MOIS DU ROSAIRE – jour 3 – Du chapelet
Si la sagesse du monde affecte quelquefois du mépris pour les pratiques consacrées par la religion ou ennoblies par l’exemple des Saints, c’est qu’elle dédaigne souvent de s’instruire de ce qu’elle ignore. Éclairons et dévoilons d’abord l’origine de cette dévotion du chapelet.
C’était la coutume des anciens peuples dans les pays orientaux d’offrir des couronnes de roses aux personnes distinguées par leur mérite ou par leur dignité : on ne croyait pas pouvoir les honorer mieux que par cette sorte de présent, et les chrétiens se plaisaient à honorer ainsi la sainte Vierge et les Saints.
Un grand pontife, un illustre docteur, celui des saints Pères que l’on a surnommé le théologien par excellence, à cause de la pureté de sa doctrine, Saint Grégoire de Nazianze, dans le transport de son amour si tendre pour la sainte Vierge, fut inspiré de substituer à la couronne matérielle de roses, une couronne spirituelle de prières, persuadé qu’elle serait plus agréable à la Mère de Dieu.
Il composa à cet effet une suite ou couronne de prières, issue des plus belles louanges, des plus glorieux titres et des plus excellentes prérogatives de Marie : c’était à peu près comme les prières appelées litanies.
Cette invention ingénieuse du quatrième siècle avait son prix et son mérite pour les personnes instruites qui pouvaient se rendre cette sorte de prières familière ; mais cette heureuse idée avait besoin, pour être à la portée de tous et pour devenir populaire, d’être composée des prières les plus ordinaires de l’Église, c’est-à-dire, de l’Oraison dominicale, de la Salutation angélique et de la profession de foi du chrétien.
C’est l’idée que réalisa, dans le cinquième siècle, Sainte Brigide patronne de l’Irlande, qu’il ne faut pas confondre, comme on le fait souvent, avec Sainte Brigitte, veuve, princesse de Suède, morte à Rome en 1373. Pour faciliter cette dévotion nouvelle, il fallait fixer un certain ordre dans ces prières, et trouver un moyen de les distribuer sans confusion, et de les distinguer sans méprise.
Pour éviter donc un certain travail de mémoire et ne pas distraire de l’attention de la prière même, Sainte Brigide adopta l’usage des anachorètes ou solitaires de l’Orient, qui, dans ces premiers siècles, se servaient de petits globules de pierre ou de bois, pour mieux compter le nombre de leurs prières ; et elle pensa qu’il fallait enfiler ces grains en forme de couronne, et en avoir de différentes grosseurs pour distinguer chaque prière différente.
Elle introduisit d’abord dans la Communauté qu’elle avait établie sous la règle de Saint Benoit, cet usage qui se répandit ensuite partout.
Sainte Gertrude, vierge, abbesse de Nivelle, dans le Brabant, et qui vivait dans le septième siècle, se servait de cette sorte de chapelet comme on le voit dans sa vie ; un concile, tenu en Angleterre en 810, fait aussi mention de la même dévotion, comme d’une pratique en usage alors depuis longtemps ; et le fameux Pierre l’ermite, le promoteur de la 1ère croisade, dans le onzième siècle, fit adopter aux croisés cette manière de prier à l’aide du chapelet pendu à leur ceinture.
Il est résulté de tous ces faits que l’on a attribué l’origine du chapelet, tantôt aux premiers anachorètes, tantôt à sainte Gertrude ou à Pierre l’ermite ; tandis que cette heureuse idée de saint Grégoire de Nazianze a été perfectionnée et promulguée par sainte Brigide, vierge d’Irlande, vers l’an 499 (et non par sainte Brigitte de Suède, qui ne naquit qu’en 1302).
Nous avons vu que le chapelet ou couronne tire son origine des couronnes de roses que l’on déposait sur les autels, en l’honneur de Marie ou des Saints ; mais cette sorte de couronne de roses, que l’on appelle en latin et en italien corona, se nommait dans la basse latinité, capellina ; en vieux français, chapel de roses ; d’où est dérivé le diminutif chapelet ou petit chapel, petite couronne.
L’usage du chapelet est une excellente pratique, pourvu qu’on ait soin en le récitant, de joindre l’esprit à la lettre et d’en écarter toute sorte de superstition, comme d’attribuer l’efficacité de la prière à ce nombre déterminé de Pater et d’Ave plutôt qu’à un autre nombre.
Mais, si en récitant un certain nombre de Pater et d’Ave, on n’a d’autre intention que de se conformer au nombre fixé par l’Église pour gagner l’indulgence qu’elle y a attachée, on ne fait assurément rien de ridicule ni de superstitieux, et c’est même une pratique louable et excellente.
En effet, l’excellence d’une dévotion se tire de la fin que l’on se propose, des moyens que l’on emploie et des avantages qui en résultent ; or, le chapelet a pour fin principale d’honorer Jésus et Marie ; les moyens qu’il fait employer sont : la prière, la méditation et l’imitation des Saints qui ont pratiqué cette dévotion; les avantages qu’il procure sont : toutes les faveurs, les grâces et les prérogatives qui sont attachées à sa récitation.
Ainsi l’on peut dire avec fondement que celui qui récite le chapelet assidûment, y apprend le secret de bien prier, y trouve les moyens de bien vivre, et obtient par la ferveur de ses dispositions, les grâces nécessaires pour bien mourir. Quoi de plus excellent, de plus utile pour procurer la gloire de Dieu, l’honneur de Marie et le salut de notre âme ?
Du reste, l’excellence de la dévotion du chapelet étant la même que l’excellence de la dévotion du rosaire, en traitant de cette dernière dévotion, des avantages qu’elle renferme et des prodiges que Dieu a opérés en sa faveur, on sera convaincu qu’elle doit être chère aux fidèles et faire leurs délices par les garanties, les ressources et les avantages qu’elle leur offre.
Est-il nécessaire de dire un mot de l’objection faite par les contempteurs de cette pratique, qui demandent pourquoi tant de Pater, tant d’Ave, tant d’ennuyeuses répétitions ? — Eh ! qu’est-ce que toutes les prières de l’Église aux yeux de Dieu, sinon des milliers de paroles qui se rapportent à un même sentiment d’amour ? Qu’on l’exprime en Pater, en Ave ou en d’autres prières, n’est-ce pas le même hommage rendu an Seigneur ?
Ennuyeuses répétitions ! Et pour qui ennuyeuses ? Est-ce pour Dieu et pour la sainte Vierge ? Mais non ! Est-ce que Dieu et la sainte Vierge peuvent s’ennuyer ? Est-ce d’ailleurs un ennui pour un bon père, pour une bonne mère, d’entendre un enfant répéter mille fois : Je vous aime ? de sentir mille fois l’étreinte de ses bras qui les serrent ?
Notre Dieu est-il un moins bon père, Marie une moins bonne mère que ceux que nous avons sur la terre ? Sont-ils plus susceptibles d’ennui ? Pour qui donc est cet ennui ? Pour ceux qui ne goûtent pas les choses de Dieu. (S. Paul.)
Mais l’âme fidèle à Marie, se lasserait-elle jamais de lui dire affectueusement : Je vous salue, Marie ; — Sainte Mère de Dieu, priez pour moi ? Non, le vrai disciple de Jésus-Christ, ne peut pas se lasser, s’ennuyer de répéter sans cesse : Notre Père, qui es dans les cieux.
Résolution
Prenons la résolution de réciter fréquemment le chapelet, tous les jours même à l’exemple de tant de fervents serviteurs et de ferventes servantes de Marie. Quelles que soient nos occupations, nous pouvons trouver le temps de le réciter, soit en commun, soit en notre particulier, en voyage, en travaillant, etc. ; et, si nous le disons avec attention et dévotion, nous ne tarderons pas d’en recueillir les fruits les plus abondants.
PRlÈRE
Mère de Dieu, vous êtes aussi la nôtre et nous vous saluons mille fois ; jetez sur nous des regards de complaisance et accordez-nous votre bénédiction lorsqu’en disant notre chapelet, nous répétons affectueusement le salut ineffable que vous adressa l’envoyé du ciel, l’ange Gabriel, le jour de l’Annonciation.
L’assurance où nous sommes que cette pratique de dévotion, cette prière vous est agréable, nous remplit de la confiance la plus entière. Ô Mère tendre et puissante ! daignez-nous obtenir du Dieu de bonté les grâces qui nous sont nécessaires pour nous montrer en tout et partout de vrais enfants de Marie.
Ainsi soit-il.
D’après de manuel de Liége 1847
LA PRIÈRE DE MARIE OUVERTE VERS LA TERRE
Et c’est pour cela que cette prière de Marie, immergée dans la lumière de Dieu lui-même, reste en même temps « toujours ouverte vers la terre ». Vers tous les problèmes humains. Vers les problèmes de chaque homme et, en même temps, de toutes les communautés humaines, des familles, des nations; vers les problèmes internationaux de l’humanité.
Cette prière de Marie, ce Rosaire, est constamment ouvert « vers toute la mission de l’Église », vers ses difficultés et ses espérances, vers les persécutions et les incompréhensions, vers tout service qu’elle accomplit en faveur des hommes et des peuples.
Saint Jean-Paul II – Osservatore Romano du 30-10-1979