Sa vie ne fut qu’amour
MERCREDI (3e semaine de Carême) Dt 4,1.5-9 – Mt 5,17-19
Jusqu’à ce que tout soit réalisé (Mt 5,18)
Le Christ ne vint pas pour abolir la Loi mais pour l’accomplir (cf. Mt 5/17)… Sa nourriture était de faire la volonté de son Père. Il ne faisait à ce point qu’un avec le Père, avec chacune des exigences de la Loi, que l’accomplissement de la Loi était son désir propre, son unique besoin vital. L’amour en lui était action constante.
Il n’y eut pas un moment, pas un seul, dans sa vie où l’amour eût été simplement en lui un sentiment inactif qui cherche après un mot tout en laissant s’écouler le temps ; ou un état d’esprit qui s’arrête satisfait de lui-même auprès de lui-même, ne se fixant aucune tâche. Non, son amour fut action constante.
Même les larmes qu’il versa n’occupèrent pas le temps ; car même si Jérusalem ignorait ce qui était utile à sa paix, lui le savait. Même si les parents endeuillés auprès du tombeau de Lazare ignoraient ce qui devait arriver, lui, néanmoins, savait ce qu’il devait faire.
Dans les plus petites choses comme dans les plus grandes, son amour était toujours prêt. Il ne se concentra point en quelques moments solennels, comme si quelques heures déterminées de la vie quotidienne étaient placées en dehors des exigences de la Loi. Il fut le même en tout instant, pas davantage lorsqu’il expira sur la croix qu’au moment où il accepta de venir au monde.
Ce fut le même amour qui dit Marie a choisi la meilleure part (Lc 10,42) et qui punissait ou absolvait Pierre d’un regard ; ce fut le même amour lorsqu’il accueillit ses disciples à leur retour joyeux, après qu’ils eurent fait des miracles en son nom, et le même amour lorsqu’il les trouva dormant.
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Son amour ne réclama rien à un autre homme, ni son temps, ni sa force, ni son assistance, ni son service, ni son amour en retour. Car ce que le Christ réclama de chacun était uniquement le bien de l’intéressé lui-même et il ne l’exigea que pour l’amour de l’autre ; aucun homme ne vécut avec lui qui s’aimât autant que le Christ l’aimait.
Dans son amour il n’existait pas d’accord négocié, de concessions, de coterie avec un autre homme qui pût rivaliser avec les exigences infinies de la Loi ; le Christ en son amour ne réclama aucune exception pour lui, pas la moindre. Son amour ne fit aucune différence.
Il ne fit même pas la plus tendre des différences, celle qui eût pu exister entre sa mère et le reste des hommes ; car il dit, désignant ses disciples : C’est ceux-ci qui sont ma mère (Mt 12,50). Et inversement il n’aimait pas ses disciples sous prétexte qu’ils représentaient quelque chose de particulier ; car son unique désir était que chacun pût devenir son disciple et il le désirait pour l’amour de chaque homme pris individuellement.
Son amour ne fit pas non plus de différence entre ses disciples ; car son amour, à la fois divin et humain, était exactement le même à l’égard de tous les hommes ; il voulait les racheter tous et il était le même à l’égard de tous ceux qui voulaient se laisser sauver. Sa vie ne fut qu’amour.
Kierkegaard Vie et règne de l’Amour. Trad. P. Villadsen, Aubier, Paris 1946, p. 112-114.