LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXXIe JOUR.
ASCENSION ET VIE GLORIEUSE DE JÉSUS-CHRIST DANS LE CIEL.
Dominus Jesus, postquàm locutus est eis, assumptus est in Cœlis, et sedet a dextris Dei.
Le Seigneur Jésus, après leur avoir ainsi parlé, fut élevé dans les deux, où il est assis à la droite de Dieu. Marc 16.
D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839
Ier Point.
Pendant les quarante jours qui s’écoulèrent depuis la résurrection de Jésus jusqu’à son ascension dans le Ciel, ce divin Sauveur se manifesta plusieurs fois à ses apôtres. soit pour les convaincre de la vérité de sa résurrection, soit pour leur donner les instructions dont ils avaient besoin pour remplir dignement le glorieux ministère auquel il les appelait.
Comme leur foi avait été ébranlée par les ignominies de sa passion, il usa de tous les moyens capables de dissiper leur incrédulité ; il conversa et mangea avec eux, quoique son corps n’eût plus besoin de nourriture, puisqu’il était entré dans un état de gloire et d’incorruptibilité; et pour ne pas laisser, dit saint Léon, le moindre doute dans leur esprit, il voulut conserver sur son corps les cicatrices de ses plaies.
Lorsque le quarantième jour fut arrivé, Jésus apparut pour la dernière fois à ses apôtres assemblés dans Jérusalem, et leur conféra le pouvoir d’étendre son Église par toute la terre. Allez, leur dit-il, évangélisez toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Je serai tous les jours avec vous jusqu’à la consommation des siècles : promesse solennelle que Dieu fit dès lors à son Église de ne l’abandonner jamais ; promesse qui n’a cessé d’avoir son accomplissement jusqu’à nos jours, puisque cette Église, fondée par Jésus-Christ même, est sortie constamment victorieuse des nombreux assauts qu’on lui a livrés.
Inutilement le glaive des persécuteurs a-t-il immolé des milliers de chrétiens; inutilement le démon a-t-il suscité dans tous les siècles des schismatiques et des hérésiarques, le sang des martyrs a été comme une semence féconde qui a produit de nouveaux chrétiens.
Et l’Église a toujours vu les ténèbres de l’hérésie et du schisme s’évanouir devant la pureté de sa foi, comme ces nuages légers qui ne peuvent soutenir la lumière du soleil, et qui se dissipent à l’instant même où cet astre apparaît sur l’horizon.
Après avoir instruit ses apôtres sur le ministère qu’ils étaient appelés à exercer. Jésus les conduisit à Béthanie, proche la ville de Jérusalem, et de là sur la montagne des Oliviers. Lorsqu’ils y furent arrivés, il leur donna sa bénédiction, et pendant qu’il la leur donnait, il s’éleva dans le Ciel, et entra dans une nuée qui le déroba bientôt aux yeux de ses disciples.
Tels furent les derniers instants du Fils de Dieu parmi les hommes ; tel fut le dernier prodige par lequel son humanité sainte entra en possession de la gloire céleste. Ce jour de triomphe pour Jésus-Christ fut aussi un jour de triomphe et de bonheur pour cette multitude de justes que le Sauveur visita durant que son corps était dans le tombeau.
Car ces âmes bienheureuses qui, suivant l’opinion la plus probable, demeurèrent sur la terre depuis la résurrection de Jésus-Christ jusqu’à son ascension, se joignirent à lui au moment qu’il s’éleva vers le Ciel, et l’accompagnèrent en triomphe jusque dans son royaume.
Cette circonstance se trouve prédite par David d’une manière bien positive : Seigneur, dit-il dans un de ses psaumes, vous monterez en haut, et vous emmènerez avec vous un grand nombre de captifs. Ps. 67.
Mais que ne nous est-il donné de pouvoir percer ce nuage dans lequel Jésus vient de s’envelopper? que ne nous est-il donné de pouvoir l’accompagner, ce divin Sauveur; jusque dans son royaume, comme ces âmes bienheureuses qui forment aujourd’hui son cortège ? De quel ravissant spectacle nous serions témoins !
Lorsque les rois de la terre rentrent dans leur capitale après avoir remporté d’éclatantes victoires, on leur dresse des arcs de triomphe, on déploie sur leur passage toute la pompe, toute la richesse imaginable, on marche à leur rencontre en célébrant leurs exploits au son des plus doux instruments : mais qu’y a-t-il de comparable dans ces triomphes des rois de la terre, avec le triomphe du Roi de gloire à son entrée dans le Ciel?
Donnons,à notre imagination tout l’essor dont elle est susceptible; représentons-nous le vainqueur de la mort arrivé sur le seuil des portiques éternels : quelle joie ! quels ravissements! quels transports parmi les intelligences célestes !
Quel glorieux triomphe pour le Fils de Dieu, lorsque, s’avançant dans le séjour de la béatitude, au milieu des acclamations et des hommages de toutes les puissances du Ciel, il laisse derrière lui dos milliers de trônes étincelants, pour aller reprendre sa place à la droite de son Père !
Mais nous appartient-il, à nous, misérables créatures, qui ne voyons les choses du Ciel qu’à travers un voile épais, et comme dans une énigme, nous appartient-il de chercher à sonder les profondeurs du mystère de ce jour ?
Au lieu d’étendre l’idée que nous pouvons concevoir du triomphe de Jésus-Christ, nos expressions ne réussiraient qu’à l’affaiblir! Allons plutôt rejoindre les apôtres sur la montagne des Oliviers, sur cette montagne qui conserve encore les traces de Jésus-Christ, et là, regardons en haut, non point pour satisfaire notre curiosité, mais pour ranimer et encourager notre foi.
Depuis le jour que Jésus-Christ est monté au Ciel, les vestiges de ses pieds sacrés sont demeurés tellement imprimés sur le sommet du mont des Olives, qu’ils n’ont pu jamais être effacés. Cette merveille, rapportée par un grand nombre d’auteurs anciens dignes de foi est attestée de nos jours par tous ceux qui ont fait récemment le voyage de la Palestine.
Regardons en haut, et en voyant Jésus-Christ s’élever vers le Ciel au milieu d’une infinité de justes, disons-nous à nous-mêmes : voilà le triomphe qui m’est préparé pour la fin de ma vie. Oui, un jour mon âme pourra aussi prendre son vol pour aller se reposer dans le sein de son Dieu : mais si je veux arriver à cet heureux terme, il faut que je suive le chemin qui m’a été tracé par mon divin modèle.
Ce qu’il a fait, il faut que je le fasse autant que la faiblesse de ma nature peut le permettre ; et pour être un jour ce qu’il est aujourd’hui, il faut, dit saint Cyprien, que je sois maintenant ce qu’il a été. Or c’est par la croix qu’il est entré dans sa gloire ; comment donc puis-je espérer de participer un jour à son bonheur, si je refuse de marcher à sa suite dans le chemin de la tribulation et des souffrances ?
C’est l’accomplissement de ces paroles du prophète Zacharie. En ce jour-là, ses pieds demeureront sur le mont des Olives qui est en face de Jérusalem, du coté de l’orient. (XIV. 3. 4.)
IIe Point.
Après avoir annoncé que Jésus-Christ fut élevé dans le Ciel en présence de ses apôtres . l’Évangile ajoute qu’il y est assis à la droite de Dieu son Père. Ces paroles qui ne doivent point être prises à la lettre, nous font connaître le véritable état de Jésus-Christ dans le Ciel.
Il y est assis; c’est-à-dire, qu’il y jouit d’un repos parfait, n’ayant plus ni à travailler, ni à souffrir dans son humanité sainte à laquelle il s’est uni pour notre salut. 11 est assis à la droite de Dieu ; c’est-à-dire que, comme Dieu, il est égal en toutes choses à son Père, et que, comme homme, il est infiniment élevé au-dessus de toutes les créatures par la grandeur de sa gloire et de sa puissance.
Ce repos dont le Sauveur jouit dans le Ciel, n’empêche pas qu’il agisse encore pour nous, et quoiqu’il soit assis à la droite de Dieu, saint Étienne n’a pas laissé de l’y voir debout.
En effet, pourraît-il, ce Dieu de bonté qui a tant travaillé pour nous pendant qu’il était sur la terre, pourrait-il nous abandonner maintenant qu’il est entré dans sa gloire? notre salut aurait-il cessé de lai être cher, du moment qu’il n’a eu plus rien à souffrir pour nous en assurer le succès ?
Combien nous lui ferions injure à ce Dieu de miséricorde, si nous pouvions penser qu’il ne nous voit plus du haut du Ciel qu’avec indifférence ! et que deviendrait donc cette assurance qu’il nous a donné lui-même d’être toujours avec nous jusqu’à la consommation des siècles?
Non, mon âme, Jésus n’oublie point les hommes dans le royaume de son éternité ; il est entré dans le Ciel, dit saint Paul pour nous y servir de précurseur, et pour y offrir continuellement à son Père le sang qu’il a versé pour nous.
Ainsi il achève dans le Ciel le grand ouvrage de la rédemption des hommes, qu’il a commencé sur la terre. C’est de là que, comme chef de l’Église, ainsi que l’appelle l’Apôtre, il la gouverne par les pasteurs qu’il lui donne, il l’éclairé par ses docteurs, il la sanctifie par ses sacrements, il la protège par le secours de sa grâce, et la vivifie par son Esprit.
Il est encore auprès de son Père notre médiateur et notre avocat, suivant les paroles de saint Jean. C’est lui qui défend nos intérêts devant le tribunal de la justice éternelle ; c’est par lui que nos prières arrivent jusqu’aux pieds de son Père, et c’est par ses mérites que nous recevons les secours nécessaires au salut.
Assis sur un trône de grâce et de miséricorde, il attend que nous lui portions l’offrande de nos vœux, il est toujours prêt à nous accueillir, toujours disposé à plaider notre cause.
Il fait plus, lorsque nous nous éloignons de lui, il vient à notre rencontre, il nous appelle, il nous tend la main pour nous soutenir, il nous presse d’aller nous jeter entre ses bras, il nous offre une place parmi ses enfants bien-aimés, il nous donne l’assurance que toutes nos iniquités seront mises en oubli. Écoute, mon âme, les tendres paroles qu’il adresse à tous les chrétiens :
Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, et je vous soulagerai. Venez, aucune de vos misères ne m’est inconnue, j’en ai éprouvé de bien plus cruelles, et je vous enseignerai les remèdes les plus efficaces. Vous êtes plongés dans l’affliction, dévorés par mille inquiétudes, livrés à des appréhensions pénibles.
Mais toutes ces épreuves vous ont-elles réduits, comme moi, aux horreurs de l’agonie? vous ont-elles jamais procuré une sueur de sang comme celle qui m’accabla au jardin des Olives ? Vous êtes pour les hommes un objet de mépris ; on vous insulte, on vous calomnie.
Mais vous a-t-on traînés, comme moi, de tribunaux en tribunaux, en vous chargeant d’accusations fausses et ignominieuses ? Vous a-t-on mis en comparaison avec les plus grands criminels ? Vous a-t-on couverts de crachats, frappés rudement sur le visage, ou travestis de la manière la plus honteuse ? Vous êtes en proie à des douleurs cuisantes, à des souffrances cruelles qui ne vous laissent aucun relâche.
Mais que serait-ce donc si vous étiez condamnés au supplice du Calvaire ? Que serait-ce si vous voyiez-les hommes les plus favorisés de vos bienfaits, se jeter impitoyablement sur vous, vous étendre sur une croix, percer cruellement vos pieds et vos mains, et témoigner une joie barbare en voyant votre sang inonder la terre ?
Voilà cependant, mon fils, ce que j’ai enduré pour vous ; voilà le prix auquel je vous ai mérité la possession du Ciel dont vous étiez exclus. Prenez donc courage, votre croix n’est pas si pesante que la mienne, et néanmoins elle vous conduira au même terme ; elle vous fera bientôt entrer en possession de ce royaume de gloire où je vous ai précédé.
O mon âme ! si tu n’es pas touchée aujourd’hui des miséricordes du Seigneur, est-il insensibilité comparable à la tienne ? Quoi, tu aurais pu le suivre, ce Dieu de bonté, depuis sa naissance jusqu’à son ascension : tu aurais pu méditer sur les principaux mystères de sa vie et de sa mort, tans former la résolution de ne plus vivre que pour lui !
Que faut-il donc faire pour être aimé, si Jésus ne mérite pas une place dans notre cœur ? O mon âme ! laisse-toi toucher enfin par les amabilités du Sauveur ; viens te prosterner à ses pieds, demande-lui humblement pardon, et unis-toi à lui si étroitement que rien ne puisse désormais t’en séparer.
Prie-le d’accepter l’hommage de tes facultés dont tu as fait jusqu’ici un usage si indigne ; et lorsqu’il t’aura pardonné, ce Dieu de miséricorde, lorsqu’il t’aura ouvert son cœur pour te recevoir, retire-toi dans cette plaie sacrée ; et là, donnant un libre cours à tes larmes, écrie-toi avec la résolution sincère de correspondre aux grâces qui te seront accordées : Amour, fidélité à Jésus pour la vie !
PRIÈRE.
Oui, mon Jésus, amour, fidélité pour la vie ! Maintenant que je vous vois rentré dans votre royaume, je sens mieux que jamais la nécessité où je suis de marcher sur vos traces pour arriver au bonheur dont vous jouissez. Je vois clairement qu’il n’y a que le chemin de la croix qui puisse me conduire sûrement au salut.
Aussi dès ce moment, je l’embrasse, cette croix, je m’y attache, et je ne veux plus vivre sans le porter avec vous. Il me semble vous voir, aimable Sauveur,m’animer du haut du Ciel à la patience et au courage ; il me semble vous voir montrant à votre Père les cicatrices de vos plaies, et le suppliant d’oublier mes iniquités à la considération de tout ce que vous avez souffert pour moi.
Combien ma confiance se ranime lorsque je songe que c’est vous qui vous êtes chargé de défendre mes intérêts devant la justice éternelle !
Recevez, divin avocat des hommes, recevez aujourd’hui l’hommage de ma reconnaissance ; recevez le sacrifice de toutes mes pensées, de toutes mes paroles, de toutes mes œuvres ; c’est là tout ce que je puis vous présenter jusqu’au jour où j’aurai le bonheur de vous offrir un sacrifice de louanges, de bénédictions et d’amour dans le royaume de votre gloire.
Mais quoi, ô mon divin Jésus ! il est donc bien sûr que je dois un jour être rendu participant de votre bonheur ? Il est donc bien sûr qu’un jour je serai uni à vous, et admis à la contemplation de vos perfections adorables ? Ah ! Seigneur, quand viendra cet heureux moment ?
Quand est-ce que mon âme sera dégagée de ce corps où elle est captive ? qui me donnera des ailes, comme en a la colombe, pour voler au séjour de mon repos éternel ? Mon Dieu, je n’ose point vous demander la mort, parce que je crains de n’y pas être suffisamment préparé : mais j’appréhende de vivre lorsque je considère ma faiblesse et la facilité avec laquelle je vous offense.
C’est pourquoi je ne vous demanderai ni la vie, ni la mort ; mais je renouvellerai cette prière que je me propose de réciter souvent jusqu’à la fin de ma vie : Mon Dieu ! que votre volonté s’accomplisse : faites de moi tout ce qu’il vous plaira ; je m’abandonne à votre miséricorde pour le temps et pour l’éternité. Ainsi soit-il.
RÉSOLUTIONS.
I.° Je me transporterai souvent en esprit dans le Ciel, pour y considérer la place qui m’y est préparée, et pour m’animer, par cette vue, à porter ma croix avec courage.
2.° Lorsque je me sentirai agité par la crainte d’être un jour exclus du Ciel, je penserai que Jésus-Christ plaide lui-même ma cause auprès de son Père, et je m’exciterai à la confiance.