La porte de la vie

La porte de la vie

 MARDI (4° semaine de Carême)  Ez 47,1-9.12 Jn 5,1-3a.5-16

L’eau jaillissait en direction de l’Orient (Ez 47,1)

Vitrail - église Saint-Martin de Pouillon
Vitrail – église Saint-Martin de Pouillon

Tout notre vouloir, nous devons le conformer à la volonté divine. En toutes choses et par-dessus tout, nous accueillerons la volonté de Dieu, de sorte qu’en lui ren­dant amour pour amour, nous puissions entrer par l’ou­verture du côté du Christ jusqu’à son cœur.

Là nous uni­rons tout notre amour au sien et, comme le fer chauffé à blanc est uni au feu, ainsi notre amour ne fera plus qu’un avec l’amour divin.

Oui, l’homme doit fonder et orienter tous ses désirs sur Dieu, dans l’amour du Christ ; il doit conformer tout son vouloir à la volonté divine à cause de cette blessure d’amour que Jésus reçut pour l’homme sur la croix, lorsque la flèche d’un amour invincible transperça son cœur plus doux que le miel…

Que l’homme se rappelle donc quel amour infini le Christ nous a montré lorsqu’il laissa ouvrir son côté et nous offrit ainsi un large accès jusqu’à son cœur. Que l’homme s’empresse d’entrer dans le cœur du Christ ; qu’il rassemble tout l’amour dont il est capable pour l’unir à l’amour divin en se souvenant de son exem­ple.

Que l’homme considère aussi la grande charité du Christ faisant jaillir pour nous de son côté les sacrements qui nous permettent d’entrer dans la vie éternelle…

Jésus, toi qui as laissé ouvrir ton côté par la lance et en a fait jaillir du sang et de l’eau, blesse mon cœur avec la lance de la charité afin que je devienne digne de tes sacrements qui se répandirent de ce côté très saint.

En ouvrant ton côté, Seigneur, tu as ouvert à tes élus la porte de la vie. Voilà ta porte, Seigneur : les justes entreront par elle (Ps 117,20). Ne garde pas mémoire, Seigneur, de mes fautes, et ne ferme pas devant moi à cause d’elles l’entrée que tu as ménagée pour les pécheurs qui se repentent…

Lève-toi donc, toi qui aimes le Christ, sois comme la colombe au creux le plus haut du rocher (cf. Ct 2,14). Et là, comme le passereau qui a trouvé son refuge, ne cesse pas de veiller ; comme la tourterelle, abrite tes petits, nés d’un amour si pur (cf. Ps 83,4), et approche ta bouche pour puiser l’eau à la source du Sauveur (cf. Is 12,3).

Car elle est la source qui jaillit au milieu du paradis, celle qui se répand dans les cœurs purs pour féconder et irriguer toute la terre (cf. Gn 2,10). Voilà la porte sur le côté de l’arche (cf. Gn 6,16), par où entrent les vivants pour échapper au déluge.

Recherche donc maintenant ce creux du rocher, cette cavité dans la muraille pour t’y réfugier au jour du grand départ. Tu y trouveras ta nourriture et tu t’y sauveras de la gueule du lion…

Seigneur, puisque ton sang a jailli abondamment pour notre rédemption, ne permets pas qu’à l’heure de ma mort et au jour du jugement je périsse avec les impies. Tu m’as racheté par ton sang : réunis-moi à tes élus ; abrite-moi au creux du rocher et dans la cavité de la muraille ; blesse-moi de ta charité. Car celui qui t’aime vraiment en est blessé jusqu’à ce qu’il te voie.

Ludolphe le Chartreux La Vie du Christ, 2,63. (XIVe siècle) Traduction  Orval.

MOIS DE SAINT JOSEPH – XIIe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – XIIe JOUR

Saint Joseph, instruit du mystère de l’Incarnation

Saint Bernardin de Sienne dit que saint Joseph fut instruit de la conception miraculeuse de Marie, au retour du voyage que cette bienheureuse Vierge avait fait au pays des montagnes, pour visiter sa cousine Élisabeth et pour sanctifier par sa présence le précurseur de son fils. (Sermon sur saint Joseph)

I

Justice de saint Joseph.

Saint Joseph - église Saint Joseph des Épinettes Paris
Saint Joseph – église Saint Joseph des Épinettes Paris

Les Pères de l’Église sont unanimes à attester le trouble qui saisit alors l’âme de saint Joseph. Selon plusieurs d’entre eux, le saint homme ignorait encore le mystère de l’Incarnation ; car Marie gardait humblement le silence sur le don qu’elle avait reçu ; craignant de dévoiler avant l’heure le secret divin. (Saint Bonaventure, Vie du Christ, ch. XIX)

« Et alors, dit l’Évangile, comme Joseph était un homme juste, il résolut de renvoyer Marie secrètement.

« Étrange éloge de celui que la pitié semble inspirer ici plutôt que la justice, s’écrie saint Pierre Chrysologue ; car, si la justice , selon la doctrine de saint Bernard, est la vertu qui rend à chacun ce qui lui appartient, et si Joseph accuse Marie dans son âme, en cherchant à la soustraire aux rigueurs, des lois juives, ne semble-t-il pas, au contraire, violer ce principe de justice auquel l’Évangile le loue d’avoir conformé ses desseins ?

« C’est que l’Évangile entend ici la justice dans le sens où Gerson dit «qu’elle comprend et enclot toute vertu» comme un assemblage et une pondération de vertus en apparence contraires, mais qui se complètent mutuellement.

« Saint Joseph fut appelé juste, dit saint Pierre Chrysologue, parce qu’il possédait toutes les vertus dans leur plénitude ; » et le même Père ajoute : « L’équité sans la bonté est de la rigueur, et la justice séparée de la pitié devient de la cruauté. » (Homélie XLV)

« C’est là, remarque aussi Louis de Grenade, une des garanties et un  des caractères de la véritable justice, d’être unie à la miséricorde, comme l’est la justice  de Dieu. La loi divine mettait le glaive dans ce les mains du saint patriarche.

« Mais tous les avantages étaient en faveur de l’offensé, il renonça pour Dieu aux droits qui lui étaient accordés; et de même qu’il souhaitait que Dieu usât de miséricorde envers lui, plutôt ce que de justice, il en usa de même envers son épouse. » (Méditations sur les mystères)

« D’ailleurs, à un point de vue plus élevé, la justice du chrétien consiste à vivre de la foi, et à renoncer à son propre sens. » (Fléchier, loc. cit.)

« Or, c’est ce que fait ici saint Joseph avec une admirable droiture de cœur : «Ne pouvant se confier à aucun homme, il dit : tout à Dieu, dit saint Pierre Chrysologue, et, ne cherchant à pénétrer les secrets divins que dans la mesure nécessaire pour y correspondre, ce fidèle ministre de la Providence, dégagé de ses passions comme de ses desseins personnels, attend, dans une confiance inébranlable, la lumière promise aux hommes de bonne volonté.

« De cette confiance naissaient en son âme un tel calme et une telle sérénité de conscience, que la mer est moins paisible lorsque les vents se taisent, que le ciel est moins serein lorsque l’aquilon a chassé toutes les nuées, que ne l’était cette âme bénie au milieu d’une si horrible tempête.

« La paix étant le fruit de la justice et la fille de la confiance (Isaïe, XXXII), une paix profonde devait être la conséquence d’une justice sans tache et d’une « confiance illimitée.» (Louis de Grenade, loc. cit.)

II

Humilité de saint Joseph

SAINT BERNARD (1090-1153)

Mais saint Bernard interprète d’une autre manière le dessein qu’avait eu Joseph de se séparer de Marie, et, selon lui, ce n’est pas sa confiance en sa sainte épouse qui était ébranlée, c’était son humilité qui s’était alarmée. (L’opinion de saint Bernard et celle de saint Thomas , de saint Basile, d’Origène et de Gerson.)

« Joseph voulait éloigner Marie de sa demeure, comme Pierre voulait repousser le Sauveur de sa barque, quand il s’écriait: Éloignez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur; comme le centurion lui refusait l’entrée de sa maison, quand il s’écriait : Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison.

« Par le même sentiment, Joseph se croyait un indigne et un pécheur, et se disait intérieurement qu’il ne devait pas conserver plus longtemps la garde d’une créature dont il contemplait avec une sorte d’effroi l’incomparable dignité. Il voyait en tremblant qu’elle portait la trace certaine de la présence divine; et, ne pouvant pénétrer le mystère, il voulait s’en éloigner.

« Pierre tremblait à la vue de la puissance de Jésus-Christ. Le centurion tremblait devant la majesté de sa présence. Joseph aussi trembla devant la nouveauté d’un tel miracle et la profondeur d’un si grand mystère. C’est pourquoi il voulut renvoyer Marie en secret.

« Vous étonnez-vous que Joseph se trouvât indigne de rester devant la sainte Vierge devenue Mère de Dieu, quand vous voyez sainte Élisabeth ne supporter sa présence qu’avec révérence et terreur, et s’écrier : D’où me vient ce bonheur, que la mère de Dieu daigne venir à moi.

« D’après l’opinion de plusieurs Pères de l’Église, Joseph ayant reconnu que Marie avait conçu par l’opération du Saint-Esprit, il la tint en si grande révérence, qu’il n’osa jamais contempler son visage.

« On lit dans l’Exode que les fils d’Israël ne pouvaient regarder Moïse à cause de l’éclat de son visage. Mais si la parole divine entendue par le prophète avait laissé sur lui comme un reflet éblouissant, que dire du rayonnement de la présence divine sur la mère même du Rédempteur? (Albert le Grand, De Laudibus Mariae, c. VII.)

« Voici donc le seul motif qui poussait Joseph à renvoyer Marie; mais pourquoi voulut-il le faire en secret et non publiquement? De peur qu’on ne cherchât la cause de cette séparation et qu’on ne lui en demandât le motif. Qu’est-ce que le juste Joseph aurait répondu au peuple opiniâtre, incroyant et contradicteur?

« S’il avait dit ce qu’il savait, est-ce que des Juifs cruels ‘ et sans foi n’auraient pas voulu le noyer et lapider Marie? Eussent-ils cru à la présence de Celui qui se taisait dans le sein de la Vierge, eux qui refusèrent de l’écouter plus tard, lorsqu’il enseignait dans le Temple?

« Que se seraient-ils permis contre Jésus qui était encore caché à leurs yeux, eux qui portèrent sur lui leurs mains impies, lorsque éclataient ses miracles.

« Le juste Joseph, forcé de mentir ou de diffamer Marie innocente, songeait donc à la renvoyer en secret, et il mérita, dans le doute, d’être éclairé par un oracle ; car il est écrit : « L’Ange du Seigneur lui apparut et lui dit : Joseph, fils de David, ne craignez pas de prendre avec vous Marie, votre épouse; car ce qui est né en elle est du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. » (Saint Bernard, Sermon sur la sainte Vierge.)

III

LOUIS DE GRENADE – SAINT THOMAS – SAINT CHRYSOSTOME

« Combien de mystères sont compris dans ce peu de paroles : le Messie était venu au monde ; les promesses de Dieu, les espérances des saints, toutes les prophéties, toutes les vérités marquées obscurément dans les Écritures étaient accomplies; la terre allait réparer sa perte et recouvrer son salut.

« Que ne devait point ressentir un cœur aussi pur et aussi saint que celui de Joseph au milieu de toutes ces lumières et parmi toutes ces révélations qui lui découvraient de si hauts mystères!

« C’est le propre du Saint-Esprit de mettre dans l’esprit des justes des sentiments pour les mystères proportionnés à la connaissance qu’il leur en donne. Car, étant essentiellement l’amour qui procède du père et du fils, il n’exerce pas moins sa puissance sur la volonté que sur l’entendement.

« Jugez donc quelle pouvait être la volonté de saint Joseph, puisque son entendement avait été éclairé de si grandes lumières.»(Louis de Grenade , Méditation sur la vie de Notre’ Seigneur Jésus-Christ, ch. II.)

« Après cette parole, ce qui avait amené la mort ramène la vie. Nous avons tous été perdus par la désobéissance d’Adam, nous commençons à être relevés jusqu’à notre premier état par l’obéissance de saint Joseph. » (S. Thomas, Chaîne d’or, ch. I et II.)

« II reçoit de nouveau Marie dans sa maison ; ce qui ne veut pas dire, remarque saint Chrysostome, qu’il ait à la ramener dans sa demeure matérielle; mais par le dessein qu’il avait conçu, il l’avait en quelque sorte séparée de son âme, et il l’y reçoit de nouveau comme son épouse fidèle et bien-aimée. » (Saint Chrysostome, Homélie II.)

La nouvelle création

La nouvelle création

(4e semaine de Carême) Is 65,17-21 – Jn 4,43-54

On goûtera la joie et l’allégresse éternelle de ce que je vais créer (Is 65,18)

Bernard Preynet vitrail de la Création 7ème jour Église des Villettes 43
Bernard Preynet vitrail de la Création 7ème jour Église des Villettes 43

Voici venu le règne de la vie et renversé le pouvoir de la mort. Une autre naissance est apparue ainsi qu’une autre vie, me autre manière d’être, une transformation de notre nature elle-même. Cette naissance-là n’est le fait ni du de l’homme ni du désir de la chair, mais de Dieu (Jn 1,13). Comment cela ? Je vais te le montrer le plus clairement possible.

Ce nouveau germe de vie est porté par le sein de la foi ; il est amené à la lumière par la nouvelle naissance du baptême ; sa nourrice, c’est l’Église qui l’allaite par son enseignement ; son aliment, c’est le pain d’en haut ; la maturité de son âge, c’est une conduite parfaite ; son mariage, c’est son union avec la Sagesse ; ses enfants, c’est l’espérance ; sa maison, le Royaume ; son héritage et ses richesses, les délices du paradis ; sa fin, ce n’est pas la mort, mais la vie éternelle dans le bonheur préparé pour les saints…

Voici le jour que le Seigneur a fait (Ps 117,24). Jour bien différent de ceux du commencement, car en ce jour Dieu fait un ciel nouveau et une terre nouvelle, comme dit le prophète (cf. Is 65,17). Quel ciel ? Le firmament de la foi au Christ. Quelle terre ? Le cœur bon, comme dit le Seigneur, la terre qui s’imprègne de la pluie qui descend sur elle, la terre qui fait pousser d’abondantes moissons.

Dans cette création, le soleil, c’est la vie pure ; les astres, ce sont les vertus ; l’air, c’est une conduite limpide ; la mer, c’est la riche profondeur de la sagesse et de la connaissance ; l’herbe et le feuillage, c’est la bonne doctrine et les ensei­gnements divins dont se nourrit le troupeau des pâturages, c’est-à-dire le peuple de Dieu ; les arbres portant du fruit, c’est la pratique des commandements.

En ce jour est créé l’homme véritable, celui qui est fait à l’image et à la res­semblance de Dieu.

N’est-ce pas tout un monde qu’inaugure pour toi ce jour qu’a fait le Seigneur ? En parlant de lui, le prophète Zacharie dit que ce n’est pas un jour comme les autres jours, ni une nuit comme les autres nuits (cf. Za 14,7). Et nous n’avons pas encore parlé du plus grand privilège de ce jour de grâce.

C’est qu’il a détruit les affres de la mort et donné naissance au premier-né d’entre les morts, … lui qui a dit : Je vais vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu (Jn 20,17). Quelle belle et bonne nouvelle ! Celui qui pour nous est devenu comme nous, pour que devenu des nôtres il fasse de nous ses frères, amène sa propre humanité vers le Père véritable afin d’y entraîner avec lui tous ceux de sa race.

(Saint Grégoire de Nysse Premier discours sur la Résurrection : PG 46, 603, 606, 626-627. Traduction Orval)

« ‘Aimer quelqu’un, a écrit Gabriel Marcel, c’est lui dire : tu ne mourras pas.’ En Jésus Christ, voilà ce que nous pouvons dire aux hommes : la mort est vaincue, le Christ est ressuscité, mon frère, tu es vivant — à jamais ! » (Olivier Clément)

 

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