Le mystère insondable du Dieu fait homme
SAMEDI (4e semaine de Carême) Jr 11,18-20 – Jn 7,40-53
Jamais homme n’a parlé comme cet homme ! (Jn 7,46)
Parmi toutes les grandes choses et les merveilles que l’on peut dire du Christ, il en est une qui dépasse absolument l’admiration dont est capable l’esprit humain ; et la fragilité de notre intelligence mortelle ne sait comment la comprendre ou l’imaginer.
C’est que la toute-puissance de la majesté divine, la Parole même du Père, la propre Sagesse de Dieu, en laquelle toutes choses ont été créées — les visibles comme les invisibles —, s’est laissé enfermer dans les limites de cet homme qui s’est manifesté en Judée.
Tel est l’objet de notre foi ; et il y a plus encore. Nous croyons que la Sagesse de Dieu est entrée dans le sein d’une femme, qu’elle est née dans les vagissements et les pleurs communs à tous les nourrissons.
Et nous avons appris qu’après cela le Christ a connu le trouble devant la mort au point de s’écrier : Mon âme est triste à en mourir (Mt 26,38), et qu’enfin il a été traîné à une mort honteuse entre toutes parmi les hommes, même si nous savons qu’il est ressuscité le troisième jour.
Nous rencontrons en lui des traits si humains qu’ils n’ont rien qui les distingue de notre commune faiblesse à nous mortels, et en même temps des traits si divins qu’ils ne peuvent convenir qu’à la souveraine et ineffable nature divine.
Devant cela, l’intelligence humaine, trop étroite, est frappée d’une telle admiration qu’elle ne sait à quoi s’en tenir ni quelle direction prendre. Sent-elle Dieu dans le Christ, elle le voit pourtant mourir. Le prend-elle pour un homme, voici qu’il revient d’entre les morts, avec son butin de victoire, après avoir détruit l’empire de la mort.
Aussi notre contemplation doit-elle s’exercer avec tant de révérence et de crainte qu’elle considère dans le même Jésus la vérité des deux natures, évitant d’attribuer à l’ineffable essence divine des choses qui sont indignes d’elle ou qui ne lui conviennent pas, mais évitant aussi de ne voir dans les événements de l’histoire que des apparences illusoires.
Vraiment, faire entendre de telles choses à des oreilles humaines, essayer de les exprimer par des mots dépasse largement nos forces, notre talent et notre langage. Je pense même que cela dépasse la mesure des apôtres. Bien plus, l’explication de ce mystère transcende probablement tout l’ordre des puissances célestes.
Origène Des Principes, livre II, ch. 6,2 : PG 11, 210-211. Traduction Orval.