VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN BELGIQUE

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN BELGIQUE
(27-29 septembre 2024)

Aux premières heures de sa visite apostolique en Belgique, le Pape s’est exprimé, à la suite du Roi des Belges et du chef de l’exécutif, sur le «fléau» des abus, un «contre-témoignage douloureux» qui est une «honte» pour l’Église. Avec humilité et détermination, il faut tout mettre en œuvre, dit-il, pour que cela ne se vérifie plus et entreprendre une demande de pardon.

RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS
ET REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Château de Laeken (Bruxelles)
Vendredi 27 septembre 2024

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Vos Majestés,
Monsieur le Premier Ministre
Frères Évêques,
distinguées Autorités,
Mesdames et Messieurs !

Je remercie Votre Majesté pour l’accueil cordial et l’adresse courtoise de salutation. Je suis très heureux de visiter la Belgique. Quand on pense à ce pays, on évoque à la fois quelque chose de petit et de grand, un pays occidental et en même temps central, comme s’il était le cœur battant d’un organisme gigantesque.

Les proportions et l’ordre des grandeurs sont en fait trompeurs. La Belgique n’est pas un État très étendu, mais son histoire particulière a fait que, aussitôt après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les peuples européens fatigués et épuisés, entamant un sérieux chemin de pacification, collaboration et intégration, se sont tournés vers la Belgique comme siège naturel des principales institutions européennes.

Située sur la ligne de fracture entre le monde germanique et le monde latin, limitrophe de la France et de l’Allemagne, qui avaient le plus incarné les antithèses nationalistes à la base du conflit, elle est apparue comme un lieu idéal, presque une synthèse de l’Europe, d’où repartir pour sa reconstruction, physique, morale et spirituelle.

On pourrait dire que la Belgique est un pont : entre le continent et les îles britanniques, entre les régions germaniques et francophones, entre le sud et le nord de l’Europe. Un pont qui permet à la concorde de s’étendre et aux différends de s’estomper. Un pont où chacun, avec sa langue, sa mentalité et ses convictions, rencontre l’autre et choisit la parole, le dialogue et le partage comme moyens de relation.

Un lieu où l’on apprend à faire de sa propre identité non pas une idole ou une barrière, mais un espace accueillant d’où l’on part et où l’on revient, où l’on favorise les rencontres valables et où l’on cherche ensemble de nouveaux équilibres, où l’on construit de nouvelles synthèses. La Belgique est un pont qui favorise les échanges, met en communication et fait dialoguer les civilisations. Un pont, donc, indispensable pour construire la paix et refuser la guerre.

On comprend alors combien la petite Belgique est grande ! On comprend que l’Europe en ait besoin pour se rappeler son histoire, faite de peuples et de cultures, de cathédrales et d’universités, de prouesses du génie humain, mais aussi de si nombreuses guerres et d’une volonté de domination qui s’est souvent transformée en colonialisme et en exploitation.

L’Europe a besoin de la Belgique pour avancer sur la voie de la paix et de la fraternité entre les peuples qui la composent. Ce pays rappelle en effet à tous les autres que lorsque, sur la base des prétextes les plus divers et les plus insoutenables, on commence à ne plus respecter les frontières ni les traités et qu’on laisse aux armes le soin de créer le droit en contournant la loi en vigueur, on ouvre alors la boîte de Pandore et tous les vents se mettent à souffler violemment, secouant la maison et menaçant de la détruire.

À ce moment de l’histoire, je pense que la Belgique a un rôle très important. Nous sommes proches d’une quasi-guerre mondiale.

En effet, la concorde et la paix ne sont pas des conquêtes acquises une fois pour toutes, mais plutôt une tâche et une mission – la concorde et la paix sont une tâche et une mission –, une mission incessante à cultiver, à entretenir avec ténacité et patience.

L’être humain, en effet, lorsqu’il cesse de se souvenir du passé et de s’en laisser instruire, a la capacité déconcertante de retomber, même après s’être enfin relevé, en oubliant les souffrances et les coûts effroyables payés par les générations précédentes. Pour cela, la mémoire ne fonctionne pas, c’est curieux, il y a d’autres forces, à la fois dans la société et chez les gens, qui nous font tomber dans les mêmes choses.

En ce sens, la Belgique est plus précieuse que jamais pour la mémoire du continent européen. En effet, elle donne des arguments incontestables pour développer une action culturelle, sociale et politique constante et opportune, courageuse et en même temps prudente, qui exclut un avenir où l’idée et la pratique de la guerre redeviendraient une option possible, avec des conséquences catastrophiques.

L’histoire, magistra vitae trop souvent ignorée, de la Belgique appelle l’Europe à reprendre son chemin, à redécouvrir son vrai visage, à investir à nouveau dans l’avenir en s’ouvrant à la vie, à l’espérance, pour vaincre l’hiver démographique et l’enfer de la guerre ! Il y a deux calamités en ce moment. L’enfer de la guerre, nous le voyons, qui peut se transformer en guerre mondiale. Et l’hiver démographique ; c’est pour cela qu’il faut être concret : faire des enfants, faire des enfants !

L’Église catholique veut être une présence qui, témoignant de sa foi dans le Christ ressuscité, offre aux personnes, aux familles, aux sociétés et aux nations une espérance ancienne et toujours nouvelle ; une présence qui aide chacun à affronter les défis et les épreuves, sans enthousiasmes faciles ni pessimismes moroses, mais avec la certitude que l’être humain, aimé de Dieu, a une vocation éternelle de paix et de bonté et qu’il n’est pas destiné à la dissolution et au néant.

Gardant le regard fixé sur Jésus, l’Église se reconnaît toujours comme la disciple qui, avec crainte et tremblement, suit son Maître, sachant qu’elle est sainte dans la mesure où elle est établie par Lui et en même temps fragile – sainte et pécheresse – et défaillante dans ses membres, jamais pleinement adéquate à la tâche qui lui est confiée et qui la dépasse toujours.

Elle annonce une Nouvelle qui peut remplir les cœurs de joie et, par des œuvres de charité et les innombrables témoignages d’amour envers le prochain, elle essaie d’offrir des signes concrets et des preuves de l’amour qui l’anime.

Elle vit cependant dans le concret des cultures et des mentalités d’une époque donnée qu’elle contribue à façonner ou qu’elle subit parfois d’une manière ou d’une autre ; et elle ne comprend pas et ne vit pas toujours le message de l’Évangile dans sa pureté et son intégralité. L’Église est sainte et pécheresse.

Dans cette coexistence perpétuelle de sainteté et de péché, d’ombre et de lumière, l’Église vit, avec des résultats souvent d’une grande générosité et d’un dévouement splendide, et parfois, malheureusement, avec l’émergence de contre-témoignages douloureux.

Je pense aux événements dramatiques des abus sur mineurs – auxquels le Roi et le Premier Ministre ont fait référence –, un fléau auquel l’Église s’attaque avec détermination et fermeté, en écoutant et en accompagnant les personnes blessées et en mettant en œuvre un vaste programme de prévention dans le monde entier.

Frères et sœurs, ceci est la honte ! La honte que nous devons tous prendre en main aujourd’hui, demander pardon et résoudre le problème : la honte des abus, des abus sur mineurs. Nous pensons au temps des Saints Innocents et nous disons : “Quelle tragédie, ce qu’a fait le roi Hérode !”, mais aujourd’hui, dans l’Église, il y a ce crime ; l’Église doit avoir honte, demander pardon et essayer de résoudre cette situation avec une humilité chrétienne.

Et mettre en place toutes les conditions pour que cela ne se reproduise plus. Quelqu’un me dit : “Sainteté, pensez que selon les statistiques, la grande majorité des abus se produisent dans la famille ou dans le quartier ou dans le monde du sport, à l’école”. Un seul suffit pour avoir honte ! Dans l’Église, nous devons demander pardon pour cela ; que les autres demandent pardon pour leur part. Ceci est notre honte et notre humiliation.

À cet égard, j’ai été attristé par un autre phénomène : les « adoptions forcées » qui se sont produites ici également en Belgique entre les années cinquante et soixante-dix du siècle dernier. Dans ces histoires douloureuses s’est mélangé le fruit amer d’un crime avec ce qui était malheureusement le résultat d’une mentalité répandue dans toutes les couches de la société, à tel point que ceux qui agissaient conformément à cette mentalité croyaient en conscience faire le bien, tant de l’enfant que de la mère.

Souvent, la famille et d’autres acteurs sociaux, y compris l’Église, pensaient que pour éliminer l’opprobre négatif, qui frappait malheureusement à l’époque la mère célibataire, il était préférable pour le bien des deux, de la mère et de l’enfant, que ce dernier soit adopté. Il y a eu même des cas où certaines femmes n’ont pas eu la possibilité de choisir entre garder l’enfant ou le donner en adoption. Et cela arrive aujourd’hui dans certaines cultures, dans certains pays.

En tant que successeur de l’Apôtre Pierre, je prie le Seigneur pour que l’Église trouve toujours en elle la force de clarifier et de ne pas se conformer à la culture dominante, même lorsque celle-ci utilise – en les manipulant – les valeurs dérivées de l’Évangile pour en tirer des conclusions indues, avec leurs lourdes conséquences de souffrance et d’exclusion.

Je prie pour que les responsables des nations, regardant la Belgique et son histoire, sachent en tirer un enseignement et épargnent ainsi à leurs peuples des malheurs sans fin et des deuils sans nombre. Je prie pour que les gouvernants sachent assumer la responsabilité, le risque et l’honneur de la paix et qu’ils sachent écarter le risque, le scandale et l’absurdité de la guerre.

Je prie pour qu’ils craignent le jugement de la conscience, de l’histoire et de Dieu, et qu’ils convertissent leurs yeux et leurs cœurs, en privilégiant toujours le bien commun. À l’heure où l’économie s’est tellement développée, je voudrais souligner que dans certains pays, les investissements qui rapportent le plus sont les usines d’armement.

Majestés, Mesdames et Messieurs, la devise de ma visite dans votre pays est : « En route, avec Espérance ». Le fait qu’Espérance soit écrit avec une majuscule me fait réfléchir : cela me dit que cette espérance n’est pas une chose que l’on porte dans son sac à dos pendant le voyage ; non, l’espérance est un don de Dieu ; peut-être est-elle la vertu la plus humble – disait un écrivain – mais elle est celle qui qui n’échoue jamais, qui ne déçoit jamais. L’espérance est un don de Dieu et elle doit être portée dans le cœur !

C’est pourquoi je veux laisser ce vœu à vous et à tous les hommes et femmes qui vivent en Belgique : puissiez-vous toujours demander et recevoir ce don de l’Esprit Saint, l’espérance, pour marcher avec Espérance sur le chemin de la vie et de l’histoire.


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Le Pape rencontre 17 victimes d’abus du clergé en Belgique

Pendant deux heures ce vendredi soir, elles ont pu lui confier leur histoire, parler de leur douleur et exprimer au Souverain pontife leurs attentes quant à l’engagement de l’Église dans la lutte contre les abus.

Le Pape en visite surprise dans une maison de charité à Bruxelles
Après sa rencontre au château de Laeken avec les autorités belges et les représentants de la société civile, le Saint-Père s’est rendu au ‘‘Home Saint-Joseph’’ dans le quartier des Marolles à Bruxelles. Cet établissement, géré par les Petites Sœurs des Pauvres, accueille des femmes et des hommes âgés, gravement malades et disposant de moyens limités. «Je vous bénis et je prie pour vous. Priez pour moi», leur a dit François.

RENCONTRE AVEC LES PROFESSEURS UNIVERSITAIRES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Katholieke Universiteite Leuven
Vendredi 27 septembre 2024

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Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
chers frères et sœurs, bon après-midi !

Je suis heureux d’être parmi vous et je remercie le Recteur pour ses paroles de bienvenu par lesquelles il a rappelé l’histoire et la tradition dans lesquelles cette Université est enracinée, ainsi que certains des principaux défis actuels auxquels nous sommes tous confrontés. Voilà le premier devoir de l’Université : offrir une formation intégrale afin que les personnes disposent des outils nécessaires pour interpréter le présent et projeter l’avenir.

La formation culturelle, en effet, n’est jamais une fin en soi et les Universités ne doivent pas courir le risque de devenir des “cathédrales dans le désert”. Elles sont, par nature, des lieux qui propulsent des idées et de nouvelles stimulations pour la vie et la pensée de l’homme et pour les défis de la société, c’est-à-dire des espaces générateurs. Il est beau de penser que l’Université génère de la culture, génère des idées, mais surtout promeut la passion pour la recherche de la vérité au service du progrès humain.

En particulier, les Universités catholiques, comme celle-ci, sont appelées à « apporter la contribution décisive du levain, du sel et de la lumière de l’Évangile de Jésus Christ et de la Tradition vivante de l’Église toujours ouverte à de nouveaux scénarios et de nouvelles propositions » (Const. ap. Veritatis gaudium, n. 3).

Je voudrais donc vous adresser une simple invitation : élargir les frontières de la connaissance ! Il ne s’agit pas de multiplier les notions et les théories, mais de faire de la formation académique et culturelle un espace vital qui englobe la vie et parle à la vie.

Il y a une courte histoire biblique racontée dans le Livre des Chroniques, que j’aime rappeler ici. Le protagoniste est Yabès, qui adresse à Dieu cette supplique : « Si vraiment tu me bénis, tu agrandiras mon territoire » (1 Ch 4, 10). Yabès signifie “douleur”, et il a été nommé ainsi parce que sa mère avait beaucoup souffert en le mettant au monde.

Mais à présent, Yabès ne veut pas rester enfermé dans sa douleur, en se traînant dans les lamentations, et il prie le Seigneur d’“élargir les frontières” de sa vie pour entrer dans un espace béni, plus grand, plus accueillant. Le contraire ce sont les fermetures.

Élargir les frontières et devenir un espace ouvert, pour l’homme et pour la société, est la grande mission de l’Université.

Dans notre contexte, en effet, nous sommes devant une situation ambivalente où les frontières sont étroites. D’une part, nous sommes immergés dans une culture marquée par le renoncement à la recherche de la vérité. Nous avons perdu la passion inquiète de la recherche, pour nous réfugier dans le confort d’une pensée faible – le drame de la pensée faible –, pour nous réfugier dans la conviction que tout se vaut, qu’une chose en vaut une autre, que tout est relatif.

D’autre part, lorsque, dans les contextes universitaires et ailleurs, on parle de vérité, l’on tombe souvent dans une attitude rationaliste selon laquelle seul peut être considéré comme vrai ce que nous pouvons mesurer, expérimenter et toucher, comme si la vie se réduisait uniquement à la matière et à ce qui est visible. Dans les deux cas, les frontières sont restreintes.

D’un premier côté, nous avons la fatigue de l’esprit qui nous condamne à l’incertitude permanente et à l’absence de passion, comme s’il était inutile de chercher un sens à une réalité qui reste incompréhensible. Ce sentiment apparaît souvent chez certains personnages de l’œuvre de Franz Kafka, qui a décrit la condition tragique et angoissante de l’homme du XXe siècle.

Dans un dialogue entre deux personnages de l’un de ses récits, on trouve cette affirmation : « Je crois que vous ne vous occupez pas de la vérité uniquement parce qu’elle est trop difficile » (Racconti, Milan 1990, 38). La recherche de la vérité est pénible parce qu’elle nous oblige à sortir de nous-mêmes, à prendre des risques, à nous poser des questions.

C’est pourquoi, dans la fatigue de l’esprit nous sommes plus séduits par une vie superficielle qui ne pose pas trop de questions ; tout comme nous attire une “foi” facile, légère, confortable qui ne remet jamais rien en question.

D’un autre côté, au contraire, nous avons le rationalisme sans âme dans lequel nous risquons de retomber aujourd’hui, conditionnés par la culture technocratique qui nous conduit à cela.

Lorsque l’on réduit l’homme à la seule matière, lorsque la réalité est coincée dans les limites de ce qui est visible, lorsque la raison est uniquement une raison mathématique, lorsque la raison est seulement “de laboratoire”, alors l’étonnement disparaît – et lorsque manque l’étonnement, on ne peut pas penser ; l’étonnement est le commencement de la philosophie, il est le commencement de la pensée -, disparaît cette émerveillement intérieure qui nous pousse à chercher au-delà, à regarder le ciel, à découvrir dans la vérité cachée qui traite des questions fondamentales :

Pourquoi est-ce que je vis ? Quel est le sens de ma vie ? Quel est le but ultime et la fin ultime de ce voyage ? Romano Guardini se demandait : « Pourquoi l’homme, malgré tous le progrès, est-il si inconnu à lui-même et le devient-il de plus en plus ? Parce qu’il a perdu la clé pour comprendre l’essence de l’homme. La loi de notre vérité dit que l’homme ne peut être reconnu qu’à partir d’en haut, au-dessus de lui, de Dieu, parce qu’il ne tire son existence que de Lui » (Prière et vérité, Brescia 1973, p. 56).

Chers professeurs, contre la fatigue de l’esprit et le rationalisme sans âme, apprenons aussi à prier comme Yabés : “Seigneur, élargis nos frontières !” Demandons à Dieu de bénir notre travail, au service d’une culture capable d’affronter les défis d’aujourd’hui. L’Esprit Saint que nous avons reçu en don nous pousse à chercher, ouvrir les espaces de notre pensée et de notre agir, jusqu’à nous conduire à la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13).

Nous sommes conscients – comme nous l’a dit le Recteur au début – que “nous ne savons pas encore tout”, mais, en même temps, c’est précisément cette limite qui doit toujours vous pousser en avant, vous aider à maintenir allumée la flamme de la recherche et à rester une fenêtre ouverte sur le monde d’aujourd’hui.

Et, à ce propos, je veux vous dire sincèrement : merci ! Merci parce que, en élargissant vos frontières, vous vous faites espace d’accueil pour tous les réfugiés qui sont contraints de fuir leur pays, au milieu de mille insécurités, d’énormes difficultés et de souffrances parfois atroces. Merci ! Nous avons vu tout à l’heure, dans la vidéo, un témoignage très touchant.

Et alors que certains appellent à renforcer les frontières, vous, en tant que communauté universitaire, les frontières vous les avez élargies. Merci ! Vous avez ouvert vos bras pour accueillir ces personnes marquées par la douleur, pour les aider à étudier et à grandir. Merci !

Nous avons besoin de ceci : une culture qui élargisse les frontières, qui ne soit pas “sectaire” – et vous, vous n’êtes pas sectaires. Merci ! – et ne se prétende pas au-dessus des autres, mais qui, au contraire, se mette dans la pâte du monde en y apportant un bon levain qui contribue au bien de l’humanité. Cette tâche, cette “plus grande espérance”, vous est confiée !

Un théologien de ce pays, fils et professeur de cette université, a dit : « Nous sommes le buisson ardent qui permet à Dieu de se manifester » (A. GESCHÉ, Dieu pour penser. Le Christ, Cinisello Balsamo 2003, p. 276). Maintenez allumée la flamme de ce feu ; élargissez les frontières !

Soyez de soucieux, s’il vous plait, avec le souci de la vie, soyez des chercheurs de la vérité et n’éteignez jamais votre passion, pour ne pas tomber dans l’acédie de la pensée, qui est une très mauvaise maladie. Soyez les protagonistes de la création d’une culture de l’inclusion, de la compassion, de l’attention aux plus faibles et aux grands défis du monde dans lequel nous vivons.

Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci !

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Le Pape visite l’œuvre d’entraide de la paroisse de Saint-Gilles
Avant de se rendre à la basilique de Koekelberg ce samedi 28 septembre au matin à Bruxelles pour la rencontre avec les évêques, le Pape François est passé par la paroisse de Saint-Gilles pour y partager le petit-déjeuner avec des personnes démunies et des migrants. Ils ont pu partager avec le Saint-Père leur histoire de vie et un moment de convivialité.

RENCONTRE À LA PAROISSE SAINT-GILLES

SALUTATION DU SAINT-PÈRE

Bruxelles
Samedi 28 septembre 2024

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Merci pour cette invitation au petit déjeuner ! Il est agréable de commencer la journée entre amis, et c’est l’ambiance qui règne à Saint-Gilles.

Je remercie Marie-Françoise, Simon et Francis pour ce qu’ils ont dit, et je suis heureux de voir comment ici l’amour nourrit continuellement la communion et la créativité de chacun : vous avez même élaboré La Biche de saint Gilles, et j’imagine que c’est une très bonne bière ! Dans l’après-midi je vous dis si elle est bonne ou non.

Comme l’a dit Marie-Françoise, « la miséricorde montre le chemin de l’espérance » – très beau ! – , et le fait de se regarder avec amour aide tout le monde – tout le monde ! – à se tourner vers l’avenir avec confiance et à se remettre en route chaque jour. La charité est ainsi faite : elle est un feu qui réchauffe le cœur, et il n’y a pas de femme ou d’homme sur terre qui n’ait besoin de sa chaleur.

C’est vrai, il y a beaucoup de problèmes à affronter – vous le savez bien –, comme nous l’a dit Simon, et parfois on rencontre le rejet et l’incompréhension, comme nous l’a dit Francis, mais la joie et la force qui viennent de l’amour partagé sont plus grandes que toutes les difficultés, et chaque fois que l’on s’engage dans la dynamique de la solidarité et de l’attention réciproque, on se rend compte que l’on reçoit beaucoup plus que ce que l’on donne (cf. Lc 6,38 ; Ac 20,35).

À la fin de notre rencontre, il y aura un don à la paroisse d’une statue de saint Laurent, diacre et martyr des premiers siècles, célèbre aussi pour avoir présenté à ses accusateurs, qui voulaient les trésors de l’Église, les membres les plus fragiles de la Communauté chrétienne à laquelle il appartenait, celle de Rome, la chose la plus importante mais aussi la plus fragile : les pauvres, les nécessiteux.

Ce n’était pas une figure de style. Ni une simple provocation. C’était et c’est la pure vérité : l’Église a sa plus grande richesse dans ses membres les plus faibles, et si nous voulons vraiment connaître et montrer sa beauté, il nous sera bon de tous nous donner les uns aux autres comme cela, dans notre petitesse, dans notre pauvreté, sans prétention et avec beaucoup d’amour. C’est ce que nous a enseigné pour la première fois le Seigneur Jésus, qui s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9).

Chers amis, merci de m’accueillir parmi vous et merci pour le chemin que vous parcourez ensemble. Et merci pour le petit déjeuner ! Je vous bénis tous et je prie pour vous. Et je vous le demande, priez aussi pour moi. Merci !

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L’attente des étudiants de l’Université catholique de Louvain
Dans le cadre de son 46e voyage apostolique, le Souverain pontife rencontre samedi 27 septembre, les étudiants de l’Université catholique de Louvain (UCLouvain). En prélude à ce grand moment, la traditionnelle messe des étudiants du mercredi, a connu une grande participation.

Faire de la formation académique un espace vital
Dans le cadre solennel de la salle des diplômes du siège historique de l’université catholique de Louvain, l’actuelle KU Leuven, le Pape François a rencontré les professeurs de cet établissement parmi les plus prestigieux d’Europe et qui célèbrera l’an prochain son 600e anniversaire. Il les a encouragés à élargir les frontières de la connaissance et à promouvoir une culture qui ne soit pas sectaire mais qui se mette «dans la pâte du monde, y apportant un bon levain.»

Les évêques belges encouragés par la venue du Pape
Le Pape François a rencontré ce 28 septembre les évêques, les prêtres, diacres, séminaristes, personnes consacrées et agents pastoraux de Belgique dans le cadre de son 46e voyage apostolique. Pour l’évêque de Liège, Mgr Jean-Pierre Delville, la visite du Pape est un «événement véritablement enthousiasmant», qui va permettre d’imprimer «un souffle dynamique» à l’Église de Belgique.

« Sans l’Esprit, rien de chrétien n’advient.»
« Marchez ensemble, vous et l’Esprit Saint, pour, ainsi, être Église » a déclaré le Pape François. Dans la basilique du Sacré-Cœur de Koekelberg, le Saint-Père a invité à réfléchir sur trois mots clés : « évangélisation, joie, miséricorde ».

RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES, PRÊTRES, DIACRES, PERSONNES CONSACRÉES, SÉMINARISTES ET AGENTS PASTORAUX

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Basilique du Sacré-Cœur de Koekelberg (Bruxelles)
Samedi 28 septembre 2024

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Je suis heureux d’être parmi vous. Je remercie Mgr Terlinden pour ses paroles et pour nous avoir rappelé la priorité de l’annonce de l’Évangile. Merci à vous tous.

Dans ce carrefour qu’est la Belgique, vous êtes une Église “en mouvement”. En effet, depuis un certain temps, vous essayez de transformer la présence des paroisses sur le territoire, de donner une forte impulsion à la formation des laïcs ; surtout, vous vous efforcez d’être une Communauté proche des gens, qui accompagne les personnes et témoigne par des gestes de miséricorde.

En m’inspirant de vos questions, je voudrais vous proposer quelques pistes de réflexion autour de trois mots : évangélisation, joie, miséricorde.

La première voie à parcourir est l’évangélisation. Les changements de notre époque et la crise de la foi que nous vivons en Occident nous ont poussés à revenir à l’essentiel, c’est-à-dire à l’Évangile, afin que la bonne nouvelle que Jésus a apportée au monde soit à nouveau proclamée à tous, en faisant resplendir toute sa beauté.

La crise – toute crise – est un temps qui nous est offert pour nous secouer, nous interroger et changer. Elle est une occasion précieuse – appelée kairòs dans le langage biblique, une occasion spéciale –, comme ce fut le cas pour Abraham, Moïse et les prophètes. Lorsque nous faisons l’expérience de la désolation, en effet, nous devons toujours nous demander quel message le Seigneur veut nous communiquer.

Et que nous montre la crise ? Nous sommes passés d’un christianisme installé dans un cadre social accueillant à un christianisme “de minorité”, ou plutôt, de témoignage. Cela demande le courage d’une conversion ecclésiale pour initier les transformations pastorales qui touchent aussi les coutumes, les modèles, les langages de la foi, afin qu’ils soient vraiment au service de l’évangélisation (cf. Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 27).

Et je voudrais dire à Helmut : ce courage est aussi demandé aux prêtres. Être des prêtres qui ne se contentent pas de préserver ou de gérer un héritage du passé, mais des pasteurs, des pasteurs amoureux du Christ et attentifs à saisir les questions – souvent implicites – de l’Évangile, en marchant avec le Peuple saint de Dieu. Et nous marchons un peu devant, un peu au milieu et un peu derrière.

Et quand nous apportons l’Évangile – je pense à ce que nous a dit Yaninka – le Seigneur ouvre nos cœurs à la rencontre de ceux qui sont différents de nous. Il est bon, voire nécessaire, qu’il y ait, parmi les jeunes, des rêves et des spiritualités différentes.

Il doit en être ainsi, parce que les parcours personnels ou communautaires qui nous conduisent cependant au même but, à la rencontre avec le Seigneur peuvent être nombreux : dans l’Église il y a de la place pour tous – tous, tous !­– et personne ne doit être la photocopie de l’autre.

L’unité dans l’Église n’est pas uniformité, mais elle consiste à trouver l’harmonie des diversités ! Et je dirais aussi à Arnaud : le processus synodal doit être un retour à l’Évangile ; il ne doit pas avoir parmi les priorités quelque réforme “à la mode”, mais il faut se demander : comment pouvons-nous faire parvenir l’Évangile dans une société qui n’écoute plus ou qui s’est éloignée de la foi ? Posons-nous tous la question.

Deuxième chemin : la joie. Nous ne parlons pas ici des joies liées à quelque chose de momentané, et nous ne pouvons pas suivre les modèles de l’évasion et du divertissement consumériste. Il s’agit d’une joie plus grande, qui accompagne et soutient la vie même dans les moments sombres ou douloureux, et c’est un don qui vient d’en haut, de Dieu.

C’est joie du cœur suscitée par l’Évangile : c’est savoir que nous ne sommes pas seuls sur le chemin et que, même dans les situations de pauvreté, de péché, d’affliction, Dieu est proche, il prend soin de nous et ne permettra pas à la mort d’avoir le dernier mot. Dieu est proche ; proximité.

Bien avant de devenir Pape, Joseph Ratzinger a écrit qu’une règle du discernement est la suivante : « Là où la joie manque, là où l’humour meurt, là il n’y a même pas l’Esprit Saint […] et vice versa : la joie est un signe de la grâce » (Il Dio di Gesù Cristo, Brescia 1978, p. 129). C’est beau.

Et alors je voudrais vous dire : que votre prédication, votre célébration, votre service et votre apostolat laissent transparaître la joie du cœur, car cela suscite des questions et attire même ceux qui sont loin. La joie du cœur : pas ce sourire factice, du moment, la joie du cœur.

Je remercie Sœur Agnès et je lui dis : la joie est le chemin. Quand la fidélité semble difficile, nous devons montrer – comme tu l’as dit, Agnès – qu’elle est un “chemin vers le bonheur”. Et alors, en entrevoyant où mène la route, on est davantage prêt à commencer le chemin.

Et le troisième chemin : la miséricorde. L’Évangile, accueilli et partagé, reçu et donné, nous conduit à la joie parce qu’il nous fait découvrir que Dieu est le Père de la miséricorde qui s’émeut pour nous, qui nous relève de nos chutes, qui ne retire jamais son amour pour nous.

Fixons cela dans notre cœur : jamais Dieu ne retire son amour pour nous. “Mais Père, même lorsque j’ai commis quelque chose de grave ?”. Jamais Dieu ne retire son amour pour toi. Face à l’expérience du mal, cela peut parfois nous sembler “injuste”, parce que nous appliquons simplement la justice terrestre qui dit : “Celui qui fait des erreurs doit payer”.

Cependant la justice de Dieu est supérieure : celui qui s’est trompé est appelé à réparer ses erreurs, mais pour guérir dans son cœur il a besoin de l’amour miséricordieux de Dieu. N’oubliez pas : Dieu pardonne tout, Dieu pardonne toujours. C’est par sa miséricorde que Dieu nous justifie, c’est-à-dire qu’il nous rend justes, parce qu’il nous donne un cœur nouveau, une vie nouvelle.

Je dirais donc à Mia : merci pour le grand travail que vous faites pour transformer la colère et la douleur en aide, en proximité et en compassion. Les abus engendrent des souffrances et des blessures atroces ; elles minent aussi le chemin de la foi.

Et il faut beaucoup de miséricorde afin de ne pas rester le cœur de pierre devant la souffrance des victimes, leur faire sentir notre proximité et offrir toute l’aide possible, pour apprendre d’elles – comme tu l’as dit – à être une Église qui se fait servante de tous sans dominer personne. Oui, parce que l’une des racines de la violence est l’abus de pouvoir, lorsque nous utilisons les rôles que nous avons pour écraser les autres ou pour les manipuler.

Et la miséricorde – je pense au service de Pieter – est un mot-clé pour les détenus. Quand je rentre dans une prison je me demande : pourquoi eux et pas moi ? Jésus nous montre que Dieu ne se tient pas à l’écart de nos blessures et de nos impuretés. Il sait que nous pouvons tous faire des erreurs, mais personne n’est une erreur. Personne n’est perdu pour toujours.

Il est donc juste de suivre toutes les voies de la justice terrestre et les voies humaines, psychologiques et pénales ; mais la peine doit être un remède, elle doit conduire à la guérison. Il faut aider les personnes à se relever et à retrouver leur chemin dans la vie et dans la société.

Une seule fois dans la vie de chacun, il nous est permis de regarder quelqu’un de haut : pour l’aider à se relever. Seulement de cette manière. Souvenons-nous : nous pouvons tous faire des erreurs, mais personne n’est une erreur, personne n’est perdu pour toujours. Miséricorde, toujours, toujours miséricorde.

Sœurs et frères, je vous remercie. Et en vous saluant, je voudrais rappeler une œuvre de Magritte, votre illustre peintre, qui s’intitule “L’acte de foi”. Elle représente une porte fermée de l’intérieur, mais qui est percée au centre, elle est ouverte sur le ciel. C’est une ouverture qui nous invite à aller au-delà, à regarder vers l’avant et vers le haut, à ne jamais nous refermer sur nous-mêmes, jamais sur nous-mêmes.

C’est une image que je vous laisse comme symbole d’une Église qui ne ferme jamais ses portes – s’il vous plait, ne fermez jamais les portes –, qui offre à tous une ouverture sur l’infini, qui sait regarder au-delà. C’est l’Église qui évangélise, vit la joie de l’Évangile, pratique la miséricorde.

Sœurs et frères, marchez ensemble, vous et l’Esprit Saint, ensemble, et pratiquez la miséricorde pour être de cette manière Église. Sans l’Esprit, rien de chrétien n’advient. La Vierge Marie, notre Mère, nous l’enseigne. Qu’elle vous guide et vous garde. Je bénis chacun de tout cœur. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci !

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Écologie, femme, études…. Le Pape avec les étudiants de Louvain

Ce samedi 28 septembre, le Pape François avait rendez-vous avec les étudiants de l’Université catholique de Louvain, à l’occasion des 600 ans de l’Université, créée en 1425. Le Saint-Père est revenu sur le rôle de la femme dans l’Église et a rappelé que celle-ci est au cœur de l’événement salvifique grâce au «oui» de Marie. «Ce sont les relations qui expriment notre être à l’image de Dieu, homme et femme ensemble et non pas séparément!»

 

RENCONTRE AVEC LES ÉTUDIANTS UNIVERSITAIRES  

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Aula Magna de l’Université Catholique de Louvain
Samedi 28 septembre 2024

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Merci, Madame la Rectrice, pour vos aimables paroles. Chers étudiants, je suis heureux de vous rencontrer et d’écouter vos réflexions. Je sens dans ces mots de la passion et de l’espérance, du désir de justice, de la recherche de vérité.

Parmi les questions que vous abordez, j’ai été frappé par celle de l’avenir et de l’angoisse. Nous voyons bien combien le mal qui détruit l’environnement et les peuples est violent et arrogant.

Il semble ne pas connaître de frein. La guerre en est l’expression la plus brutale – vous savez que dans un pays, que je ne nommerai pas, les investissements les plus générateurs de revenus sont aujourd’hui les usines d’armement, c’est mauvais ! – et cela semble ne pas connaître de frein : la guerre est une expression brutale ; comme le sont aussi la corruption et les formes modernes d’esclavage.

La guerre, la corruption et les nouvelles formes d’esclavage. Parfois, ces maux polluent la religion elle-même qui devient un instrument de domination. Faites attention ! Mais c’est un blasphème.

L’union des hommes avec Dieu, qui est Amour salvifique, devient ainsi un esclavage. Même le nom du Père, qui est révélation d’attention, devient une expression d’arrogance. Dieu est Père, pas maître ; il est Fils et Frère, pas dictateur ; il est Esprit d’amour, et pas de domination.

Nous, chrétiens, nous savons que le mal n’a pas le dernier mot – et nous devons être forts à ce sujet : le mal n’a pas le dernier mot – comme on dit, que ses jours sont comptés. Cela n’enlève rien à notre engagement, bien au contraire l’augmente : l’espérance est l’une de nos responsabilités. Une responsabilité à prendre parce que l’espérance ne déçoit jamais, ne déçoit jamais. Cette certitude l’emporte sur la conscience pessimiste, le style de la Turandot… L’espérance ne déçoit jamais

Maintenant, trois mots : gratitude, mission, fidélité.

La première attitude est la gratitude car cette maison nous est donnée : nous n’en sommes pas les maîtres, nous sommes des hôtes et des pèlerins sur la terre. Le premier à en prendre soin est Dieu : nous sommes avant tout pris en charge par Dieu qui a créé la terre – dit Isaïe – “non pas comme un lieu vide, mais pour qu’elle soit habitée” (cf. Is 45, 18).

Et le psaume huitième est plein d’étonnante gratitude : « A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts/ la lune et les étoiles que tu fixas, / qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, / le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? » (Ps 8, 4-5). Merci, ô Père, pour le ciel étoilé et pour la vie dans cet univers !

La seconde attitude est celle de la mission : nous sommes dans le monde pour préserver sa beauté et le cultiver pour le bien de tous, en particulier de la postérité, le prochain dans l’avenir. Voilà le “programme écologique” de l’Église. Mais aucun plan de développement ne pourra réussir si l’arrogance, la violence et la rivalité demeurent dans nos consciences, voire dans notre société. Il faut aller à la source du problème qui est le cœur de l’homme.

Du cœur de l’homme, vient aussi l’urgence dramatique de la question écologique : de l’indifférence arrogante des puissants qui privilégie toujours l’intérêt économique. Intérêt économique : l’argent. Je me souviens d’une chose que ma grand-mère me disait toujours : “Sois prudent dans la vie car le diable entre par les poches”. L’intérêt économique.

Tant qu’il en sera ainsi, tout appel sera réduit au silence ou ne sera entendu que dans la mesure où il convient au marché. Cette “spiritualité”, disons-le ainsi, du marché. Et tant que le marché restera au premier plan, notre maison commune subira l’injustice. La beauté du don exige notre responsabilité : nous sommes des hôtes, pas des despotes. À ce propos, chers étudiants, considérez la culture comme la culture du monde, et pas seulement des idées.

C’est là que réside le défi du développement intégral qui requiert la troisième attitude : la fidélité. Fidélité à Dieu et fidélité à l’homme. Ce développement concerne, en effet, tous les personnes dans tous les aspects de leur vie : physique, moral, culturel, sociopolitique ; et toute forme d’oppression et de rejet s’oppose à cela.

L’Église dénonce ces abus en s’engageant avant tout dans la conversion de chaque membre, de nous-mêmes, à la justice et à la vérité. En ce sens, le développement intégral fait appel à notre sainteté : il est une vocation à une vie juste et heureuse, pour tous.

Etmaintenant, l’option à prendre se situe donc entre manipuler la nature et cultiver la nature. Une option comme celle-ci : soit manipuler la nature, soit cultiver la nature. À commencer par notre nature humaine – pensons à l’eugénisme, aux organismes cybernétiques, à l’intelligence artificielle –. L’option entre manipuler ou cultiver concerne également notre monde intérieur.

Penser à l’écologie humaine nous amène à toucher un thème qui vous tient à cœur, plus encore à moi et à mes prédécesseurs : le rôle de la femme dans l’Église. J’aime ce que tu as dit. Les violences et les injustices pèsent lourd ici, ainsi que les préjugés idéologiques. C’est pourquoi il faut redécouvrir le point de départ : qui est la femme et qui est l’Église ? L’Église est femme,

L’Église est une femme, elle n’est pas “il” Église », elle est “la” Église, elle est l’épouse. L’Église est le peuple de Dieu, pas une entreprise multinationale. La femme, dans le peuple de Dieu, est fille, sœur, mère. Comme moi je suis fils, frère, père.

Ce sont les relations qui expriment notre être à l’image de Dieu, homme et femme ensemble et non pas séparément ! En fait, les femmes et les hommes sont des personnes, et non des individus ; ils sont appelés dès le “commencement” à aimer et à être aimés. Une vocation qui est mission. D’où leur rôle dans la société et dans l’Église (cf. S. Jean-Paul II, Lett. ap. Mulieris dignitatem, n. 1).

Ce qui caractérise la femme, ce qui est féminin, n’est pas déterminé par le consensus ou les idéologies. Et la dignité est garantie par une loi originelle, non pas écrite sur le papier, mais dans la chair. La dignité est un bien inestimable, une qualité originelle qu’aucune loi humaine ne peut donner ou enlever.

À partir de cette dignité, commune et partagée, la culture chrétienne élabore de manière toujours renouvelée, dans différents contextes, la mission et la vie de l’homme et de la femme et leur être mutuel, dans la communion. Non pas l’un contre l’autre, ce qui serait du féminisme ou du maculinisme et non pas dans des revendications opposées, mais l’homme pour la femme et la femme pour l’homme, ensemble.

Rappelons que la femme est au cœur de l’événement salvifique. C’est par le “oui” de Marie que Dieu en personne vient dans le monde. La femme est accueil fécond, soin, dévouement vital. C’est pourquoi la femme est plus importante que l’homme, mais il est mauvais que la femme veuille faire l’homme : non, elle est femme, et c’est “lourd”, c’est important.

Ouvrons les yeux sur les nombreux exemples quotidiens d’amour, de l’amitié au travail, de l’étude à la responsabilité sociale et ecclésiale ; de la vie conjugale à la maternité, à la virginité pour le Royaume de Dieu et pour le service. N’oublions pas, je le répète : l’Église est femme, elle n’est pas homme, elle est femme.

Vous-mêmes êtes ici pour grandir en tant que femmes et en tant qu’hommes. Vous êtes en marche, en formation en tant que personnes. C’est pourquoi votre parcours académique comprend différents domaines : recherche, amitié, service social, responsabilité civile et politique, expressions artistiques…

Je pense à l’expérience que vous vivez chaque jour, dans cette Université Catholique de Louvain, et je partage trois aspects simples et décisifs de la formation : comment étudier ? pourquoi étudier ? et pour qui étudier ?

Comment étudier : il n’y a pas seulement une méthode, comme dans toute science, mais aussi un style. Chacun peut cultiver le sien. En effet, l’étude est toujours un chemin vers la connaissance de soi et des autres. Mais il y a aussi un style commun qui peut être partagé dans la communauté universitaire.

On étudie ensemble : grâce à ceux qui ont étudié avant moi – les professeurs, les camarades plus avancés –, avec ceux qui étudient à mes côtés dans la salle de cours. La culture comme la prise en charge de soi implique une prise en charge mutuelle. Il n’y a pas de guerre entre les étudiants et les professeurs, il y a le dialogue, parfois c’est un dialogue un peu intense, mais il y a le dialogue et le dialogue fait grandir la communauté universitaire.

Deuxièmement, pourquoi étudier. Il y a une raison qui nous pousse et un but qui nous attire. Il faut qu’ils soient bons, car c’est d’eux que dépend le sens de l’étude, dépend la direction de notre vie. Parfois, j’étudie pour trouver tel genre de travail, mais je finis par vivre en fonction de tel autre. Nous devenons une “marchandise”, vivant en fonction du travail.

On ne vit pas pour travailler, mais on travaille pour vivre ; c’est facile à dire, mais il faut s’engager à le mettre en pratique de manière cohérente. Et ce mot cohérence est très important pour tout le monde, mais surtout pour vous les étudiants. Vous devez apprendre cette attitude de cohérence, être cohérent.

Troisièmement, pour qui étudier. Pour soi-même ? Pour rendre compte aux autres ? Nous étudions pour être en mesure d’éduquer et servir les autres, avant tout par le service de la compétence et de l’autorité. Avant de se demander si étudier sert à quelque chose, préoccupons-nous de servir quelqu’un. Une belle question qu’un étudiant peut poser : à qui est-ce que je sers, moi ? Ou bien, ai-je le cœur ouvert pour un autre service ? Le diplôme universitaire atteste alors d’une capacité pour le bien commun. J’étudie pour moi, pour travailler, pour être utile, pour le bien commun. Et cela doit être très équilibré, très équilibré !

Chers étudiants, c’est pour moi une joie de partager ces réflexions avec vous. Et ce faisant, nous percevons qu’il existe une réalité plus grande qui nous éclaire et nous dépasse : la vérité. Qu’est-ce que la vérité ? Pilate avait posé cette question. Sans vérité, notre vie perd son sens. L’étude a un sens lorsqu’elle cherche la vérité, L’étude a du sens lorsqu’elle cherche la vérité, lorsqu’elle essaie de la trouver, mais avec un esprit critique.

Mais la vérité, pour la trouver, a besoin de cette attitude critique, ainsi nous pouvons aller de l’avant. L’étude a du sens quand elle cherche la vérité, ne l’oubliez pas. Et en la cherchant, elle comprend que nous sommes faits pour la trouver. La vérité se laisse trouver : elle est accueillante, elle est disponible, elle est généreuse.

Si nous renonçons à chercher ensemble la vérité, l’étude devient un instrument de pouvoir, de contrôle sur les autres. Et je vous avoue que cela me rend triste quand je trouve, partout dans le monde, des universités uniquement pour préparer les étudiants à gagner ou à avoir du pouvoir. C’est trop individualiste, sans communauté.

L’alma mater est la communauté universitaire, l’université, ce qui nous aide à faire société, à faire fraternité. L’étude, sans (chercher la vérité) ensemble, ne sert à rien, elle ne sert pas, mais domine, mais domine. Au contraire, la vérité nous rend libres (cf. Jn 8, 32). Chers étudiants, voulez-vous la liberté ? Soyez des chercheurs et des témoins de la vérité !

En essayant d’être crédibles et cohérents à travers les choix quotidiens les plus simples. Ainsi, cette Université devient, chaque jour, ce qu’elle veut être, une Université catholique ! Et allez de l’avant, allez de l’avant, et n’entrez pas dans les luttes avec des dichotomies idéologiques, non. N’oubliez pas : l’Église est une femme et cela nous aidera beaucoup.

Je vous remercie de cette rencontre. Merci à toi d’avoir été douée ! Merci ! Je vous bénis de tout cœur, vous et votre chemin de formation. Et je vous demande s’il vous plaît de prier pour moi. Et si quelqu’un ne prie pas ou ne sait pas prier ou ne veut pas prier, qu’il m’envoie au moins de bonnes ondes, qui sont nécessaires ! Merci.


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