LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXVIIe JOUR.
SUITE DES PAROLES DE JÉSUS SUR LA CROIX.
Cum vidisset Jesus matrem, et discipulum stantem quem diligebat, dicit matri suae : mulier, ecce filius tuus. Deindè dicit discípulo : ecce mater tua.
Jésus ayant vu sa mère et près d’eue le disciple qu’il aimait, il dit à sa mère : femme, voilà votre fils. Il dit ensuite au disciple : voilà votre mère. Jean. 19.
D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839
I*r Point.
Parmi le grand nombre de personnes qui entouraient la croix, il se trouvait de pieuses femmes qui étaient venues de Galilée avec Jésus, et qui l’avaient assisté de leurs biens. On y voyait aussi quelques-uns de ses disciples cachés qui se tenaient à l’écart, et qui regardaient de loin ce qui se passait.
Pour Marie, sa mère, elle ne quittait point le pied de la croix, ayant auprès d’elle saint Jean, le disciple bien-aimé. Mais qui pourrait raconter toutes les douleurs qui pénétrèrent alors le cœur de cette tendre mère, de cette mère qui aimait son Fils au-delà de tout ce qu’on peut imaginer ?
Quel martyre pour elle, lorsque ses yeux élevés sur la croix rencontraient ceux de son divin Fils ! combien ces regards mutuels étaient éloquents ! que de sacrifices ils exprimaient ! Les plaies de Jésus-Christ mourant étaient, dit saint Bernard, autant de blessures pour sa mère souffrante.
Il est vrai que la foi étant plus vive dans Marie qu’elle ne le fut jamais dans aucune créature, cette mère de douleur manifestait sur le Calvaire une résignation héroïque: elle savait que le sacrifice de son Fils était nécessaire pour le salut du monde, et pleine d’obéissance envers les volontés du Ciel, elle immolait à la justice de Dieu tous les sentiments naturels.
Elle se tenait debout, avec un religieux tremblement, devant l’autel que son Fils arrosait de son sang ; elle participait avec lui aux fonctions de son divin sacerdoce ; elle coopérait, par l’excès de ses souffrances, à l’œuvre de la rédemption des hommes.
Et de même, dit un Père, que Jésus mourant sur la croix nous a engendrés à la vie spirituelle de la grâce, de même sa très-sainte mère nous a engendrés et enfantés avec de grandes douleurs, et compatissant à son Fils qui endurait des peines extrêmes pour l’amour de nous.
Le moment approchait où Jésus devait rendre son âme entre les mains de son Père : déjà son sang ne coulait plus qu’avec lenteur, et tout son corps commençait à se couvrir d’une pâleur mortelle. Dans cet état, il s’étudie encore à nous donner de nouveaux témoignages de sa charité.
Il tourne pour la dernière fois vers Marie ses yeux à demi éteints, et l’amour fortifiant sa voix, il lui dit en lui montrant le disciple bien-aimé : Femme, voilà votre fils. Puis, s’adressant à saint Jean, il lui annonce que Marie sera désormais sa mère.
Depuis ce temps-là, disent les saints Pères, cette mère vierge demeura avec le disciple vierge, aux soins duquel son Fils lavait recommandée. Et il ne faut plus s’étonner, dit saint Ambroise, si cet apôtre nous a parlé si divinement des grands mystères de la religion, puisqu’il avait auprès de lui le sanctuaire auguste où avait été conçu l’auteur de tous les mystères.
Mais ce n’est pas seulement à saint Jean que Marie est donnée aujourd’hui pour mère : ce disciple représentait tous les chrétiens au pied de la croix, en sorte que chacun de nous doit regarder Marie comme sa mère. O le précieux dépôt que Jésus nous laisse en mourant!
Si Dieu le Père n’a pu fournir aux hommes un témoignage plus éclatant de son amour qu’en leur donnant son Fils pour être leur rédempteur, ce Fils divin pouvait-il à son tour nous témoigner sa charité d’une manière plus admirable qu’en nous ordonnant de regarder sa mère comme la notre ?
Et cette mère qui vient de recueillir les dernières volontés de son Fils expirant, ne va-t-elle pas redoubler de tendresse pour nous, maintenant que Jésus nous a donné à elle? Ranimons donc notre confiance en cette puissante médiatrice.
Car en recevant de son Fils le titre de mère des chrétiens, elle conserve celui de mère de Dieu ; titre si auguste et si admirable, qu’un saint Père ne craint pas de dire qu’il surpasse toute l’excellence qu’on peut exprimer ou imaginer après Dieu.
Et saint Bonaventure, qui a écrit sur Marie des choses si admirables, va jusqu’à nous assurer dans un de ses ouvrages, que Dieu ne saurait rien faire de plus parfait que sa mère. Dieu, dit-il, pourrait sans doute, créer un monde beaucoup plus vaste que celui que nous habitons, ou un ciel beaucoup plus étendu que celui qui est sur nos têtes ; mais il ne saurait rien faire de plus grand et de plus parfait que sa mère.
Or, Marie, revêtue du double titre de mère de Dieu et de mère des chrétiens, a les droits les plus incontestables à notre confiance et à notre amour.
Comme mère de Dieu, elle nous donne la certitude que son pouvoir dans le Ciel est illimité; que toutes ses demandes, toutes ses supplications sont accueillies de son divin Fils, et que jamais elle ne s’est intéressée au salut d’un pécheur sans lui obtenir la grâce de sa conversion.
C’est ce qui a fait dire à un de ses dévots serviteurs, que tous les dons, toutes les vertus et les grâces du Saint-Esprit sont donnés par ses mains à qui bon lui semble, autant qu’elle le veut, comme elle le veut, et quand elle le veut.
En second lieu, Marie, comme mère des chrétiens, nous donne la certitude que nos intérêts lui sont aussi chers qu’à nous-mêmes ; que notre salut lui est infiniment à cœur ; qu’elle entend tous nos soupirs, toutes nos prières, et qu’elle se hâte de les présenter à son Fils, en y ajoutant quelques-unes de ses aimables supplications.
En sorte que s’il y a en nous quelques biens d’espérance, de grâce ou de salut, dit saint Bernard, nous devons savoir que c’est par elle qu’ils nous ont été donnés.
Dévouons-nous donc aujourd’hui au culte de cette Mère miséricordieuse, et imitons son premier fils spirituel, qui, après avoir appris de Jésus qu’elle était sa mère, la reçut au même instant, et la regarda depuis comme le don le plus précieux qu’il eût pu espérer sur la terre.
IIe Point.
Jésus avait été attaché à la croix un peu avant l’heure de midi, et depuis ce moment jusqu’à la troisième heure le soleil demeura obscurci x comme pour témoigner l’horreur que faisait éprouver à toute la nature l’épouvantable déicide qui venait de se commettre.
Ces ténèbres extraordinaires que le paganisme a consignées dans ses fastes, étaient, dit saint Jérôme, une image de celles qui cachaient le véritable soleil, voilé sous notre chair, et plus encore sous les ignominies et les apparences d’une chair criminelle.
L’obscurcissement de la plus brillante des créatures marquait l’obscurcissement du Créateur, et il signifiait aussi que la sagesse humaine, figurée par la lumière extérieure et naturelle, ne comprenait rien dans les mystères de la croix de Jésus-Christ, et qu’elle n’était que ténèbres à son égard. Rieron, in cap. 8. Amas.
Vers la troisième heure, Jésus ranimant le peu de forces qu’il lui restait, poussa un grand cri, après lequel il fit entendre ces paroles : Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m’avez-vous abandonné? Tu t’étonnes peut-être, ô mon âme ! qu’un semblable langage sorte de la bouche du Fils de Dieu.
Comme c’est volontairement qu’il se livre à la mort, il te semble qu’il ne peut se plaindre d’être abandonné de son Père. Mais si tu songes que Jésus tient ta place sur le Calvaire, tu reconnaîtras avec saint Léon, que ces paroles renferment plutôt une instruction qu’une plainte.
C’est pour nous rendre attentifs à un si profond mystère, dit ce grand docteur, c’est pour nous en dévoiler le secret, que Jésus-Christ demande à Dieu pourquoi il en est abandonné, et pourquoi il boit pour nous un calice si plein d’amertume.
Il nous instruit par là de la nécessité qu’il y avait qu’il ne fût pas délivré, afin que nous le fussions : qu’il fût abandonné, afin qu’il fût notre Sauveur : mais d’un abandon dont la miséricorde était le principe, et qui ne consistait pas dans la privation de la divinité et de son puissant secours, mais dans le seul décret de ne pardonner aux hommes qu’après sa mort.
Ainsi, continue saint Léon, l’abandon extérieur de Jésus-Christ ne venait pas seulement de son Père, mais aussi de lui-même qui avait le pouvoir de ne pas mourir, mais qui voulait bien mourir pour nous. Il pouvait rendre sa chair inaccessible à tous les traits de ses ennemis, et impassible même sur la croix, s’il avait voulu se servir de sa puissance pour la protéger et pour la défendre.
Mais son dessein n était pas de vaincre pour lui seul, mais pour nous ; ni de nous délivrer de la mort et de Fauteur de la mort par l’éclat de sa puissance, mais par une patience dont notre ennemi ne sentirait Teffet qu’après l’avoir mise à la plus rude épreuve. Et il eût renoncé à la gloire d’être le Sauveur des pécheurs, s’il lui avait préféré celle de vaincre publiquement ses ennemis.
Jésus avait fait et souffert tout ce qui avait été prédit de lui dans les Écritures, et il ne lui restait plus à accomplir que cette parole du Psaume 68 : ils m’ont donné du fiel pour nourriture, et ils m’ont abreuvé de vinaigre dans ma soif. Afin donc de ne manquer à rien de ce que son Père lui avait ordonné, il dit : J’ai soif.
Cette soif était sans doute réelle, et pouvait provenir d’un épuisement général, occasionné dans ce divin Sauveur par l’abondante effusion de sang : mais elle était aussi l’image de cette soif mystérieuse que Jésus éprouvait pour le salut des hommes. Cette dernière soif, fruit de son amour infini, était en lui si ardente, qu’on peut dire avec raison qu’elle a présidé à tous les mystères de sa vie et de sa mort.
C’est parce qu’il a eu soif de notre salut, qu’il a voulu sortir de son repos éternel, et venir habiter parmi les hommes : c’est pour la satisfaire, cette soif ineffable, qu’il s’est soumis volontairement à toutes les misères, à toutes les faiblesses de l’humanité, et qu’il a entrepris le cours pénible et laborieux de ses voyages, de ses prédications et de ses miracles.
Le texte sacré nous rapporte qu’un soldat présenta à Jésus du vinaigre pour apaiser sa soif. N’est-ce pas là, mon âme, l’image du calice amer que Jésus a été obligé de boire pour satisfaire la soif dont il était dévoré pour notre salut ? ne peut-on pas dire qu’au milieu de son amour, il a été abreuvé de vinaigre?
Et sans parler ici de cette longue suite d’humiliations et de souffrances auxquelles il a été livré, ne l’abreuvent-ils pas de vinaigre, ces chrétiens pleins d’indifférence et de, mépris pour son amour ?
Ces chrétiens qu’il comble chaque jour de nouvelles bontés, sans en recevoir le moindre témoignage de reconnaissance? Écoute, mon âme, comment cet aimable Sauveur se plaint de notre ingratitude par la bouche de son Prophète :
0 vous tous qui passez par le chemin de la douleur, considérez et voyez s’il est une douleur semblable à la mienne ! J’ai nourri des enfants, je les ai élevés, et ils se sont révoltés contre moi ! ils ont repoussé mes caresses, outragé mes sentiments, méconnu mon amour ! encore si c’étaient des ennemis déclarés, qui me fissent souffrir de si douloureux traitements, j’y serais moins sensible !
Mais c’est tous, mon fils, qui vous conduisez ainsi envers moi ! vous que je croyais ne former qu’un cœur avec le mien ! vous qui aviez tant de part à mes familiarités! vous que je rendais témoin de toutes mes actions ! vous que j admettais à mes plus délicieux festins ! vous que je nourrissais de ma propre substance!
Voilà, mon âme, le langage plein de douceur et d’amour que Jésus t’adressait aux jours de ton infidélité : voilà les plaintes touchantes que lui arrachait ton opiniâtre résistance à ses inspirations. Ah ! si tu avais le malheur d’être encore dans sa disgrâce, t-en faut-il davantage pour te décider à revenir sincèrement à lui? Où trouveras-tu jamais un maître si bon, si compatissant, si miséricordieux ?
PRIÈRE.
Non, divin Jésus, non, je n’attristerai pas de nouveau votre cœur tendre et compatissant : toutes les fois queje me rappelle le souvenir de mes anciens désordres, je ne puis m’empêcher de me rappeler en même temps la patience avec laquelle vous m’avez attendu, et ce souvenir me pénètre de reconnaissance.
Loin de moi, mon Dieu . la pensée d’abuser encore une fois de vos miséricordes : je veux apprendre de vous aujourd’hui à désirer mon salut avec ardeur, et à y travailler avec persévérance.
O Marie ! n’est-il pas juste que je vous adresse quelques paroles en ce jour où votre divin Fils m’a donné à vous d’une manière si solennelle ? Je sais qu’un chrétien qui vous est dévoué, a tout à espérer pour son salut : c’est pourquoi je me jette aujourd’hui avec confiance entre vos bras.
Daignez, Vierge sainte, me recevoir au nombre de vos enfants, et montrer que vous êtes ma mère, en m’obtenant, après l’exil de cette vie, le bonheur de voir Jésus, le fruit sacré de vos entrailles.
RÉSOLUTIONS.
l.° Dès ce moment, je veux faire profession d’une dévotion particulière envers la sainte Vierge : je réciterai de temps en temps le chapelet et je m’agrégerai à quelque société établie en son honneur.
2° Dans mes repas je chercherai moins à satisfaire ma sensualité que les besoins de mon corps ; et lorsque j’éprouverai de la répugnance pour certains aliments, je me rappellerai l’exemple de Jésus-Christ qui, par amour pour moi, a voulu être abreuvé de fiel et de vinaigre.