LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XVIe JOUR.
JÉSUS CHASSE LES VENDEURS DU TEMPLE.
Scriptum est : domus mea domus orationis vocabilur ; vos autem fecistis illam speluncam latronum.
Il est écrit : ma maison sera appelée la maison de la prière, et vous en avez fait une caverne de voleurs. Matthieu 21.
D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839
1er Point.
Lorsque Salomon eut fait solennellement la dédicace de son temple, il se prosterna devant l’autel, et s’adressant au Seigneur, il le conjura de regarder son peuple avec miséricorde toutes les fois qu’il solliciterait les secours du Ciel dans ce lieu qu’il venait de lui consacrer.
A peine eut-il fini sa prière, que le feu descendit du ciel, dévora les holocaustes et les victimes, et la majesté de Dieu remplit tout le temple. Cependant cet édifice si célèbre ne contenait que l’arche d’alliance, et la Divinité n’y résidait point corporellement, comme elle le fait aujourd’hui dans nos églises.
Si donc le temple de Salomon était appelé une maison de prière ; si Dieu s’engagea par un miracle à exaucer toutes les demandes de son peuple, lorsqu’il viendrait les lui adresser dans ce temple, quelle foi doit nous animer lorsque nous entrons dans le lieu saint !
Là nous possédons la réalité, et le temple de Salomon ne contenait que la figure ; nos églises renferment, non point une arche d’alliance construite par la main des hommes, mais le Fils chéri du Père céleste, véritable arche d’alliance qui a réconcilié la terre avec le Ciel : il y est toujours prêt à nous accueillir, toujours disposé à écouter nos prières, et à les offrir lui-même à son Père.
Et que n’avons-nous point à espérer d’une si puissante médiation? pourrait-il, le Père des miséricordes, refuser quelque chose aux supplications de ce Fils engendré dans son sein de toute éternité ?
Sans doute, nos prières sont entendues du Ciel alors même qu’elles ne se mêlent point à l’encens des tabernacles ; mais quelle efficacité elles acquièrent lorsqu’elles partent du pied des autels î c’est là surtout que le pécheur peut solliciter avec confiance la grâce de la justification ; le juste, le don de la persévérance, l’affligé, une source féconde de consolations ; le pauvre un trésor inépuisable de grâces.
C’est là que l’homme est arraché à l’empire du démon, pour être mis au nombre des enfants de Dieu; c’est là qu’il trouve le remède le plus efficace à ses infirmités spirituelles, lorsqu’il a eu le malheur de perdre le trésor de sa première innocence ; c’est là qu’un médecin charitable l’attend pour guérir ses douleurs, et lui adresser ces paroles miséricordieuses : mon fils, ayez confiance, vos péchés vous sont remis.
C’est là encore qu’il est admis à la participation de ce banquet céleste où le pain des anges devient la nourriture de l’homme ; enfin c’est dans nos églises que sont érigées les chaires évangéliques, du haut desquelles les ministres du Dieu vivant publient les miséricordes célestes, et enseignent au peuple fidèle la route du véritable bonheur.
O mon âme! lorsque tu lis dans les Livres sacrés le détail des immenses richesses que renfermait le temple de Salomon, tu regrettes de n’avoir pu contempler ce somptueux édifice; tu voudrais pouvoir devancer les siècles qui se sont écoulés depuis sa construction, pour jouir du spectacle de sa magnificence.
Eh ! qu’étaient donc les richesses contenues dans ce temple, auprès de celles que nous possédons ? qu’est-il resté de tant de trésors, de tant d’ornements précieux, après que les flammes eurent dévoré ce monument? Un peu de cendre qui s’est bientôt dispersée ; et sur la place qu’il occupait, s’élève aujourd’hui un temple consacré au mensonge.
Mais les trésors renfermés dans nos églises ne sont point sujets à être consumés ‘ par la rouille ou par les incendies ; c’est Dieu même qui y habite avec tous les dons de sa grâce et de sa miséricorde. Viens donc, mon âme, viens avec empressement dans le lieu saint : c’est là véritablement la maison de Dieu.
Si les murailles n’en sont pas revêtus d’or et d’argent comme celles du temple de Salomon, elle est remplie d’un million d’anges et d’esprits célestes, continuellement occupés à offrir le tribut de leurs hommages et de leurs adorations au Dieu vivant et véritable qui réside sur l’autel.
Viens donc te prosterner aux pieds des sacrés tabernacles qui renferment ce Dieu d’amour ; expose-lui tes besoins avec confiance.
C’est ici la maison de la prière ; si tu t’adresses à lui avec sincérité, si tu as un véritable désir d’être exaucée, tu ressentiras les effets de sa miséricorde, et tu reconnaîtras la vérité de ces paroles du Prophète, qu’un seul jour passé dans le temple du Seigneur et aux pieds de ses autels, vaut mieux que mille passés dans les délices du monde, et sous la tente des pécheurs.
IIe Point.
Mais pourquoi faut-il que des pensées désolantes viennent sans cesse se rattacher au souvenir de la sainteté de nos églises ? O prodige d’aveuglement et d’ingratitude ! la plupart des chrétiens dédaignent et méconnaissent aujourd’hui une faveur qui devrait entretenir en eux de continuels sentiments de reconnaissance.
Ils fuient la maison du Seigneur comme un séjour de tristesse et de contrainte ; ils laissent dans la solitude le Dieu qui fait ses délices d’être avec les enfants des hommes et s’en vont chercher au milieu du monde des jouissances qui puissent satisfaire l’immensité de leurs désirs.
Les malheureux ! où courent-ils avec tant d’empressement? dans des assemblées profanes, dans des sociétés brillantes où l’innocence a trop souvent sujet de rougir ; peut-être même à des spectacles où tout parle le langage des passions, où le démon tend des pièges presque inévitables, où les images les plus obscènes se mêlent aux discours les plus licencieux pour porter à l’âme des coups mortels.
Ah ! s’ils venaient dans nos temples, non point avec cet esprit de dissipation qu’ils apportent aux divertissements du monde, mais avec le recueillement qu’inspire la piété ; s’ils se pénétraient de l’excellence des mystères qui sont célébrés dans le lieu saint, comme ils se sentiraient émus à la vue de nos autels I comme les cérémonies de la religion leur paraîtraient nobles et imposantes !
O douleur î les autels du démon fument d’un encens sacrilège, et personne ne vient déposer l’offrande de la foi et de la charité sur les autels du vrai Dieu ! Tandis qu’une foule aveugle et impie se presse autour du veau d’or pour lui offrir ses hommages, on ne voit qu’un très-petit nombre de fidèles qui se détachent de la multitude pour se diriger vers le temple du Seigneur.
O vous qui soupirâtes sur la terre d’Israël les futures afflictions du peuple de Dieu ! prophète des grandes douleurs ! si vous reparaissiez au milieu de nous, si vous étiez témoin de l’indifférence des chrétiens pour les faveurs célestes, et de l’éloignement où ils se tiennent des tabernacles du Dieu vivant, quels torrents de larmes s’échapperaient de vos yeux !
Avec quelle force et quelle onction ne feriez-vous pas entendre de nouveau ces paroles que vous arrachait la vue des maux innombrables qui allaient fondre sur la cité sainte : Les rues de Sion pleurent, parce qu’il n’est plus personne qui vienne à ses solennités ; ses prêtres ne font que gémir, ses vierges sont toutes défigurées, et elle est plongée dans l’amertume ! Lam. Jer. 1.
Mais, quoi ! les temples du Seigneur sont-ils donc absolument déserts? O mon âme ! livre-toi à toute l’amertume de ta douleur. Oui, il est vrai, nous voyons quelquefois le peuple accourir vers la maison de Dieu, et la foule se presser à la porte de nos temples ; mais dans cette multitude combien se trouve-t-il de véritables adorateurs?
N’est-elle pas le plus souvent composée de profanateurs impies qui viennent insulter le Seigneur jusqu’aux pieds de ses autels, qui transforment la maison de la prière en une caverne de voleurs ? O combien de malheureux auxquels on pourrait adresser le langage plein de force et de chaleur que saint Jérôme tenait autrefois au diacre Sabinien!
Vous entrez, lui dit-il, ô le plus coupable des hommes ! vous entrez avec des desseins abominables dans cette caverne sacrée où est né le Fils de Dieu, et où la vérité est sortie du sein de la terre : ne craignez-vous point que l’enfant ne crie de sa crèche ? que la Mère du Seigneur ne vous voie et ne vous observe ? Quelle abomination ! je ne puis passer outre : mes larmes ne me permettent plus de parler… Epist. 48.
Ne sont-ils pas venus pour nous ces jours de calamités et d’horreur où l’abomination de la désolation doit se répandre dans le lieu saint ? ô mon âme !
Pleure, s’il t’est possible, avec des larmes de sang les outrages faits à la Divinité dans son propre sanctuaire ; pleure l’iniquité d’Israël montée à son comble, puisqu’elle ne respecte plus ce qu’il y a de plus vénérable ; pleure enfin les tribulations et les malheurs sans nombre qu’attireront infailliblement sur nous tant de sacrilèges et de profanations.
Si déjà la justice divine s’est appesantie sur nous avec tant de rigueur ; si nous avons vu les portes de nos temples détruites, les autels du vrai Dieu renversés, les vases du sanctuaire foulés aux pieds, ou prostitués à des usages sacrilèges ;
si nous avons vu les ministres du Dieu vivant obligés de fuir comme des scélérats, ou conduits sur les places publiques pour y rougir de leur sang l’échafaud des martyrs;
si nous avons vu le petit nombre de fidèles échappés à la persécution, contraints d’assister dans les réduits de l’indigence à l’immolation de la victime sainte :
si nous avons vu, en un mot, le démon de l’impiété déchaîné sur la terre, et multipliant autour de lui les ruines de nos temples et le sang du peuple fidèle,
pouvons-nous méconnaître dans ces longs et douloureux châtiments la juste punition de nos sacrilèges et de nos irrévérences dans le lieu saint?
Et s’il est vrai que la justice de Dieu ne laisse jamais la violation de ses droits impunie, pouvons-nous trop craindre les fléaux qu’elle nous réserve encore ?
PRIÈRE.
Jésus, il n’est que trop vrai qu’on ne respecte plus la sainteté des lieux où vous daignez habiter, et qu’on transforme aujourd’hui la maison de la prière en une caverne de voleurs. Jamais peut-être vos temples n’ont été exposés à tant de profanations.
Vos fidèles serviteurs ne peuvent presque plus vous y adorer sans être poursuivis par l’impiété jusqu’aux pieds de vos autels : le lieu saint est devenu le théâtre des plus honteuses abominations, et la désolation du sanctuaire est montée à son comble.
Que ferez-vous, aimable Sauveur, au milieu de ce déluge d’infamies et de sacrilèges? Resterez-vous enfermé dans vos tabernacles pour y éprouver chaque jour de nouveaux outrages de la part des impies?
Non, divin Jésus, ne restez pas plus longtemps sur cette terre d’abominations ; remontez, remontez au Ciel: là vous serez adoré en esprit et en vérité ; là vous recevrez les sincères hommages des innombrables intelligences répandues dans le séjour de la béatitude.
Mais que dis-je, ô mon Dieu? que deviendrons-nous si vous nous abandonnez ? Votre Père ne voyant plus sur la terre l’objet de ses prédilections, pourra-t-il abaisser sur elle des regards de miséricorde? Au même instant où vous vous éloigneriez de nous, nous éprouverions tout le poids de sa colère !
Demeurez encore ici-bas, divin Rédempteur, demeurez avec nous, car il se fait tard : la nuit de l’éternité approche, l’iniquité d’Israël est à la veille d’être comblée, et tout nous présage que l’époque de sa punition n’est pas éloignée.
Demeurez avec nous pour être notre force, notre refuge et notre libérateur dans ces jours de désolation où les justes mêmes seront dans le tremblement ; demeurez avec nous, et nous nous efforcerons de réparer par la sincérité de nos adorations et de nos hommages les profanations auxquelles votre amour pour nous vous tiendra exposé.
RÉSOLUTIONS.
1 .°Je considérerai souvent l’ineffable bonté du Fils de Dieu, qui veut bien habiter parmi les hommes : je m’estimerai infiniment heureux de pouvoir fréquenter la maison du Seigneur ; et je n’y paraîtrai jamais qu’avec recueillement et avec dévotion.
2.° Je rendrai, le plus souvent que je pourrai, visite à Jésus-Christ dans son temple, aux heures où il est le plus abandonné ; je pleurerai aux pieds des autels l’indifférence des chrétiens et les sacrilèges de l’impiété ; et je tâcherai, par la ferveur de mes adorations, de dédommager mon Sauveur des outrages sanglants que ses ennemis lui font éprouver.