LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS VIe JOUR.
BAPTÊME DE JÉSUS-CHRIST.
Tunc venit Jesus à Galilaeà in Jordanem ad Joannem, ut baptizaretur ab eo.
Alors Jésus vint de la Galilée vers Jean, sur les bords du Jourdain, afin d’être baptisé par lui. Matthieu 3.
D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839
Ier Point.
Depuis le retour d’Égypte, Jésus-Christ vivait obscurément à Nazareth, partageant les travaux de Joseph et de Marie, et se montrant, dans toutes les occasions, plein de docilité pour ces saints personnages auxquels le Ciel avait voulu confier le soin d’une enfance si précieuse.
Mais le moment où le Fils de Dieu devait commencer sa mission, s’approchait : il allait sortir de cet état de silence dans lequel il paraissait enseveli, et s’occuper exclusivement de ce qui regardait le service de son Père.
Apprends ici, ô mon âme! à ne jamais contrarier les volontés célestes, et à remplir exactement les devoirs de l’état dans lequel tu es placée. Tant que le Fils de Dieu ne voit point arriver l’époque où il doit commencer son ministère, il se renferme dans la retraite et l’obscurité, et nous fournit jusqu’à l’âge de trente ans le modèle d’une vie humble et laborieuse.
N’ai-je pas cherché quelquefois à me produire au dehors par des actions d’éclat; quoique je me trouvasse attaché à une condition qui me prescrivait le silence ?
Quelque temps avant que Jésus-Christ commençât sa mission, Dieu suscita sur la terre un grand prophète qui devait être le précurseur de son Fils. C’était Jean-Baptiste, appelé par Malachie, l’ange envoyé de Dieu pour préparer les voies du Seigneur.
C’était lui qui, suivant Isaïe, devait crier dans le désert : Rendez droits dans la solitude les sentiers de notre Dieu. Toute vallée sera remplie, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les chemins tortus deviendront droits, et les raboteux unis. C’était enfin ce Jean Baptiste auquel Jésus-Christ lui-même rendit un si glorieux témoignage, en disant qu’il était le plus grand d’entre les enfants des hommes:
Ce saint précurseur du Fils de Dieu vint donc par les ordres du Ciel dans le désert de Judée et dans tout le pays du Jourdain, prêchant le baptême de pénitence, qui ne donnait point la rémission des péchés, mais qui disposait les hommes à la recevoir, et était la figure du baptême que Jésus-Christ devait instituer.
C’est pendant que nombreux du le peuple juif accourait auprès de saint Jean pour se faire baptiser, que Jésus sortit de Nazareth, et se dirigea vers le Jourdain. Il était au moment de commencer son ministère ; et, quoiqu’il n’eût pas besoin d’implorer l’assistance du Saint-Esprit, puisque cet Esprit divin était en lui dès sa plus tendre enfance, il voulut, en se faisant baptiser par son précurseur, instituer le sacrement de la régénération.
C’est là du moins le sentiment des Pères, et notamment de saint Augustin et de saint Grégoire de Nazianze.
Le Catéchisme du concile de Trente, pour prouver qu’on doit ramener à cette époque l’institution du baptême, remarque que, dans le moment où Jésus-Christ fut baptisé, la très-sainte Trinité, au nom de laquelle le baptême se donne, se rendit sensiblement présente, car on entendit la voix du Père, le Fils était présent, et le Saint-Esprit descendit sur lui en forme de colombe.
Mais si Jésus-Christ, avant de commencer sa mission, veut recevoir visiblement le Saint-Esprit, n’est-ce pas pour m’enseigner que je ne dois rien entreprendre d’important, sans implorer auparavant l’assistance céleste?
Je le connais maintenant; c’est un nouvel exemple de foi et d’humilité que le Fils de Dieu me propose, et je n’en ai peut-être jamais profité ! orgueilleux de mes talents ou de mon industrie, j’ai peut-être constamment regardé comme mon propre ouvrage le succès de mes diverses entreprises, sans songer que Dieu seul est le dispensateur de tous les talents, et que l’homme se fatiguera inutilement à construire une maison, si le Seigneur ne la construit avec lui.
Oh ! combien de désordres et de scandales cesseraient d’affliger l’Église, si tous les chrétiens avaient la pieuse habitude d’invoquer le secours de l’Esprit-Saint, avant de se livrer à leurs occupations ou de prendre quelque décision importante !
Comme on verrait diminuer le nombre de ces malheureux qui traînent une vie pleine d’amertume et de dégoûts, parce qu’ils se sont engagés sans réflexion dans les états où la volonté de Dieu ne les appelait pas !
Comme on remarquerait plus de sagesse et de constance dans leurs résolutions, plus de prudence et de discernement dans leurs entreprises, plus de fidélité dans le mariage, plus de modération dans la prospérité, plus de résignation dans l’infortune, plus de fermeté et de courage dans les tribulations ! En un mot, la face de la terre ne serait-elle pas renouvelée ?
IIe Point.
Jésus étant arrivé sur les bords du Jourdain, se mêle à la foule des Juifs qui étaient accourus auprès de saint Jean, et se présente avec eux pour recevoir le baptême de son précurseur. Saint Jean pénétré et attendri d’un si grand abaissement, se refuse à ce ministère, en disant : C’est moi qui dois être baptisé par vous, et cependant vous venez à moi !
N’importe, auguste Précurseur du Fils de Dieu, vous ne pourrez persister dans votre humble refus ; Jésus va vous donner l’ordre de lui conférer le baptême, puisqu’il veut avoir cette nouvelle conformité avec les pécheurs.
D’ailleurs il doit manifester à ce moment sa divinité : en même temps que l’Esprit Saint descendra sur lui sous une forme corporelle, une voix miraculeuse proclamera son innocence, et annoncera à la terre qu’il est le Fils bien-aimé de celui qui règne dans les Cieux.
Ah ! sans doute, ce ne sont point les eaux du Jourdain qui ont sanctifié le juste et le saint par excellence : on peut dire, au contraire, que la présence du Fils de Dieu dans ce fleuve, l’a sanctifié ; désormais il sera célèbre entre tous les fleuves de la terre ; et lorsqu’une longue suite de siècles aura éloigné de ses bords le flambeau du christianisme, ce fleuve ne laissera pas d’être vénéré.
Le silence profond qui régnera sur ses rivages, sera, souvent interrompu par les chants joyeux du pèlerin qui, arrivé sur ses bords après de longues fatigues, s’estimera heureux de pouvoir contempler son cours et s’abreuver de son onde.
Mais ce qui doit m’intéresser le plus, ce que je ne saurais méditer avec assez d’attention, c’est la dignité à laquelle m’a élevé la qualité de chrétien que j’ai acquise dans le baptême institué aujourd’hui par mon divin Rédempteur. Après avoir été conçu dans le péché, j’étais né enfant de colère, et mon âme défigurée se voyait soumise à l’empire du démon.
Tout-à-coup, par la vertu des eaux régénératrices répandues sur ma tête, je me vis dégagé des liens qui me retenaient captif sous la puissance du démon ; mon âme fut réconciliée avec son Dieu ; les portes du Ciel s’ouvrirent pour moi, et le Père des miséricordes m’adopta pour son enfant.
O mon âme ! quelle tendre charité de la part de ton Dieu ? je m’estimerais heureux d’être uni par le sang à un monarque célèbre, et je ne me ferais pas gloire d’appartenir à Dieu en qualité d’enfant ! d’être par la grâce d’adoption, ce que le Fils de Dieu est par nature !
Oh ! combien j’ai sujet de m’écrier ici avec le Prophète roi : Qui est semblable au Seigneur notre Dieu, qui s’élève dans ce qu’il y a de plus haut pour y placer son trône, et qui s’abaisse pour considérer ce qui se passe dans le Ciel et sur la terre ; qui tire l’indigent de la poussière, pour le placer avec- les princes de son peuple ?
Du moment où l’eau sainte eut coulé sur ma tête, je me trouvai élevé au plus haut degré de noblesse et de gloire que je pusse ambitionner : dès-lors je fus fait héritier de mon Dieu et cohéritier de Jésus-Christ, je me vis autorisé à appeler Dieu mon Père. O don qui surpasse tous les dons !
Voyez, s’écrie saint Jean, voyez quelle charité le Père céleste nous a témoignée : il a voulu et que nous soyons appelés enfants de Dieu, et que nous le soyons en effet. O mon âme ! pourrais-tu jamais négliger le souvenir d’un bienfait si précieux ? que dis-je ? devrais-tu laisser écouler un seul jour, une seule heure, sans offrir à Dieu le tribut de ta reconnaissance et de ton amour?
PRIÈRE.
Non, mon Dieu, non, je n’oublierai jamais tous les témoignages de charité et de prédilection que j’ai reçus de vous. Tandis qu’une infinité de peuples étaient plongés dans les ténèbres de l’idolâtrie, vous avez daigné me choisir particulièrement pour me faire connaître votre nom ; vous avez fait luire sur moi l’admirable lumière de votre saint Évangile, et vous m’avez admis au nombre de vos enfants chéris.
O mon Père ! puisque vous voulez que je me serve de ce nom, j’ai bien mal répondu à toutes les marques d’amour que vous m’avez données ; mais il me semble que je n’ai jamais compris aussi vivement qu’aujourd’hui la grandeur de votre charité pour moi, j’en suis pénétré de reconnaissance, et tout le regret que je forme, c’est d’avoir regardé si longtemps avec indifférence les ineffables prodiges que vous avez opérés en ma faveur.
Soyez-en béni à jamais, ô mon Dieu! et ne permettez pas qu’après avoir vu les portes de l’enfer fermées sous mes pas par votre main miséricordieuse, je contraigne votre justice de les rouvrir pour m’y précipiter.
Mon divin Rédempteur, c’est par vous que j’ai obtenu la faveur de pouvoir être appelé enfant de Dieu : faites qua je ne me rende jamais indigne d’un si beau titre ; donnez-moi aujourd’hui quelque part aux dons précieux de cet Esprit divin qui réside en vous dans toute sa plénitude, afin qu’étant toujours éclairé sur les volontés de votre Père céleste, je puisse travailler efficacement à accomplir ce qui lui est agréable.
RÉSOLUTIONS.
l.° J’estimerai mon titre de chrétien pardessus tout le reste ; je passerai dans un saint recueillement l’anniversaire du jour de mon baptême, et je renouvellerai souvent aux pieds des autels les engagements et les promesses que j’y ai contractés.
2.° Je ne commencerai jamais mon travail, sans prier le Seigneur qu’il daigne le bénir et le sanctifier ; et toutes les fois que j’aurai à prendre quelque décision importante, je solliciterai humblement du Saint-Esprit les grâces et les secours nécessaires pour agir toujours conformément aux volontés du Ciel.
D’après un texte de Malines 1839