LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXVIIIe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXVIIIe JOUR.

MORT DE JÉSUS-CHRIST.

On redoublera d’efforts, pendant ce jour, pour s’exciter à la ferveur et au recueillement : et si des occupations indispensables ne s’y opposent, on fera bien de passer la journée dans la retraite et le silence.

Jesus autem iterùm clamans voce magna, emisit spiritum.

Jésus, poussant une seconde fois un grand cri, rendit l’esprit. Matthieu 27.

D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839

1er Point.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Tout est accompli ! Ces paroles furent prononcées par le Sauveur, lorsqu’il vit qu’il ne lui restait plus rien à faire pour nous sur la terre, que toutes les figures et les prophéties anciennes avaient reçu leur accomplissement, et que l’ouvrage de notre Rédemption était consommé.

Tout est ac­compli : c’est-à-dire, que tout est fini en Jésus-Christ : son unique oblation réconci­lie les siècles passés et les siècles futurs : elle remonte par son effet jusqu’à l’origine du monde, et elle s’étend par sa vertu jus­qu’à la fin.

Tout est accompli : le sang de la nouvelle alliance a effacé nos péchés : la jus­tice du Père céleste est satisfaite ; les portes du Ciel vont s’ouvrir; mais avant de quitter le Calvaire, recueillons les derniers soupirs du Sauveur, et si la vue de ce grand sa­crifice où l’amour éclate de toutes parts, ne ranime pas notre foi et notre reconnaissance, craignons que le sang de Jésus-Christ n’ait été inutilement répandu pour nous.

Il n’y a qu’un moment que Jésus semblait se plaindre à son Père de ce qu’il l’avait abandonné : mais comme il parlait alors en notre nom, il veut, avant de mourir », nous faire connaître qu’il a été exaucé. C’est ce qu’il donne à entendre par ces paroles prononcées d’une voix forte : Mon Père, je remets mon âme entre vos mains !

A peine a t-il achevé ces mots, qu’il baisse la tête, comme pour témoigner sa parfaite soumis­sion aux ordres de son Père : il pousse un grand cri vers le Ciel, et il expire !…. Arrête-toi un moment ici, ô mon âme ! fixe tes yeux sur cette croix sanglante qui ne supporte plus que le corps inanimé de ton Sauveur et à la vue de ce grand sacrifice, demande-toi : quel est-il celui qu’on vient d’immo­ler ainsi ?…

C’est Jésus, c’est le Fils de Dieu, engendré de toute éternité dans le sein de son Père : c’est le Verbe divin, par lequel tout a été créé, par lequel tout subsiste ; c’est le seul maître dont la nature recon­naisse les lois ; le seul qui dispose à son gré de la vie et de la mort!…. Aussi son der­nier soupir semble être celui de la nature entière : on dirait qu’au moment de sa mort, le monde touche à l’instant de sa dissolution.

La terre tremble, les rochers se brisent avec fracas, les tombeaux s’ouvrent, des morts mêmes ressuscitent, et se montrent à plu­sieurs personnes dans Jérusalem : et quoique l’opinion des Pères soit que cette résurrec­tion n’a eu lieu qu’après celle de Jésus-Christ, néanmoins elle est un témoignage éclatant de la vie que la mort du Sauveur devait nous procurer.

Les évangélistes nous rapportent aussi qu’au moment de la mort de Jésus, le voile qui séparait le sanctuaire du lieu saint, se déchira en deux ; c’était pour marquer que le Ciel allait être ouvert aux hommes, que Jésus-Christ allait entrer par sa mort dans le véritable sanctuaire, que les ombres de la loi allaient finir, et que le temple des Juifs allait être abandonné.

Ce voile, dit saint Léon, avait un rapport essentiel avec le sacerdoce, et nous annonce, en se déchi­rant, que les sacrifices de la loi sont abolis, que le sacerdoce d’Aaron est abrogé, et qu’un autre plus digne de Dieu et plus efficace pour le salut des hommes lui succède ; enfin c’est un signe que la loi de Moïse fait place à une nouvelle alliance.

Au milieu de cette espèce de désordre et de bouleversement général dont la mort de Jésus est accompagnée, le premier qui se laisse émouvoir et qui confesse la divinité du Sauveur, c’est le centenier que Pilate avait chargé de veiller à l’exécution. Il est saisi de crainte à la vue de tous les prodiges qui frappent ses regards, et s’écrie plein d’étonnement : cet homme était vraiment le Fils de Dieu!

Toute la troupe qu’il commandait imite son exem­ple, et reconnaît comme lui dans Jésus une puissance et une vertu surnaturelles. Enfin la plupart de ceux qui étaient présents sur le Calvaire, sont également pénétrés de frayeur, et s’en retournent en se frappant la poitrine.

Ainsi, comme le remarque judi­cieusement saint Augustin, le premier effet de la connaissance de Jésus-Christ, quand elle est sérieuse et salutaire, n’est point d’enfler l’esprit et le cœur ; elle porte, au contraire, les hommes à la pénitence, elle excite en eux des gémissements et des lar­mes, au lieu de causer une vaine complai­sance dans sa lumière.

Mais de tous les prodiges qui se passent en ce moment sur le Calvaire, celui qui doit nous paraître le plus étonnant et le plus incompréhensible, c’est l’endurcisse­ment du peuple Juif.

Parmi les soldats qui publient maintenant la divinité de Jésus-Christ, il s’en trouve, sans doute, plusieurs
qui ont pris part aux outrages que le Fils de Dieu a éprouvés dans le cours de sa passion ;
qui ont cruellement déchiré sa chair dans la flagellation et le couronnement d’épines ;
qui l’ont forcé de porter lui-même le bois de son sacrifice jusque sur le Calvaire ;
qui ont enfoncé les clous dans ses pieds et dans ses mains, en insultant inhumainement à ses souffrances.

Or, qui eût dit que ces mêmes soldats deviendraient bientôt les pré­dicateurs de la divinité de Jésus-Christ, tan­dis que les princes des prêtres, les docteurs de la loi et les sénateurs demeureraient dans l’aveuglement et l’obstination ?

IIe Point.

Te voilà, ô mon âme ! entourée de prodiges : sur lequel arrêteras-tu particu­lièrement ton attention ? Ah ! pourrais-tu hésiter un seul instant ? N’entends-tu pas une voix pleine d’amour qui t’appelle sur le Calvaire ?

Viens donc, mon âme, viens te prosterner aux pieds de Jésus expirant : viens embrasser cette croix, devenue l’autel de ta réconciliation, le gage de ton salut ; viens l’arroser de tes larmes, et ne la quitte que lorsque tu seras embrasée d’amour pour Jésus, et pénétrée de douleur pour tes péchés.

Jésus est mort ! Oui, mon âme, Jésus est mort, il est mort au milieu des siens! il était venu pour leur apporter le bonheur, pour leur enseigner les préceptes de la vérité, et ils n’ont pas voulu le recevoir ! Et il s’est trouvé parmi eux des monstres qui se sont jetés sur lui et qui l’ont dévoré !  Jésus est mort : et il est mort par la main des hommes, et il est mort pour le salut des hommes! O mon âme! quel abîme de charité!

Mais, du moins, Jésus n’est pas mort pour ceux qui l’ont fait mourir ? Sans doute les barbares qui ont répandu son sang ne par­ticiperont pas à ses mérites ? Tu te trompes, mon âme, Jésus est mort pour ses propres bourreaux, il est mort pour rendre la vie à ceux qui viennent de la lui arracher ; et s’il n’en était pas ainsi, il ne serait pas mort pour toi, ce divin Sauveur, il ne serait pas mort pour les hommes. Pourquoi donc ?

Et c’est parce que tous les hommes ont été ses bourreaux : ce sont leurs péchés, et en par­ticulier les tiens, mon âme, qui ont élevé cette croix sur le Calvaire, qui ont percé de clous les pieds et les mains de Jésus. Ce sont nos intempérances qui l’ont abreuvé de fiel et de vinaigre : ce sont nos projets de ven­geance, nos sentiments d’orgueil, nos pensées impures qui ont couronné sa tête d’épines.

C’est notre amour pour la volupté qui a déchiré sa chair à coups de fouets; ce sont nos promenades et nos fréquentations cri­minelles, ce sont nos larcins et nos fraudes, ce sont enfin toutes nos œuvres d’iniquité qui ont enfoncé les clous dans ses pieds et dans ses mains, et qui les ont fixés sur la croix.

Jésus est mort! Jésus est mort! O raison humaine ! que devient ici ton orgueil ? Ré­ponds-moi, toi qui prétends sonder les profondeurs de la nature, toi qui dis avec une présomptueuse assurance qu’il n’est rien de caché pour toi, eh bien, riens m’expliquer le mystère d’un Dieu mourant. Autant le Ciel est élevé au-dessus de la terre, autant ce mystère impénétrable est élevé au-dessus de tes jugements et de tes calculs.

C’est vous, lumière céleste, immortelles clartés de la foi, c’est vous qui serez ma règle et mon guide. Plus le mystère de ce jour révolte ma faible raison, et plus il me paraît digne de captiver ma croyance. Jésus est mort, oui, il est vrai : mais sa mort n’est point l’effet d’une nécessité fatale et inévitable; c’est une mort à laquelle il lui était libre de se soustraire ou de s’assujettir.

C’est une mort qu’il a voulu subir pour faire révoquer la sentence de malédiction qui était portée contre nous. Il est mort dans le temps, afin que nous ne mourions pas dans l’éternité : il est mort, mon âme, parce qu’il t’aimait ; il est mort parce que tu ne l’aimais pas. O ingratitude de l’homme, plus inconcevable peut-être que la mort de Jésus !

Il meurt, ce Dieu Sauveur, pour expier le péché, et l’homme ne semble vivre que pour le com­mettre ! il meurt pour assurer notre salut, et nous ne vivons que pour renouveler l’ignominie et les douleurs de sa mort!

O spectacle inouï ! s’écrie un grand docteur : toute la terre a pleuré la mort du Fils de Dieu ; le soleil s’est couvert d’un manteau de deuil : le voile du temple s’est déchiré, les pierres se sont fendues de douleur, et cependant Jésus ne mourait pas pour elles ! tandis que l’homme pour qui seul il a donné sa vie ne témoigne pas la moindre émotion, la moindre douleur !

Jésus est mort parce qu’il nous aimait, et même après sa mort il nous témoigne son amour de la manière la plus admirable. Il veut que son cœur nous soit ouvert, et, en permettant qu’un soldat le perce de sa lance, il nous apprend à regarder ce cœur sacré comme un trône de grâce et d’amour, comme un lieu de refuge et de consolation.

Aussi l’opinion de tous les saints Pères est que l’Église fut formée alors de son côté percé, comme Eve fut formée du côté de son époux. Voici de quelle manière s’exprime à ce sujet saint Augustin :

Que notre époux monte sur son lit nup­tial, qu’il y dorme en mourant, et qu’a­près sa mort on lui ouvre le côté duquel se forme l’Église vierge : en sorte que de même qu’Eve a été formée du côté d’Adam endormi, de même l’Église soit tirée du côté de Jésus-Christ mort et attaché à la croix. (De symbolo ad catechúmenos. Cap. 6.)

PRIÈRE.

C’est donc dans votre cœur sacré que j’ai été conçu, mon divin Sauveur, c’est donc par la blessure qui lui a été faite que je suis sorti en vie! je ne puis donc plus douter de votre amour infini pour moi, puisque vous m’ouvrez votre cœur ! ce cœur trésor de toutes les grâces, asile réparateur de toutes les misères!

Oh! qu’il faut que mon salut vous soit cher, puisque, pour l’assurer, vous vous rendez obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix! si les Juifs disaient en vous voyant verser des larmes sur la mort de Lazare : Voyez combien il l’aimait! que dois-je dire aujourd’hui, moi qui vous vois verser sur mon sort des larmes de sang, moi pour le salut de qui vous venez de vous immoler ?

Et si l’amour ne se paie que par l’amour. que faut-il que je fasse? Ce que je ferai, aimable Jésus ! je mourrai au péché, puisque c’est lui qui est la cause de votre mort; je le détesterai, je le fuirai comme le plus grand des maux ; mais aidez ma faiblesse, ô mon Dieu ! et rendez-moi fidèle à exécuter ce que je vous promets.

RÉSOLUTIONS.

I. Je vais tâcher de me familiariser avec la pensée de la mort, et d’exciter en moi un saint désir d’arriver au terme de mon pè­lerinage, en disant de temps en temps avec l’Apôtre : Qui me délivrera de ce corps de mort?

2. Lorsque le souvenir de la mort fera naître en moi quelques craintes, je consi­dérerai l’amour de Jésus, qui a bien voulu s’y soumettre pour me la rendre plus légère et pour m’en adoucir l’amertume.