bien sincère, manifesterais-tu une opposition si coupable entre ta conduite et tes principes.

PRIÈRE.

N’entrez pas en jugement avec votre ser­viteur, ô mon Dieu ! et ne me punissez pas selon votre colère. J’ai mérité mille fois d’être accablé de tout le poids de vo­tre indignation, et je me suis rendu digne de châtiments par l’abus que j’ai fait de vos grâces, et la résistance que je n’ai cessé d’opposer à vos saintes inspi­rations. Mais souvenez-vous de vos ancien­nes miséricordes, ô le Dieu de mon cœur ! et daignez me pardonner mes nombreuses ingratitudes.

En m’éloignant de cette lu­mière divine et bienfaisante qui éclaire la route du salut, je n’ai rencontré que ténè­bres et désolation : je me suis égaré dans des sentiers tortueux et obscurs où chacun de mes pas était signalé par les chutes les plus funestes ; et je courais infailliblement à ma perte, si les rayons de votre grâce n’eussent pénétré jusqu’au sein des ombres où je me trouvais enseveli.

Insensé que j’é­tais! je croyais trouver le repos dans le séjour du mensonge, et je cherchais à combler le vide de mes désirs en me repaissant d’illusions et de chimères.

O Jésus ! ne permettez pas qu’après une si fa­tale expérience, je retourne encore à mes premières infidélités : que désormais j’imite les Mages dans leur docilité et leur obéis­sance aux ordres du Ciel ; que je ne m’écarte jamais de la route qui me sera tracée par l’étoile de vos grâces, et qu’à la lueur de ce fanal sacré, j’arrive heureusement aux portes de cette cité de délices, où je pour­rai vous offrir pendant toute l’éternité un sacrifice de louanges, d’amour et d’actions de grâces.

RÉSOLUTIONS.

1. Je considérerai souvent la grandeur du bienfait que Dieu m’a accordé, en vou­lant que je fusse éclairé des lumières de la foi. J’en rendrai à ce Dieu de bonté de con­tinuelles actions de grâces, et je m’appli­querai à ne jamais démentir par mes œuvres les vérités que je fais profession de croire.

2. Je ferai en sorte de me montrer toujours docile aux inspirations de la grâce: je mettrai toute ma gloire à me faire con­naître devant le monde pour le disciple de Jésus-Christ, et je m’acquitterai de mes de­voirs de religion sans m’inquiéter de tout ce qu’on pourra dire ou penser à mon sujet.

D’après un texte de Malines 1839