Messe à Singapour: le Pape encourage «l’amour qui construit»
50 000 fidèles de Singapour et des pays alentours ont pris part à la messe présidée par le Pape François, jeudi 12 septembre, au stade de la ville. Dans cette ville de tous les possibles, François a rappelé combien la grandeur et la majesté de nos projets peuvent nous faire oublier que sans l’amour, nous ne sommes rien.
Une marée de téléphones scintillants, d’ombrelles, d’uniformes scolaires et de chœurs d’enfants ont submergé l’enceinte du stade national de Singapour pour la première messe d’un Pape depuis près de quarante ans dans la cité-État.
Le Pape François a conquis son auditoire en s’arrêtant une vingtaine de fois, lors du traditionnel tour en papamobile pour saluer et bénir des petits enfants de Singapour, suscitant la clameur et l’approbation des 50 000 fidèles présents.
D’une organisation millimétrée, déjà déployée dans ce stade pour le bicentenaire de la ville il y a cinq ans, la messe solennelle a fait résonner les chants de nombreux chœurs d’enfants et d’adultes des différentes paroisses de Singapour ou des écoles dans une atmosphère aux accents britanniques prononcés, comme revendiqués dans l’identité singapourienne.
«Sans l’amour nous ne sommes rien»
Durant cette célébration eucharistique en anglais, le Pape a souhaité rappeler aux fidèles venus de Taïwan, Hong Kong, Malaisie voisine, des Philippines, du Vietnam et de Birmanie et leurs évêques, la primauté de l’amour sur toute forme de haine, la générosité sur l’égoïsme, la solidarité sur l’indifférence. «Sans l’amour nous ne sommes rien». Il a dans son homélie souligné que l’ingénierie virtuose de Singapour ne serait pas si elle n’était pas motivée par l’amour.
«Même à l’origine de ces imposantes constructions, comme de toute autre entreprise qui laisse une trace positive dans ce monde, il n’y a pas, comme beaucoup le pensent, avant tout de l’argent, ni de la technique, ni même de l’ingénierie – tous, moyens utiles –, mais de l’amour: “l’amour qui construit”, justement», a lancé le Pape François, estimant qu’il n’y a pas d’œuvre bonne sans qu’il y ait peut-être des personnes brillantes, fortes, riches, créatives, mais aussi des femmes et des hommes fragiles, pour qui sans amour il n’y a pas de vie, ni d’élan, ni de raison d’agir, ni de force pour construire.
«Nous sommes un précieux trésor»
Sans cela, même ici, personne n’aurait pu faire pousser une si grande métropole, les architectes n’auraient pas dessiné, les ouvriers n’auraient pas travaillé et rien n’aurait été réalisé, considère le Saint-Père, qualifiant Singapour de signe, et derrière chacune de ses œuvres, autant d’histoires d’amour à découvrir.
«D’hommes et de femmes unis les uns aux autres au sein d’une communauté, de citoyens dévoués à leur pays, de mères et de pères soucieux de leur famille, de professionnels et de travailleurs de tous types et de tous degrés, engagés avec honnêteté dans leurs différents rôles et tâches.»
Ainsi l’évêque de Rome exhorte chacun à apprendre à lire ces histoires, écrites sur nos façades, à en transmettre la mémoire, «car rien de durable ne grandit sans amour». Dans cette Église singapourienne, ethniquement si diverse et pourtant si unie et solidaire, l’édifice le plus beau, le trésor le plus précieux, l’investissement le plus rentable aux yeux de Dieu, «c’est nous».
Dans une terre où la dévotion mariale est d’une extrême intensité, marquée encore par une certaine européanité avec des grottes devant chaque chapelle, le Successeur de Pierre a souhaité en cette mémoire liturgique du Très Saint Nom de Marie commémorer sa tendre figure; de même que celle de saint François-Xavier, reçu à Singapour à de nombreuses occasions, la dernière fut le 21 juillet 1552, quelques mois avant sa mort, dont le Pape François cite une lettre adressée à Ignace, dans laquelle il exprime son désir d’aller dans toutes les universités de son temps pour «crier ici et là comme un fou et secouer ceux qui ont plus de doctrine que de charité» (Lettre de Cochin, janvier 1544), souhaitant que chacun fasse siennes ces paroles.
Désirs de paix en Birmanie
Miroir à la mosaïque d’ethnies et de religions de la cité-État, les chants d’offertoire et de communion ont été entonnés dans les quatre langues officielles: anglais, mandarin, malais, tamoul, durant cette messe célébrée par le cardinal William Goh, archevêque de Singapour. Les cardinaux Chow (Hong Kong), Francis (Malaisie) et Bo (Birmanie) étaient aussi présents.
Parmi les fidèles, un groupe de plus de 200 Birmans, priant pour la paix et l’harmonie dans leur pays. «Cette messe est très précieuse. Beaucoup d’entre nous travaillons très dur pour nos familles et nos pays. C’est vraiment difficile pour nous, peuple de Birmanie. C’est impossible de venir en Italie voir le Pape. Comme vous le savez, c’est le chaos chez nous actuellement. Nous espérons vraiment la paix et l’harmonie de cette messe,» explique sœur Marie de saint joseph de l’adoration, religieuse missionnaire migrantes à Singapour, provenant de Birmanie
«C’est l’expérience d’une vie, d’une seule vie. Merci mon dieu je suis là aujourd’hui. J’avais déjà pu participer à la messe de Jean-Paul II en 1986. Même hier lorsque j’étais au marché, le poissonnier m’a dit: le chef catholique de ta religion est arrivé à Singapour! J’ai dit wahou!, ils ne sont pas catholiques mais s’en réjouissent. On fait la Une de l’actualité nous les catholiques à Singapour!», se réjouit de son coté une religieuse canossienne de la cité-État.
L’espérance d’un voyage au Vietnam
Mais les plus grandes espérances proviennent du Vietnam, pays victime d’un typhon meutrier pour lequel le Pape a prié durant la messe. Venu au nombre de 450 fidèles d’Hanoi, Ho Chi Minh ou de plus petites villes, tous attendent la prochaine visite apostolique sur leur terre.
«Nous avons beaucoup de chance de voir Sa Sainteté, c’est une grande fierté d’être là. Il y a maintenant de plus en plus de catholiques au Vietnam. Nous avons besoin d’un large soutien du Vatican et de l’Italie. Certains ne nous comprennent pas au Vietnam, mais ils sont de plus en plus en train de changer et de s’ouvrir. Nous avons encore besoin de gens pour nous aider à nous faire confiance», estime la jeune Veronica, 27 ans, originaire de la ville « au-delà du fleuve », Hanoï. «J’espère que le Pape mettra ensuite le Vietnam dans sa liste pour venir nous voir», affirme Hun, en souriant, un étudiant vietnamien de 20 ans.