Ne fermez pas cette porte

17-03-2015 source : L’Osservatore Romano

Christ Healing the Paralytic at the Pool of BethesdaLe Carême est un temps propice pour demander au Seigneur, « pour chacun de nous et pour toute l’Église », la « conversion à la miséricorde de Jésus ». Trop souvent en effet, les chrétiens « se font une spécialité de fermer la porte au nez des personnes» qui, usées par la vie et par leurs erreurs, seraient en revanche disposées à recommencer, « des personnes dont l’Esprit Saint bouge le cœur pour les faire aller de l’avant ».

La loi de l’amour est au centre de la réflexion que le Pape François a menée, lors de la Messe de mardi 17 mars à Sainte-Marthe, à partir de la liturgie du jour. Une parole de Dieu qui part d’une image : « les eaux qui deviennent saines » (Ez 47, 1-9.12).

L’eau revient dans l’Évangile de Jean (5, 1-16) où l’on fait le récit d’une piscine caractérisée par « cinq portiques, sous lesquels gisaient une multitude d’infirmes, aveugles, boiteux, impotents. » En ce lieu en effet, « il existait une tradition » selon laquelle « par moments un ange descendait du ciel » pour agiter les eaux et les infirmes « qui s’y jetaient » à ce moment-là « étaient assainis. »

C’est pour cela, a expliqué le Souverain Pontife, « qu’il y avait beaucoup de gens ». Et c’est pour cela que s’y trouvait également « un homme qui depuis trente-huit ans était malade ». Il était là à attendre, et Jésus lui demanda : « Veux-tu guérir ? ». Le malade répondit : « Mais, Seigneur je n’ai personne pour me jeter dans la piscine, quand l’eau vient à être agitée ; et, le temps que j’y aille, un autre descend avant moi ». Il était malade, mais « pas seulement paralytique » : il souffrait en effet d’ « une autre maladie très grave », l’acédie.

« C’est l’acédie qui le rendait triste, paresseux », a-t-il remarqué. Une autre personne aurait en effet « chercher un moyen d’y arriver à temps, comme cet aveugle à Jéricho qui criait, criait, et plus on voulait le faire taire plus il criait : il a trouvé le moyen ». Mais lui, prostré par la maladie depuis trente-huit ans, « n’avait pas envie de guérir », il n’avait pas de « force ». Dans le même temps, il avait de l’amertume dans l’âme : « Mais l’autre arrive avant moi et je suis laissé de côté » ». Et il avait « aussi un peu de ressentiment ». C’était « vraiment une âme triste, vaincue, vaincue par la vie. »

« Jésus prend pitié » de cet homme et l’invite : « Lève-toi, finissons-en avec cette histoire ; prends ton grabat et marche ». C’est alors qu’entrent en jeu d’autres personnages : « C’était le sabbat et qui rencontre cet homme ? Les docteurs de la loi », qui lui demandent : « Pourquoi portes-tu cela ? C’est le sabbat. Il ne t’est pas permis de porter ton grabat ». Et l’homme de répondre : « Mais tu sais, j’ai été guéri ! ». Et d’ajouter : « Et celui qui m’a guéri m’a dit : « Prends ton grabat et marche ». »

En poursuivant dans la lecture de l’Évangile, l’on rencontre Jésus qui « trouve cet homme une nouvelle fois et lui dit : « Te voilà guéri, mais ne revient pas en arrière – c’est-à-dire ne pèche plus – de peur qu’il ne t’arrive pire encore. Va de l’avant, continue à aller de l’avant » ». Et cet homme va voir les docteurs de la loi pour leur dire : « La personne, l’homme qui m’a guéri s’appelle Jésus. C’est lui ». Et on lit : « C’est pourquoi les Juifs persécutaient Jésus : parce qu’il faisait ces choses-là le jour du sabbat. Parce qu’il faisait le bien même le jour du sabbat, et cela ne pouvait se faire. »

Cette histoire « se produit tant de fois dans la vie : un homme – une femme – qui se sent malade dans son âme, triste, qui a commis tant d’erreurs dans sa vie, à un certain moment sent les eaux s’agiter, c’est l’Esprit Saint qui fait bouger quelque chose ; ou entend une parole ». Puis il réagit : « Je voudrais tant y aller ! ». C’est ainsi qu’il « prend courage et qu’il y va ». Mais cet homme, « combien de fois aujourd’hui dans les communautés chrétiennes, trouve-t-il les portes fermées ». Sans doute s’entend-il dire : « Toi tu ne peux pas, non, tu ne peux pas ; tu as commis une erreur ici et tu ne peux pas. Si tu veux venir, viens à la Messe dimanche, mais restes-en là, n’en fais pas davantage ». C’est ainsi que « ce que fait l’Esprit Saint dans le cœur des personnes, les chrétiens à la psychologie de docteurs de la loi le détruisent ».

Aujourd’hui aussi il existe des chrétiens qui se comportent comme les docteurs de la loi et « font la même chose que ce qu’ils faisaient avec Jésus », en objectant : Mais celui-là, celui-là profère une hérésie, cela ne peut se faire, cela va à l’encontre de la discipline de l’Église, cela va à l’encontre de la loi ». Et c’est ainsi qu’ils ferment les portes à tant de personnes. C’est pour cela que « nous demandons aujourd’hui au Seigneur » la « conversion à la miséricorde de Jésus » : c’est seulement ainsi que « la loi sera pleinement accomplie, parce que la loi est d’aimer Dieu et son prochain comme nous-mêmes ».