MOIS DE SAINT JOSEPH – VIIe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – VIIe JOUR

Saint Joseph artisan

I

saint Joseph artisan et la sainte famille - église Saint Joseph Angers 49
saint Joseph artisan et la sainte famille – église Saint Joseph Angers 49

« Joseph était juste, dit saint Bernard, mais « il était pauvre tellement, qu’il gagnait par un métier sa nourriture et son vêtement. »(Sermon XLVII, Sur la pauvreté.)

Suarez n’admet pas que la pauvreté de saint Joseph allât jusqu’à la misère. [Des Mystères, quest. 37.) — Saint Bernard croit que saint Joseph ne fut contraint à recevoir l’aumône que durant son voyage en Égypte.

Les pères de l’Église sont unanimes à attester que le saint patriarche fut artisan ; mais leurs opinions diffèrent sur le métier qu’il exerça. Quelques-uns, comme saint Hilaire et saint Pierre Chrysologue, supposent qu’il fut ouvrier en fer. Mais le plus grand nombre d’entre eux croient qu’il fut ouvrier en bois. (Saint Bonaventure, saint Bernard, saint Thomas, etc.)

« Marie fut mariée à un ouvrier en bois, dit saint Thomas, parce que le Christ, époux de l’Église, devait opérer le salut du monde par le bois de la croix . » (Chaîne d’or, ch. XIII.)

« Saint Joseph, remarque saint Ambroise, était le type terrestre du grand fabricateur des mondes ; car on peut dire, dans le sens mystique, que le Père éternel du Christ opère en nous par le feu et par le souffle du Saint-Esprit, qui, semblable à un bon ouvrier, brûle, taille, tranche nos vices, fait fléchir nos âmes rebelles, et les forme aux divins ministères qu’elles doivent exercer. » (St Ambroise, Explication de l’Évangile de St Matthieu.)

C’est la tradition reçue au moyen âge, adoptée par Gerson, et enfin par Bossuet, qui s’écrie, en parlant de l’enfance de Notre-Seigneur à Nazareth : « 0 Dieu! je suis saisi encore un coup! Orgueil, viens crever à ce spectacle ! Jésus, fils d’un charpentier, charpentier lui-même, connu par cet exercice, sans qu’on parle d’aucun autre emploi ni d’aucune autre action. On se souvenait dans son Église des charrues qu’il avait faites, et la tradition s’en est conservée dans les plus anciens auteurs. » (Élévations sur les Mystères.)

II

JEAN DE GERSON (1363-1429)

Considérons encore, selon ce qui est dit, que action précède contemplation; comment saint Joseph, venu à âge vigoureux et de discrétion , ne voulut point être oisif, mais se donna à labeur et à métier, tant pour soi bien occuper, comme pour gagner honnêtement et justement sa vie, et pour acquérir la bénédiction de laquelle parle le prophète, quand il dit (Psaume CXXVII) :

« Pour ce que tu mangeras les labeurs de tes mains, tu es béni, et il te fera bien. Ainsi se donna saint Joseph, en son jeune âge, à être orfèvre en bois, comme à faire charrettes ou huches, ou fenestres, ou nefs, ou maisons, quoique fût il de très honnête et noble lignée en la cité de Nazareth : et c’est contre ceux ou celles qui ne veulent travailler, et réputent à honte ou à servage, si sont souvent pauvres et méchants quant au monde, et trop plus quant à Dieu ; car telles personnes sont communément sujettes à tous les vices.

« Saint Paul disait : Qui ne labeure (travaille) point ne mange point; lui-même labeurait, quoiqu’il fut apôtre et noble, et occupé en continuelle prédication, auquel suffisait très petite sustentation corporelle. Ainsi firent saints Grespin et Grespinien, et autres.

« Considérons en outre, selon la bénédiction que donne le prophète par l’autorité de Dieu à ceux qui mangent pain de labeur et bien gagné, que de saint Joseph on peut dire ce qui s’ensuit du psaume ci-devant allégué : Ta femme, dit le prophète, sera comme vigne abondante à côté de ta maison, et tes enfants seront comme nouvelles plantes d’olives en l’environ de la table.

« La femme que saint Joseph eut, fut Notre-Dame, de laquelle chante l’Église en sa personne. J’ai, dit-elle, fructifié comme vigne odorante; cette vigne porta le précieux et doux fruit de vie de-Jésus, qui disait à ses apôtres : Je suis vigne, et mon Père est le vigneron. Lequel Jésus est aussi comme la belle olive plantureuse et fructueuse, et fut jadis en l’environ de la table de saint Joseph par maintes fois : là fut bien la dite bénédiction accomplie, car cet enfant pouvait être dit à Joseph, selon l’entendement dessus exposé, et lui seul en valait cent, voire plus, sans nombre. »

(Considérations sur saint Joseph)

III

LE BIENHEUREUX LÉONARD DE PORT-MAURICE (1676-1751)

« N’est-ce pas le fils de cet artisan? » disaient les Juifs avec mépris en parlant de Jésus. Le fils d’un artisan , sans doute, mais de quel artisan ?

Je vous l’apprendrai, répond saint Pierre Chrysologue ; c’est le Fils de ce grand artisan qui a fabriqué le monde, non avec le marteau, mais par un ordre de sa volonté ; de cet artisan qui a combiné les éléments, non par un effet de génie, mais par un simple commandement ; de cet artisan qui a allumé le flambeau du jour à la voûte du ciel, non avec un feu terrestre, mais par une chaleur supérieure; de cet artisan enfin, qui d’un seul mot a fait jaillir l’univers du néant.

Vous avez raison, illustre docteur; ils auraient dû reconnaître que Jésus était le Fils du grand architecte de l’univers. Mais souffrez que pour la gloire de Joseph, on dise aussi qu’il est le fils de ce pauvre charpentier qui dans une humble boutique manie la scie et le rabot.

Et puisque la sainte Vierge elle-même donne à Joseph ce beau titre de père de Jésus, en disant à celui-ci : Votre père et moi, (Luc. II, 48), titre qui lui convient d’ailleurs, attendu que ce fils est le fruit de Marie, laquelle appartient à Joseph en qualité d’épouse, convenez aussi qu’il est le fils de ce pauvre artisan,  que comme tel, il est son sujet et le compagnon de ses travaux.

O quelle merveille, quand on y pense ! Jésus aida ce pauvre artisan à travailler le bois, comme il aida le grand artisan de la nature à fabriquer l’univers. (Proverbes. VIII, 27). Lorsque le Créateur, c’est le Fils de Dieu, la Sagesse incréée qui parle ainsi, lorsque mon Père s’apprêtait à créer le monde, j’étais présent, et j’en présentais l’idée dans cette intelligence infinie ; quand il étendait la voûte des cieux, quand il posait des bornes à la mer, quand il suspendait les nuages en l’air, j’étais avec lui, arrangeant toutes choses. (Ibid.,V, 30.)

Cette même Sagesse incarnée peut également dire d’elle-même : Lorsque Joseph mon père était dans son atelier pour travailler, j’étais avec lui comme compagnon de ses travaux ; quand il coupait ou façonnait le bois, j’étais avec lui ; quand il le sciait et le rabotait, j’étais avec lui; quand il adaptait les pièces ensemble, je les arrangeais avec lui. Comme lui, je mettais la main au rabot, et je mêlais mes sueurs aux siennes.

Quelle sublime dignité, et quelle grandeur que celle qui nous fait apparaître Joseph comme l’émule de Dieu même ! Un pauvre ouvrier en bois l’émule de l’architecte du monde! En voulez-vous davantage pour proclamer Joseph souverainement grand comme père, si Dieu lui-même ne peut faire un père plus grand que celui qui a un Dieu pour fils?

Il y a trois choses, dit saint Thomas, que Dieu ne peut faire plus grandes qu’elles ne sont, à savoir : l’humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à cause de son union hypostatique avec le Verbe ; la gloire des élus à cause de son objet principal qui est l’essence infinie de Dieu; et la Mère incomparable de Dieu, dont il a été dit que Dieu ne peut faire une mère plus grande que la mère d’un Dieu.

Vous pouvez en un sens ajouter, à la gloire de Joseph, une quatrième chose. Dieu ne peut pas faire un père plus grand que le père d’un Fils qui est Dieu. Avouez donc que si saint Joseph fut grand comme juste , plus grand encore comme époux, il fut très-grand surtout comme père. »

(Sermon sur les grandeurs de saint Joseph.)